La nuit était lourde, chargée d’une tension palpable. Le hurlement qui avait déchiré le silence résonnait encore dans l’air, comme une menace suspendue au-dessus d’eux. Ewan et Nyx échangèrent un regard. Il n’y avait plus de temps pour les questions.
— Ils arrivent.
Nyx bondit sur un rocher voisin, scrutant l’obscurité. Ses yeux dorés brillaient comme deux éclats de lune.
— Combien sont-ils ? demanda Ewan en serrant les poings.
Il sentait déjà son corps frémir, la bête en lui répondant à l’appel du sang.
— Au moins trois… peut-être quatre. Ils avancent en meute.
Ewan grinça des dents.
— Ils sentent ma présence. Ils savent que je suis ici.
Nyx ne quitta pas les bois du regard.
— Et toi, que ressens-tu ?
Ewan prit une profonde inspiration. Il pouvait sentir leurs odeurs distinctes, un mélange de fourrure humide et de fureur contenue. Il percevait leur excitation, leur faim. Ils ne venaient pas en amis.
— Ce sont des traqueurs. Ils testent mon territoire… ils veulent voir si je suis faible.
La panthère tourna enfin la tête vers lui.
— Et l’es-tu ?
Ewan ne répondit pas tout de suite. Il baissa les yeux vers ses mains, ses doigts tremblants sous l’effet de l’adrénaline. Toute sa vie, il avait fui cette question. Chaque fois qu’il s’était transformé, il avait choisi de s’éloigner des hommes, de ne pas se battre. Pas parce qu’il était lâche, mais parce qu’il avait peur de devenir un monstre.
Mais ce soir, il n’était plus seul.
Il croisa le regard perçant de Nyx et trouva dans ses yeux quelque chose d’inattendu. Une confiance absolue. Elle n’avait jamais douté de lui.
Alors, pour la première fois, il fit face à la vérité : il n’était pas faible.
Un bruissement dans les fourrés attira leur attention. L’un des loups venait d’apparaître entre les arbres. Immense, sa fourrure sombre ondulait sous la lumière blafarde. Ses yeux, d’un rouge inquiétant, étaient fixés sur Ewan.
— Kieran… souffla-t-il, reconnaissant aussitôt l’Alpha de la meute errante.
L’autre loup-garou avança lentement, un sourire carnassier dévoilant ses crocs acérés.
— Alors c’est vrai… Tu es toujours en vie.
Ewan serra les poings.
— Je n’ai jamais eu l’intention de mourir.
Kieran s’arrêta à quelques mètres de lui et huma l’air. Son sourire s’élargit.
— Mais tu n’es pas seul cette fois.
Derrière lui, trois autres loups émergèrent des ombres. Leur présence était écrasante, une menace silencieuse. Ewan savait ce qu’ils attendaient : un signe, un ordre de leur Alpha pour attaquer.
Nyx descendit souplement de son rocher, se plaçant juste à côté d’Ewan. Son pelage d’ébène contrastait avec la lueur lunaire, et quand elle parla, ce fut directement dans l’esprit de l’Alpha.
— Tu es sur un territoire que tu ne comprends pas, Kieran. Repars tant qu’il en est encore temps.
Le loup grogna, secouant la tête comme pour chasser cette voix intrusive.
— Qu’est-ce que c’est que cette sorcellerie ?
Ewan esquissa un sourire en coin.
— Elle est avec moi.
Kieran ricana.
— Toi, avec une créature pareille ? Depuis quand te caches-tu derrière des ombres pour te protéger ?
Ewan sentit sa patience s’effriter.
— Je ne me cache pas. Je choisis mes batailles.
Le regard de Kieran s’assombrit.
— Et tu choisis de te dresser contre nous ? Contre ta propre nature ?
Un long silence s’installa. Les autres loups se rapprochèrent d’un pas, prêts à bondir.
Nyx parla à voix haute cette fois, sa voix grave et calme résonnant dans la nuit.
— Il ne se dresse pas contre sa nature. Il l’accepte. Ce que vous refusez de faire.
Kieran la fixa, puis Ewan, son expression se tordant en une grimace.
— Tu as changé, Ewan. Avant, tu aurais couru avec nous. Tu aurais chassé, tué…
Ewan ne détourna pas le regard.
