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Chapitre 6 

– Adrian

Elle ne parle pas.

Elle ne m’a pas encore mis dehors non plus, ce qui, venant de Sienna White, est pratiquement un miracle.

Je suis debout, à deux pas d’elle, dans ce salon immaculé qui lui ressemble. Chaque détail est précis, chaque objet à sa place. Une beauté froide, calculée, contrôlée. Comme elle.

Mais je sais que sous cette surface, ça bouillonne.

Je le vois dans sa posture tendue, dans la façon dont ses doigts se crispent légèrement contre le tissu de son peignoir. Et surtout dans son silence. Sienna ne se tait jamais sans raison. Quand elle ne parle pas, c’est qu’elle lutte.

Je décide d’attendre. De lui laisser l’espace de répondre. Je n’ai pas besoin de précipiter les choses. Pas avec elle.

Et puis, elle souffle, les yeux plantés dans les miens :

— Pourquoi maintenant ?

Je hausse un sourcil.

— Pourquoi je viens te proposer une alliance ce soir ?

Elle hoche lentement la tête, méfiante.

— Parce que ce soir, tu m’as prouvé que tu étais prête à faire ce qu’il faut. À jouer le jeu. Tu étais brillante, stratégique… et vulnérable.

Elle fronce les sourcils, piquée.

— Je n’ai jamais été vulnérable.

— Tu l’étais quand tu tremblais en me tenant le bras. Tu l’étais quand ton regard a vacillé, juste une seconde. Et ce n’est pas une faiblesse, Sienna. C’est une faille. Et une faille, c’est un passage.

Elle inspire profondément, croise les bras. Défensive, mais curieuse.

— Un passage vers quoi ?

Je m’approche, un pas à peine. Juste assez pour qu’elle sente que je suis là. Pas pour l’envahir. Pas cette fois.

— Vers quelque chose qu’on ne maîtrise pas. Mais qui pourrait être… utile. Productif. Gagnant-gagnant.

Elle laisse échapper un rire froid.

— Tu parles de sentiments comme d’un business plan. Tu me donnes envie de vomir.

— Ce n’est pas de sentiments que je parle, c’est de stratégie. Ce mariage, on va le faire. Que tu le veuilles ou non. Alors autant qu’on le fasse à notre manière.

— Et c’est quoi, ta manière ?

Je m’avance encore d’un pas. Elle ne recule pas.

— On arrête de se faire la guerre pour le plaisir. On se bat ensemble, pas l’un contre l’autre. Devant le monde, on est un couple parfait. En privé, on est honnêtes. Et si, parfois, ça déborde… on gère.

— "On gère" ? Tu penses vraiment pouvoir me gérer, Adrian ?

Son ton est acide, mais ses pupilles se dilatent. Elle est énervée, oui, mais elle est aussi… intriguée. Attirée.

Et ça, je peux le sentir dans l’air entre nous.

Je murmure :

— J’ai jamais voulu te gérer. J’ai toujours voulu te comprendre.

Elle ne répond pas.

Je tends lentement la main, frôle sa joue du bout des doigts. Elle ne recule pas. Sa peau est chaude, douce malgré la tension dans ses traits.

— Tu mens, dit-elle à voix basse. Tu me regardes comme une conquête.

— Non. Je te regarde comme un défi. Et il se trouve que j’adore les défis.

Elle sourit, malgré elle. Ses yeux brillent. Pas de douceur, non. Mais de feu. De rage contenue. D’envie.

— Et si je dis non à ton offre ?

— Tu as le droit de dire non.

— Et si je veux continuer à te détester ?

— Tu peux. Mais ça ne changera rien. On va se marier, Sienna. Ce contrat va exister. Tu peux choisir comment tu veux vivre ces six mois.

Elle me fixe, la mâchoire tendue.

— Et après ces six mois ?

Je hausse les épaules, doucement.

— On divorce. On fait une déclaration propre. Chacun reprend sa vie. Tu seras libre. Et moi aussi.

Elle cligne des yeux, comme si cette dernière phrase l’avait plus atteinte qu’elle ne l’aurait voulu.

— Tu crois vraiment que ça va être aussi simple ?

— Non. Rien n’est jamais simple avec toi. C’est justement pour ça que j’ai envie d’essayer.

Elle me repousse soudain, doucement mais fermement, et recule de deux pas.

— Tu devrais partir.

Je hoche la tête. Je savais que ce moment viendrait. Elle a atteint sa limite. Mais elle ne m’a pas hurlé dessus. Pas cette fois. Et ça, c’est déjà un putain de progrès.

Je me dirige vers la porte. Mais juste avant de l’ouvrir, je me tourne vers elle.

— Tu ne m’as pas dit non.

Elle croise les bras, s’appuie contre le mur près du canapé. La lumière tamisée souligne les courbes de son visage, la tension dans sa bouche.

— Ne me pousse pas trop vite, Adrian. Tu n’as aucune idée de ce que je suis capable de faire quand je suis dos au mur.

— Oh si, je sais exactement. Et c’est pour ça que je veux que tu sois à mes côtés.

Je la regarde encore quelques secondes. Puis

je sors.

Elle ne m’a pas dit non.

Et ce simple détail me fait sourire tout le long du trajet jusqu’à chez moi.