Share

3

last update Last Updated: 2021-06-29 15:20:39
Battre le fer tant qu’il est chaud. Voilà ce que s’apprêtait à faire Victor Dubuisson, lui qui voyait les pièces de son ingénieux puzzle se mettre en place.

Il aurait voulu attendre un peu avant de passer directement à l’action, mais la polémique qu’il avait lancée sur le manque d’efficacité de Komniev en matière de sécurité avait dépassé toutes ses attentes. Chaque dîner en ville, chaque discussion privée mentionnait la prétendue incompétence du chef de la Chambre. Même le vieux Luzzi lui avait demandé ce qu’il en pensait, ne cachant pas une certaine exaspération à ce sujet. Komniev était décrédibilisé, la première phase du plan de Victor était un succès inespéré.

Mais désormais, il fallait penser plus grand, plus large, plus ambitieux. Et cela commencerait à la Chambre. Il y avait une session plénière l’après-midi même, et elle marquerait l’Histoire de Menel Ara, assurément. Victor se faisait fort de rester dans les mémoires à la faveur de ce coup d’éclat.

Pour l’occasion, il se permit un léger accès de coquetterie en revêtant son plus beau costume. Flora le lui avait offert pour leur premier anniversaire de mariage. Cette belle écervelée pouvait être une plaie à ses heures, mais il avait bien œuvré pour l’obtenir. Et tant qu’elle était à ses côtés, il ne risquait rien.

En le voyant sortir de la chambre ainsi vêtu, son exquise épouse sentit les larmes monter. Elle se jeta dans ses bras et resta blottie contre lui, à respirer simplement son odeur, pendant un instant qui lui parut une éternité. Elle aimait tellement son époux, son éloquence, son allure, son rire. Elle ne pourrait plus jamais vivre sans lui. Tout juste rêvait-elle de jours où il serait moins occupé, où il aurait plus de temps pour elle. Elle l’embrassa sur la joue et le lâcha. Lui continua son chemin sans un mot. Elle le connaissait et s’était habituée à son attitude. Mais elle ne lui en voulait pas. Jamais. Tant qu’il était à ses côtés, elle ne craignait rien.

Victor se sentait d’humeur conquérante et était impatient. Cela ne faisait pas partie de son caractère, d’ordinaire, mais c’était plus fort que lui : il était optimiste. Tout se déroulait comme il le souhaitait, et même un peu mieux, alors il se payait le luxe de croire en la réussite de son plan. Peut-être se trompait-il. Peut-être regretterait-il ce sourire naïf au moment de quitter sa voiture et d’entrer dans le Grand Palais.

En prenant sa place habituelle, il s’efforça de ne pas changer sa routine et gomma de son visage toute expression. Il s’installa après avoir retiré sa veste, sortit ses dossiers d’affaires courantes et salua sa voisine d’un signe de tête, comme toujours. Sa gestuelle d’élève modèle s’achevait toujours de la même façon, en levant les yeux vers la tribune et en attendant patiemment que la séance commence.

James Brandon était présent, aux côtés de Youri Komniev. Naturellement, le chef de la Chambre se devait d’aborder la sécurité de la cité après la polémique qui avait accompagné les exécutions publiques de Brinnus et Alpha. Mais Brandon, tout « monsieur sécurité » qu’il était, avait essentiellement la charge de la Basse-Ville. Sa présence était donc une surprise. Komniev attendit que la Chambre se remplisse encore un peu avant d’entamer la séance et Victor eut la satisfaction de voir que l’affluence était particulièrement élevée. Cela ferait plus de témoins. Une fois encore, la chance lui souriait.

Le grand hémicycle presque rempli, Komniev se leva et prit la parole :

— Mesdames, Messieurs, Membres de la Chambre des Familles réunis ici, veuillez observer attention et force de jugement lors de cette session.

— Dans l’esprit de Menel Ara, répondit mécaniquement la Chambre.

— Mes amis, poursuivit Komniev, je sais que ces derniers jours ont beaucoup fait parler. Mais je tiens à rappeler que les exécutions qui ont été effectuées sont le fruit de jugements rendus par la Haute-Cour de Justice de Menel Ara. Les débordements qui sont venus les troubler sont donc sans fondement, et bien sûr, illégaux.

— Monsieur le chef de la Chambre des Familles, s’il m’est permis de m’exprimer…

L’ensemble des membres présents se retournèrent et virent Victor se lever solennellement, attendant que la parole lui soit donnée.

— Monsieur Dubuisson, je vous en prie, l’invita Komniev, visiblement aussi surpris qu’inquiet.

— Mesdames, Messieurs, je m’excuse pour cette interruption, mais ce que j’ai à dire me paraît suffisamment important.

