Raphaël De Veyrac
Sa voix est plus rauque que tout à l’heure. Comme s’il luttait contre une rage contenue.
Je ne réponds pas. Parce qu’il a raison. Je brûle déjà.
Il s’avance, lentement. Chaque pas qu’il fait, c’est un battement de cœur de trop pour moi.
— Je t’ai laissée partir. Une fois.
Sa main effleure mon bras. Un frisson me traverse. Il le sent. Il le sent toujours.
— Mais ça ne se reproduira pas.
Je me tends, mais je ne bouge pas. Pourquoi je ne bouge pas ?
Ses doigts remontent le long de mon bras, jusqu’à ma nuque. Il me touche à peine. Juste un souffle. Juste assez pour me posséder sans me prendre.
— Raphaël ne te mérite pas.
Son murmure se glisse sous ma peau comme un poison sucré.
— Et toi ? je chuchote.
Un éclat traverse ses yeux. Il s’approche encore, jusqu’à ce que nos souffles se mêlent.
— Moi, je ne mérite rien.
Et puis il m’embrasse.
Brusquement. Sauvagement.
Et je me perds.
Ma main serre mon verre si fort que le cristal pourrait se briser.
Depuis l’intérieur du palais, je vois tout. Je vois trop.
Dante, sa main sur elle. Ses lèvres contre les siennes.
Isolde… qui ne le repousse pas.
Quelque chose explose en moi.
Je ne ressens pas souvent la colère. Je suis un homme de contrôle, de calcul. Mais là, en cet instant, je veux le tuer.
Je pose mon verre et me lève. Chaque pas que je fais résonne en moi comme un compte à rebours.
Quand j’atteins le balcon, Dante a déjà reculé. Mais son regard… Son regard défie le mien.
Il sait. Il veut la guerre.
Il l’aura.
Je prends Isolde par la main. Cette fois, je ne lui laisse pas le choix.
— Viens.
Elle ouvre la bouche, peut-être pour protester, peut-être pour m’échapper. Mais je la coupe.
— Maintenant.
Elle hésite. Une seconde de trop.
Dante sourit, satisfait. Il a gagné ce round. Mais pas la partie.
Sans un mot de plus, je l’entraîne à l’intérieur du palais.
Là, au milieu des danseurs, des faux-semblants et des promesses de pouvoir, je prépare ma riposte.
Personne ne me vole ce qui m’appartient.
Isolde Valentyne
Les doigts de Raphaël enserrent mon poignet avec une fermeté froide. Il ne me fait pas mal, mais il me retient. Un geste calculé, précis, exactement comme lui.
Il m’entraîne à travers la foule du palais. Les visages flous, les murmures feutrés, tout disparaît autour de moi. Je sens la tension vibrer dans son corps, dans sa posture rigide, dans la façon dont son regard balaie la salle, cherchant un endroit où il pourra m’avoir pour lui seul.
Nous quittons la piste de danse, traversons une série de couloirs. Luxueux. Opulents. Suffocants. Puis une porte se referme derrière nous.
Le silence s’abat.
Je me dégage immédiatement.
— Tu n’as pas le droit de me traîner comme ça.
Il ne répond pas tout de suite. Il me fixe. L’ombre d’une émotion traverse son regard, quelque chose d’insondable, de trop dangereux à nommer.
— Alors explique-moi, Isolde.
Sa voix est calme, trop calme. Mais je le connais. Raphaël De Veyrac ne lève jamais la voix. Il n’en a pas besoin. Son pouvoir est dans le poids de ses mots, dans la manière dont il s’impose sans jamais hausser le ton.
— Que veux-tu que je t’explique ? je rétorque, croisant les bras.
Je refuse de me sentir coupable. Je refuse d’avoir à me justifier.
Mais il fait un pas vers moi. Je recule instinctivement.
Il sourit.
Un sourire glacial.
— Pourquoi tu ne l’as pas repoussé ?
Je serre les dents. Pourquoi est-ce que cette question me trouble autant ?
— Tu n’as aucun droit de me demander ça.
— Tu crois ?
Son regard descend sur ma bouche. Je sais qu’il se souvient. De chaque fois où il m’a embrassée. De chaque fois où j’ai cédé.
— Tu es à moi, Isolde.
Je frissonne. Mais je ne plie pas.
— Je n’appartiens à personne.
Son sourire s’efface lentement. Il me scrute, cherchant une faille. Il en trouve toujours.
Il murmure mon nom.
C’est presque une supplique. Presque.
Puis il s’éloigne, lentement. Il me laisse respirer.
— Très bien.
Il s’appuie contre le bureau derrière lui, croise les bras. Son regard est toujours aussi intense, mais il se calme. Il retrouve son contrôle.