— Avant, je pensais que c’était ma seule option. Maintenant, je sais que ce n’est pas vrai.
Les lèvres de Kieran se retroussèrent sur ses crocs.
— Tu es un traître.
— Je suis libre.
L’instant d’après, tout explosa.
Kieran bondit. Ewan esquiva de justesse, roulant sur le sol. Les autres loups se jetèrent sur eux. Nyx réagit en une fraction de seconde, ses griffes fendant l’air, touchant l’un des assaillants qui poussa un hurlement.
Ewan sentit la transformation l’envahir, mais cette fois, il ne lutta pas contre elle. Il l’accepta. Ses os craquèrent, sa peau brûla, et bientôt, ce ne fut plus un homme qui se redressa, mais un loup puissant à la fourrure argentée.
Les deux meutes s’affrontèrent dans un chaos de griffes et de crocs. Ewan se retrouva face à Kieran, les muscles tendus, prêts à frapper.
— Montre-moi ce que tu vaux, traître ! grogna l’Alpha.
Ewan ne répondit pas. Il n’en avait pas besoin.
D’un bond, il attaqua.
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L’aube trouva la clairière en silence. Les loups de Kieran avaient fui, leur chef vaincu, battu mais en vie. Nyx, assise sur un rocher, regardait Ewan, qui reprenait lentement forme humaine.
Il s’approcha d’elle, son souffle encore rapide, mais un éclat nouveau dans ses yeux.
— Ils reviendront, tu le sais.
Nyx hocha la tête.
— Peut-être. Mais tu seras prêt.
Ewan la fixa un instant, puis un sourire discret apparut sur ses lèvres.
— Oui. Cette fois, je le serai.
Et dans le vent du matin, entre l’ombre des arbres et la lumière naissante, le loup et la panthère se tinrent côte à côte, liés par un pacte plus fort que le destin.
La brume du matin s’attardait encore dans la clairière, enveloppant les arbres d’un voile spectral. L’air était lourd des effluves du combat, un mélange de terre retournée, de sueur et du fer du sang séché. Ewan sentait encore les frissons de sa transformation, l’écho du loup résonnant en lui alors que son corps retrouvait lentement sa forme humaine.Nyx ne disait rien. Elle observait, immobile, perchée sur un rocher, ses yeux d’or fixés sur lui comme si elle cherchait à sonder l’impact de cette nuit sur son âme.— Tu es plus fort que ce que tu croyais, murmura-t-elle finalement.Ewan passa une main sur son visage, essuyant la sueur et les traces du combat. Ses muscles étaient encore tendus sous l’effet de l’adrénaline, et son souffle court.— Je ne sais pas si c’est une force ou une malédiction.Nyx sauta souplement à terre et s’approcha de lui, ses mouvements aussi fluides que ceux d’un fauve en chasse.— Pourquoi crois-tu que ce doit être l’un ou l’autre ?Ewan tourna la tête vers
Ewan Le vent s’était levé, fouettant les arbres et faisant onduler les ombres dans la clairière. L’odeur de la terre humide et du sang séché flottait encore dans l’air, vestige du combat de la nuit précédente. Mais à présent, une menace bien plus grande pesait sur eux.Ewan fixait toujours le parchemin qu’Irina lui avait tendu. Ces mots, tracés à l’encre noire, pesaient sur lui comme une sentence."Le Loup Maudit doit plier le genou, ou disparaître."Il savait que ce moment finirait par arriver. Depuis son enfance, il avait entendu les murmures sur sa lignée, sur la malédiction qui pesait sur son sang. Mais il avait choisi de l’ignorer, de se fondre dans l’ombre et d’échapper à ce destin tout tracé.Plus maintenant.Nyx s’approcha doucement, son regard brillant de cette intelligence féline qui ne la quittait jamais.— Tu ne comptes pas fuir, dit-elle simplement.Sa voix était calme, mais il y avait un défi dans ses yeux, comme si elle testait sa résolution.Ewan releva la tête vers e