Il attendit quelques secondes que les derniers murmures et grommellements se taisent pour poursuivre :

— Mesdames, Messieurs, le spectacle qui nous a été offert il y a quelques jours n’avait rien de réjouissant. Bien sûr, je ne parle pas uniquement des exécutions, instants toujours plus propices au recueillement et à la méditation qu’à la fête. Je parle également de ce que monsieur Komniev a jugé bon de qualifier de « débordements ». Je me permets de rappeler à la Chambre qu’un de ces actes a failli coûter la vie à plusieurs chefs des Sept Familles. Et que la quasi-invasion des Putras n’augure rien de bon pour le futur immédiat de la Haute-Ville. De tout cela, deux questions directes découlent. Tout d’abord, bien sûr, que faire pour éviter que cela se reproduise ? Les mesures de sécurité dans la Haute-Ville, et notamment autour du Grand Temple des Putras, doivent être renforcées. Ces derniers nous ont montré, par leur infiltration et leur coup d’éclat lors de l’exécution du traître, en quelle estime ils tenaient notre institution. Je n’irai pas jusqu’à les qualifier d’ennemis, mais soyons honnêtes, ils n’en sont vraiment pas loin. La deuxième question qui découle de tout ceci est celle de la responsabilité. Et de ce côté-ci, après mûre réflexion et d’intenses discussions avec quelques-uns de mes camarades, je suis forcé de constater une certaine usure du pouvoir.

Victor s’attendait à une réaction intense de la Chambre et il ne fut pas déçu. Par certains côtés, des huées se firent entendre. Mais il put également se réjouir d’entendre quelques applaudissements ici et là.

— Mesdames, Messieurs, que l’on n’interprète pas mes propos de manière erronée. Youri Komniev est à la tête de la Chambre depuis près de 25 ans. Comment ne pas succomber à une forme de laisser-aller, de lassitude, de fatigue ? La chose est humaine et je ne juge pas durement l’homme. Mais peut-être serait-il temps d’envisager de mettre du sang neuf à la tête de notre institution. Pour notre sécurité à tous. Car rien ne me ferait plus de peine que de voir le sang couler à nouveau parmi nos rangs. Je vous remercie de votre attention.

Une fois encore, huées et applaudissements se mélangèrent pour saluer son discours. Il s’efforça de conserver une posture digne lorsqu’il se rassit, mais intérieurement, il jubilait. Le ver était dans le fruit. Il ne restait plus qu’à laisser faire la très bavarde haute société menelarite, et Komniev serait totalement déstabilisé.

Mais alors qu’il reporta son regard sur l’estrade principale, Victor fut stupéfait de voir Youri Komniev lui-même applaudir son laïus. En un éclair, il passa du paradis à l’enfer. Quelque chose lui échappait. Il ignorait pour l’instant de quoi il s’agissait, mais l’attitude du vieux loup était trop étrange pour ne pas cacher un énième coup fourré.

— Bravo, monsieur Dubuisson, déclara Komniev, un large sourire barrant son visage. Quelle éloquence, quelle rhétorique ! Ce discours a été longuement répété et cela se voit. Votre éthique de travail est extrêmement rare, savez-vous ?

Il marqua un temps, juste de quoi savourer le regard ahuri de son ennemi intime. À cet instant, Victor sut qu’il avait perdu. C’était aussi imperceptible que certain. Komniev posa ses mains de chaque côté de son pupitre et reprit la parole, plus sérieusement cette fois.

— Distingués membres de la Chambre, je ne me cache pas derrière mon petit doigt. Je reconnais mes erreurs et sans doute ai-je sous-estimé les dangers, notamment celui émanant des Putras. Si votre confiance m’est maintenue, j’accorderai une importance particulière à la sécurité.

Une fois cette introduction achevée, il se tourna vers Victor et implicitement, s’adressa à lui.

— Monsieur Dubuisson est un homme ambitieux, mais pour être franc, je ne vois pas très bien quel jeu il joue. Vise-t-il le poste de Chef de la Chambre ? Désire-t-il fonder sa propre grande Famille ? Je l’ignore. Ce que je sais, en revanche, c’est que cette ambition le ronge, le dévore et que, ces derniers temps, il l’a laissée prendre le dessus.

Les nombreux membres présents ne comprenaient pas exactement ce dont il retournait et Komniev le voyait bien. Victor, lui, encaissait sans broncher. Mais il savait.

— Chers membres de la Chambre, j’ai, hélas, de mauvaises nouvelles. La dernière fois que je me suis exprimé en ces termes, c’était pour vous annoncer que notre noble institution était infiltrée. J’ai bien peur que ce que je dois vous dire aujourd’hui soit du même ordre. En effet, nous sommes en mesure, aujourd’hui, de vous dire qu’Alfred Brinnus, l’homme qui a été exécuté pour avoir attenté aux vies des chefs des Sept Familles, a été payé pour commettre cet attentat. Et que le commanditaire n’est autre que Victor Dubuisson lui-même.

