Isolde Valentyne
Je rentre chez moi. Enfin.
L’appartement est plongé dans l’ombre. Comme moi.
J’enlève mes chaussures, mes bijoux. Je me débarrasse des traces de cette nuit, mais elles sont gravées sous ma peau.
Le miroir du couloir me renvoie mon reflet.
Je m’arrête.
Je ne suis plus la même.
Je devrais appeler Dante. Le rassurer. Lui mentir. Lui dire que tout ça ne signifie rien.
Mais ma main reste suspendue au-dessus de mon téléphone. Parce que ce serait faux.
Et lui aussi mérite la vérité.
Je ferme les yeux, inspirant profondément.
Il faut que je choisisse.
Raphaël m’attire comme une flamme. Brûlante, dangereuse, inévitable.
Dante est mon ancrage. Une tempête qui me ramène toujours à lui.
Mais entre les deux… Je ne sais plus qui je suis.
Alors je me laisse tomber sur mon lit.
Et pour la première fois depuis longtemps, je me sens complètement perdue.
Isolde Valentyne
Le silence de mon appartement est oppressant. Tout semble trop calme après la tempête.
Je devrais me sentir en paix ici. C’est mon refuge. Pourtant, je tourne en rond, incapable de trouver le sommeil.
Les draps sentent encore son parfum. Raphaël.
Je me déteste de le laisser hanter mon espace.
La pluie commence à tomber derrière les vitres. Une pluie fine, froide. Je me lève, traverse la pièce pieds nus. Chaque pas me pèse.
J’ouvre mon armoire, en sors un pull ample. Celui de Dante.
Mes doigts glissent sur le tissu. Il a son odeur.
J’enfouis mon visage dedans.
Je suis un monstre.
Je joue sur deux tableaux, incapable de choisir entre l’homme qui m’aime et celui qui me consume. Entre la sécurité et la folie.
Je devrais appeler Dante. Je devrais lui dire quelque chose, n’importe quoi, pour ne pas le laisser dans l’ignorance.
Mais la culpabilité me cloue sur place.
Je serre le pull contre moi et me laisse tomber sur le lit. Je ferme les yeux.
Mais même dans l’obscurité, je le vois.
Raphaël.
Dante Orsini
La pluie frappe violemment contre la vitre. Je l’écoute sans vraiment l’entendre.
J’attends un message qui ne vient pas.
Isolde est rentrée. Je le sais.
J’ai vu sa lumière s’allumer à travers les rideaux de son appartement. J’aurais pu monter. Je ne l’ai pas fait.
Je voulais voir si elle viendrait à moi d’elle-même.
Mais elle ne l’a pas fait.
Ariane est toujours là. Elle m’observe avec ce regard qui me fait comprendre qu’elle attend le moment où je briserai.
— Tu savais qu’elle ne t’appellerait pas, Dante.
Je bois une gorgée de mon whisky.
— Ferme-la, Ariane.
Elle rit doucement, amusée par ma colère.
— Tu comptes attendre combien de temps avant d’agir ?
Je serre le verre entre mes doigts. Ma patience s’effrite.
Ariane se lève, approche, s’appuie contre mon bureau.
— Tu ne peux pas gagner contre Raphaël en restant dans l’ombre.
Je relève les yeux vers elle. Elle n’a pas tort.
Si je veux la récupérer, je dois frapper.
Frapper fort.
Isolde Valentyne
Le matin arrive trop vite.
Je suis épuisée. Mon esprit est un champ de bataille.
Un café noir. Une tentative désespérée de me réveiller.
Mon téléphone vibre. Je tressaille.
Un message.
Dante.
"Rejoins-moi ce soir."
Aucune question. Aucune explication. Une injonction.
Mon cœur rate un battement. Je sais ce que ça signifie.
Il ne va pas rester passif.
Et je ne sais pas si je suis prête à l’affronter.
Je pourrais ignorer son message. Laisser passer la tempête. Mais je lui dois ça.
Alors je tape trois lettres.
"D’accord."
Dante Orsini
Elle a accepté.
Un soulagement amer me traverse.
Je ne suis pas dupe. Elle vient par devoir. Pas par envie. Pas comme elle va chez lui.
Mais ce soir, je vais lui rappeler ce que nous sommes.
Ce que nous avons toujours été.
Isolde Valentyne
La soirée est déjà bien entamée quand j’arrive.
Le club est bondé. Une ambiance électrique flotte dans l’air.