Ewan La nuit s’étire comme un voile sombre au-dessus de la forêt, et pourtant, l'obscurité me semble plus dense que d'habitude. Chaque bruissement, chaque souffle du vent contre les feuillages me paraît amplifié, chargé d’une tension invisible qui fait vibrer l’air autour de moi.Je marche à pas feutrés, l’instinct en alerte. Je devrais être habitué aux ténèbres, mais ce soir, elles ont une consistance différente. Presque vivante. Une menace silencieuse rampe sous ma peau, me poussant à scruter les ombres entre les arbres noueux.L’odeur de la mousse humide et du bois en décomposition m’emplit les narines. Pourtant, une autre fragrance flotte dans l’air, plus subtile, plus enivrante. Un mélange de terre et de pluie, de mystère et de sauvagerie.Mon cœur se serre sans raison. Cette odeur… Je ne la connais pas, et pourtant, elle m’attire d’une manière inexplicable.Un frisson me parcourt l’échine, un signal d’alarme ancré dans mes os. Ce n’est pas de la peur. Non, c’est autre chose, qu
La nuit enveloppe la forêt d’un voile d’ombre impénétrable. Le silence y est presque religieux, troublé uniquement par le bruissement des feuilles et le murmure du vent à travers les branches noueuses. Pourtant, ce n’est pas ce silence qui me perturbe.C’est elle.Je ne la vois pas, mais je la sens.Depuis cette nuit où nos corps se sont heurtés dans une danse sauvage, elle hante chacun de mes pas. Je peux encore sentir la chaleur de son souffle sur ma peau, la tension qui vibrait entre nous, cette étrange connexion qui m’a ébranlé jusqu’à la moelle.J’aurais dû m’éloigner.J’aurais dû fuir.Mais mes pas m’ont ramené ici, encore et encore, comme si une force invisible me tirait vers ce lieu maudit.Pourquoi ?Je serre les poings, frustré par ce feu qui me ronge de l’intérieur. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas moi. Je suis un loup, un guerrier. Pas un homme qui se laisse troubler par un simple regard.Un regard d’or, brûlant et insondable.Un frisson me parcourt l’échine à ce souvenir
Le nom résonne en moi comme une vérité oubliée. Nyx.Je ne sais pas pourquoi ce mot me semble aussi naturel, comme s’il faisait partie de moi depuis toujours. Il s’insinue dans mon esprit, s’accroche à mes pensées, refusant de s’effacer. Alors, dans un souffle à peine audible, je le murmure.— Nyx…La réaction est immédiate.La panthère noire, jusque-là figée devant moi, tressaille légèrement. Ses yeux d’or s’agrandissent d’une lueur indéchiffrable, et je peux voir ses muscles se tendre sous son pelage d’encre.Elle a entendu.Elle a compris.Mon cœur bat plus fort. Une chaleur étrange s’étend dans ma poitrine, brûlante et insaisissable. Ce n’est pas une simple bête. Ce n’est pas un simple hasard.Nous sommes liés.D’une manière que je ne peux pas encore expliquer.Un vent glacé s’engouffre entre les arbres, soulevant les feuilles mortes qui tourbillonnent autour de nous. L’instant est suspendu, irréel.Nyx ne bouge pas.Je non plus.Nous nous observons, figés dans cet entre-deux, com
La nuit s’étire, interminable, et pourtant, je n’ai aucune envie de dormir. Mon corps est épuisé, mais mon esprit est en alerte. Chaque battement de mon cœur pulse à un rythme irrégulier, écho d’une sensation que je ne parviens pas à nommer.Nyx.Je ne comprends pas ce qui m’arrive.Cette panthère… Non, cette femme, car je le sais maintenant, elle n’est pas une simple bête. Quelque chose en elle me trouble, me chamboule, me consume.Je passe une main sur mon visage, inspirant profondément.Je devrais partir. M’éloigner de cette forêt maudite, de cette attraction étrange qui me retient ici.Mais je n’en ai pas la force.Alors je reste là, allongé sur le sol humide, les yeux rivés sur le ciel nocturne. La lune brille haut au-dessus des arbres, sa lumière argentée peignant des ombres mouvantes autour de moi.Et dans ces ombres…Je sens sa présence.Je ne bouge pas, mais mes sens sont en alerte.Elle est proche.Je la devine dans l’obscurité, tapie entre les branches, silencieuse, me rega
