Elias tombe. Le vent gifle son visage, ses cheveux lui volent dans les yeux. La chute continue, interminable. Encore et encore. Cette fois, il est conscient d’avoir déjà vécu ce moment. Toujours envahi par l’obscurité, des ombres lumineuses flottent devant au-dessus de lui. Des lambeaux de ténèbres prenant subitement feu. Il tente de les saisir, mais elles esquivent son toucher. Puis finissent par se poser sur lui. La douce félicité qui s’empare de lui ne dure qu’un instant. Son corps s’enflamme et il continue de chuter, embrasé, dans une traînée de fumée noire. *Elias se réveilla, encore une fois en sursaut, frappant ses membres de toute part pour éteindre le feu, l’adrénaline effaçant toute léthargie résiduelle. Il soupira quand il ne vit aucune trace sur son corps de la morsure ardente qui l’étreignait. Il se laissa retomber dans son lit. Pourtant, il était incapable de se rendormir. Son instinct lui criait que quelque chose n’allait pas. Une d
J’ai toujours vécu selon les règles. Peut-être, à la rigueur, effleuré quelques limites, mais je conservais l’intime conviction que c’était par la Loi que la société subsistait. Aujourd’hui, ma vision était plus claire. L’Optimus avait été mon premier indice, et le chemin que j’avais emprunté au long de ces six derniers mois avait été suffisamment tortueux pour me permettre d’arriver à la conclusion qui s’imposait.Ironique qu’elle me saute au visage alors que je me vidais de mon sang dans un sous-terrain miteux, ma vision floue, mon cœur battant à toute allure pour continuer d’envoyer ce qu’il en restait à mon cerveau. Les gens normaux fabulent volontiers sur les grands moments de leur existence. Moi ? Je l’ai fait aussi. Ce n’est pas une vie si l’on n’a pas d’objectifs. Mais j’ai encore plus souvent imaginé l’instant où je quitterai ce monde. La mort en elle-même n’était pas importante et ne m’effrayait pas. Évidemment, n’importe quel quidam se voit partir en apothéose, dans u
Alistair Syn. Le nom lui-même m’était inconnu. Et, plus étonnant, inconnu de la base de données d’ORGANA. Je foulais les dalles de marbre menant à la Bibliothèque, sûrement ma dernière chance d’acquérir ces informations. Premier dilemme qui s’offrit à moi, les livres étaient rangés par thème. Si ORGANA ne me permettait pas de retrouver l’ouvrage que je recherchais, je devrais passer par un moyen plus conventionnel. Presque honteux. Demander de l’aide. Ça me peinait, mais c’était ça ou fouiller pendant des heures, voire des jours. Je me dirigeai donc vers une Lambda avachie sur son bureau et la sollicitai. Après quelques instants, elle me dit:—Désolé, m’sieur, il n’y a aucune occurrence.Elle se foutait de moi ou quoi ? Si Lyna m’avait indiqué ce livre, c’est que je pouvais le trouver. Ses derniers mots avant de quitter mon appartement me revinrent en tête.—Et pour Magnus Pyers ? lui demandai-je, ma patience s’étiolant.Elle tapota sur son
Les portes se refermèrent sur moi, scellant l’entrée. Ironiquement, ce n’est qu’à ce moment que je m’interrogeai sur les moyens à ma disposition pour ressortir. Des lampes artificielles éclairaient les murs nus du tunnel où je me trouvais. Une pente douce m’amenait plus proche du centre de la Terre à chaque pas. Des sons étranges se réverbéraient, à l’infini.Arrivé à un tournant, deux choix se présentaient à moi. L’un était au centre, le plus large et celui d’où semblaient provenir des cris. L’autre, plus petit et sinueux, s’enfonçait plus à gauche dans les ténèbres. J’allais m’engager dans le premier, mais j’entendis deux voix devenir de plus en plus distinctes, s’avançant dans ma direction.Après quelques minutes dans le noir, mon impatience grandissait et me pressait à faire fi des risques et d’emprunter le chemin central. Sur le point de faire demi-tour, j’entendis un grincement métallique. Deux pas de plus et mes yeux distinguèrent ce qui semblait être une cellule.