Je cherche Dante. Je le trouve immédiatement.
Il est assis dans un coin VIP, un verre à la main. Mais ce n’est pas lui qui me glace le sang.
C’est Raphaël.
Il est là. Avec lui.
Leurs regards sont posés sur moi.
Et je comprends.
Ils m’attendaient.
Mon souffle se bloque. C’est un duel silencieux.
Dante se lève le premier. Il avance vers moi, sûr de lui. Un prédateur dans son élément.
Raphaël, lui, reste assis. Immobile. Mais son regard me brûle.
Dante s’arrête à un pas de moi. Il prend mon menton entre ses doigts, me force à le regarder.
— Choisis, Isolde.
Mon cœur cogne contre ma poitrine.
Je ne peux pas.
Mais ce soir, je vais devoir.
Isolde Valentyne
Je suis figée. Comme prise au piège entre deux tempêtes.
Dante me tient le menton, m’obligeant à le regarder. Son regard est un brasier. Derrière lui, je sens la présence de Raphaël, immobile mais brûlante, comme une menace silencieuse.
Je voudrais reculer. M’enfuir. Mais mes jambes refusent de bouger.
Dante serre légèrement ses doigts sur ma peau.
— Choisis, Isolde.
Ma gorge se noue. C’est impossible.
Ils n’ont rien en commun et pourtant, ils se détestent avec la même intensité.
Dante est ma force, mon ancrage. Celui qui m’a toujours protégée.
Raphaël est ma chute, mon vertige. Celui qui me consume.
Et ce soir, ils me demandent de trancher.
Je dégage doucement mon visage de la prise de Dante. Je prends une inspiration.
— Je ne suis pas un trophée.
Ma voix est basse mais tranchante.
Dante ne cille pas. Il savait que je dirais ça.
Raphaël, lui, esquisse un sourire en coin. Comme si tout ceci l’amusait.
— Intéressant.
Il se lève enfin, avance lentement vers nous. Son ombre semble s’étendre sur le sol.
— Elle ne choisira pas, Dante.
Il se place à mes côtés. Ses doigts frôlent ma hanche. Une caresse à peine perceptible, mais qui électrise chaque nerf de mon corps.
— Parce qu’elle nous veut tous les deux.
Dante grogne. Sa mâchoire se serre.
— Ne parle pas pour elle.
Je sens la colère vibrer dans sa voix. Une colère froide.
Mais Raphaël n’est pas impressionné.
— Alors qu’elle le dise.
Il tourne la tête vers moi. Son regard m’emprisonne.
— Dis-le, Isolde.
Ils veulent des mots. Mais moi, je n’ai plus rien à dire.
Alors, sans un mot, je me détourne.
Je traverse la salle sans me retourner.
Les murmures me suivent. Les regards aussi.
Mais je n’ai qu’une seule pensée en tête :
Je suis en train de les perdre tous les deux.
Dante OrsiniJe la regarde partir, les poings serrés. Une rage sourde monte en moi.Elle fuit. Encore.Raphaël, lui, ne bouge pas. Il me fixe, un sourire arrogant sur les lèvres.— Tu l’effraies.Je serre les dents.— Non.Il se penche légèrement vers moi.— Si.Je pourrais le frapper. Lui briser ce sourire suffisant.Mais je sais que c’est ce qu’il veut.Alors, à la place, je le défie du regard.— Elle finira par voir qui tu es réellement.Il rit doucement.— Et quand ce moment viendra… Elle sera déjà trop loin pour revenir vers toi.Je le fixe une dernière fois avant de tourner les talons.Mais au fond de moi, un doute s’insinue.Et si, cette fois, Raphaël avait raison ?Isolde ValentyneL’air nocturne est glacial, mais je marche sans m’arrêter. Je dois m’éloigner.Les lumières de la ville s’étirent autour de moi, floues et irréelles.Je suis perdue.Perdue entre eux.Mon téléphone vibre.Je m’arrête. Un message.De Raphaël."Tu es toujours libre de choisir. Mais rappelle-toi : cert
