Colossal. C’était le seul mot qui pouvait décrire correctement le Palais de Représentants, autrement appelé le Concil.Dans l’enceinte entre l’Agora et les tours Psy, plusieurs immeubles alloués au service public tranchaient avec le style architectural sobre, si propre à Élysia. Le Concil en faisait partie. Le bâtiment en lui-même était circulaire, de la forme d’un dôme. Le verre prédominait cette fois sur la pierre. Ainsi, le palais était recouvert d’un large revêtement d’écailles hexagonales qui reflétaient les rayons du soleil. Une glycine pourpre s’épanouissait sur le versant principal du Concil pour former l’emblème de la ville, le Phœnix aux ailes déployées, symbole de la renaissance.Porté par deux immenses chênes, le palais ne reposait pas au sol. Il était soutenu, à une dizaine de mètres des dalles pavées, par leurs racines qui s’étaient développées comme en symbiose avec l’édifice.—Des gens sont morts pour que le Parlement trône ici, déclara solenn
Elias se réveilla, la tête dodelinant dans le vide, à quelques dizaines de centimètres au sol. Son buste, douloureux, semblait pris dans un étau. À l’instar de ses souvenirs, sa vision était brumeuse. Une secousse sèche lui remémora brutalement la dernière image entrevue avant de perdre conscience. Un coup d’œil à la longue patte recouverte d’une épaisse chitine noire suffit pour confirmer ses craintes.Pas une araignée…, pria-t-il de toutes ses forces.Il se tortilla pour apercevoir Maya, priant pour qu’ils n’aient pas été séparés. Elle le regardait, muette, ses grands yeux noirs fixés sur lui. Elle semblait presque heureuse de le voir éveillé. La situation devait être grave.Du sang séché s’étalait sur sa joue. Elle aussi était prise au piège, tenue fermement, par deux pattes noires. Elias aperçut enfin la bête dans son intégralité. Longue de presque cinq mètres, revêtue d’une armure sombre et luisante. Deux paires de membres articulées – fins, mais robustes – av
Une secousse me tira de mes pensées. La voiture s’était posée. Autour de moi, à perte de vue, s’étalaient des champs de blé. Il devait y avoir des dizaines d’hectares, au bas mot. Les jeunes pousses vertes m’arrivaient à peine au mollet, en ce début de printemps. Enfin, j’estimais leur taille à cette hauteur. Car, précision importante, les pousses étaient à dix mètres au-dessus de moi.L’autosuffisance agricole pour une ville de cent mille personnes révolues aurait été impossible avant le Cataclysme. Le problème avait trouvé une ébauche de solution quand Élysia avait commencé à maîtriser les champs gravitationnels. Les cultures n’étaient plus restreintes à des portions de terres limitées. En face de moi, un immense complexe agricole me surplombait de sa hauteur. J’entendis Lyna grogner dans mon dos.—Saleté de boue! Des chaussures toutes neuves!Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel. Qui met les pieds dans un champ avec des talons de dix
—Bienvenue à l’Unisson!Les mots, prononcés d’une voix grave frappèrent Elias de plein fouet. Il baissa les yeux sur l’homme qui venait de parler. Grand et athlétique, il devait avoir la quarantaine avancée. Du moins, c’était ce qu’il supposait tant sa barbe et ses cheveux taillés court étaient clairsemés de gris. Son visage, buriné par de longues heures d’exposition au soleil, gardait une vitalité propre à un plus jeune âge. Il émanait un sentiment de puissance de cet homme, dans son allure, sa démarche fluide et vigoureuse. Ses yeux d’un gris orage, à l’instar de sa chevelure, étaient entourés de petites pattes d’oies. Il jeta un regard à Elias si perçant qu’il se sentit nu. Il avait l’impression que cet homme pouvait lire jusqu’aux tréfonds de son âme. Mais un éclat de bienveillance brillait dans ses yeux cendrés et si son expression demeurait quelque peu monolithique, Elias décernait une certaine aménité.Le visage de Maya s’éclaira quand elle s’adressa à
