Gabriel de Montreuil– Il secoue la tête, amusé.– Écoute, gamin. Tu veux vivre ? Tu veux te battre ? Alors tu as deux choix. Soit tu prends la mer avec moi, soit tu finis au bout d’une corde quand tes ennemis te rattraperont.– Un silence pesant s’installe.– Puis je tends la main.– Nous naviguerons avec toi. Mais nous restons maîtres de notre destin.– Son sourire s’élargit.– Affaire conclue.L’Initiation– La vie à bord de La Lame Noire est brutale.– Les hommes de Vargas ne font confiance à personne, et encore moins à des étrangers.– Si vous voulez une place ici, il va falloir la mériter, grogne un certain Rocco, un colosse aux tatouages marqués par le fouet.– Le premier test arrive vite.– Monter dans les mâts en pleine tempête.– Le vent hurle, les vagues s’écrasent contre la coque.– Diego grimpe avec agilité.– Aïda le suit de près.– Moi, je me bats contre la pluie et les bourrasques, mais je tiens bon.– En bas, Vargas observe, les bras croisés.– Pas mal, mais ce n’est
Gabriel de MontreuilRocco m’agrippe violemment par le col et me projette contre le mât.— Tu as signé ta mort, gamin.Je me redresse, le souffle court, et plante mon regard dans le sien.— Non, c’est toi qui es fini.Nos sabres s’entrechoquent dans un fracas d’acier. Chaque coup est plus violent, plus rapide. Il est plus fort, plus expérimenté. Mais j’ai la rage.J’esquive une attaque, pivote, frappe. Son sabre vole dans les airs avant de disparaître dans les flots. Rocco vacille, tombe à genoux.— Pitié…Mon sabre s’élève. Puis s’abat.Les Cendres d’un TyranLe corps de Rocco s’effondre, le regard figé dans le vide. Un silence pesant s’abat sur le pont. L’équipage recule, hésite.Un vide s’est créé. Et il doit être comblé.Tous me fixent. Le pouvoir est là, attendant un maître.Diego s’approche, grave.— Tu n’as pas le choix, Gabriel.Je scrute les visages autour de moi. L’attente. Le doute. L’espoir.Je monte lentement sur le pont supérieur et saisis la barre.Le vent fouette mon v
Les Ruines du PasséLe vent siffle entre les voiles. L’océan porte encore l’odeur de la poudre et du sang.Nous avons gagné une bataille. Mais la guerre ne fait que commencer.M’bala scrute l’horizon. Diego nettoie son pistolet. Aïda essuie sa lame.Moi, je tiens toujours la barre.Le pavillon noir flotte au sommet du mât.Mais combien de temps encore ?L’Empire RépliqueLa vigie hurle.— Deux vaisseaux espagnols à tribord !L’ennemi revient, plus nombreux. Plus rapide.Diego s’approche.— Nous ne pouvons pas les affronter de face.— Alors nous ne le ferons pas.Je fixe la mer, cherche une issue.Il y en a toujours une.La Course Contre la Mort— Gonflez les voiles !Le navire s’élance.Le vent est notre allié. Mais le temps joue contre nous.Les espagnols chargent leurs canons.Les boulets fendent l’air.L’eau explose tout autour.Un impact. Puis un autre.Le pont tremble sous mes pieds.M’bala crie.— Nous ne tiendrons pas longtemps !L’Île du JugementÀ l’horizon, une terre. Une îl
Un autre parle.— La loi des îles… Tu es des nôtres, maintenant.Un frisson me parcourt.Je ne suis pas venu pour ça.Mais je viens de prendre le contrôle d’une flotte entière.Je fixe l’horizon.L’Empire nous traque.Et maintenant, nous avons une armée.Je me tourne vers Diego.— Préparez les hommes.Je prends une dernière inspiration.— Nous partons en guerre.La mer, d’un bleu sombre, s’étendait à perte de vue, agitée par les vents capricieux qui annonçaient peut-être la tempête à venir, ou bien la guerre que nous nous apprêtions à mener, une guerre que nous n’avions pas choisie mais qui, désormais, nous appartenait pleinement.Derrière moi, sur le pont du navire que nous venions de conquérir, les hommes s’activaient dans un silence pesant, conscients que leur sort venait de basculer, partagés entre la peur de l’inconnu et l’excitation d’un avenir incertain, entre la certitude que l’Empire chercherait à les anéantir et l’espoir fou d’échapper à cette fatalité en suivant un nouveau
Gabriel de MontreuilJe laissai mon regard balayer la carte, analysant les courants, les îles avoisinantes, chaque élément qui pouvait être utilisé à notre avantage.— Nous allons les attirer dans une embuscade.Un silence suivit mes paroles, mais je vis sur les visages de mes officiers qu’ils attendaient la suite, prêts à entendre un plan qui, s’il fonctionnait, ferait de nous les pirates les plus recherchés des Caraïbes.Je relevai les yeux vers Diego, dont le regard s’était affûté.— Tu as dit que le convoi suivait cette route pour éviter les îles infestées de pirates. Ce qui signifie qu’ils savent exactement où se trouvent les dangers… et où ils pensent être en sécurité.M’bala sourit, comprenant où je voulais en venir.— Et nous allons leur prouver qu’ils ont tort.Aïda se redressa, cessant de faire tourner sa lame entre ses doigts.— Si nous feignons une attaque de flibustiers sur une des îles proches, ils enverront un ou plusieurs navires pour sécuriser la zone, laissant le gal