Une bronca historique accueillit cette nouvelle. Des cris d’horreur et d’indignation émanaient de tous les visages qui fusillaient Victor en cet instant. Celui-ci, foudroyé par la révélation de Komniev, ne trouva rien d’autre à faire que de se lever et de crier au mensonge et à l’injustice. Et c’est alors qu’il était le dernier debout, tel un accusé devant ses juges, que le chef de la Chambre lui porta le coup fatal.

— Je ne me permettrais pas de lancer de telles accusations sans preuve, aussi vais-je m’expliquer. La veille de son attentat, Alfred Brinnus, sans doute rongé par le remord, est venu me voir pour me confier le monstrueux plan de Victor Dubuisson. C’est alors que, pour mieux confondre le coupable, j’ai demandé à Brinnus d’agir comme il lui avait été demandé, mais avec une arme factice, bien entendu. C’est comme cela que les blessures ont été simulées et que nous avons pu découvrir, aujourd’hui, les véritables desseins de Victor Dubuisson. Maintenant, si les personnes pouvant attester de la véracité de mes dires veulent bien se lever, cela prouvera que je n’accuse pas injustement notre camarade.

Sous le regard horrifié de Victor, Pils Mussen, Rafael Ortiz, Han Jin, Bakari Zouma, Maxwell Phillips et Fabio Luzzi se levèrent et se tournèrent vers lui. Aucune émotion ne ressortait de leurs visages.

— Cela étant dit, et par pure honnêteté, je me dois de préciser qu’il semble qu’il ne soit pour rien dans la venue des Putras. Maintenant, c’est à contrecœur que je vais demander à la garde de bien vouloir mettre le dénommé Victor Dubuisson aux arrêts. Il sera maintenu dans les geôles du Grand Palais en attendant son jugement.

Mortifié, terrassé, Victor se laissa embarquer par quatre gardes sans se débattre. Il était vaincu, à quoi bon lutter ? Il avait dû être fou pour croire qu’il avait une chance contre Youri Komniev. Désormais, tout était fini. Et il n’avait plus que ses espoirs déchus sur lesquels pleurer…

Une fois le calme revenu et chaque membre de la Chambre de nouveau sur son siège, Youri Komniev décida de ne pas s’attarder sur l’évènement.

— Maintenant, si la Chambre le veut bien, je propose de passer aux affaires courantes, à commencer par celles concernant…

— Excusez-moi, j’aimerais dire un mot, moi aussi.

La patience des membres de la Chambre avait atteint ses limites et ce sont des dizaines de visages agacés qui se tournèrent vers Catherine Saulte épouse Phillips. De sa voix timide, elle avait osé interrompre le chef de la Chambre. Celui-ci, très irrité, l’invita à s’exprimer, mais ne cacha pas, lui non plus, son impatience.

La jeune femme se leva doucement et poussa sa voix pour se faire entendre de tous.

— Il me semble, enfin je crois, qu’en dépit de tout ce qu’il a fait, Victor Dubuisson a soulevé un point important : la sécurité n’est pas assurée dans la Haute-Ville. S’il a pu soudoyer un homme avec un peu d’argent, alors n’importe qui peut le faire, n’est-ce pas ? De plus, les Putras représentent effectivement une menace. Je ne cherche pas du tout à dédouaner Victor Dubuisson de son acte, là n’est pas la question. Mais il y a un problème de sécurité auquel il faut s’attaquer.

Une salve d’applaudissements vint saluer l’intervention de Catherine Saulte, et Youri Komniev ne put rien faire d’autre que promettre de s’atteler à la tâche. Mais au fond de lui, il se demandait si, après s’être débarrassé de Victor, il n’allait pas devoir surveiller cette petite du coin de l’œil. Maintenant qu’il avait les coudées franches, il entendait bien en profiter un peu.

***

Les prisons ne devaient pas avoir bien évolué depuis des années. Certes, il n’était pas fin connaisseur de la chose, mais adosser un homme à un mur et y attacher chacun de ses bras par une menotte et une chaîne ne paraissait pas être la manière la plus moderne ou la plus civilisée de garder un prisonnier. Après plusieurs heures d’isolement, Victor avait épuisé tous les sujets de réflexion possibles et imaginables. Et à dire vrai, ils paraissaient tous d’une incroyable stérilité après toutes ces années de plans structurés et d’intrigues tortueuses.

Là, il ne pensait plus à rien d’autre qu’à ces chaînes qui le meurtrissaient. Ses jambes étaient libres, mais cela ne lui était d’aucune utilité. Il pourrait bien mourir maintenant, tout cela n’aurait plus d’importance. Il avait échoué. Gravement. Victor savait faire des millions de choses, mais pas perdre. Il n’avait jamais eu l’occasion de l’apprendre. Et maintenant qu’il était face à l’évidence, le désespoir le submergeait.

