jeudi 1 novembre 2108Mon pouce appuie une nouvelle fois sur le bouton. Mon rythme cardiaque s’accélère, tout comme mes foulées s’allongent. De la sueur me coule sur le front, le long des tempes, entre les omoplates. Je sens que j’atteins bientôt mes limites, mais je continue. Encore un peu. Pour me prouver que je suis capable de faire autre chose que rester allongée à longueur de journée dans ce foutu lit d’hôpital.Tout à coup, une grosse main se pose sur mon épaule et une deuxième stoppe la machine sur laquelle je cours depuis une bonne demi-heure. Surprise, je dérape sur le tapis de course et me rattrape tant bien que mal aux barres de fer, ce qui finit par arracher les écouteurs qui diffusaient de la musique à un volume sonore élevé dans mes oreilles.Le juron que je m’apprêtais à lâcher n’a pas le temps de sortir de ma gorge, qu’un colosse en uniforme de la Résistance m’attrape par un bras pour me relever et m’envoyer valser contre le mur le pl
dimanche 4 novembre 2108J’essuie le bord de mon bol, bien décidée à ne pas gaspiller cette merveilleuse compote de pomme chimique qui a su ravir mes papilles. Bon, d’accord, ça ne vaut pas un vrai fruit, mais on s’approche de plus en plus de quelque chose qui a du goût. Enfin! Pendant des mois, mes menus se sont composés uniquement de gelées, de soupes ou de pâtes dures infâmes, ultra enrichies en compléments alimentaires. Alors mon estomac est content de pouvoir ingurgiter autre chose, d’autant plus si ça a du goût, chimique ou pas.Avec un brin de nostalgie, je repense à mes envies furieuses de glace au schtroumpf au début de ma captivité. Je m’étais toujours dit que les envies de femmes enceintes faisaient partie de ces légendes urbaines qui persistent à travers le temps. Eh bien non. J’avais tout le temps envie de manger une glace au schtroumpf, c’était une véritable obsession. Obsession qui a disparu aussitôt après l’opération.D’y repens
mercredi 14 novembre 2108Dix jours que je suis là. Dix jours dont je n’ai que de vagues souvenirs. Après avoir perdu connaissance, je crois que j’ai mis au moins trois jours avant d’ouvrir un œil. Ou quatre. Je ne sais plus trop. Je me souviens seulement qu’à plusieurs reprises, j’ai croisé le regard inquiet d’Axel. Je me suis demandé ce qu’il faisait là. Pourquoi venir me voir chez Thomas alors que le général lui avait bien fait comprendre que je ne devais plus recevoir d’aide médicale? Ceci dit, il n’est pas venu avec des médicaments. J’aurais bien aimé pourtant, quitte à ce qu’il soit là. Mais j’avais juste droit à son soutien et l’entendre parler des heures avec Thomas, même si je ne distinguais pas leurs mots, cela avait le mérite de m’apaiser.Pendant ces dix jours, j’ai souffert. Putain, ça oui! Mon organisme, encore affaibli par les mois de tortures passés et le charcutage en bonne et due forme de mon ventre et de mon cerveau, a du mal
jeudi 29 novembre 2108Je me sens de mieux en mieux. Axel continue de passer une fois par jour pour s’assurer que mon état s’améliore, ce qui est le cas. Je remplis un peu mieux mon pantalon marron et je n’ai quasiment plus aucune crise de manque. Les choses semblent rentrer dans l’ordre pour ma santé. Pour le reste... c’est plus compliqué.On n’a pas reparlé de Kraeffer depuis la dernière fois. L’annonce a fait un drôle d’effet à Thomas et je l’ai senti préoccupé les jours qui ont suivi. J’ai eu beau le cuisiner pour savoir ce qui n’allait pas, il éludait mes questions, changeant à chaque fois de sujet. Alors j’ai laissé tomber. De toute façon, il n’y avait pas grand-chose de plus à dire. Je l’ai tué. Les choses s’arrêtent là.J’ai aussi insisté un nombre incalculable de fois auprès de Thomas pour que je puisse rendre visite à mon frère. Sans succès. Je lui ai posé tout un tas de questions sur les preuves qui pèsent contre lui, mais il n’a pas su me
