Isolde Valentyne
Raphaël et moi quittons le palais en silence. Personne ne nous arrête. Personne n’arrête Raphaël De Veyrac quand il décide quelque chose.
Sa voiture nous attend. Noire. Sobre. Luxueuse. Un chauffeur nous ouvre la porte arrière. Il me laisse entrer en premier. Je pourrais refuser. Mais quelque chose en moi veut comprendre où il veut m’emmener.
La voiture démarre.
Je me tourne vers lui.
— Où allons-nous ?
Il observe la ville défiler par la fenêtre. Il semble ailleurs.
Puis il me regarde enfin.
— Chez moi.
Mon cœur s’arrête.
Il ne m’a jamais invitée chez lui. Jamais.
— Pourquoi ?
Son regard s’assombrit.
— Parce que si je veux cette nuit… Je veux qu’elle soit réelle.
Je ne sais pas pourquoi ces mots m’ébranlent autant.
Mais je sais une chose.
Je suis en train de plonger dans quelque chose dont je ne reviendrai pas.
Isolde Valentyne
La voiture file à travers la ville endormie, avalant les rues pavées sous un ciel d’encre. Je ne parle pas. Raphaël non plus.
Je pourrais briser le silence, exiger des réponses, lui demander ce qu’il attend exactement de cette nuit. Mais je ne le fais pas. Parce qu’une partie de moi sait.
Cette nuit n’est pas une simple nuit. C’est une mise à l’épreuve.
Il veut me prouver quelque chose.
Il veut me faire comprendre ce qu’il représente, ce qu’il peut m’offrir, ce que Dante ne pourra jamais me donner.
Et moi… Je suis assez folle pour le laisser essayer.
La voiture ralentit, s’engouffre dans une allée privée. Un portail de fer forgé s’ouvre sans un bruit. Derrière, une demeure surgit de l’obscurité, majestueuse et glaciale sous la lueur des réverbères.
Le manoir De Veyrac.
— Descends.
La voix de Raphaël est basse, contenue. Je l’observe une seconde, cherchant une hésitation dans ses traits. Il n’y en a pas.
Je sors de la voiture. L’air nocturne est plus froid ici, plus dense. Une domestique nous ouvre la porte d’entrée. Nous pénétrons dans un vaste hall de marbre, éclairé par des lustres en cristal. Tout est parfait. Froid. Millimétré.
— Viens.
Il ne me laisse pas admirer les lieux. Il sait que ce n’est pas le décor qui m’intéresse. C’est lui.
Nous traversons des couloirs silencieux, passons devant des portes closes, des œuvres d’art qui valent des millions. Tout respire le pouvoir.
Et puis, enfin, une porte s’ouvre sur un salon privé.
Je m’arrête sur le seuil.
La pièce est plus intime que le reste de la demeure. Moins parfaite. Des livres empilés sur une table, un fauteuil en cuir légèrement usé, une bouteille de whisky à moitié entamée sur un bar en acajou. Un fragment de Raphaël que peu de gens doivent voir.
— Assieds-toi.
Je ne bouge pas.
— Pourquoi tu m’as amenée ici, Raphaël ?
Il s’approche lentement. Son ombre s’étire sous la lumière tamisée.
— Parce que tu dois comprendre quelque chose, Isolde.
Son regard se plante dans le mien.
— Tu peux courir. Tu peux jouer avec le feu. Mais à la fin…
Il effleure ma joue du bout des doigts. Un contact presque tendre.
— Tu reviendras toujours à moi.
Dante Orsini
Je sors du palais sans un regard en arrière. L’air est glacé.
Je passe une main sur mon visage, tentant de chasser l’image qui me hante.
Isolde.
Dans ses bras.
Son hésitation.
Son trouble.
Je serre les poings. Je la perds.
— Tu comptes rester là toute la nuit à broyer du noir ?
Je me retourne. Ariane est toujours là.
Elle s’avance, son regard perçant plongé dans le mien. Elle sait.
— Il l’a emmenée chez lui, pas vrai ?
Je ne réponds pas.
Elle sourit, effleurant mon bras du bout des ongles.
— Tu peux encore la récupérer.
Je l’ignore et allume une cigarette. Elle ne me lâche pas.
— Tu crois qu’elle pourra résister à lui ?
Je souffle lentement la fumée.
— Je sais qu’elle résistera.
— Vraiment ?
Son sourire s’élargit. Elle me met au défi.
— Ou est-ce ce que tu espères ?
Isolde Valentyne
Le silence s’étire entre nous. Trop dense. Trop chargé.
— Tu crois vraiment que je reviendrai toujours à toi ? je murmure.