— Alors faisons un marché.
Je fronce les sourcils.
— Un marché ?
— Oui. Tu fais ce que tu veux. Mais laisse-moi une seule nuit.
Je retiens mon souffle.
— Une nuit pour quoi ?
Son sourire revient. Cette fois, il est plus doux. Dangereux.
— Une nuit pour te rappeler pourquoi tu es mienne.
---
Dante Orsini
Je la regarde disparaître avec lui. Je devrais la suivre. Je devrais arracher la porte, l’arracher à lui, foutre le chaos que je suis né pour foutre.
Mais je n’en fais rien.
Parce que je sais ce qui va se passer. Je connais Isolde.
Elle croit pouvoir lutter contre lui. Contre moi. Mais elle est prise entre deux feux.
Et à la fin, elle brûlera.
Je termine mon verre d’un trait. L’alcool ne m’apaise pas. Rien ne m’apaise quand il s’agit d’elle.
Un rire léger me tire de mes pensées.
— Tu es pathétique, Orsini.
Je me tourne vers Ariane Duval, adossée à une colonne, un sourire railleur sur les lèvres. Sa robe rouge épouse ses formes à la perfection, son collier d’émeraudes brille sous la lumière des lustres. Belle. Fatale.
Mais surtout, dangereuse.
— Je n’ai pas le temps pour tes jeux, Ariane.
Elle s’approche lentement, traçant du bout des doigts le bord de mon verre vide.
— Oh, mais
si.
Elle se penche légèrement, son parfum m’enveloppe. Un piège.
— Tu veux la sauver de Raphaël ? murmure-t-elle.
Je ne réponds pas.
Elle sourit.
— Alors laisse-moi t’aider.
Isolde ValentyneRaphaël et moi quittons le palais en silence. Personne ne nous arrête. Personne n’arrête Raphaël De Veyrac quand il décide quelque chose.Sa voiture nous attend. Noire. Sobre. Luxueuse. Un chauffeur nous ouvre la porte arrière. Il me laisse entrer en premier. Je pourrais refuser. Mais quelque chose en moi veut comprendre où il veut m’emmener.La voiture démarre.Je me tourne vers lui.— Où allons-nous ?Il observe la ville défiler par la fenêtre. Il semble ailleurs.Puis il me regarde enfin.— Chez moi.Mon cœur s’arrête.Il ne m’a jamais invitée chez lui. Jamais.— Pourquoi ?Son regard s’assombrit.— Parce que si je veux cette nuit… Je veux qu’elle soit réelle.Je ne sais pas pourquoi ces mots m’ébranlent autant.Mais je sais une chose.Je suis en train de plonger dans quelque chose dont je ne reviendrai pas.Isolde ValentyneLa voiture file à travers la ville endormie, avalant les rues pavées sous un ciel d’encre. Je ne parle pas. Raphaël non plus.Je pourrais bris
Isolde Valentyne— Quand il t’a embrassée.Je me crispe. Parce qu’il ne devrait pas savoir.Mais il sait toujours.Ses doigts glissent le long de mon dos, dessinant des frissons en moi. Il ne m’embrasse toujours pas. Il me garde prisonnière de cet espace entre le désir et la raison. Là où il règne.— Tu veux que je dise que c’était une erreur ?Ma voix tremble à peine. Mais il l’entend.Raphaël sourit. Un sourire lent. Carnassier.— Je veux que tu réalises que ce n’est pas lui que tu veux.Il me relâche d’un coup. Et c’est pire que tout.Je titube en arrière, mon cœur cognant dans ma poitrine. Je devrais fuir. Mais mes jambes refusent de bouger.— Tu peux partir maintenant, Isolde.Sa voix est posée, impassible. C’est un piège.Parce que je le connais. Il ne me teste pas. Il sait déjà la réponse.Je serre les poings. Je ne le laisserai pas gagner aussi facilement.Alors je fais volte-face et me dirige vers la porte.Jusqu’à ce qu’il lâche, dans un souffle :— Mais si tu restes… Je te
Isolde ValentyneJe rentre chez moi. Enfin.L’appartement est plongé dans l’ombre. Comme moi.J’enlève mes chaussures, mes bijoux. Je me débarrasse des traces de cette nuit, mais elles sont gravées sous ma peau.Le miroir du couloir me renvoie mon reflet.Je m’arrête.Je ne suis plus la même.Je devrais appeler Dante. Le rassurer. Lui mentir. Lui dire que tout ça ne signifie rien.Mais ma main reste suspendue au-dessus de mon téléphone. Parce que ce serait faux.Et lui aussi mérite la vérité.Je ferme les yeux, inspirant profondément.Il faut que je choisisse.Raphaël m’attire comme une flamme. Brûlante, dangereuse, inévitable.Dante est mon ancrage. Une tempête qui me ramène toujours à lui.Mais entre les deux… Je ne sais plus qui je suis.Alors je me laisse tomber sur mon lit.Et pour la première fois depuis longtemps, je me sens complètement perdue.Isolde ValentyneLe silence de mon appartement est oppressant. Tout semble trop calme après la tempête.Je devrais me sentir en paix i