Au vingtième siècle, le docteur Kübler-Gross énonça qu’un sujet ayant vécu un deuil passait en moyenne par cinq étapes. Chaque individu les vivait selon ses susceptibilités et son vécu personnel dans un ordre qui lui était propre. Voire seulement en ne passant que par trois ou quatre de ces étapes. Ou encore aucune. Mais la plupart en avaient besoin. Pour s’y raccrocher. Grâce à elles, au travers d’elles, même si tout leur semblait vain, même si ces émotions étaient loin de la joie et du bonheur perdu, elles lui permettaient de ressentir, de mettre un mot sur leur perte, et au terme, lors de l’ultime étape, d’aller de l’avant.ΩElio se lia très vite d’affection pour Elias. Le jeune garçon, très chaleureux, avait été un véritable baume au cœur pour son aîné qui avait une tendance à la mélancolie, son espoir de revoir Tom prochainement envolé.L’Unisson était un tout autre monde, bien différent du petit microcosme dans lequel il avait vécu enfermé pe
Si sa première semaine fut teintée d’amertume, les six mois qui suivirent furent parmi les plus heureux et épanouissants de sa vie. Les plus épuisants, aussi. Prenant part aux tâches quotidiennes qui faisaient vivre l’Unisson, il passait ses journées à travailler. Il était tellement fatigué les premiers soirs, qu’il tombait sur son lit à peine le repas terminé et sombrait immédiatement dans un profond sommeil sans rêves. Puisqu’il était question de repas, il mangeait comme trois. Il était surpris de la quantité de nourriture qu’il était désormais capable d’ingurgiter. Pire, quand il se voyait se servir, il se rappelait lui-même se moquant de Tom qui faisait ainsi. Un sujet qui avait beaucoup fait rire Chloé et Elio. « C’est le plein air », rétorquait-il tout le temps, même lorsqu’il passait la journée enfermé. Mais son efficacité, sa polyvalence et sa sympathie lui valaient de régulièrement choisir son affectation.Un soir à table, Chloé avait malicieusement abordé le sujet de c
Elias tombe. Le vent gifle son visage, ses cheveux lui volent dans les yeux. La chute continue, interminable. Encore et encore. Cette fois, il est conscient d’avoir déjà vécu ce moment. Toujours envahi par l’obscurité, des ombres lumineuses flottent devant au-dessus de lui. Des lambeaux de ténèbres prenant subitement feu. Il tente de les saisir, mais elles esquivent son toucher. Puis finissent par se poser sur lui. La douce félicité qui s’empare de lui ne dure qu’un instant. Son corps s’enflamme et il continue de chuter, embrasé, dans une traînée de fumée noire. *Elias se réveilla, encore une fois en sursaut, frappant ses membres de toute part pour éteindre le feu, l’adrénaline effaçant toute léthargie résiduelle. Il soupira quand il ne vit aucune trace sur son corps de la morsure ardente qui l’étreignait. Il se laissa retomber dans son lit. Pourtant, il était incapable de se rendormir. Son instinct lui criait que quelque chose n’allait pas. Une d
J’ai toujours vécu selon les règles. Peut-être, à la rigueur, effleuré quelques limites, mais je conservais l’intime conviction que c’était par la Loi que la société subsistait. Aujourd’hui, ma vision était plus claire. L’Optimus avait été mon premier indice, et le chemin que j’avais emprunté au long de ces six derniers mois avait été suffisamment tortueux pour me permettre d’arriver à la conclusion qui s’imposait.Ironique qu’elle me saute au visage alors que je me vidais de mon sang dans un sous-terrain miteux, ma vision floue, mon cœur battant à toute allure pour continuer d’envoyer ce qu’il en restait à mon cerveau. Les gens normaux fabulent volontiers sur les grands moments de leur existence. Moi ? Je l’ai fait aussi. Ce n’est pas une vie si l’on n’a pas d’objectifs. Mais j’ai encore plus souvent imaginé l’instant où je quitterai ce monde. La mort en elle-même n’était pas importante et ne m’effrayait pas. Évidemment, n’importe quel quidam se voit partir en apothéose, dans u