C’est la première fois qu’elle prononce mon nom.Et c’est comme si elle l’avait déjà dit mille fois auparavant.Un vertige me prend. Je ne sais plus où je suis, qui je suis, ce que je suis censé faire.Tout ce que je sais, c’est que je veux la toucher.M’assurer qu’elle est réelle.Alors, malgré la confusion, malgré les questions qui tourbillonnent dans mon esprit, je tends la main.Elle ne recule pas.Ses doigts effleurent les miens.Et cette fois, ce n’est plus un simple contact.C’est un incendie.Une vague brûlante qui nous traverse, qui nous consume, qui nous unit.Et dans cet instant suspendu entre deux mondes, deux vies, une certitude s’impose à moi.Nous avons été séparés autrefois.Mais aujourd’hui, cette nuit…Rien ne pourra plus nous éloigner.La nuit semble s’être arrêtée autour de nous. Le temps lui-même retient son souffle, comme s’il savait que cet instant ne devait pas être brisé.Nyx me regarde, son regard d’or vacillant entre trouble et certitude. Sa main est toujour
Le silence entre nous est plus pesant que l’obscurité de la forêt.Nyx s’éloigne de quelques pas, comme si elle avait besoin d’air, comme si ce que nous venons de voir l’oppressait. Je le ressens aussi. Un poids sur ma poitrine, une impression de déjà-vu si forte qu’elle en est presque douloureuse.Nos regards se croisent encore, mais cette fois, il n’y a plus d’incertitude. Plus de déni possible.— C’était réel, dis-je d’une voix rauque.Elle ferme les yeux un instant, ses poings crispés le long de son corps. Puis, lentement, elle murmure :— Alors pourquoi ai-je l’impression que ça nous échappe encore ?Je n’ai pas de réponse.Tout ce que je sais, c’est que ce souvenir n’est pas qu’une simple illusion. C’est une vérité enfouie, un fragment d’un passé qui nous appartient.Et plus effrayant encore…Quelqu’un nous l’a volé.Je m’approche d’elle, prudemment. Elle ne recule pas, mais je sens la tension dans chacun de ses muscles, comme si elle se retenait de fuir.— Nyx, il faut qu’on co
Erwan, Nyx, Lyam, Nolen, KaelL’hiver s’accroche à la terre, aussi tenace que nous. Les jours s’étirent dans un silence tendu, chaque heure plus lourde que la précédente. On a attendu ce moment trop longtemps. Maintenant, il est là.Erwan— C’est ce soir.Ma voix brise le silence. Nyx relève la tête, ses traits figés par la détermination. Lyam hoche la tête. Il a récupéré des armes, des cartes. Tout est prêt.Nyx— On ne revient pas en arrière.Lyam— On n’est jamais revenus en arrière. On a juste mis le feu aux ponts, un par un.Nolen ne parle pas. Il sait. Il a compris. Ses petits poings serrés contre sa poitrine.Nolen— Reviens, maman. Reviens cette fois.Nyx s’accroupit, pose une main sur sa joue.Nyx— Je reviens. On va se construire cette maison, tu te souviens ? Avec un lit qui grince pas.Il hoche la tête, mais je vois ses yeux briller. C’est un adieu qu’on lui arrache sans oser le dire.On part à la nuit tombée. Le domaine de Kael est à deux jours de marche, mais Lyam connaî
Erwan, Nyx, Nolen, LyamLa nuit est glaciale, mais je ne sens plus rien. Mon bras autour de Nyx, mes forces vacillantes, et devant nous, Lyam ouvre la route. Nolen dort contre elle, le visage enfoui dans son cou comme s’il refusait de voir ce monde en ruines.Erwan— Combien de temps avant qu’ils nous retrouvent ?Lyam ne répond pas tout de suite. Ses yeux balayent l’horizon. La forêt dévore la route, les arbres se referment sur nous.Lyam— On a gagné du temps. Kael est mort. Mais tu sais comment ça marche… Un autre prendra sa place.Je serre les dents. Nyx me soutient sans un mot, sa main tremblante sur ma hanche. Elle m’a sauvé. Elle nous a tous sauvés.Nyx— On trouvera un endroit. Assez loin. Pour respirer. Pour penser.Sa voix est rauque, abîmée. Mais elle est là. Vivante. Et plus forte que jamais.On marche encore des heures. La douleur pulse dans ma jambe. Je tombe une fois, deux fois. Nyx refuse de me lâcher.Erwan— Tu devrais partir devant avec Nolen. Me laisser là si je te