Il devait être enfermé depuis cinq ou six heures, quand enfin, la porte de sa cellule s’ouvrit. Mais alors qu’il s’attendait à quelque chose à manger ou à boire, ce fut le visage serein de Youri Komniev qu’il vit apparaître. Celui-ci pénétra dans la pièce, referma la porte derrière lui et se posta devant Victor. Il resta ainsi, à regarder sa victime, sans expression. De longues secondes passèrent et les yeux de Komniev ne baissèrent pas plus que ceux de Victor ne se levèrent. Et le silence demeurait.

— Je dois reconnaître que tu es quelqu’un de particulier, lâcha le vieux politicien après de longues minutes. Des petits arrivistes qui veulent se faire la tête du chef, il en arrive tous les ans. Mais toi, Victor, tu es le plus intelligent et un des plus vicelard que j’ai jamais eu à affronter. Tu aurais pu aller très loin, peut-être même que tu aurais débloqué quelques verrous en accédant à des postes jusque-là interdits aux pièces rapportées. Mais tu as choisi la confrontation. Crois-moi ou non, mais cela me désole un peu.

Pour toute réponse, Victor se contenta de cracher aux pieds de Komniev. Il gardait les yeux baissés.

— Tu as été trop pressé, poursuivit le chef de la Chambre. Tu as tout voulu trop tôt, trop vite. Si tu avais patienté un peu, tu aurais pu obtenir un pouvoir inespéré. Mais tu as voulu la guerre. Et tu as perdu. Et tu veux que je te dise ? C’était facile. C’est peut-être ça qui me déçoit le plus.

Victor ne réagissait toujours pas. Subir les discours de Komniev constituait une torture suffisante pour qu’il ne s’inflige, en plus, une discussion argumentée.

— Je ne suis pas venu pour te narguer, contrairement à ce que tu pourrais croire. Je n’en ai pas besoin. La satisfaction de t’avoir vaincu me suffit, je n’ai plus douze ans. Je veux juste t’expliquer comment tout cela s’est passé. Lorsque tu es arrivé dans la Haute-Ville, Luzzi s’est tout de suite méfié de toi. Il faut dire que, via quelques petits réseaux que je me suis constitués avec le temps, ton endettement n’a pas été un secret très longtemps. Merde, Victor, tu as emprunté à tout Menel Ara ou quoi ? Luzzi voulait absolument savoir pourquoi tu étais aussi fauché, alors on a enquêté. Et on a trouvé un ou deux témoins de tes magouilles.

Il se rapprocha de Victor et posa son visage juste devant le sien dans un geste de provocation.

— Ta belle Flora est au courant que tu as acheté tous ses prétendants pour qu’il ne reste que toi ? Et que tu as été obligé de faire main basse sur l’héritage de ton père pour rembourser tout ce que ça t’a coûté, ça et tes petites enquêtes sur toute la Haute-Ville ? Est-ce qu’elle sait que c’est toi qui as balancé Tur ?

Komniev éclata de rire et recula légèrement. Il se baladait dans la grande cellule et semblait beaucoup s’amuser. Il était de ces hommes qui aimaient s’écouter parler. Victor, lui, n’était même plus surpris de la puissance de renseignement du chef de la Chambre.

— Le pire dans tout ça, c’est que la petite t’aime vraiment. Tu n’aurais probablement même pas eu besoin d’écarter la concurrence comme ça. Mais je te comprends. Moi non plus, je n’aime pas laisser des choses au hasard. Et puis, les années sont passées et tu as eu le temps, toi aussi, de dresser ton petit réseau. Mais il y a une chose que je ne comprends pas avec toi. Tu es né en bas, tu as réussi à arriver jusqu’au stade de conseiller du chef de la Chambre des Familles et toi, tu semblais en vouloir encore plus. Mais vouloir quoi ? Qu’est-ce qu’un homme comme toi pouvait bien espérer de plus ?

Victor ne répondait toujours pas. Il demeurait immobile et subissait le monologue de Komniev.

— Alors, dévoré par ton ambition, tu as commis une erreur impardonnable en voulant me déclarer responsable d’un attentat que tu as toi-même commandité. Mais comme je te l’ai dit, j’ai eu le temps de me constituer un réseau important. Je vais te confier un petit secret : Brinnus ne t’a pas vendu. Du moins, pas de son plein gré. Seulement, il se trouve que Tom Major est sous étroite surveillance. Un bookmaker clandestin dans la Haute-Ville n’est pas une personne fréquentable. Alors quand on m’a rapporté que tu t’étais longuement entretenu avec lui, je n’ai eu qu’à tirer la ficelle. Et tout ceci m’a mené à Brinnus. Au début, il niait. Alors on a été obligés de demander un peu moins gentiment. Et il a craqué. On lui a même ordonné de faire ce que tu lui avais demandé sous peine de mettre son fils en prison à vie. Tu étais en confiance, tu devais même planer de joie, mais tu as perdu. Major continue de jouer les indics, Brinnus est mort, son fils est riche et toi, tu es en prison. Les choses rentrent dans l’ordre.