Isolde ValentyneLes lumières des lustres scintillent, se reflètent dans les immenses miroirs qui bordent la salle. Partout, des conversations feutrées, des éclats de rire retenus, des murmures qui s’entrelacent avec la musique envoûtante d’un orchestre caché. L’air sent le lys blanc et le champagne, un mélange sucré et entêtant. Je suis au centre de tout cela.Les regards m’effleurent, me scrutent, m’évaluent. Je suis Isolde Valentyne, et ce soir, je suis la femme que tout le monde observe. Ma robe, un voile d’ombre, épouse ma silhouette avec une perfection étudiée. Chaque mouvement laisse derrière moi un frisson de soie. Mon collier de diamants capte la lumière, mais je sais que ce n’est pas lui qu’ils regardent. C’est moi. Toujours moi.Et lui aussi me regarde. Raphaël De Veyrac.Adossé à une colonne de marbre, il ne bouge pas. Son regard m’ancre sur place, brûlant d’une certitude glaciale. Il n’a pas besoin de parler pour imposer sa volonté. Il sait que ce qu’il veut, il l’obtient
Isolde ValentyneRaphaël. Dante. Ils m’étouffent tous les deux.Raphaël m’offre une cage dorée, un avenir scellé, le confort d’un monde qu’il contrôle. Il veut faire de moi une reine, mais sous son règne.Dante m’offre l’abîme, une passion sauvage, sans attaches, sans règles. Il veut me posséder, pas me protéger.Je ne veux ni l’un ni l’autre.Mais alors pourquoi est-ce que mon corps tremble encore sous leur toucher ?Un mouvement dans mon dos. Je me raidis. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir. Il est là.Dante.— Tu fuis toujours aussi vite, Isolde ?Sa voix grave, légèrement rauque, danse sur ma peau. Je garde les yeux rivés sur la ville en contrebas.— Laisse-moi.Un rire bas. Un souffle trop proche. Il ne m’écoute jamais. Il ne m’a jamais écoutée.— Et si je n’en ai pas envie ?Je me retourne enfin. Il est juste là. Trop près. Son regard, deux abysses insondables, me scrute avec une patience carnassière. Ses cheveux noirs, son costume défait, cette odeur de whisky et de
Isolde ValentyneJe rentre chez moi. Enfin.L’appartement est plongé dans l’ombre. Comme moi.J’enlève mes chaussures, mes bijoux. Je me débarrasse des traces de cette nuit, mais elles sont gravées sous ma peau.Le miroir du couloir me renvoie mon reflet.Je m’arrête.Je ne suis plus la même.Je devrais appeler Dante. Le rassurer. Lui mentir. Lui dire que tout ça ne signifie rien.Mais ma main reste suspendue au-dessus de mon téléphone. Parce que ce serait faux.Et lui aussi mérite la vérité.Je ferme les yeux, inspirant profondément.Il faut que je choisisse.Raphaël m’attire comme une flamme. Brûlante, dangereuse, inévitable.Dante est mon ancrage. Une tempête qui me ramène toujours à lui.Mais entre les deux… Je ne sais plus qui je suis.Alors je me laisse tomber sur mon lit.Et pour la première fois depuis longtemps, je me sens complètement perdue.Isolde ValentyneLe silence de mon appartement est oppressant. Tout semble trop calme après la tempête.Je devrais me sentir en paix i
Isolde Valentyne— Quand il t’a embrassée.Je me crispe. Parce qu’il ne devrait pas savoir.Mais il sait toujours.Ses doigts glissent le long de mon dos, dessinant des frissons en moi. Il ne m’embrasse toujours pas. Il me garde prisonnière de cet espace entre le désir et la raison. Là où il règne.— Tu veux que je dise que c’était une erreur ?Ma voix tremble à peine. Mais il l’entend.Raphaël sourit. Un sourire lent. Carnassier.— Je veux que tu réalises que ce n’est pas lui que tu veux.Il me relâche d’un coup. Et c’est pire que tout.Je titube en arrière, mon cœur cognant dans ma poitrine. Je devrais fuir. Mais mes jambes refusent de bouger.— Tu peux partir maintenant, Isolde.Sa voix est posée, impassible. C’est un piège.Parce que je le connais. Il ne me teste pas. Il sait déjà la réponse.Je serre les poings. Je ne le laisserai pas gagner aussi facilement.Alors je fais volte-face et me dirige vers la porte.Jusqu’à ce qu’il lâche, dans un souffle :— Mais si tu restes… Je te
