Gabriel de MontreuilJe réfléchis un instant. La réponse est évidente. Nous devons frapper là où l’Empire est le plus vulnérable. Là où ils croient être en sécurité.— Nous allons dans les Antilles. Les routes commerciales espagnoles sont essentielles pour leur empire. Là-bas, nous aurons l’occasion de frapper au cœur même de leur puissance.Le regard de Diego s’éclaire.— Si nous réussissons, nous pourrions changer le cours de la guerre, Gabriel.Je le fixe, un sourire en coin.— Oui, Diego. Si nous réussissons, cela marquera la fin de l’Empire espagnol dans les Caraïbes.M’bala, qui a écouté en silence, se rapproche.— Ce n’est pas une mince affaire. Nous devons être prêts à tout. Et le prix de l’échec est la mort.Aïda jette un regard sur l’équipage, qui attend avec impatience. L’agitation est palpable, les hommes chuchotent entre eux, anxieux mais excités par la perspective de ce qui vient. Le vent souffle, emportant les dernières paroles de M’bala, mais il n’y a plus de place pou
Gabriel de MontreuilL’aube peine à percer l’épais manteau de nuages sombres qui nous entourent. La mer, encore agitée par la tempête, commence à se calmer légèrement, mais le ciel est d’un gris menaçant, à peine éclairé par les premières lueurs du jour. Le vent souffle toujours avec force, secouant les voiles du galion, mais il n’a plus la fureur du soir précédent. Un calme précaire précède la violence de la bataille.À mes côtés, Diego scrute l’horizon, ses yeux perçant les ténèbres matinales.— Nous ne sommes plus qu’à quelques heures de leur position. Si tout va bien, nous les surprendrons avant qu’ils n’aient le temps de réagir, murmure-t-il, un rictus féroce sur les lèvres.Je le regarde un instant avant de me tourner vers Aïda, qui se tient à l’avant du navire, les bras croisés, son regard fixé sur les vagues qui dévalent sous nous. Elle est calme, mais je peux voir dans ses yeux qu’elle aussi attend avec impatience ce qui va suivre.— Ils ne s’attendront pas à ce que nous frap
Gabriel de MontreuilLe ciel est d’un gris uniforme, et l’air froid s’engouffre sous les voiles du galion alors que nous continuons de fendre les vagues avec une rage qui ne s’éteint pas. Derrière nous, la bataille fait encore rage, mais nous avons frappé les premiers, pris l’Empire au piège, et maintenant, l’écho de nos canons résonne sur la mer, comme un avertissement pour tout le royaume espagnol.Je suis sur le pont, scrutant l’horizon de mes yeux perçants, chaque fibre de mon être tendue vers ce qui va suivre. Aïda se tient à mes côtés, son visage impassible comme toujours, mais dans son regard brûle une lueur de victoire. Nous avons frappé fort, mais il reste encore à récolter ce que nous sommes venus chercher.— Les navires ennemis sont en déroute. Nous avons fait ce que nous devions, dit Diego en s’approchant, ses traits marqués par l’adrénaline et la satisfaction.Je hoche lentement la tête, mais une inquiétude sourde s’installe en moi. M’bala arrive alors, l’air grave, son r
Gabriel de MontreuilLes vagues se brisent contre la coque du navire, un bruit sourd, puissant. Il ne me faut pas plus d’un instant pour lever la tête vers l’horizon et observer la mer agitée qui nous entoure. La bataille d’hier, les flammes des vaisseaux ennemis engloutis, les corps engloutis par la mer, tout cela semble déjà lointain. Mais je sais que la guerre n’a pas cessé, qu’elle continue dans les entrailles de l’Empire, et qu’il n’y a pas de retour en arrière. Ils ne nous pardonneront pas.Aïda se tient à mes côtés, ses yeux scrutant la mer avec une intensité calme mais pénétrante. Ses cheveux noirs, épars sous son tricorne, flottent légèrement dans le vent, et je vois un éclat déterminé dans son regard. Elle sait, tout comme moi, que notre victoire d’hier est fragile. Si nous ne nous préparons pas à ce qui vient, nous serons balayés. M’bala, les bras croisés, reste là, son visage implacable, son regard braqué sur la mer. Il est là pour nous rappeler que la prudence est une ver