Isolde ValentyneLa nuit est froide, mais mon corps brûle.Je descends les escaliers lentement, comme dans un rêve. Ou plutôt un cauchemar.Dante vient de me chasser.Dante ne veut plus de moi.Je devrais me sentir soulagée. Le choix est fait, non ?Alors pourquoi ce vide dans ma poitrine ?Pourquoi cette sensation d’étouffement ?Les lumières de la ville clignotent, troubles, alors que je marche dans les rues désertes. Je ne sais pas où aller.Je devrais rentrer chez moi. Me cacher sous mes draps. Essayer d’oublier.Mais une force invisible guide mes pas.Vers lui.Vers Raphaël.---Raphaël MoreauUn coup sur la porte.Un seul. Puis plus rien.Je reste immobile quelques secondes, savourant cette attente. Je sais déjà qui c’est.Je l’ai toujours su.J’ouvre la porte lentement.Elle est là.Debout dans le couloir, le visage pâle, les yeux agrandis par une émotion que je ne peux que deviner.Elle hésite.Alors, je ne dis rien. Je recule. J’attends qu’elle fasse le dernier pas.Et elle l
Isolde ValentyneL’air est lourd dans l’appartement. Chaque seconde qui passe alourdit mon souffle, contracte ma gorge, brûle ma peau sous l’intensité du regard de Dante.Mes lèvres sont encore gonflées de notre baiser, et pourtant je vacille.Je viens de tout foutre en l’air.Dante est toujours là, devant moi, à quelques centimètres à peine, ses poings crispés comme s’il se retenait de m’agripper à nouveau.Ses yeux ne lâchent pas les miens, sombres, intenses.— Tu crois pouvoir m’effacer, Isolde ?Ma respiration est un chaos.Je devrais parler. Répondre. Nier.Mais mon corps me trahit.Dante le voit.Un sourire lent, terrible, se dessine sur son visage.Il sait.Il sait que je mens, que j’ai toujours menti.Je n’ai jamais cessé de l’aimer.Mais il est trop tard.Trop tard, trop tard, trop tard.Je secoue la tête, recule d’un pas.— On ne peut pas…Il avance aussitôt, annihilant la distance.— On peut tout.Son souffle heurte ma peau, ses doigts se referment doucement autour de mon p
Raphaël MoreauLa nuit est tombée, et elle est là.Allongée contre moi, sa respiration calme, ses cheveux éparpillés sur l’oreiller.Je la regarde dormir, et pourtant… je sais qu’elle ne m’appartient pas.Chaque jour, chaque minute, je la perds un peu plus.Elle sourit moins. Ses silences sont plus longs. Son regard fuit le mien.Et quand je pose mes mains sur elle, je ressens son absence.Je devrais la forcer à parler. Lui arracher la vérité.Mais je ne suis pas un idiot.Je sais que les réponses sont déjà écrites, et qu’elles ne me plairont pas.Alors je garde le silence. J’attends.Parce que si elle doit partir…Elle devra me détruire avant.---Isolde ValentyneLe poids de son bras sur ma taille est un ancrage, un rappel.Raphaël est là. Il est toujours là.Et pourtant, dans l’obscurité, je n’entends qu’une seule voix."Pars."Dante m’a rejetée.Mais c’est moi qui souffre.Je me tourne doucement dans le lit. Raphaël ne bouge pas, son souffle lent et régulier.Il a bu ce soir.Pour
Isolde ValentyneJe serre le verre jusqu’à ce que mes phalanges blanchissent.Ma respiration est lente, maîtrisée, mais je sens la tempête gronder sous la surface.Elle pense que je vais me taire.Que je vais accepter.Elle ne me connaît pas aussi bien qu’elle le croit.Un bruit de pas me tire de mes pensées.Je redresse la tête.Ariane.Elle se tient dans l’ombre, une expression indéchiffrable sur le visage.— Alors, c’est vrai.Je ne réponds pas.Elle avance, croise les bras.— Tu vas faire quoi ?Ma mâchoire se contracte.— Récupérer ce qui m’appartient.Un soupir lui échappe.— Tu es conscient que tu es en train de parler d’une femme, pas d’un objet ?Je repose mon verre sur la table avec une lenteur calculée.— Je parle d’Isolde.Elle secoue la tête, sceptique.— Tu crois vraiment que tu peux la forcer à revenir ?Un sourire glacé s’étire sur mes lèvres.— Je ne la forcerai pas.Je me lève, attrape ma veste.— Je vais lui rappeler pourquoi elle est à moi.Isolde ValentyneJe marc
