Quelque part dans Menel Ara, une jeune femme lève les yeux vers la Haute-Ville. Elle a vu les images de l’exécution publique, la veille. Elle a vu le visage irrité de Youri Komniev. Elle a vu aussi la tentative d’assassinat dont lui et les autres chefs de Grandes Familles ont fait l’objet.A côté d’elle, deux hommes discutent. Ils soutiennent les Martyrs et ont le sourire. C’est rare. Un peu plus loin, un groupe vêtu de robes vert et blanc se presse vers le Grand Ascenseur. Ce sont des Putras, et ils ont l’air inquiets. C’est perturbant.Prise d’un frisson, la jeune femme relève son col et reprend son chemin. Une tempête couve…
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Né dans les années 80, Vincent Dionisio s’adonne dès la jeunesse à l’écriture de nouvelles. L’âge avançant, il se diversifie avec des scénarios, des pièces de théâtre et, inévitablement, des romans, jonglant avec les supports suivant l’inspiration du moment.
Passionné de cinéma de longue date, de chefs d’œuvres prétentieux comme de navets à 150 millions, il ambitionne, un jour, d’écrire, de réaliser et de jouer dans une saga d’anticipation définitive. Une fois rattrapé par la réalité, il se remet au boulot et se contente de raconter des histoires. Parce que c’est ce qu’il préfère, finalement.
Prologue
Ce soir-là, Gaël ne rejoignit pas David dans le hangar 2-D. Il n’avait pas la tête à jouer aux cartes ou au Propela, ce curieux jouet à hélices tant prisé par les Martyrs. Non, Gaël avait l’esprit occupé à une tâche bien plus importante. Jamais il n’aurait cru être aussi séduit par l’idéologie prônée par F et ses semblables. Mais après des années à les mépriser et les haïr, le voilà qui travaillait à un plan pour faire triompher leur cause. La mort de son père était passée par là. Celle de Lili aussi. Et toute la colère qu’il avait accumulée avait trouvé un point de concentration : Victor, son frère, meurtrier de sa sœur, membre de la Chambre des Familles, qui n’avait pas été inquiété une seule seconde pour son crime.
Gaël leva la tête, distrait par des cris émanant de l’arène de combat. Décidément, la violence ne s’arrêtait jamais.Ce soir-là, Suryena ne sortit pas de ses quartiers. Il était soucieux. Jamais depuis la fondation des Putras il n’avait été témoin d’une telle initiative d’un de ses lieutenants. Il entendait être obéi et, depuis des années, cela avait été le cas. Jusqu’à l’exécution d’Alpha, le fils de Delta. Oui Suryena était inquiet, car il avait sous-estimé l’influence que celui-ci exerçait sur le Grand Temple. Lui-même avait passé trop de temps à s’occuper de politique et avait négligé ses troupes. Et voilà qu’il s’était trouvé dépassé dans son propre ordre, par celui qu’il venait de nommer numéro 2. Jusqu’à, comble de l’humiliation, devoir mener une guerre qu’il n’avait pas déclarée. Il lui fallait reprendre la main et cela passait par une réaffirmation de son statut auprès de son lieutenant.Suryena regarda par la fenêtre et vit le ciel se couvrir. Pour une fois, il se refusa à y voir un signe.Ce soir-là, Maria ne trouva pas le sommeil. La journaliste avait oscillé entre excitation et inquiétude depuis le début de son infiltration des Putras. D’une certaine manière, elle avait déjà largement rempli son objectif et il ne lui restait plus qu’à rapporter à La Vigie l’étendue de ses découvertes sur la mystérieuse secte. Et puis il y avait eu cette révélation : les Putras étaient convaincus que Gaël était leur prophète. Elle ne savait pas s’il fallait voir là-dedans une espèce de grande blague cosmique, ni même si son meilleur ami était en danger, mais elle ne pouvait décemment pas quitter le temple sans en avoir le cœur net.Maria regarda ses mains et constata qu’elles ne tremblaient pas. Elle devait bien reconnaître que