Gabriel de MontreuilLa mer s’étend à perte de vue, sombre, capricieuse, ondulant sous les bourrasques qui font gémir les voiles. Mon regard suit l’horizon, là où l’obscurité et l’écume se mêlent dans une danse incertaine. L’équipage se tient prêt, chacun à son poste, scrutant les ténèbres à la recherche du convoi d’or.Diego se tient près de la barre, les mains serrées sur le bois, la mâchoire tendue.— Nous devrions le voir d’ici peu. Si nos informations sont exactes, ils ne dévieront pas de leur route.M’bala croise les bras, son regard acéré fixé sur l’horizon.— Et s’ils ont changé d’itinéraire ? S’ils nous attendent ?Aïda rit, un son sec, tranchant.— Alors nous mourrons plus tôt que prévu.Je ne réponds pas. L’idée que l’Empire ait anticipé notre attaque m’a traversé l’esprit plus d’une fois, mais le doute est une faiblesse que je ne peux me permettre. Je serre la garde de mon sabre, sentant l’adrénaline pulser dans mes veines.La vigie crie, sa voix fend la nuit.— Feux en vu
Gabriel de MontreuilJe réfléchis un instant. La réponse est évidente. Nous devons frapper là où l’Empire est le plus vulnérable. Là où ils croient être en sécurité.— Nous allons dans les Antilles. Les routes commerciales espagnoles sont essentielles pour leur empire. Là-bas, nous aurons l’occasion de frapper au cœur même de leur puissance.Le regard de Diego s’éclaire.— Si nous réussissons, nous pourrions changer le cours de la guerre, Gabriel.Je le fixe, un sourire en coin.— Oui, Diego. Si nous réussissons, cela marquera la fin de l’Empire espagnol dans les Caraïbes.M’bala, qui a écouté en silence, se rapproche.— Ce n’est pas une mince affaire. Nous devons être prêts à tout. Et le prix de l’échec est la mort.Aïda jette un regard sur l’équipage, qui attend avec impatience. L’agitation est palpable, les hommes chuchotent entre eux, anxieux mais excités par la perspective de ce qui vient. Le vent souffle, emportant les dernières paroles de M’bala, mais il n’y a plus de place pou
Gabriel de MontreuilL’aube peine à percer l’épais manteau de nuages sombres qui nous entourent. La mer, encore agitée par la tempête, commence à se calmer légèrement, mais le ciel est d’un gris menaçant, à peine éclairé par les premières lueurs du jour. Le vent souffle toujours avec force, secouant les voiles du galion, mais il n’a plus la fureur du soir précédent. Un calme précaire précède la violence de la bataille.À mes côtés, Diego scrute l’horizon, ses yeux perçant les ténèbres matinales.— Nous ne sommes plus qu’à quelques heures de leur position. Si tout va bien, nous les surprendrons avant qu’ils n’aient le temps de réagir, murmure-t-il, un rictus féroce sur les lèvres.Je le regarde un instant avant de me tourner vers Aïda, qui se tient à l’avant du navire, les bras croisés, son regard fixé sur les vagues qui dévalent sous nous. Elle est calme, mais je peux voir dans ses yeux qu’elle aussi attend avec impatience ce qui va suivre.— Ils ne s’attendront pas à ce que nous frap
Récit d’un vieil homme, narrateur anonymeOn raconte qu’un jour, un capitaine a fait taire la mer.Pas par la peur. Pas par la guerre.Mais parce qu’il lui a tourné le dos.Parce qu’il a aimé plus fort que la mer ne le permet.Parce qu’il a choisi l’amour au lieu du vent, une main au lieu du sabre.Son nom ?Gabriel de Montreuil.Une légende.Une épine dans le flanc de l’Empire.Un spectre pour les galions espagnols.Un mythe pour les jeunes mousses qui rêvaient de fortune, de gloire, de liberté.Et puis… plus rien.Un matin, le Pavillon Noir n’est plus reparu à l’horizon.Plus de voiles. Plus de feu.Le capitaine s’est tu.Et avec lui, la mer a perdu quelque chose de sauvage, de furieux.Mais moi, je sais.Je sais ce qu’il est devenu.J’étais jeune mousse sur un brick marchand, à l’époque.On croisait au large d’îles sans nom, là où les cartes s’effacent dans le bleu, où le ciel et l’eau se confondent.Et un soir, juste avant que le soleil meure, je l’ai vu.Une barque.Deux silhouet