Ma montre me tira de mon sommeil. La bouche pâteuse, l’humidité de la grotte rendant ma peau moite, j’avais du mal à émerger. C’était Lyna. Je décrochai à contrecœur.—Caine ? Bordel, qu’est-ce que tu fous depuis deux jours ? Tout le canton de l’Authority s’agite. On prononce ton nom à voix basse. Et Héléna qui débarque dans mon bureau pour me faire cracher ta position !Elle débita sa litanie dans un seul souffle. Ça devait lui peser.—Tiens ? Les deux femmes de ma vie s’inquiètent pour moi ? répondis-je sarcastiquement pour détendre l’atmosphère.—Fais pas le con, c’est pas le moment. Crois-moi je suis à deux doigts de perdre mon sang-froid.—Légendaire, pourtant !—…—Désolé, Lyna…—Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse de tes excuses ?—Profite, déjà ! Ce n’est pas si souvent que j’en fais.—T’as la capacité de remuer la merde comme personne, toi ! Ce sont des sujets
Le bruit était assourdissant. Des clameurs montaient des gradins tout autour de moi. Mes yeux peinaient à retrouver la vue dans la pénombre. Malgré mes efforts, je m’étais assoupi. La fatigue des derniers jours, renforcée par la douleur et la perte de sang avaient eu raison de moi. Autour de moi, la foule scandait « Holon » en chœur. Putains de fanatiques…À mes côtés, Aurora souriait, extatique. Ses yeux bleus avaient perdu leur beauté, remplacée par la folie.Elle jetait un regard au public, une cinquantaine de personnes, recouvertes de robes noires closes uniquement par un fermoir d’argent.Une attache représentant le même signe que celui qui rougeoyait derrière moi. Une flamme gardée par trois lances et transpercée d’une épée. Une ressemblance frappante avec ce Gorski, qui semblait me poursuivre. Jusqu’à mon torse, peint par ces tarés à l’aide de mon propre sang.L’arène était prête pour le sacrifice.—C’est un grand honneur, me souffla sens
—Mets ta main comme ceci.Maya posa ses longs doigts sur ceux d’Elias pour les placer dans la bonne position.—Doucement. Pas besoin de faire de grandes envolées. Reste proche des touches.Elle lui donnait des leçons de musique depuis plusieurs semaines, désormais. Il avait passé des heures, dans ce salon de la tour ouest du château qu’ils affectionnaient particulièrement, à l’écouter jouer en lisant un bon livre, installé dans les fauteuils moelleux. C’était de ces moments de quiétude qu’Elias tenait sa passion pour le piano. Il frémit au contact de Maya. Leurs regards se croisèrent et elle lâcha sa main précipitamment. Elle toussota, le rose montant à ses joues.—Voilà, comme ça, très bien!*—Elias, tu dors ?La voix rauque de Barthélemy le ramena à la réalité. Le dur contact avec le sol finit de le sortir de sa rêverie. Armé de son épée d’entraînement, Barthélemy venait de le renverser en
—Elias!La jeune fille qui se jeta dans les bras d’Elias était méconnaissable. Ses grosses lunettes de métallurgie dont elle ne pouvait se passer avaient disparu. Ses cheveux d’habitude en désordre étaient bien coiffés. Ses cernes aussi s’étaient complètement envolés. On aurait même dit qu’elle portait du maquillage.—Tu as l’air en forme! s’écria-t-il en lui rendant son étreinte. Tu m’as manqué, c’est beaucoup plus calme à l’Unisson sans le bordel qui s’échappe de ton laboratoire!Un grand sourire illumina le visage de Chloé.—Crois-moi, avec tout ce que j’ai découvert à Élysia ce mois-ci, le calme ne va pas durer longtemps!Elle embrassa Maya et salua ensuite Obsidian, lequel entra directement dans le vif du sujet:—Pas de Prodiges alors ?—Non! Rien n’a activé leur radar.—Est-ce que les gardes ont changé autour de la porte ? Et le nouveau modèle de montre