révélation ou pas, elle n’avait plus envie de rentrer chez elle.Ce soir-là, Victor s’accorda une cigarette dans son jardin, qu’il accompagna d’un verre de brandy. La chose était rarissime, mais les évènements appelaient à la célébration. Lui, l’enfant de la Basse-Ville, devenu par la grâce de son mariage membre de la Chambre des Familles, se trouvait en position de révolutionner le paysage politique de Menel Ara. Tout s’était passé exactement comme prévu, et même un peu mieux, par la grâce des Putras. Ah qu’il était stimulant de voir un plan parfaitement conçu suivre son cours. Et s’il était encore loin d’avoir atteint un objectif un tant soit peu satisfaisant, il ne pouvait s’empêcher de se féliciter de sa propre ingéniosité.Victor tourna la tête et posa le regard vers l’immense bâtisse voisine de la sienne, la Villa Luzzi. Et il y vit le futur. Son futur.Ce soir-là, F se sentit inspiré. Il accorda sa guitare et débuta une nouvelle composition. Les choses avançaient dans le bon sens, et il n’avait pas toujours pu en dire autant. Depuis qu’il avait pris la tête des Martyrs, il s’était confronté à des batailles idéologiques, des attentats stériles, des périodes de doutes, des luttes internes… Sans jamais véritablement parvenir à faire trembler cet ordre des choses, cette monstrueuse Haute-Ville et ses non moins monstrueuses Sept Familles. Mais tout ceci était peut-être enfin sur le point de changer. Il avait un atout dans sa manche et il entendait bien le faire fructifier.F leva la tête vers Menel Ara, puis reposa les yeux sur sa guitare et laissa ses doigts se promener sur le manche. Il avait une partition à jouer.Ce soir-là, Youri Komniev quitta son bureau de chef de la Chambre des Familles particulièrement tard. Il craignait sa réaction s’il venait à croiser le moindre opposant. Son caractère éruptif ne lui jouait plus autant de tours que dans sa jeunesse, mais lorsque la contrariété atteignait un certain niveau, il se sentait toujours capable de perdre le contrôle. Ainsi, on avait voulu l’assassiner ! Ainsi, on lui avait déclaré, non pas une, mais deux guerres ! À lui, le maître incontesté de Menel Ara depuis des décennies ? Très bien, il saurait montrer à ses ennemis qu’on ne le défiait pas impunément. La Chambre était remplie d’anciens opposants repentis ayant fait la même erreur.Komniev quitta finalement le Grand Palais, et en descendant les marches de l’entrée, écrasa un insecte. Il posa le regard sur la carcasse broyée puis dans un sourire, le baptisa « Victor ».Tout ceci appartenait au passé, comme le reste. Moussa regardait par la fenêtre de son appartement. Il n’avait pas revu Ibn Bassir depuis ce jour, mais son œuvre était disponible. Les balivernes qui circulaient auparavant avaient majoritairement cessé, bien qu’il se trouva toujours un imbécile ou deux pour remettre en cause la légitimité de l’auteur sur le thème «il ne sait pas ce qu’il dit, j’y étais, moi…».Beaucoup de temps avait passé depuis la fin de la guerre et la première campagne électorale depuis plus d’un demi-siècle avait même commencé. Il s’agissait d’élire une centaine de députés, lesquels seraient ensuite chargés de doter Menel Ara d’un président. Jusque-là, l’opinion semblait appeler de ses vœux Catherine Saulte. Le récit d’Ibn Bassir en disait un peu plus sur la jeune femme qui avait quitté volontairement la Haute-Ville pour rejoindre le combat de la résistance. Son élection comme députée ne faisait aucun doute et, selon toute vraisemblance,