«—C’est qui?—Une nana qu’on a ramassée sur la route.—Cha va se faire défoncer par Tamo. On a déjà du mal à subvenir à nos besoins...—Ouais, c’est ce que je lui ai dit. Mais tu la connais, elle n’en a rien à foutre.—Un jour, ça finira mal.—Ouais...—Bon, je te laisse, et puis je crois que ta patiente s’est réveillée.Une main me touche la joue, me la tapote. J’ai envie de la dégager, mais mon corps ne me répond pas.—Hé, tu es réveillée?Je grogne, cligne des yeux et croise le regard sombre d’Éric. Il me sourit. Je ne sais pas s’il me veut du bien ou du mal, alors je ne lui rends pas la politesse. Doucement, je tente de me redresser sur un coude, mais la douleur m’arrache un gémissement.—Vas-y mollo.L’homme pose une main sur mon dos et il m’aide à basculer en position assise. J’aimerais qu’il dégage. Je n’ai pas envie qu’il me tou
dimanche 16 décembre 2108Je me réveille en nage. Sans le vouloir, je me suis assoupie sur le canapé, emportée par l’ennui. J’ai un besoin pressant de sortir. J’étouffe à rester enfermée à longueur de journée. Thomas est de nouveau parti plusieurs jours avec quelques-uns de ses hommes pour consolider les défenses de Calvi en compagnie du bataillon d’Aimée. Et, seule, à tourner en rond dans le petit salon, j’ai l’impression que je vais exploser. Je sais qu’il m’a interdit de sortir sans lui et j’en connais parfaitement les raisons, mais aujourd’hui je n’en peux plus. Mes jambes ont besoin de se dégourdir, mon esprit de se sentir libre.Il va m’en vouloir et j’imagine déjà le savon qu’il va me passer, mais tant pis. Je n’en peux plus, je serais capable de faire des choses que je vais regretter si je reste une minute de plus dans cet appartement.Décidée, je fouille dans le placard qui m’est réservé à présent et en sors un leggin noir. Il épouse parfait
lundi 17 décembre 2108Une douce caresse me sort de mon sommeil de plomb. Je m’étire et une main s’attarde le long de mes reins pour parcourir mes formes sans aucune gêne. Je me retourne et me love dans les bras de Thomas pour profiter de sa chaleur et m’enivrer de son odeur. Je ne sais toujours pas quels sont mes sentiments pour lui, mais là tout de suite, sa présence me fait du bien. Son corps contre le mien. Sa peau frôlant la mienne avec volupté. Sa bouche s’écrasant sur la mienne pour partager un souffle passionné.Mes mains se perdent dans ses cheveux, pressent sa nuque, descendent le long de son dos. Il frémit. Ses bras m’entourent et il me fait basculer sur lui. Je le surplombe alors et mon regard s’éternise dans ses yeux luisant de désir. Qu’est-ce que je représente exactement pour lui? Ses yeux semblent réellement m’apprécier, mais il ne se livre pas facilement, esquivant toujours les discussions qui deviennent un peu trop sérieuses. Est-ce
lundi 31 décembre 2108Deux semaines se sont écoulées depuis que j’ai vu Xavier à Vichy. Je pense tout le temps à lui. Je me demande si les hommes de Tragord continuent de le passer à tabac ou s’ils le laissent tranquille. Je supporte de moins en moins l’idée d’être au chaud entre quatre murs, tandis que lui croupit dans une pièce sombre et froide. Thomas, quand il n’est pas en mission, me rassure du mieux qu’il peut. Il ne cesse de me dire que les choses progressent bien du côté de Colbet et Magnier, mais il ne me donne que peu d’informations. Je crois qu’il a peur que je fasse une connerie s’il m’en disait davantage. Il n’a peut-être pas tort. J’ai toujours été impulsive, surtout quand il s’agit de mes proches et Xavier est la seule famille qu’il me reste aujourd’hui.Quand l’angoisse est trop forte et que mes cauchemars nocturnes deviennent trop réels, il m’arrive encore de faire des crises de panique. La plupart du temps, la présence de Thomas me calme.