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CHAPITRE 1

— Bougez-vous un peu, grogne une voix derrière moi.

Surprise, je me tourne vers l’homme qui me suit dans la file d’attente.

— Excusez-moi ? dis-je un peu déconcertée. Vous vouliez passer, peut-être ?

— Ce que je veux, c’est que ces putains d’idiots du comptoir se magnent. Je vais finir par rater mon foutu avion !

Il ricane avec mépris et je sens l’odeur de l’alcool dans son souffle.

— Ça me rend dingue.

Je lui tourne à nouveau le dos en soufflant intérieurement. Super, un ivrogne. Il ne manquait plus que ça. C’est le branle-bas de combat à l’aéroport d’Heathrow. Le mauvais temps a retardé la plupart des vols et, pour être honnête, j’aimerais bien que le mien le soit aussi. Ça me permettrait de faire demi-tour, rentrer à l’hôtel et dormir le temps d’une semaine. Je ne suis vraiment pas d’humeur pour toute cette merde.

J’entends l’homme qui continue de se plaindre aux personnes qui se trouvent derrière lui et je lève les yeux au ciel. Comment les gens peuvent-ils être si odieux ?

Pendant dix bonnes minutes encore, je l’écoute râler, soupirer et gémir jusqu’à ce que la goutte fasse déborder mon vase.

— Ils font de leur mieux, d’accord ? Pas besoin d’être aussi grossier, dis-je d’un ton sec après m’être tournée vers lui.

— Pardon ? hurle-t-il en dirigeant maintenant sa colère contre moi.

— La politesse ne coûte rien, grincé-je entre mes dents.

— La politesse ne coûte rien ? s’écrie-t-il. Vous êtes quoi, institutrice ? Ou juste une salope enragée ?

Je lui lance un regard noir. Le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’ai aucune patience aujourd’hui. Je viens de passer les dernières quarante-huit heures en enfer. J’ai traversé le globe pour assister à un mariage durant lequel j’ai dû accessoirement supporter la vue de mon ex flanqué de sa nouvelle copine. Autant dire que je suis d’une humeur massacrante, il ne faudrait pas trop me chercher.

Je lui tourne toujours le dos, sentant que ma fureur commence à devenir incontrôlable. Lorsqu’il flanque un coup de pied dans ma valise, je me retourne.

— Arrêtez ça tout de suite ! claqué-je.

Il se rapproche dangereusement de moi, son visage presque collé au mien, et je grimace mécaniquement à l’effluve de son haleine.

— Je fais ce que je veux, putain !

Du coin de l’œil, j’aperçois la sécurité traverser le hall en le regardant. Le personnel de l’aéroport a remarqué la situation et a appelé des renforts.

— S’il vous plaît, ne touchez pas à ma valise, monsieur, dis-je d’une voix mielleuse en forçant un sourire.

— Je touche à ce que je veux, bordel ! s’énerve-t-il en saisissant mon bagage pour le jeter à travers le hall de l’aéroport.

— Mais c’est quoi, votre problème ? hurlé-je.

— Hé ! s’écrie l’homme debout derrière nous. Laissez ses affaires tranquilles. Sécurité !

Monsieur Ivre et Mentalement Perturbé décoche soudain un coup de poing à la personne venue à mon secours, et une bagarre éclate. Les agents de sécurité interviennent rapidement et de toutes parts, me repoussant en arrière alors que des coups volent et que l’importun ne cesse de proférer des obscénités. Je n’ai vraiment pas besoin de ça aujourd’hui mais heureusement, ils finissent par le maîtriser et l’escorter menotté.

— Je suis désolé, s’excuse un agent en ramassant ma valise. Venez avec moi, dit-il en détachant la cordelette de la file d’attente.

— Merci.

Je souris maladroitement à tous ceux qui font la queue. Moi qui déteste me faire remarquer… mais au point où j’en suis, c’est le cadet de mes soucis. Je le talonne d’un air penaud jusqu’au comptoir d’enregistrement où un jeune homme lève les yeux vers moi tout en arborant un visage radieux.

— Tout va bien ? s’enquiert-il.

— Oui, ça va, merci.

— Je vous la laisse, prenez soin d’elle, intervient l’agent de sécurité en nous adressant un clin d’œil avant de disparaître dans la foule.

— Votre pièce d’identité, s’il vous plaît.

Je fouille dans mon sac à main, trouve mon passeport et le tends au jeune homme. Il ricane légèrement en apercevant la photo.

Oui, je te l’accorde, mon coco, c’est probablement la pire de toutes.

— Vous avez vu mon visage sur la liste des personnes recherchées, c’est ça ? plaisanté-je.

— Peut-être bien, rit-il. C’est vraiment vous sur cette photo ?

Je ris doucement, gênée.

— Espérons que non. Car si c’est le cas, je vais avoir de graves ennuis.

Il ricane à nouveau puis tape sur son clavier.

— OK, vous devez donc vous rendre à New York avec un…

Il interrompt la saisie de mes informations pour prendre le temps de parcourir mon dossier.

— C’est ça, confirmé-je. Et de préférence, pas à côté de ce fou furieux, là-bas.

— Rassurez-vous, il n’ira nulle part aujourd’hui, répond-il en recommençant à taper à une vitesse impressionnante. Enfin, à part en cellule de dégrisement.

— Pourquoi se saouler avant de venir à l’aéroport, hein ? demandé-je. Il n’a même pas encore mis les pieds dans les bars du terminal.