La douceur était revenue en même temps que le calme. Certains y voyaient une sorte de signe, un acte métaphysique quelconque. Mais Moussa demeurait imperméable à ce genre de balivernes. La guerre était finie depuis plus de deux mois et il se contentait de s’en réjouir. Un jour, il était dans l’ancienne Zone sécurisée et écoutait Victor promettre victoire et justice à ses partisans. Et le lendemain, plus personne ne parla d’affrontement et l’accès à la Haute-Ville devint libre à tous. Voilà, aussi simplement que cela, Menel Ara avait cessé de se battre. Et Moussa voulut savoir pourquoi. Ses finances commençaient à battre de l’aile en raison de sa longue inactivité professionnelle, mais il voulait plus que tout lever le voile sur ce mystère. Et comme le temps était tout ce qui lui restait…Bien sûr, tout d’abord, il chercha Victor. Mais il se heurta une fois de plus aux libertés que chacun prenait avec la vérité. Successivement, l’ancien leader de la résistance avait été tué par S
Énième ironie du sort, la salle où Victor fut enfermé en compagnie d’Ibn Bassir était celle-là même où il avait été jugé et condamné par les chefs des Sept Familles.La volonté de Gaël était sans doute de ne pas les mettre en prison. Mais ils avaient interdiction de sortir de la pièce et un garde y veillait. Autant dire que, si le confort était toujours meilleur que dans les geôles du Grand Palais, le doute n’était pas permis quant à la réalité de leur condition.Les deux prisonniers n’échangèrent que des regards, lourds de sens, traduisant une incrédulité qui restait hautement suspendue. Sans doute la présence du garde y était-elle pour beaucoup, mais les deux hommes ne trouvèrent pas de choses à se dire, tant il y en avait.Un long moment passa ainsi, durant lequel chacun s’ennuya ferme. Si Gaël n’avait manifestement pas l’intention d’humilier ses visiteurs, il les faisait patienter avant «d’en finir», comme il l’avait lui-même dit.Ce fut donc
Victor claqua la porte de la pièce où se trouvaient déjà Catherine, Ibn Bassir et deux de ses lieutenants les plus influents. À en juger par l’humeur du chef, l’heure était grave.—Deux jours, putain! pesta-t-il. Ça fait deux jours que je les balade.Il constata avec amertume que bien peu de ses compagnons semblaient concernés par la situation.—Quelqu’un a une idée? poursuivit-il. Quelqu’un en a quelque chose à foutre? Non parce que si vous considérez que prendre la Zone sécurisée nous permet de couler des jours heureux et arrêter la lutte, dites-le tout de suite!La bonne humeur ambiante cessa sur-le-champ. Ibn Bassir ouvrit son petit cahier et nota quelques lignes. Catherine, elle, avait adopté la physionomie qui était la sienne depuis qu’elle avait vu les cadavres des Martyrs dans l’ascenseur. Quelque chose s’était révélé à elle, quelque chose comme la cruauté du monde et les conséquences des décisions prises dans les
Par dizaines, il les avait vus partir. Désœuvrés, victimes collatérales du conflit. Le commerce avait été rapidement touché par le départ des familles de la Haute-Ville. Et les pêcheurs qui exerçaient encore leur travail se trouvèrent sans commande.Moussa, comme à son habitude, avait suivi les évènements sans y prendre part. Lui-même ne pêchait plus depuis longtemps. C’était volontaire et cela lui manquait toujours terriblement. Encore ce paradoxe…Du côté des docks, la guerre civile qui frappait Menel Ara était montée comme une rumeur. Certains étaient venus, racontant que des milliers de Bas-Menelarites s’étaient rassemblés pour combattre à la fois les Martyrs et le pouvoir des Familles. Moussa, comme beaucoup, ne crut pas à cette histoire dans un premier temps. Mais le bruit des coups de feu ne put être ignoré plus longtemps et très vite, ce que n’importe quelle projection d’actualités sur Hi-Nan aurait relayé devint une vérité connue de tous. La Zone sécurisée avait