Gabriel de MontreuilL'odeur de poudre, de fer brûlé, et de bois pourri envahit mes narines. La brume qui couvrait les navires ennemis se dissipe dans un tourbillon de cris, de fumée et d'explosions. Les voiles des galions espagnols sont déchirées sous les boulets, leurs ponts vibrent sous les secousses des impacts. Les premiers éclats de bois fusent, frappant ceux qui se tenaient trop près des bastingages. Le combat est désormais lancé, brutal et sans merci.Je me tiens sur le pont de mon navire, les yeux rivés sur la scène qui se déroule sous mes ordres. Aïda est à mes côtés, ses mouvements agiles, dansant parmi les hommes comme un fantôme de fer et de sang. M’bala se tient derrière, un roc de calme au milieu de la tempête, ses yeux sombres fixés sur les navires ennemis. Il sait, tout comme moi, qu’il ne s’agit plus d’une simple embuscade. C’est une guerre totale, un assaut sans pitié.Les canons tonnent, un son terrible qui couvre les hurlements des marins et les bruits de l’acier
Gabriel de MontreuilJe me tiens sur le pont du galion espagnol, les yeux fixés sur l’horizon. La mer est calme maintenant. Mais je sais qu’elle peut redevenir une mer de feu et de sang à tout moment. Le vent me souffle dans les cheveux, et je tourne le regard vers mes hommes. Ils sont fatigués, couverts de sang et de sueur, mais leurs yeux brillent de la lueur d’une victoire qui ne fait que commencer.— À l’assaut ! criai-je à l’équipage, prêt à prendre d’autres navires, à poursuivre notre chemin dans cette mer pleine de promesses et de menaces.Le vent souffle encore plus fort, comme un signal, un avertissement. Mais pour l’instant, l’Empire est à terre, et notre légende est en marche.Le silence qui suit la bataille est presque plus oppressant que le fracas du combat lui-même. La mer, qui semblait être le théâtre de notre furie, est désormais tranquille, trop calme, comme si elle avait avalé tout le bruit et la violence. Le vent porte encore l’odeur de la poudre et du sang, mais mê
Gabriel de MontreuilLes jours qui suivent notre fuite vers la baie sont marqués par une étrange tranquillité. L’océan, qui d’habitude bouillonne de vie et de mystère, semble avoir accepté notre présence. Les vagues, plus douces, ne laissent qu’un murmure lointain qui se mêle à la brise. Mais cette paix est trompeuse, car je sais que nous ne sommes pas seuls. L’Empire rôde, toujours prêt à détruire tout ce que nous avons bâti.Nous avons atteint la baie, comme prévu, et maintenant nos navires sont cachés dans ses recoins secrets, loin des yeux indiscrets. L’île, couverte d’une végétation dense, semble presque abandonnée par la civilisation. Pourtant, elle est loin d’être déserte. Chaque recoin, chaque crevasse entre les rochers abrite des secrets que seul l’océan semble connaître. Nous avons tout ce dont nous avons besoin ici : l’eau, les vivres, un abri. Mais le temps, lui, nous échappe, et l’inquiétude demeure.Sous l’ombre des arbres, M’bala et Aïda organisent les exercices d’entra
Gabriel de MontreuilLe ciel est devenu une toile d’ombres menaçantes, comme une mer intérieure prête à engloutir tout ce qui vit. L'air est saturé d'humidité, et l'odeur salée de l'océan se mêle à celle du métal froid des épées. Le temps semble suspendu, comme si le monde attendait notre premier mouvement, celui qui décidera de notre avenir.Les jours d’entraînement sont terminés. L’équipage, tendu et silencieux, attend le signal. L’atmosphère est chargée d’une énergie électrique, comme avant un combat décisif. Les hommes, fatigués mais prêts, vérifient leurs armes, leurs munitions, s’assurant que tout est en place. M’bala et Aïda, sans un mot, supervisent les derniers préparatifs. Leurs regards sont durs, leurs pensées absorbées par la tâche qui nous attend.Je me tiens seul sur le pont, observant l’horizon, où la mer rencontre le ciel dans une ligne incertaine. Diego est à mes côtés, son visage impassible comme toujours, mais je peux sentir la pression qui l’habite. Il n’a jamais é