Dante OrsiniJe sens le piège se refermer avant même d’avoir vu les preuves.Le lendemain matin, mon téléphone vibre sans relâche.Appels manqués. Messages d’urgence.Un de mes associés finit par décrocher, la voix tremblante :— On a un problème.Je sors du lit précipitamment, Isolde à peine réveillée derrière moi.— Parle.— Quelqu’un a mis la main sur des documents… Des contrats frauduleux, des preuves de blanchiment… Tout est sorti cette nuit.Mon sang se glace.— Raphaël.Le silence au bout du fil confirme ce que je sais déjà.Je raccroche, serre le téléphone dans ma main.Il a frappé.Il a choisi la guerre.Et maintenant, il n’y aura plus de retour en arrière.Je me tourne vers Isolde.Elle est assise dans le lit, les draps remontés sur sa poitrine, son regard inquiet posé sur moi.— Qu’est-ce qu’il se passe ? murmure-t-elle.Je la fixe un long moment.Puis je lâche froidement :— Raphaël vient de signer son arrêt de mort.Elle pâlit.— Dante…— Non. Je secoue la tête. Cette foi
Isolde Valentyne— Tu es venue.Sa voix est basse, presque satisfaite.Je ne réponds pas.Dante se place à mes côtés, sa main frôlant mon bras comme pour marquer son territoire.Puis il me regarde, son expression plus dure que jamais.— Choisis.Un frisson me traverse.— Quoi ?Il se tourne vers Raphaël, puis revient vers moi.— Il n’y aura plus de demain, plus d’hésitation. Tu veux lui, ou moi. Maintenant.Mon cœur s’arrête.Ils me regardent tous les deux.Attendant ma réponse.Je recule d’un pas, tremblante.— Je…Mais aucun mot ne sort.Raphaël s’avance lentement, sa voix veloutée.— Tu sais déjà la réponse, Isolde.Dante serre les mâchoires.— Regarde-moi. Regarde-moi et dis-moi que tu veux être avec lui.Je suis incapable de parler.Je regarde Dante. Son intensité. Sa brutalité. L’amour féroce qu’il me porte.Je regarde Raphaël. Son contrôle. Son emprise. Cette partie de moi qui lui appartiendra toujours.Je dois choisir.Mais mon cœur se brise à l’instant même où je réalise…Je
Isolde ValentyneJ’ai marché sans but.Je ne sais pas combien de temps.Le froid mord ma peau, mais je ne le ressens presque pas.Mes pensées tournent en boucle.Dante. Raphaël.Leur rage, leur guerre absurde, leur emprise sur moi.J’ai cru pouvoir choisir.Mais en réalité, j’ai seulement fui.Mes jambes me portent jusqu’à un immeuble familier.Sans réfléchir, je monte les escaliers.Je frappe.La porte s’ouvre presque aussitôt.— Isolde ?Sa voix douce me brise le cœur.Ma meilleure amie, Élisa.Elle fronce les sourcils en me voyant.— Qu’est-ce qui s’est passé ?Je ne réponds pas.Elle me prend par le bras et m’attire à l’intérieur.L’appartement sent le thé et les livres.Un refuge, loin du tumulte.Elle referme la porte derrière moi.— Assieds-toi. Je vais te chercher une couverture.Je m’effondre sur le canapé.Mes mains tremblent.Quand elle revient, elle m’entoure de chaleur et de douceur.— Tu veux en parler ?Un rire amer m’échappe.— Par où commencer ?Elle s’assoit en face
IsoldeLe silence dans la pièce est lourd de promesses et d’émotions retenues. Chaque souffle, chaque mouvement semble résonner avec une force qui dépasse l’ordinaire. Je me tiens toujours près de la fenêtre, regardant la lumière déclinante du crépuscule, ses teintes or et rose se fondant sur l'horizon. Une lumière douce, presque irréelle, envahit la pièce et enveloppe tout autour de moi dans un halo chaleureux. Mais, au-delà de cette scène tranquille, c’est la présence de Dante qui me marque, me hante, me nourrit.Je n’ai pas à me tourner pour savoir qu’il est là, derrière moi. Il est la constante qui me définit, la force invisible qui me retient à cet endroit, à ce moment précis. Je le sens, presque avant de le voir. Il n’a pas besoin de parler pour que je le ressente. Sa présence est une pression douce, familière, réconfortante. Il est tout ce que je cherchais, tout ce dont j’avais besoin et bien plus.Je ferme les yeux un instant, m’immergeant dans l’instant, dans cette sensation