Erwan, Nyx, LyamLe vent souffle en bourrasques, charriant des odeurs de terre humide et de bois brûlé. La nuit s’étale sur nous comme une ombre vivante. À l’horizon, la forteresse se dresse, massive, impénétrable.Nous sommes trois. Eux, une trentaine. Mais la peur ne fait plus partie de l’équation.Nyx— On entre par les tunnels. Il y a un passage sous la falaise, une ancienne galerie d’évacuation.Je la fixe.Erwan— Tu en es sûre ?Elle ne cille pas.Nyx— Kael l’a fait condamner, mais je sais comment passer. C’est notre seule chance d’arriver jusqu’à Nolen sans alerter tout le camp.Lyam serre son fusil, vérifie son chargeur.Lyam— Combien de temps avant l’aube ?Je jette un œil au ciel.Erwan— Quatre heures. On doit être rapides.Nyx passe devant. Elle connaît chaque pierre, chaque fissure de cette terre damnée. On descend en silence, courbés contre les ombres.Les tunnels sont étroits, humides. L’air y est lourd, chargé d’un relent de moisissure et de sang ancien.On progress
Erwan, Nyx, LyamLa nuit ne veut pas finir. Elle s’accroche à nous comme une malédiction. Pourtant, on ne bouge plus. Figés dans cette étreinte bancale, incapables de dire ce qui brûle encore nos tripes. La rage, la peur, l’espoir, tout se mélange. Et dans le silence, c’est Nyx qui finit par parler. Sa voix est rauque, étranglée, presque brisée.Nyx— Le premier… il s’appelait Kael. C’est lui qui m’a trouvée la première nuit. Il m’a tendu la main quand je crevais de froid et de faim… Et il m’a enchaînée avec.Elle se redresse, les yeux perdus dans les flammes.— Il dirige un réseau, là-bas, de l’autre côté des montagnes. Un empire bâti sur la peur, la chair et le sang des autres. Il m’a vendue, rachetée, brisée, et toujours, il me ramenait à lui. Parce que c’est ce qu’il fait. Il garde ce qu’il a brisé. Comme un trophée.Lyam serre les poings, son regard noir fixé sur elle.Lyam— Et tu veux qu’on commence par lui ?Nyx hoche la tête.Nyx— Je veux voir ses yeux quand il comprendra qu
Erwan— Viens.Je tends la main. Ma voix est rauque. Elle hésite, puis s’approche. Et quand ses doigts frôlent les miens, c’est un torrent qui me traverse. Toutes ces années à croire qu’elle était morte. Toutes ces nuits à la maudire et à la pleurer.Je l’attire brutalement contre moi. Mon front se pose contre le sien.— Tu m’as tué, Nyx. Tu m’as laissé mourir avec toi.Elle sanglote. Ses doigts s’agrippent à ma veste.— Je sais… je sais… Mais je suis là maintenant. Et je vous lâcherai plus.LyamIl nous regarde, les poings serrés. Puis, d’un geste brusque, il frappe la table.— Je sais même pas ce que je ressens. Y’a trop de rage, trop d’amour… Je veux te détester, mais j’y arrive pas. Je veux te prendre dans mes bras, mais j’suis incapable de bouger.Nyx le regarde avec cette douleur immense dans les yeux.— Je comprends. Mais laisse-moi te montrer. Laisse-moi rattraper ce que j’ai perdu.LyamIl craque. Ses épaules s’affaissent. Et dans un soupir, il laisse tomber la hache de guerr