Gabriel de MontreuilLe San Telmo dort dans le ventre de l’océan.Et nous, on flotte dans l’après.La plage est déserte, battue par le vent. Du sable blanc, du sel sur ma peau. Elle est là, allongée, la poitrine soulevée lentement, les yeux fermés.Je ne dis rien.Je la regarde respirer.AïdaJe sens son regard avant d’ouvrir les yeux.Je le connais. Il me brûle doucement, sans violence.Ses mains sont posées sur ses genoux. Il ne me touche pas. Pas encore.Je me redresse.Ma robe est en lambeaux, mais je m’en moque.Il est là. Et je suis vivante.— Tu comptes me regarder longtemps comme ça ?Il ne sourit pas. Il s’approche. Lentement.Je tends la main. Il l’attrape.Gabriel de MontreuilSon contact me brise.Je tombe à genoux devant elle, le front contre son ventre.— Je t’ai crue morte.— J’ai cru l’être aussi.Ses doigts glissent dans mes cheveux, et tout se tait.AïdaIl a tout perdu. Le navire. Le serment. La légende.Mais il m’a gardée.Ou peut-être que c’est moi qui l’ai gardé.
Gabriel de MontreuilJe tombe à genoux. Le pont du San Telmo vacille sous mes mains. L’air est saturé de sel, de magie ancienne, de douleur. Aïda gît là, dans les bras invisibles du navire, comme une offrande vivante, une prière hurlée à l’océan. Son corps est toujours là, mais son âme, je la sens glisser, tirée par des courants plus sombres que la mort elle-même.— Non… non, Aïda…Je me précipite, mais déjà la coque s’ouvre autour d’elle, comme une gueule vivante. Le bois craque, soupire, s’ouvre comme une plaie.DiegoJe m’élance après Gabriel. Il vacille, prêt à se jeter dans l’abîme pour la rejoindre. Je l’attrape par le bras au dernier instant.— Tu fais quoi, bordel ?!Il se débat, les yeux fous.— Elle a pris ma place, Diego ! C’est à moi ! C’était à moi !Il me frappe. Je le retiens. Je le frappe à mon tour. Le chaos autour de nous est si intense que personne ne voit. La mer hurle, la Gardienne récite des incantations dans une langue morte. Mais Gabriel ? Il se brise entre mes
DiegoJe connais Gabriel depuis assez longtemps pour comprendre ce qu’il s’apprête à faire. Ce regard, cette foutue détermination glacée… Il croit qu’il n’a pas le choix. Mais il en a toujours un.— On peut trouver une autre issue, je lance. Il y a toujours un autre moyen.La Gardienne esquisse un sourire triste.— Vous ne comprenez pas. Ce navire ne navigue que sur le serment du sang.AïdaLe serment du sang.Tout s’effondre en moi. Mon souffle se coupe, mon cœur cogne contre mes côtes comme un tambour de guerre. Je comprends avant même que Gabriel parle.— C’est moi, murmuré-je. C’est moi le prix.Il détourne les yeux.Le silence qui suit est pire que n’importe quelle tempête.Gabriel de MontreuilAïda me fixe, les yeux brillants d’un mélange de peur et de rage. Je pourrais lui mentir. Lui dire qu’elle se trompe. Mais elle sait. Elle a toujours su.— Non, souffle-t-elle.Le San Telmo tangue violemment. L’eau noire s’agite sous nous, une houle surnaturelle, impatiente. Mon père reste
Gabriel de MontreuilLe pont du San Telmo grince sous mes pas.Le bois est ancien, pourtant il semble respirer. Les voiles noires frémissent comme la peau d’une créature vivante. Un murmure serpente à travers l’air, une prière oubliée, un avertissement peut-être. Mais il est trop tard pour reculer.Je sens la présence de mes compagnons derrière moi. Diego inspecte le gréement, les traits tendus. M’Bala, silencieux, recharge son fusil, prêt à affronter l’inconnu. Aïda garde le médaillon serré dans sa main, son regard brillant d’une inquiétude qu’elle ne dissimule plus.Puis la Gardienne parle.— Le navire t’appartient, Gabriel de Montreuil. Il est le dernier témoin de ton sang, l’ultime vestige de ce qui fut et de ce qui doit être.Je tourne les yeux vers elle. Son voile d’or scintille sous la lueur irréelle qui baigne le vaisseau.— Où nous mènera-t-il ?Elle incline légèrement la tête.— Là où le pacte l’exige.Un frisson court le long de mon échine. Ce pacte… Je l’ai scellé sans en
Gabriel de MontreuilM’BalaJe plante mon coutelas dans la poitrine d’un des spectres.Il ne bronche pas.Ses mains se referment sur mon cou.Je suffoque.Puis, soudain, une lumière jaillit derrière moi.Je tombe à genoux, haletant.Le médaillon.Aïda s’est levée.Son regard est brûlant.Et le médaillon brille d’une lueur qui n’a rien de naturel.Les morts s’arrêtent.L’ombre, elle, avance.Gabriel de MontreuilLa jungle se déchire dans un rugissement de vent et de cendres.La silhouette cachée dans l’ombre révèle enfin son visage.Un visage que je connais.Mon père.Ou du moins, ce qu’il est devenu.Son regard est froid, inhumain.— Tu aurais dû rester en mer, Gabriel.Sa voix est un murmure de tempête, un écho de mille âmes perdues.Je serre les poings.— Pourquoi es-tu encore là ?Un sourire tordu se dessine sur son visage.— Parce que j’ai échoué.Un silence s’abat sur nous.Puis il lève la main.Et la terre tremble sous nos pieds.DiegoLe sol s’ouvre en un fracas assourdissant.