IsoldeLa nuit qui tombe sur la demeure de Dante est une couverture silencieuse, un voile opaque qui m’isole de tout ce que j’ai pu connaître. La pièce autour de nous semble se rétrécir, comme si le monde entier s’effondrait pour ne laisser que lui et moi, pris dans l’étreinte glaciale de son pouvoir. Son regard est fixé sur moi, une lueur triomphante qui éclaire ses traits avec une certitude glacée.Je le sens, cette emprise de plus en plus forte, cette force qui me presse de tous côtés. Il n’y a plus de répit, plus de fuite possible. Je suis là, dans cet espace où ses mots sont des chaînes et ses gestes des ordres que je me sens incapable de contester.— Tu as peur de ce qui se passe, n'est-ce pas ? me dit-il, sa voix basse et douce, mais l'ombre d’un sourire pervers se dessine sur ses lèvres.Je le fixe en silence, mes lèvres serrées, une partie de moi hurle de s’échapper, mais une autre, plus profonde, plus enfouie, accepte cette réalité avec une amertume douce. Je sais que je sui
IsoldeIl me libère enfin de son emprise, mais le monde autour de moi semble vaciller. Ses mains, maintenant froides, s’éloignent de ma peau, me laissant un vide que je peine à combler. Il recule d’un pas, me dévisageant avec une intensité qui me transperce. Ses yeux, d’un bleu glacé, sont comme deux océans dans lesquels je pourrais me noyer, noyée dans ses mensonges et ses vérités cruelles.— Tu as peur, n’est-ce pas ? me demande-t-il, la voix basse, presque murmurée, comme une caresse meurtrière.J’aspire à la fuite. J’ai envie de courir, de m’échapper de cette pièce étouffante, mais mes jambes sont figées, mes pensées emprisonnées par un enchevêtrement de désir et de terreur. Je sais que je ne peux pas fuir. Pas cette fois.— Peur ? Non, je ne ressens rien, Dante. Rien du tout, lâche-je d’une voix brisée, mais le déni ne me protège plus.Il sourit alors, un sourire à la fois cruel et satisfait, comme s’il venait de découvrir un secret que même moi, je ne connaissais pas.— Mentir n
IsoldeL’aube, timide, peine à se lever. Les premiers rayons hésitent à effleurer les toits de la ville, tandis que Dante, silencieux et sombre, s’avance dans la pénombre, me tirant presque à sa suite. Sa main se ferme autour de mon poignet avec une douceur glacée, une douceur qui trahit pourtant l’intensité de ses pensées. Je n’ose m’opposer à lui. Mes jambes, lourdes de fatigue, m’emprisonnent dans une inertie silencieuse.Nous avançons ainsi, sans un mot. Ses pas sont assurés, rapides, comme si un urgent besoin le poussait à fuir tout ce qui pourrait le retenir. Je le suis, sans réfléchir. Peut-être par crainte. Peut-être parce que, malgré ma volonté de m’échapper, il est celui qui m’enserre encore.Après un long chemin à travers des rues désertées, nous atteignons une demeure imposante, dissimulée dans l’ombre d’arbres centenaires. La silhouette de la bâtisse se découpe dans la brume matinale. Elle est majestueuse, mais froide, presque intimidante dans sa grandeur.— C’est ici, di
IsoldeLe soleil grimpe lentement dans un ciel d’une pureté indécente. Tout autour de moi, la ville s’éveille sans savoir qu’elle marche sur les cendres d’un amour en ruines. Je marche longtemps, sans but, le cœur étranglé par cette scène qui se répète en boucle dans mon esprit. Le regard de Dante. Les larmes de Raphaël. Et moi… incapable de choisir. Incapable de sauver qui que ce soit.Le poids de la solitude me brise les épaules. Mes pas me ramènent là où tout a commencé : ce vieux parc oublié au bord du fleuve, où Dante m’a prise dans ses bras pour la première fois, où Raphaël m’a fait rire quand plus rien n’existait. Le vent soulève mes cheveux, caresse ma peau gelée. Et tout me semble dérisoire.Le bruit de pas derrière moi me fait sursauter. Raphaël. Évidemment. Son visage est ravagé, ses yeux rougis par la colère et la douleur.— Tu fuis encore, Isolde ?Je ne réponds pas. Je n’ai plus la force. Je m’assieds sur ce vieux banc qui menace de s’effondrer et je fixe l’eau trouble d