Victor ne montrait aucun signe de surprise, mais il était réellement terrifié par sa propre impuissance. Tout ce temps, il avait été dépassé, surclassé par bien plus fort que lui. Il se sentait minable.

— Maintenant, Victor, avant de te laisser à ton vague à l’âme, je veux te poser une question. Après, promis, je te laisse tranquille. Explique-moi ce que tu voulais exactement. Dis-moi, cette foutue ambition, elle était censée te mener où ?

Le prisonnier demeura stoïque et cherchait quoi répondre. Son cerveau était anesthésié. Après un moment, il se racla la gorge et prononça ses premiers mots depuis l’entrée de Komniev.

— Très honnêtement, Youri, je ne sais pas, murmura-t-il. Je voulais continuer à avancer, c’est tout. J’ai atteint mes buts rapidement. Facilement. Il m’en fallait d’autres, je ne pouvais pas supporter de heurter ce plafond de verre. Mais je n’avais pas d’idée précise. Je voulais juste avancer, c’est tout.

Komniev le considéra quelques secondes et paraissait fasciné. Bien sûr, le vieil homme se reconnaissait en partie dans Victor. Après un instant, il s’avança de nouveau vers lui et, porté par une impulsion incompréhensible, il l’embrassa sur la joue.

— Tu as été un adversaire courageux, Victor. Trop faible, indigne, mais courageux. Maintenant, attends ta sentence. Tu as perdu.

Sur ces mots, Komniev quitta la pièce et laissa sa victime refaire et refaire encore l’histoire. En vain. Il était tombé sur plus fort que lui et il n’avait, en effet, plus qu’à attendre…

Related chapters

  • Menel Ara Tome 2   4

    Le jour J était arrivé et les affaires de Maria étaient prêtes. Elle avait rangé sa chambre, fait sa lessive, rempli son sac et essayé de dormir quelques heures. Elle était tellement excitée!Mhiakij l’avait prévenue la veille au soir qu’elle serait intronisée à midi. Sans plus de cérémonie, il lui avait à peine laissé la nuit pour se préparer. Apparemment, les choses se faisaient comme ça en la circonstance. Les centaines de livres qu’elle avait engloutis ne mentionnaient pas cet instant précis. Cela faisait sans doute partie des non-dits dont les Putras étaient très coutumiers.Maria, elle, se concentrait pour paraître la plus sereine possible. Mais bon sang, elle était impatiente comme une adolescente. Quels horizons s’ouvraient à elle! Prêtresse, ce n’était pas rien. Elle pourrait disposer de toutes les informations qu’elle désirait, de tous les secrets que la secte cachait. Si ceux-ci existaient. Car malgré son expérience désormais solide de la vie de Put

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   5

    Gaël fut réveillé en sursaut par des cris, une foule de cris. Paniqué par cette agitation matinale, il se leva, constata que David dormait toujours de l’autre côté de la pièce, et sortit dans le froid s’enquérir de la situation.Encore un gamin mort. La situation devenait ubuesque. Des dizaines de personnes hurlaient de désespoir autour de la dépouille d’un môme d’une douzaine d’années. Depuis que le Mur avait été érigé, les plus jeunes des Martyrs avaient trouvé un nouveau jeu, aussi dangereux que stupide. Il s’agissait de s’approcher le plus près possible de cette monstruosité de béton, en évitant de se faire dégommer par les snipers postés à son sommet. En général, il y avait trois sommations avant le tir, mais les gamins voulaient tellement battre le record qu’ils poussaient la patience des gardes jusqu’à la limite, et parfois au-delà. Depuis que cette débilité existait, presque dix enfants étaient décédés, abattus par les snipers du Mur.Pour Gaël, c’en était trop. I

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   6

    Curieusement, il était persuadé qu’il faisait nuit noire lorsqu’on vint enfin le chercher. Combien de jours avait-il passés, attaché dans cette cellule? Il s’en voulait de ne pas avoir compté les repas frugaux qui lui étaient apportés. Tout juste de quoi survivre. Vraiment, était-ce si naïf de croire qu’un membre de la Chambre des Familles méritait meilleur sort que le sien?Peu lui importait, désormais, puisqu’il allait revoir la lumière du jour. Deux gardes le levèrent, défirent ces maudites chaînes qui l’attachaient au mur et lui passèrent une paire de menottes à la place. Ses poignets n’obtenaient aucun répit. Insensibles à la fragilité de sa condition, les gardes l’empoignèrent chacun par un bras et l’emmenèrent hors de la cellule.Plusieurs fois durant leur trajet, il leur demanda l’heure qu’il était. Mais, même s’ils avaient le droit de lui parler, ils s’en seraient privés. Sans doute son nom était-il déjà synonyme de traîtrise et de roublardise, d’intr

