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Chapitre 4 

– Adrian

Je sens encore la chaleur de sa main dans la mienne.

Elle tremblait légèrement. Presque imperceptiblement. N’importe qui d’autre aurait cru à un frisson passager, une réaction au contact, ou au froid de la salle. Mais moi, je sais.

Sienna White tremble rarement.

Et quand elle le fait, ce n’est jamais à cause du froid.

Elle s’est tenue à mes côtés pendant dix minutes exactement. Assez longtemps pour alimenter les rumeurs, capturer quelques regards, faire naître les premiers articles de blog. J’ai vu les flashs crépiter autour de nous, entendu les murmures dans les coins. Et elle, elle souriait. Un sourire coupant comme une lame bien aiguisée.

Parfaitement maîtrisé. Comme tout ce qu’elle fait.

Mais son regard, lui… il disait autre chose.

Elle me hait.

Et c’est parfait.

Parce qu’on ne peut pas haïr sans passion.

Je me penche contre le mur du balcon, ma coupe de champagne à moitié vide dans la main. La réception continue à l’intérieur. Rires, musique, discours creux. Tout le monde joue son rôle. Les familles veulent fusionner. Les actionnaires veulent être rassurés. Et nous deux… nous sommes le ciment de cette illusion.

Un couple parfait en devenir.

Je ris doucement, pour moi-même. Parce que je sais que Sienna préférerait avaler des tessons de verre que de dire oui à cette mascarade. Et pourtant, elle reste. Elle joue.

Parce qu’elle sait que reculer, ce serait perdre.

Et Sienna White ne perd jamais sans se battre.

La porte-fenêtre s’ouvre derrière moi. Je reconnais la silhouette de mon père avant même qu’il parle.

— Elle est impressionnante, souffle-t-il en s’approchant. Cette fille a des nerfs d’acier.

— Tu ne m’as jamais cru quand je te disais ça à l’époque, je réplique sans le regarder.

— À l’époque, tu étais obsédé par elle. Je pensais que c’était de la compétition… ou pire, de la fascination.

Je souris. Il n’a jamais compris. Il ne comprend toujours pas.

— Et maintenant ? Qu’est-ce que tu penses ?

Il boit une gorgée de son verre, réfléchit.

— Je pense que vous êtes les deux faces d’une même pièce. Et que si vous n’arrivez pas à collaborer, vous allez vous détruire.

— Ce ne serait pas la première fois que je détruis quelque chose pour obtenir ce que je veux.

Il m’observe un instant. Son regard est neutre, mais je sens le test derrière.

Mon père ne parle jamais sans raison.

— Ce mariage doit fonctionner, Adrian. Ne me fais pas regretter de t’avoir laissé carte blanche.

— Tu as toujours su que je ne suis pas un fils docile.

— Non. Mais je veux que tu sois un homme efficace. Et pour ça, tu dois la convaincre. Pas la forcer.

Je lève les yeux vers lui. C’est la première fois qu’il emploie ce ton-là.

Presque protecteur.

— Tu t’inquiètes pour elle ?

— Je m’inquiète pour toi. Tu as ce don pour saboter tout ce que tu touches dès que l’affect entre en jeu.

Je souris, amer.

— Il n’y a aucun affect ici. Juste une stratégie.

— Très bien. Alors sois stratégique.

Il me laisse seul, sans attendre de réponse.

Je retourne à l’intérieur quelques minutes plus tard. Sienna a disparu. Peut-être partie se réfugier dans un coin tranquille, peut-être déjà rentrée chez elle. Ce genre d’événement est un test de résistance pour les nerfs, et je sais qu’elle déteste ces jeux de paraître autant que moi.

Mais ce soir, elle a joué.

Et elle a failli craquer.

Je m’approche du bar, salue quelques visages connus, fais semblant de m’intéresser à leurs conversations. Mais mon esprit est ailleurs. Il est avec elle. Avec cette tension, cette frontière floue entre la guerre et le désir.

Sienna n’est pas une cible simple. Elle est un piège. Un défi vivant. Et je serais un idiot de croire que je peux la contrôler comme les autres.

Mais ce n’est pas ce que je veux.

Pas vraiment.

Ce que je veux… c’est qu’elle choisisse de rester.

Qu’elle comprenne que derrière cette alliance froide, il y a autre chose. Quelque chose de plus dangereux, de plus vaste, de plus profond.

Une connexion qu’on a toujours eue, mais qu’on a toujours refusé de nommer.

Je termine mon verre et fais signe à mon chauffeur. Il est temps de partir. La soirée a rempli son objectif. Les médias ont de quoi écrire, les rumeurs sont lancées, les actionnaires rassurés.

Et moi… j’ai vu ce que je voulais voir.

Elle vacille.

Juste un peu.

Et parfois, une simple fissure suffit à faire écrouler un mur.