Gabriel de MontreuilMon père me regarde, ou du moins… ce qui reste de lui.Son visage n’est qu’une ombre du souvenir que j’en avais, ses traits mangés par le temps et la mort. Pourtant, dans ses yeux vides, quelque chose brûle encore. Une lueur. Un avertissement.Le médaillon que j’ai ramassé pulse dans ma main, sa surface froide vibrant contre ma peau.Et derrière lui, la jungle change.Les arbres semblent se courber, leurs racines noires s’étirent comme des griffes prêtes à m’engloutir. Le sol lui-même palpite sous mes pieds. Quelque chose… non, quelqu’un m’observe.— Gabriel…La voix de mon père est un murmure brisé, un souffle venu d’un autre monde.Je serre les dents.— Tu es mort.Il incline lentement la tête, et un rictus tord ses lèvres décomposées.— Oui.Un frisson glacé parcourt mon échine.Puis il lève un doigt décharné et pointe mon cœur.— Mais toi… tu es en train de suivre mon chemin.Le médaillon pulse plus fort.Autour de moi, la jungle se resserre.Et soudain, une v
Gabriel de MontreuilLa mer s’est tue.Les derniers vestiges des galions espagnols dérivent entre les vagues, des planches brisées, des voiles déchirées, et des cadavres flottants que la mer n’a pas encore engloutis. L’odeur du sel et du sang se mélange dans l’air. Le Pavillon Noir est toujours debout, mais il tangue, meurtri par la bataille et les fureurs des eaux maudites.Je serre la barre à m’en blanchir les jointures, le regard fixé sur l’horizon voilé d’une brume épaisse.Derrière moi, Diego s’appuie contre le bastingage, la main sur ses côtes blessées. M’Bala surveille le pont d’un œil attentif, prêt à bondir à la moindre menace.Et Aïda…Aïda respire encore.À chaque inspiration laborieuse qui s’échappe de ses lèvres, je sens une étincelle de rage et d’espoir s’allumer en moi.— Terre en vue !Le cri vient du nid de pie.Je lève les yeux.Devant nous, une masse sombre se découpe lentement dans la brume.Une île.Notre seule chance de survie.Mais aussi notre plus grande menace
Gabriel de MontreuilAïda s’accroche à la vie.Elle respire difficilement, allongée sur le pont du Pavillon Noir, son sang s’infiltrant entre les planches de bois comme une promesse maudite. Ses yeux sont mi-clos, sa peau, plus pâle que je ne l’ai jamais vue.Je presse ma main contre la plaie, ignorant le chaos qui nous entoure.— Tiens bon, Aïda. Tu m’entends ?Sa main tremble, se referme sur mon bras.— Gabriel…Sa voix est un souffle. Faible. Trop faible.M’Bala s’agenouille à côté de moi, son visage d’ordinaire impassible déformé par l’angoisse.— Il faut la descendre à la cabine. Vite.J’acquiesce, incapable de parler.Je la soulève avec précaution. Son corps est léger contre le mien, mais je sens la chaleur de son sang qui s’imprègne dans ma chemise. Je descends d’un pas rapide l’escalier menant à ma cabine, Diego à mes trousses, son bras toujours serré contre ses côtes blessées.À peine la pose-t-on sur la couchette qu’un cri résonne sur le pont.— L’ennemi revient !Je me fige