Gabriel de MontreuilLe pont du San Telmo grince sous mes pas.Le bois est ancien, pourtant il semble respirer. Les voiles noires frémissent comme la peau d’une créature vivante. Un murmure serpente à travers l’air, une prière oubliée, un avertissement peut-être. Mais il est trop tard pour reculer.Je sens la présence de mes compagnons derrière moi. Diego inspecte le gréement, les traits tendus. M’Bala, silencieux, recharge son fusil, prêt à affronter l’inconnu. Aïda garde le médaillon serré dans sa main, son regard brillant d’une inquiétude qu’elle ne dissimule plus.Puis la Gardienne parle.— Le navire t’appartient, Gabriel de Montreuil. Il est le dernier témoin de ton sang, l’ultime vestige de ce qui fut et de ce qui doit être.Je tourne les yeux vers elle. Son voile d’or scintille sous la lueur irréelle qui baigne le vaisseau.— Où nous mènera-t-il ?Elle incline légèrement la tête.— Là où le pacte l’exige.Un frisson court le long de mon échine. Ce pacte… Je l’ai scellé sans en
Gabriel de MontreuilM’BalaJe plante mon coutelas dans la poitrine d’un des spectres.Il ne bronche pas.Ses mains se referment sur mon cou.Je suffoque.Puis, soudain, une lumière jaillit derrière moi.Je tombe à genoux, haletant.Le médaillon.Aïda s’est levée.Son regard est brûlant.Et le médaillon brille d’une lueur qui n’a rien de naturel.Les morts s’arrêtent.L’ombre, elle, avance.Gabriel de MontreuilLa jungle se déchire dans un rugissement de vent et de cendres.La silhouette cachée dans l’ombre révèle enfin son visage.Un visage que je connais.Mon père.Ou du moins, ce qu’il est devenu.Son regard est froid, inhumain.— Tu aurais dû rester en mer, Gabriel.Sa voix est un murmure de tempête, un écho de mille âmes perdues.Je serre les poings.— Pourquoi es-tu encore là ?Un sourire tordu se dessine sur son visage.— Parce que j’ai échoué.Un silence s’abat sur nous.Puis il lève la main.Et la terre tremble sous nos pieds.DiegoLe sol s’ouvre en un fracas assourdissant.
Gabriel de MontreuilMon père me regarde, ou du moins… ce qui reste de lui.Son visage n’est qu’une ombre du souvenir que j’en avais, ses traits mangés par le temps et la mort. Pourtant, dans ses yeux vides, quelque chose brûle encore. Une lueur. Un avertissement.Le médaillon que j’ai ramassé pulse dans ma main, sa surface froide vibrant contre ma peau.Et derrière lui, la jungle change.Les arbres semblent se courber, leurs racines noires s’étirent comme des griffes prêtes à m’engloutir. Le sol lui-même palpite sous mes pieds. Quelque chose… non, quelqu’un m’observe.— Gabriel…La voix de mon père est un murmure brisé, un souffle venu d’un autre monde.Je serre les dents.— Tu es mort.Il incline lentement la tête, et un rictus tord ses lèvres décomposées.— Oui.Un frisson glacé parcourt mon échine.Puis il lève un doigt décharné et pointe mon cœur.— Mais toi… tu es en train de suivre mon chemin.Le médaillon pulse plus fort.Autour de moi, la jungle se resserre.Et soudain, une v
Gabriel de MontreuilLa mer s’est tue.Les derniers vestiges des galions espagnols dérivent entre les vagues, des planches brisées, des voiles déchirées, et des cadavres flottants que la mer n’a pas encore engloutis. L’odeur du sel et du sang se mélange dans l’air. Le Pavillon Noir est toujours debout, mais il tangue, meurtri par la bataille et les fureurs des eaux maudites.Je serre la barre à m’en blanchir les jointures, le regard fixé sur l’horizon voilé d’une brume épaisse.Derrière moi, Diego s’appuie contre le bastingage, la main sur ses côtes blessées. M’Bala surveille le pont d’un œil attentif, prêt à bondir à la moindre menace.Et Aïda…Aïda respire encore.À chaque inspiration laborieuse qui s’échappe de ses lèvres, je sens une étincelle de rage et d’espoir s’allumer en moi.— Terre en vue !Le cri vient du nid de pie.Je lève les yeux.Devant nous, une masse sombre se découpe lentement dans la brume.Une île.Notre seule chance de survie.Mais aussi notre plus grande menace
Gabriel de MontreuilAïda s’accroche à la vie.Elle respire difficilement, allongée sur le pont du Pavillon Noir, son sang s’infiltrant entre les planches de bois comme une promesse maudite. Ses yeux sont mi-clos, sa peau, plus pâle que je ne l’ai jamais vue.Je presse ma main contre la plaie, ignorant le chaos qui nous entoure.— Tiens bon, Aïda. Tu m’entends ?Sa main tremble, se referme sur mon bras.— Gabriel…Sa voix est un souffle. Faible. Trop faible.M’Bala s’agenouille à côté de moi, son visage d’ordinaire impassible déformé par l’angoisse.— Il faut la descendre à la cabine. Vite.J’acquiesce, incapable de parler.Je la soulève avec précaution. Son corps est léger contre le mien, mais je sens la chaleur de son sang qui s’imprègne dans ma chemise. Je descends d’un pas rapide l’escalier menant à ma cabine, Diego à mes trousses, son bras toujours serré contre ses côtes blessées.À peine la pose-t-on sur la couchette qu’un cri résonne sur le pont.— L’ennemi revient !Je me fige