IsoldeQuand j’arrive enfin, Dante est là. Assis sur le capot de sa voiture, une clope au bec. L’air plus mort que vivant.Il ne dit rien. Il attend.Je m’arrête face à lui. Silence.— Tu savais que je viendrais.Un sourire amer déforme sa bouche.— Ouais. Mais je préfère te l’entendre dire.Je déglutis.— Je suis là.Il écrase sa clope, se lève. Me jauge comme si j’étais déjà à genoux devant lui.— Pourquoi ?— Parce qu’il y a plus rien d’autre. Parce que même si je pars, je crève pareil.Dante hoche la tête. Son regard me brûle.— Je voulais pas que ça finisse comme ça.— Moi non plus.Il s’approche. Son souffle caresse mon visage.— Dis-moi, Isolde. Si je le bute… tu m’en voudras ?Mes lèvres tremblent.— Oui. Mais tu le feras quand même.Un silence terrible. Puis sa main se lève et effleure ma joue.— Il t’a prise, hein ?Je ferme les yeux. La honte me dévore.— Je t’aime encore. Malgré ça.Je suffoque. Je voudrais hurler. Lui dire d’arrêter. Mais je reste là. Parce que je suis dé
IsoldeLa nuit est longue. Sale. Et je ne dors pas. Pas vraiment.Raphaël conduit sans un mot jusqu’à son repaire, une villa planquée au sommet de la ville, là où personne n’ose grimper sans invitation. Les souvenirs me frappent à chaque virage, à chaque pierre. Je connais cet endroit. Je l’ai aimé. J’y ai souffert. Et maintenant, je reviens. Comme une traîtresse. Comme une amante en fuite.Il me pousse à l’intérieur sans douceur, claque la porte derrière lui et me plaque contre le mur. Son souffle est court. Ses yeux noirs de désir et de rage.— Dis-moi que tu es là parce que tu veux de moi. Pas pour lui briser le cœur. Dis-le, Isolde.Je ne dis rien. Parce que je ne sais plus. Parce que je me déteste autant que je le désire.Ses lèvres s’abattent sur les miennes. C’est brutal, violent. C’est Raphaël. Pas d’amour, pas de promesses. Juste le feu. Le besoin de posséder, d’effacer Dante de ma peau, de mes veines.— Tu es à moi ce soir, murmure-t-il contre ma gorge. Et je te jure que dem
IsoldeUn bruit de porte claque derrière moi. Je me fige. Dante. Il est là. Dans l’ombre. Le regard noir. Figé comme une statue.Raphaël se redresse, sûr de lui, arrogant.— Tiens, voilà le roi déchu.Dante ne parle pas. Mais sa main glisse lentement sous sa veste. Il est prêt à tuer. Je le sens. Et Raphaël aussi.— Arrête, Dante. Pas ici. Pas maintenant.Raphaël rit doucement.— Tu croyais quoi, Dante ? Qu’elle t’appartenait ? T’es qu’un passage, un foutu refuge. Mais moi, je suis son chaos. Je suis son mal.Je serre les poings.— Ferme-la, Raphaël.Il se tourne vers moi.— Non. Tu m’écoutes. Tu as deux options, Isolde. Tu restes là à crever à petit feu, ou tu me suis. On se barre. On crame ce monde et on recommence ailleurs. Juste toi et moi.Dante gronde, prêt à exploser. Mais je lève la main.— Pas un mot.Le silence tombe. Le vent hurle. Le choix me déchire.— Et si je refuse ?Raphaël sourit. Lentement.— Tu refuseras pas. Parce que tu n'as jamais su me dire non.Il m’embrasse.
IsoldeIl n’y a plus de roi.Plus d’ennemi à abattre. Plus de guerre à mener.Le silence est une malédiction.On s’est terrés dans la maison au bord de la mer. Celle que Dante ne regardait jamais vraiment, planquée entre les falaises. Il disait que c’était leur tombe, qu’ils y finiraient quand tout serait fini. J’ai ri la première fois. Maintenant, j’y suis. Et je ne ris plus.Dante ne parle pas.Il se lève tôt. Disparaît des heures. Revient les mains sales, le regard vide. Parfois, il me regarde dormir comme s’il n’était plus sûr de qui je suis, de ce que nous sommes sans la guerre, sans la rage.Moi, je compte les heures.Je regarde la mer et j’attends.— On est morts, hein ?Ma voix brise le silence. Il lève à peine les yeux.— Non.Mais il ment. Je le vois. Je le sens. On est morts ce soir-là, dans l’entrepôt. Ce qui reste, c’est juste deux corps qui respirent par habitude.Je me lève. J’enfile un vieux sweat à lui, trop grand, troué. Et je sors. Pieds nus dans le sable froid. La