Erwan, Lyam, NyxErwanLa nuit s’épaissit. Le silence est lourd, étouffant. Nyx est assise face à nous. Le feu projette des ombres sur son visage marqué. Ses yeux ne fuient pas. Elle attend.— Parle.Ma voix claque. Elle tressaille. Puis elle sourit, ce rictus qui me vrille le cœur.Nyx— Ils m’ont prise la nuit où tout a basculé. Quand vous avez cru que j’étais morte… je l’étais presque. Ils ont tiré sur moi, Erwan. Et pendant que tu hurlais mon nom, pendant que tu courais, j’étais là, couchée dans la boue, le sang dans la bouche. J’entendais encore ta voix. Et puis, plus rien. Le noir.Elle s’interrompt. Je serre les dents. Lyam ne bouge plus, figé.— Je me suis réveillée dans un lieu que vous ne pouvez pas imaginer. Des murs sans fenêtres. L’odeur de la mort partout. Le Conseil voulait que je parle. Que je livre vos secrets. Les miens. Tout ce que je savais de la rébellion, de nos projets, de toi, Erwan. Ils m’ont broyée. Jour après jour. Mois après mois.Elle lève les yeux.— Et t
ErwanDes années ont passé. Je ne sais plus combien. J’ai arrêté de compter.Le monde a continué de tourner, sans elle. Et moi, je me suis noyé dans cette absence, jour après jour, jusqu’à ne plus savoir où commençait ma douleur, où finissait mon corps.Mais il y a lui.Il est là, dans cette pièce, assis près de la fenêtre, le visage baigné de lumière. Il lui ressemble. Trop. Chaque jour un peu plus.Ses cheveux sombres. Ses yeux. Son silence. Cette manière d’observer le monde, sans rien dire, comme s’il savait déjà que personne ne tiendrait ses promesses.— Lyam.Il tourne la tête. Pas un sourire. Pas une plainte. Juste ce regard qui me traverse et me condamne.Il ne sait rien. Pas encore. On me l’a interdit. On m’a supplié d’attendre. De le laisser grandir sans le poids des morts.Mais aujourd’hui…Je m’approche. Mes mains tremblent. Je m’agenouille devant lui.— Tu sais qui était ta mère ?Il secoue la tête.Je prends une inspiration. Et je me brise en mille morceaux.— Elle s’appe
NyxJe sens mon corps s’effacer. Mon âme se détacher. Ce n’est pas douloureux. C’est pire. C’est doux. Comme si la mort était une caresse, une promesse.Je suis là, dans cette tour. Seule. Vaelor m’a tout expliqué. Le choix. Le prix. Le sacrifice.Il me regarde. Son sourire est triste.— Tu es certaine ?Je hoche la tête. C’est la seule façon.— L’enfant vivra…— Oui.— Et lui… ?Vaelor détourne les yeux.— Erwan t’oubliera. C’est le pacte. C’est le prix.Je ferme les yeux. Juste un instant. Je revois son visage. Ses mains. Sa voix quand il disait mon nom.— Alors, je suis prête.Je ne pleure pas. Je ne crie pas. C’est trop tard pour ça.Je laisse mon corps tomber à genoux. Le sol est froid. Mes doigts tremblent mais je les tends vers Vaelor.— Donne-moi ce qu’il reste. Donne-moi sa mémoire… pour une dernière fois.Vaelor hésite. Puis il s’approche. Ses mains effleurent mes tempes.Et soudain, tout me revient. Lui. Erwan. Sa colère, son amour, ses promesses. Nos nuits. Nos silences. C
ErwanLa nuit s’abat sur la vallée, lourde et suffocante. La tour de pierre noire s’élève, témoin silencieux d’un temps révolu, d’un monde où les hommes marchaient aux côtés des dieux et pactisaient avec la mort.Vaelor nous regarde. Ses yeux sont d’un gris d’acier, vides de toute humanité. Cet homme n’existe plus vraiment. Il n’est qu’un fragment de mémoire, un vestige de l’ancien monde, un gardien fatigué de porter ce fardeau.— Le sang a parlé, Erwan.Sa voix est rauque, usée par les siècles.— Le pacte n’a jamais été brisé. Tu n’as fait que retarder l’inévitable. L’enfant… n’est plus un simple héritier. Il est la clef. La porte. La fin et le commencement.Je serre Nyx contre moi. Elle ne parle plus. Elle fixe Vaelor comme on fixe un cauchemar éveillé. Ses doigts crispés sur mon bras sont glacés.— Dis-le, gronde-t-elle enfin. Dis-moi ce que je dois faire. Le prix… Quel est-il ?Vaelor esquisse un sourire triste.— Tu ne peux plus fuir, Nyx. Le prix, c’est lui.Il désigne mon ventr