Un éclat traverse ses yeux.
— Je crois que tu en as déjà conscience.
Son pouce effleure ma lèvre inférieure. Je retiens mon souffle.
— Tu peux mentir aux autres, Isolde.
Sa main glisse sur ma nuque, m’attirant imperceptiblement vers lui.
— Mais pas à moi.
Je devrais le repousser. Je devrais.
Mais ses lèvres frôlent les miennes. Une caresse. Une promesse.
Et mon corps me trahit.
Je ferme les yeux.
Je bascule.
Et dans cette seconde où tout disparaît sauf lui… Je sais que je suis perdue.
Isolde Valentyne
Ses lèvres frôlent les miennes, et un vertige s’empare de moi. C’est subtil. Dévastateur. Il ne me force pas, il attend. Comme toujours.
Raphaël ne prend jamais rien. Il me pousse à donner.
Et c’est ça, le plus dangereux.
Je devrais le repousser. Lutter. Dire son nom pour briser l’instant, retrouver mes repères. Mais j’ai perdu cette bataille avant même qu’elle ne commence.
Sa main se referme sur ma nuque, m’attirant contre lui dans une lenteur calculée. Il sait exactement ce qu’il fait.
Mon souffle se suspend quand il murmure contre ma peau :
— Tu as hésité.
Ses lèvres effleurent ma mâchoire, traçant une ligne invisible jusqu’à mon oreille.
Isolde Valentyne— Quand il t’a embrassée.Je me crispe. Parce qu’il ne devrait pas savoir.Mais il sait toujours.Ses doigts glissent le long de mon dos, dessinant des frissons en moi. Il ne m’embrasse toujours pas. Il me garde prisonnière de cet espace entre le désir et la raison. Là où il règne.— Tu veux que je dise que c’était une erreur ?Ma voix tremble à peine. Mais il l’entend.Raphaël sourit. Un sourire lent. Carnassier.— Je veux que tu réalises que ce n’est pas lui que tu veux.Il me relâche d’un coup. Et c’est pire que tout.Je titube en arrière, mon cœur cognant dans ma poitrine. Je devrais fuir. Mais mes jambes refusent de bouger.— Tu peux partir maintenant, Isolde.Sa voix est posée, impassible. C’est un piège.Parce que je le connais. Il ne me teste pas. Il sait déjà la réponse.Je serre les poings. Je ne le laisserai pas gagner aussi facilement.Alors je fais volte-face et me dirige vers la porte.Jusqu’à ce qu’il lâche, dans un souffle :— Mais si tu restes… Je te
Isolde ValentyneJe rentre chez moi. Enfin.L’appartement est plongé dans l’ombre. Comme moi.J’enlève mes chaussures, mes bijoux. Je me débarrasse des traces de cette nuit, mais elles sont gravées sous ma peau.Le miroir du couloir me renvoie mon reflet.Je m’arrête.Je ne suis plus la même.Je devrais appeler Dante. Le rassurer. Lui mentir. Lui dire que tout ça ne signifie rien.Mais ma main reste suspendue au-dessus de mon téléphone. Parce que ce serait faux.Et lui aussi mérite la vérité.Je ferme les yeux, inspirant profondément.Il faut que je choisisse.Raphaël m’attire comme une flamme. Brûlante, dangereuse, inévitable.Dante est mon ancrage. Une tempête qui me ramène toujours à lui.Mais entre les deux… Je ne sais plus qui je suis.Alors je me laisse tomber sur mon lit.Et pour la première fois depuis longtemps, je me sens complètement perdue.Isolde ValentyneLe silence de mon appartement est oppressant. Tout semble trop calme après la tempête.Je devrais me sentir en paix i
Isolde ValentyneLes lumières des lustres scintillent, se reflètent dans les immenses miroirs qui bordent la salle. Partout, des conversations feutrées, des éclats de rire retenus, des murmures qui s’entrelacent avec la musique envoûtante d’un orchestre caché. L’air sent le lys blanc et le champagne, un mélange sucré et entêtant. Je suis au centre de tout cela.Les regards m’effleurent, me scrutent, m’évaluent. Je suis Isolde Valentyne, et ce soir, je suis la femme que tout le monde observe. Ma robe, un voile d’ombre, épouse ma silhouette avec une perfection étudiée. Chaque mouvement laisse derrière moi un frisson de soie. Mon collier de diamants capte la lumière, mais je sais que ce n’est pas lui qu’ils regardent. C’est moi. Toujours moi.Et lui aussi me regarde. Raphaël De Veyrac.Adossé à une colonne de marbre, il ne bouge pas. Son regard m’ancre sur place, brûlant d’une certitude glaciale. Il n’a pas besoin de parler pour imposer sa volonté. Il sait que ce qu’il veut, il l’obtient