Gabriel de MontreuilJe serre la sphère dans ma main. Elle pulse, chaude contre ma paume, comme un cœur qui bat au rythme de la tempête à venir.— Au bateau ! crié-je.Aïda passe devant, Diego s’appuie sur M’Bala, les mâchoires crispées sous la douleur, mais il ne ralentit pas. Il sait que s’arrêter, c’est mourir.Nous dévalons la pente rocailleuse qui mène à la crique où nous avons laissé nos canots. Derrière nous, les premiers coups de semonce retentissent.— Ils tirent du large ! hurle Aïda.Je lève les yeux .Une lueur s’élève dans le ciel nocturne.Un boulet enflammé.Il fend l’air avec un sifflement sinistre avant de s’écraser sur la plage, soulevant une gerbe de sable et de roche.Trop près. Beaucoup trop près.— Plus vite !Nos canots sont là, amarrés sous les hautes falaises, bercés par une mer agitée. Nos hommes nous attendent, armes en main. Lorsque nous bondissons à bord, les rames plongent immédiatement dans l’eau noire, propulsant nos frêles esquifs vers la haute mer.Et
Gabriel de MontreuilLe coup de feu éclate.Le commandant espagnol, toujours posté à l’entrée de la crypte, nous observe avec un sourire cruel. Autour de lui, ses hommes s’engouffrent dans la salle, fusils braqués.— Fin de la route, capitaine Montreuil.Il recharge calmement son pistolet, sûr de lui, sûr de sa victoire.Mais il ignore une chose.Nous avons la sphère.Et ce temple est vivant.Je serre l’orbe dans ma main, et dès que mes doigts effleurent les symboles gravés sur sa surface, une onde étrange pulse à travers mes veines.Les murs vibrent.Les fresques illuminées par la lueur des torches s’animent, comme si les figures sculptées s’éveillaient d’un long sommeil.Puis, dans un grondement sourd, la pierre sous nos pieds commence à se fissurer.L’instant d’après, une explosion d’énergie jaillit du cœur de la sphère.Un vent violent balaye la crypte, projetant poussière et éclats de pierre dans toutes les directions.Le commandant espagnol recule d’un pas, pris de court.— Que
Gabriel de MontreuilIls sont là.Aïda, Diego et M’Bala se placent à mes côtés, leurs armes prêtes. Nous échangeons un regard. Il n’y a pas besoin de mots. Nous savons tous ce qui nous attend.Puis la première silhouette émerge de l’obscurité.Un soldat espagnol, fusil en main, la cuirasse poussiéreuse mais l’œil alerte.Derrière lui, d’autres apparaissent, une colonne disciplinée, armée jusqu’aux dents.Et au milieu d’eux, une silhouette plus imposante, drapée dans un manteau noir.Le commandant en charge.Il fait un pas en avant, nous observant comme un prédateur jaugeant ses proies.Puis il sourit.— Gabriel de Montreuil…Sa voix est calme, posée, et pourtant, elle me glace le sang.— L’Empire sait qui tu es. Nous suivons tes traces depuis longtemps. Et aujourd’hui, nous mettons enfin la main sur ce que tu cherchais.Je serre les dents, mon sabre fermement tenu dans ma main.— Si vous êtes venus chercher un trésor, vous vous êtes trompés d’endroit, lancé-je d’une voix glaciale.L’h
Gabriel de MontreuilJe m’approche à mon tour. Les motifs aztèques s’entrelacent avec des inscriptions en espagnol, comme si deux mondes s’étaient affrontés ici. Je lis à voix basse :"Là où dorment les rois, seule la clé ouvrira le passage."Je serre le médaillon dans ma main. Mon père a suivi ces mêmes indices. Il a tenu ce même médaillon. Mais lui… n’est jamais revenu.— On continue, dis-je en avançant.Le couloir s’enfonce dans les entrailles du temple, serpentant entre des colonnes massives et des alcôves remplies de statues de guerriers figés dans la pierre.Puis nous arrivons devant une immense porte de pierre, barrée par une barre de métal rongée par le temps.Je m’approche et examine le centre de la porte.Là, gravé en relief, se trouve le même œil que sur mon médaillon.Je prends une profonde inspiration et pose le bijou contre l’empreinte.Un grondement sourd résonne dans le temple.La pierre tremble.Puis la porte s’ouvre lentement, révélant une salle gigantesque.---Aïda