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   7

    —Où est-il?—Je ne sais pas.—Menteuse! Salope de menteuse!Delta la gifla violemment, une fois de plus. Maria ignorait depuis combien de temps cela durait. La douleur était continue depuis deux, trois, cinq, peut-être dix jours. Elle n’arrivait plus à sentir son corps, tout en constatant de ses yeux les innombrables liquides qui lui étaient injectés. Elle n’avait plus aucune lucidité. Et plus le temps passait, plus son esprit s’embrumait. Il arrivait par moments qu’elle appelle Delta «Maître» et lui voue un respect infini. Or, lors des rares éveils de sa conscience, l’immense salopard qu’il était lui apparaissait clairement.Elle était allongée sur le dos, multi perfusée à chaque bras, et sa tête était maintenue vers le plafond. Mais là où elle n’aurait dû voir qu’un mur blanc banal, s’étendait un abîme chaotique, infini et profond, tournoyant et serpentant sous ses yeux captivés. Sa vision s’y perdait,

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   8

    Un peu plus vigoureusement, un peu moins précautionneusement, Sacha taillait un bout de bois. Un autre. Il avait cassé le précédent. Fort heureusement, il ne croyait pas aux signes. Un terroriste superstitieux, voilà qui friserait le ridicule.Seulement, le morceau de bois précédent ne s’était pas cassé tout seul. Il avait cédé pour une bonne raison. Sacha était en colère. Très en colère. Tellement énervé que chacun de ses gestes risquait de lui coûter un doigt. Karim était passé quelques minutes plus tôt et avait vite compris qu’il risquait de prendre la place du bout de bois s’il ne déguerpissait pas fissa. Non, définitivement, Sacha n’était pas de bonne humeur. Et les récents évènements n’y étaient pas étrangers.À dire vrai, il ne savait pas ce qu’il se passait. Mais il se tramait quelque chose. Quelque chose dont il était tenu à l’écart et ça, il ne le tolérait pas. Il ne le pouvait pas. Il était probablement l’homme le plus intelligent de toute cette organisation te

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   9

    Ce fut avec un drôle de sentiment que Victor redécouvrit le Grand Ascenseur. Pas vraiment nostalgique, mais sans appréhension, il redescendait dans la Basse-Ville, là où il était né et avait grandi. Il était déjà redescendu à l’occasion, mais cette fois-ci, c’était définitif. Le grand Victor Dubuisson, plus intelligent que tous, roublard et ambitieux, revenait la queue entre les jambes, battu à plates coutures.Le départ de la maison Luzzi se passa en bonne intelligence, jusqu’à l’intervention de Flora. Fabio lui avait accordé une somme colossale en échange de son engagement à ne plus jamais faire entendre parler de lui. Largement de quoi refaire sa vie comme borgne au pays des aveugles. Le reste de la famille Luzzi n’avait pas souhaité lui parler et cela l’arrangeait. Son honneur était bafoué, son moral au plus bas, son estime de lui-même remise à sa juste place, il n’avait pas besoin, en plus, d’affronter le mépris de son ex belle-famille. Mais, au moment de partir, avec pour

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   10

    Comme toujours, Catherine Saulte monta seule en voiture pour se rendre à la Chambre des Familles. C’était ainsi depuis la mort de Douglas. Elle était traitée avec les égards dus à son statut d’épouse de Grande Famille, mais sans aucune forme d’affection. Elle avait pourtant fait tout son possible pour être considérée comme une Phillips, elle qui avait souffert de la mort de ses parents alors qu’elle n’avait que 5 ans. La petite Catherine, à l’époque, fut recueillie par une de ses tantes qui en fit la femme qu’elle était devenue. Mais aujourd’hui, sa tutrice –comme le reste de sa famille –, n’était plus, et seuls lui restaient les Phillips. Ainsi, quand elle avait épousé Douglas, elle avait espéré trouver, en plus d’un homme qu’elle aimait profondément, une nouvelle famille. Il n’en fut rien.Avant même la mort de son mari, Maxwell et Michelle Phillips ne l’avaient jamais considérée comme une des leurs. Et même là, alors qu’il ne leur restait plus d’enfants naturels, ils se

    Last Updated : 2021-06-29
  • Menel Ara Tome 2   11

    Deux de plus. L’opération Fourmi marchait admirablement bien et Delta ne pouvait que s’en réjouir. Encore quelques heures et il serait en position parfaite pour assouvir sa vengeance. Et, cerise sur le gâteau, il ne serait pas inquiété pour la mort de Suryena.Chaque nouveau Putra qui arrivait se voyait informé de la mort du maître de la secte. Le cérémonial était, peu ou prou, le même à chaque fois. Larmes, cris grandiloquents et questions existentielles. Delta avait l’habitude. Il mettait un point d’honneur à accueillir chacun personnellement et à lui annoncer la nouvelle. C’était pénible et chronophage, mais nécessaire pour la suite.Ys avait bien réglé l’opération, et il en était ravi. Il pourrait avoir confiance tant en ses capacités qu’en sa fidélité. Personne n’était mieux placé que lui-même pour succéder à Suryena, aussi ne le trahirait-il pas dans l’immédiat. Et c’était largement suffisant.Fourmi était une opération imaginée par le cerveau fertile de son