Isolde ValentyneRaphaël. Dante. Ils m’étouffent tous les deux.Raphaël m’offre une cage dorée, un avenir scellé, le confort d’un monde qu’il contrôle. Il veut faire de moi une reine, mais sous son règne.Dante m’offre l’abîme, une passion sauvage, sans attaches, sans règles. Il veut me posséder, pas me protéger.Je ne veux ni l’un ni l’autre.Mais alors pourquoi est-ce que mon corps tremble encore sous leur toucher ?Un mouvement dans mon dos. Je me raidis. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir. Il est là.Dante.— Tu fuis toujours aussi vite, Isolde ?Sa voix grave, légèrement rauque, danse sur ma peau. Je garde les yeux rivés sur la ville en contrebas.— Laisse-moi.Un rire bas. Un souffle trop proche. Il ne m’écoute jamais. Il ne m’a jamais écoutée.— Et si je n’en ai pas envie ?Je me retourne enfin. Il est juste là. Trop près. Son regard, deux abysses insondables, me scrute avec une patience carnassière. Ses cheveux noirs, son costume défait, cette odeur de whisky et de
Raphaël De VeyracSa voix est plus rauque que tout à l’heure. Comme s’il luttait contre une rage contenue.Je ne réponds pas. Parce qu’il a raison. Je brûle déjà.Il s’avance, lentement. Chaque pas qu’il fait, c’est un battement de cœur de trop pour moi.— Je t’ai laissée partir. Une fois.Sa main effleure mon bras. Un frisson me traverse. Il le sent. Il le sent toujours.— Mais ça ne se reproduira pas.Je me tends, mais je ne bouge pas. Pourquoi je ne bouge pas ?Ses doigts remontent le long de mon bras, jusqu’à ma nuque. Il me touche à peine. Juste un souffle. Juste assez pour me posséder sans me prendre.— Raphaël ne te mérite pas.Son murmure se glisse sous ma peau comme un poison sucré.— Et toi ? je chuchote.Un éclat traverse ses yeux. Il s’approche encore, jusqu’à ce que nos souffles se mêlent.— Moi, je ne mérite rien.Et puis il m’embrasse.Brusquement. Sauvagement.Et je me perds.Ma main serre mon verre si fort que le cristal pourrait se briser.Depuis l’intérieur du palai
Isolde ValentyneJe rentre chez moi. Enfin.L’appartement est plongé dans l’ombre. Comme moi.J’enlève mes chaussures, mes bijoux. Je me débarrasse des traces de cette nuit, mais elles sont gravées sous ma peau.Le miroir du couloir me renvoie mon reflet.Je m’arrête.Je ne suis plus la même.Je devrais appeler Dante. Le rassurer. Lui mentir. Lui dire que tout ça ne signifie rien.Mais ma main reste suspendue au-dessus de mon téléphone. Parce que ce serait faux.Et lui aussi mérite la vérité.Je ferme les yeux, inspirant profondément.Il faut que je choisisse.Raphaël m’attire comme une flamme. Brûlante, dangereuse, inévitable.Dante est mon ancrage. Une tempête qui me ramène toujours à lui.Mais entre les deux… Je ne sais plus qui je suis.Alors je me laisse tomber sur mon lit.Et pour la première fois depuis longtemps, je me sens complètement perdue.Isolde ValentyneLe silence de mon appartement est oppressant. Tout semble trop calme après la tempête.Je devrais me sentir en paix i
Isolde Valentyne— Quand il t’a embrassée.Je me crispe. Parce qu’il ne devrait pas savoir.Mais il sait toujours.Ses doigts glissent le long de mon dos, dessinant des frissons en moi. Il ne m’embrasse toujours pas. Il me garde prisonnière de cet espace entre le désir et la raison. Là où il règne.— Tu veux que je dise que c’était une erreur ?Ma voix tremble à peine. Mais il l’entend.Raphaël sourit. Un sourire lent. Carnassier.— Je veux que tu réalises que ce n’est pas lui que tu veux.Il me relâche d’un coup. Et c’est pire que tout.Je titube en arrière, mon cœur cognant dans ma poitrine. Je devrais fuir. Mais mes jambes refusent de bouger.— Tu peux partir maintenant, Isolde.Sa voix est posée, impassible. C’est un piège.Parce que je le connais. Il ne me teste pas. Il sait déjà la réponse.Je serre les poings. Je ne le laisserai pas gagner aussi facilement.Alors je fais volte-face et me dirige vers la porte.Jusqu’à ce qu’il lâche, dans un souffle :— Mais si tu restes… Je te