Isolde ValentyneRaphaël et moi quittons le palais en silence. Personne ne nous arrête. Personne n’arrête Raphaël De Veyrac quand il décide quelque chose.Sa voiture nous attend. Noire. Sobre. Luxueuse. Un chauffeur nous ouvre la porte arrière. Il me laisse entrer en premier. Je pourrais refuser. Mais quelque chose en moi veut comprendre où il veut m’emmener.La voiture démarre.Je me tourne vers lui.— Où allons-nous ?Il observe la ville défiler par la fenêtre. Il semble ailleurs.Puis il me regarde enfin.— Chez moi.Mon cœur s’arrête.Il ne m’a jamais invitée chez lui. Jamais.— Pourquoi ?Son regard s’assombrit.— Parce que si je veux cette nuit… Je veux qu’elle soit réelle.Je ne sais pas pourquoi ces mots m’ébranlent autant.Mais je sais une chose.Je suis en train de plonger dans quelque chose dont je ne reviendrai pas.Isolde ValentyneLa voiture file à travers la ville endormie, avalant les rues pavées sous un ciel d’encre. Je ne parle pas. Raphaël non plus.Je pourrais bris
Raphaël De VeyracSa voix est plus rauque que tout à l’heure. Comme s’il luttait contre une rage contenue.Je ne réponds pas. Parce qu’il a raison. Je brûle déjà.Il s’avance, lentement. Chaque pas qu’il fait, c’est un battement de cœur de trop pour moi.— Je t’ai laissée partir. Une fois.Sa main effleure mon bras. Un frisson me traverse. Il le sent. Il le sent toujours.— Mais ça ne se reproduira pas.Je me tends, mais je ne bouge pas. Pourquoi je ne bouge pas ?Ses doigts remontent le long de mon bras, jusqu’à ma nuque. Il me touche à peine. Juste un souffle. Juste assez pour me posséder sans me prendre.— Raphaël ne te mérite pas.Son murmure se glisse sous ma peau comme un poison sucré.— Et toi ? je chuchote.Un éclat traverse ses yeux. Il s’approche encore, jusqu’à ce que nos souffles se mêlent.— Moi, je ne mérite rien.Et puis il m’embrasse.Brusquement. Sauvagement.Et je me perds.Ma main serre mon verre si fort que le cristal pourrait se briser.Depuis l’intérieur du palai
Isolde ValentyneRaphaël. Dante. Ils m’étouffent tous les deux.Raphaël m’offre une cage dorée, un avenir scellé, le confort d’un monde qu’il contrôle. Il veut faire de moi une reine, mais sous son règne.Dante m’offre l’abîme, une passion sauvage, sans attaches, sans règles. Il veut me posséder, pas me protéger.Je ne veux ni l’un ni l’autre.Mais alors pourquoi est-ce que mon corps tremble encore sous leur toucher ?Un mouvement dans mon dos. Je me raidis. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir. Il est là.Dante.— Tu fuis toujours aussi vite, Isolde ?Sa voix grave, légèrement rauque, danse sur ma peau. Je garde les yeux rivés sur la ville en contrebas.— Laisse-moi.Un rire bas. Un souffle trop proche. Il ne m’écoute jamais. Il ne m’a jamais écoutée.— Et si je n’en ai pas envie ?Je me retourne enfin. Il est juste là. Trop près. Son regard, deux abysses insondables, me scrute avec une patience carnassière. Ses cheveux noirs, son costume défait, cette odeur de whisky et de
Isolde ValentyneLes lumières des lustres scintillent, se reflètent dans les immenses miroirs qui bordent la salle. Partout, des conversations feutrées, des éclats de rire retenus, des murmures qui s’entrelacent avec la musique envoûtante d’un orchestre caché. L’air sent le lys blanc et le champagne, un mélange sucré et entêtant. Je suis au centre de tout cela.Les regards m’effleurent, me scrutent, m’évaluent. Je suis Isolde Valentyne, et ce soir, je suis la femme que tout le monde observe. Ma robe, un voile d’ombre, épouse ma silhouette avec une perfection étudiée. Chaque mouvement laisse derrière moi un frisson de soie. Mon collier de diamants capte la lumière, mais je sais que ce n’est pas lui qu’ils regardent. C’est moi. Toujours moi.Et lui aussi me regarde. Raphaël De Veyrac.Adossé à une colonne de marbre, il ne bouge pas. Son regard m’ancre sur place, brûlant d’une certitude glaciale. Il n’a pas besoin de parler pour imposer sa volonté. Il sait que ce qu’il veut, il l’obtient