Catherine mit de longues minutes à se remettre de la forte nausée. Bien sûr, lorsque l’on a grandi dans le faste d’une riche famille menelarite, que l’on a épousé un héritier Phillips et que l’on a siégé à la Chambre des Familles, rien ne prépare réellement à voir des corps dissous et liquéfiés. Cependant, Catherine croyait dur comme fer qu’elle ne devait sa légitimité qu’à sa proximité avec Victor. Or elle tenait à gagner une véritable crédibilité auprès des troupes, à s’émanciper de cette image de parvenue, de traître, voire d’opportuniste. Elle savait, en son for intérieur, qu’elle avait un véritable rôle à jouer. Son assiduité aux séances de la Chambre et sa volonté naïve de plaire à sa belle-famille l’avaient poussée à réfléchir constamment à de nouvelles idées politiques. Et ce travail, conjugué aux erreurs qu’elle avait pu commettre, l’avait convaincue de deux faits selon elle indiscutables: elle disposait d’une capacité politique nettement au-dessus de la moyenne et la po
Depuis la prise de la Zone sécurisée, le conflit entre les Martyrs et les partisans de Victor Dubuisson a repris. Comme s’il fallait absolument que chacun retrouve un ennemi. Une malédiction devenue un besoin.Ce sont les Martyrs, qui les premiers, ont acté la fin de la trêve. Alors que leurs adversaires sécurisaient l’entrée située au niveau du Pilier n° 5, ils ont subi une attaque furtive qui laissa quatre hommes sur le carreau. Victor Dubuisson ne sembla pas plus contrarié. Il disait constamment que la mort faisait partie de la guerre et qu’il avait un plan. De fait, on ne pouvait réellement lui donner tort. Il laissa passer une journée après que les Martyrs aient vaincu les forces de sécurité. Puis il ordonna à un de ses lieutenants les plus compétents de composer une petite armée et d’attaquer les terroristes à l’est. Le but était, in fine, de prendre le Mur, de le garder et d’enfermer les Martyrs dans la Zone sécurisée. C’était une mission extrêmement importante et Victor
Il laissa l’Hi-Nan sonner. C’était sa femme. Encore. Et il ne répondit pas. Encore.Après deux jours d’hésitation, Youri Komniev avait cédé et évacué sa famille par hélicoptère. Désormais, toutes les Grandes Familles étaient parties. Il en demeurait le dernier représentant. D’une manière générale, la Haute-Ville était quasiment vide. À l’ouest, seule la prison abritait encore des êtres humains. Et à l’est, environ 120 officiers de sécurité protégeaient le Grand Palais et les Putras se dirigeaient droit sur eux. Quelle ironie!Depuis qu’il siégeait à la Chambre, c’est-à-dire depuis des dizaines d’années, la sécurité avait été de très loin le sujet le plus abordé, le plus discuté et le plus réformé. Au fil de ces séances enflammées, un nombre incalculable de textes avaient été votés. Le tout rendant la Haute-Ville totalement imprenable. Une invasion par les airs aurait été réduite à néant par des canons spécifiques hors de prix qui n’avaient jamais servi. Des systèmes
Une fois encore, Victor Dubuisson buvait un café, fumait une cigarette et contemplait sa carte. Il aimait cela, regarder cette carte. Non qu’elle lui donne des indications précises sur la marche à suivre, mais il se passionnait pour la géographie de sa cité. De plus, cela lui permettait de passer le temps en attendant que son plan parfaitement huilé soit mené à bien.À ses côtés, Mustapha relisait encore ses notes. La passion de cet homme pour son époque avait quelque chose de touchant. Trop peu de gens savent se satisfaire de vivre dans leur temps. Ibn Bassir, lui, n’aurait échangé contre rien au monde son année de naissance. Et, en effet, malgré tous ses défauts, le Menel Ara de 2079 était absolument fascinant. Victor aimait en être un acteur. Mustapha, lui, préférait son rôle de témoin.Les deux hommes vaquaient à leurs occupations respectives en silence lorsque Pom arriva en courant. Victor se redressa immédiatement sur son siège.—Alors? demanda-t-
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