Isolde ValentyneRaphaël et moi quittons le palais en silence. Personne ne nous arrête. Personne n’arrête Raphaël De Veyrac quand il décide quelque chose.Sa voiture nous attend. Noire. Sobre. Luxueuse. Un chauffeur nous ouvre la porte arrière. Il me laisse entrer en premier. Je pourrais refuser. Mais quelque chose en moi veut comprendre où il veut m’emmener.La voiture démarre.Je me tourne vers lui.— Où allons-nous ?Il observe la ville défiler par la fenêtre. Il semble ailleurs.Puis il me regarde enfin.— Chez moi.Mon cœur s’arrête.Il ne m’a jamais invitée chez lui. Jamais.— Pourquoi ?Son regard s’assombrit.— Parce que si je veux cette nuit… Je veux qu’elle soit réelle.Je ne sais pas pourquoi ces mots m’ébranlent autant.Mais je sais une chose.Je suis en train de plonger dans quelque chose dont je ne reviendrai pas.Isolde ValentyneLa voiture file à travers la ville endormie, avalant les rues pavées sous un ciel d’encre. Je ne parle pas. Raphaël non plus.Je pourrais bris
Raphaël De VeyracSa voix est plus rauque que tout à l’heure. Comme s’il luttait contre une rage contenue.Je ne réponds pas. Parce qu’il a raison. Je brûle déjà.Il s’avance, lentement. Chaque pas qu’il fait, c’est un battement de cœur de trop pour moi.— Je t’ai laissée partir. Une fois.Sa main effleure mon bras. Un frisson me traverse. Il le sent. Il le sent toujours.— Mais ça ne se reproduira pas.Je me tends, mais je ne bouge pas. Pourquoi je ne bouge pas ?Ses doigts remontent le long de mon bras, jusqu’à ma nuque. Il me touche à peine. Juste un souffle. Juste assez pour me posséder sans me prendre.— Raphaël ne te mérite pas.Son murmure se glisse sous ma peau comme un poison sucré.— Et toi ? je chuchote.Un éclat traverse ses yeux. Il s’approche encore, jusqu’à ce que nos souffles se mêlent.— Moi, je ne mérite rien.Et puis il m’embrasse.Brusquement. Sauvagement.Et je me perds.Ma main serre mon verre si fort que le cristal pourrait se briser.Depuis l’intérieur du palai
Isolde ValentyneRaphaël. Dante. Ils m’étouffent tous les deux.Raphaël m’offre une cage dorée, un avenir scellé, le confort d’un monde qu’il contrôle. Il veut faire de moi une reine, mais sous son règne.Dante m’offre l’abîme, une passion sauvage, sans attaches, sans règles. Il veut me posséder, pas me protéger.Je ne veux ni l’un ni l’autre.Mais alors pourquoi est-ce que mon corps tremble encore sous leur toucher ?Un mouvement dans mon dos. Je me raidis. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir. Il est là.Dante.— Tu fuis toujours aussi vite, Isolde ?Sa voix grave, légèrement rauque, danse sur ma peau. Je garde les yeux rivés sur la ville en contrebas.— Laisse-moi.Un rire bas. Un souffle trop proche. Il ne m’écoute jamais. Il ne m’a jamais écoutée.— Et si je n’en ai pas envie ?Je me retourne enfin. Il est juste là. Trop près. Son regard, deux abysses insondables, me scrute avec une patience carnassière. Ses cheveux noirs, son costume défait, cette odeur de whisky et de
Isolde ValentyneLes lumières des lustres scintillent, se reflètent dans les immenses miroirs qui bordent la salle. Partout, des conversations feutrées, des éclats de rire retenus, des murmures qui s’entrelacent avec la musique envoûtante d’un orchestre caché. L’air sent le lys blanc et le champagne, un mélange sucré et entêtant. Je suis au centre de tout cela.Les regards m’effleurent, me scrutent, m’évaluent. Je suis Isolde Valentyne, et ce soir, je suis la femme que tout le monde observe. Ma robe, un voile d’ombre, épouse ma silhouette avec une perfection étudiée. Chaque mouvement laisse derrière moi un frisson de soie. Mon collier de diamants capte la lumière, mais je sais que ce n’est pas lui qu’ils regardent. C’est moi. Toujours moi.Et lui aussi me regarde. Raphaël De Veyrac.Adossé à une colonne de marbre, il ne bouge pas. Son regard m’ancre sur place, brûlant d’une certitude glaciale. Il n’a pas besoin de parler pour imposer sa volonté. Il sait que ce qu’il veut, il l’obtient