    Last Updated : 2021-06-29

Latest chapter

  • Menel Ara Tome 2   Epilogue + Remerciements

    Tout ceci appartenait au passé, comme le reste. Moussa regardait par la fenêtre de son appartement. Il n’avait pas revu Ibn Bassir depuis ce jour, mais son œuvre était disponible. Les balivernes qui circulaient auparavant avaient majoritairement cessé, bien qu’il se trouva toujours un imbécile ou deux pour remettre en cause la légitimité de l’auteur sur le thème «il ne sait pas ce qu’il dit, j’y étais, moi…».Beaucoup de temps avait passé depuis la fin de la guerre et la première campagne électorale depuis plus d’un demi-siècle avait même commencé. Il s’agissait d’élire une centaine de députés, lesquels seraient ensuite chargés de doter Menel Ara d’un président. Jusque-là, l’opinion semblait appeler de ses vœux Catherine Saulte. Le récit d’Ibn Bassir en disait un peu plus sur la jeune femme qui avait quitté volontairement la Haute-Ville pour rejoindre le combat de la résistance. Son élection comme députée ne faisait aucun doute et, selon toute vraisemblance,

  • Menel Ara Tome 2   45

    La douceur était revenue en même temps que le calme. Certains y voyaient une sorte de signe, un acte métaphysique quelconque. Mais Moussa demeurait imperméable à ce genre de balivernes. La guerre était finie depuis plus de deux mois et il se contentait de s’en réjouir. Un jour, il était dans l’ancienne Zone sécurisée et écoutait Victor promettre victoire et justice à ses partisans. Et le lendemain, plus personne ne parla d’affrontement et l’accès à la Haute-Ville devint libre à tous. Voilà, aussi simplement que cela, Menel Ara avait cessé de se battre. Et Moussa voulut savoir pourquoi. Ses finances commençaient à battre de l’aile en raison de sa longue inactivité professionnelle, mais il voulait plus que tout lever le voile sur ce mystère. Et comme le temps était tout ce qui lui restait…Bien sûr, tout d’abord, il chercha Victor. Mais il se heurta une fois de plus aux libertés que chacun prenait avec la vérité. Successivement, l’ancien leader de la résistance avait été tué par S

  • Menel Ara Tome 2   44

    Énième ironie du sort, la salle où Victor fut enfermé en compagnie d’Ibn Bassir était celle-là même où il avait été jugé et condamné par les chefs des Sept Familles.La volonté de Gaël était sans doute de ne pas les mettre en prison. Mais ils avaient interdiction de sortir de la pièce et un garde y veillait. Autant dire que, si le confort était toujours meilleur que dans les geôles du Grand Palais, le doute n’était pas permis quant à la réalité de leur condition.Les deux prisonniers n’échangèrent que des regards, lourds de sens, traduisant une incrédulité qui restait hautement suspendue. Sans doute la présence du garde y était-elle pour beaucoup, mais les deux hommes ne trouvèrent pas de choses à se dire, tant il y en avait.Un long moment passa ainsi, durant lequel chacun s’ennuya ferme. Si Gaël n’avait manifestement pas l’intention d’humilier ses visiteurs, il les faisait patienter avant «d’en finir», comme il l’avait lui-même dit.Ce fut donc

  • Menel Ara Tome 2   43

    Victor claqua la porte de la pièce où se trouvaient déjà Catherine, Ibn Bassir et deux de ses lieutenants les plus influents. À en juger par l’humeur du chef, l’heure était grave.—Deux jours, putain! pesta-t-il. Ça fait deux jours que je les balade.Il constata avec amertume que bien peu de ses compagnons semblaient concernés par la situation.—Quelqu’un a une idée? poursuivit-il. Quelqu’un en a quelque chose à foutre? Non parce que si vous considérez que prendre la Zone sécurisée nous permet de couler des jours heureux et arrêter la lutte, dites-le tout de suite!La bonne humeur ambiante cessa sur-le-champ. Ibn Bassir ouvrit son petit cahier et nota quelques lignes. Catherine, elle, avait adopté la physionomie qui était la sienne depuis qu’elle avait vu les cadavres des Martyrs dans l’ascenseur. Quelque chose s’était révélé à elle, quelque chose comme la cruauté du monde et les conséquences des décisions prises dans les

  • Menel Ara Tome 2   42

    Par dizaines, il les avait vus partir. Désœuvrés, victimes collatérales du conflit. Le commerce avait été rapidement touché par le départ des familles de la Haute-Ville. Et les pêcheurs qui exerçaient encore leur travail se trouvèrent sans commande.Moussa, comme à son habitude, avait suivi les évènements sans y prendre part. Lui-même ne pêchait plus depuis longtemps. C’était volontaire et cela lui manquait toujours terriblement. Encore ce paradoxe…Du côté des docks, la guerre civile qui frappait Menel Ara était montée comme une rumeur. Certains étaient venus, racontant que des milliers de Bas-Menelarites s’étaient rassemblés pour combattre à la fois les Martyrs et le pouvoir des Familles. Moussa, comme beaucoup, ne crut pas à cette histoire dans un premier temps. Mais le bruit des coups de feu ne put être ignoré plus longtemps et très vite, ce que n’importe quelle projection d’actualités sur Hi-Nan aurait relayé devint une vérité connue de tous. La Zone sécurisée avait

  • Menel Ara Tome 2   41

    Catherine mit de longues minutes à se remettre de la forte nausée. Bien sûr, lorsque l’on a grandi dans le faste d’une riche famille menelarite, que l’on a épousé un héritier Phillips et que l’on a siégé à la Chambre des Familles, rien ne prépare réellement à voir des corps dissous et liquéfiés. Cependant, Catherine croyait dur comme fer qu’elle ne devait sa légitimité qu’à sa proximité avec Victor. Or elle tenait à gagner une véritable crédibilité auprès des troupes, à s’émanciper de cette image de parvenue, de traître, voire d’opportuniste. Elle savait, en son for intérieur, qu’elle avait un véritable rôle à jouer. Son assiduité aux séances de la Chambre et sa volonté naïve de plaire à sa belle-famille l’avaient poussée à réfléchir constamment à de nouvelles idées politiques. Et ce travail, conjugué aux erreurs qu’elle avait pu commettre, l’avait convaincue de deux faits selon elle indiscutables: elle disposait d’une capacité politique nettement au-dessus de la moyenne et la po

  • Menel Ara Tome 2   40

    Depuis la prise de la Zone sécurisée, le conflit entre les Martyrs et les partisans de Victor Dubuisson a repris. Comme s’il fallait absolument que chacun retrouve un ennemi. Une malédiction devenue un besoin.Ce sont les Martyrs, qui les premiers, ont acté la fin de la trêve. Alors que leurs adversaires sécurisaient l’entrée située au niveau du Pilier n° 5, ils ont subi une attaque furtive qui laissa quatre hommes sur le carreau. Victor Dubuisson ne sembla pas plus contrarié. Il disait constamment que la mort faisait partie de la guerre et qu’il avait un plan. De fait, on ne pouvait réellement lui donner tort. Il laissa passer une journée après que les Martyrs aient vaincu les forces de sécurité. Puis il ordonna à un de ses lieutenants les plus compétents de composer une petite armée et d’attaquer les terroristes à l’est. Le but était, in fine, de prendre le Mur, de le garder et d’enfermer les Martyrs dans la Zone sécurisée. C’était une mission extrêmement importante et Victor

  • Menel Ara Tome 2   39

    Il laissa l’Hi-Nan sonner. C’était sa femme. Encore. Et il ne répondit pas. Encore.Après deux jours d’hésitation, Youri Komniev avait cédé et évacué sa famille par hélicoptère. Désormais, toutes les Grandes Familles étaient parties. Il en demeurait le dernier représentant. D’une manière générale, la Haute-Ville était quasiment vide. À l’ouest, seule la prison abritait encore des êtres humains. Et à l’est, environ 120 officiers de sécurité protégeaient le Grand Palais et les Putras se dirigeaient droit sur eux. Quelle ironie!Depuis qu’il siégeait à la Chambre, c’est-à-dire depuis des dizaines d’années, la sécurité avait été de très loin le sujet le plus abordé, le plus discuté et le plus réformé. Au fil de ces séances enflammées, un nombre incalculable de textes avaient été votés. Le tout rendant la Haute-Ville totalement imprenable. Une invasion par les airs aurait été réduite à néant par des canons spécifiques hors de prix qui n’avaient jamais servi. Des systèmes

  • Menel Ara Tome 2   38

    Une fois encore, Victor Dubuisson buvait un café, fumait une cigarette et contemplait sa carte. Il aimait cela, regarder cette carte. Non qu’elle lui donne des indications précises sur la marche à suivre, mais il se passionnait pour la géographie de sa cité. De plus, cela lui permettait de passer le temps en attendant que son plan parfaitement huilé soit mené à bien.À ses côtés, Mustapha relisait encore ses notes. La passion de cet homme pour son époque avait quelque chose de touchant. Trop peu de gens savent se satisfaire de vivre dans leur temps. Ibn Bassir, lui, n’aurait échangé contre rien au monde son année de naissance. Et, en effet, malgré tous ses défauts, le Menel Ara de 2079 était absolument fascinant. Victor aimait en être un acteur. Mustapha, lui, préférait son rôle de témoin.Les deux hommes vaquaient à leurs occupations respectives en silence lorsque Pom arriva en courant. Victor se redressa immédiatement sur son siège.—Alors? demanda-t-

Scan code to read on App
DMCA.com Protection Status