mercredi 14 novembre 2108Dix jours que je suis là. Dix jours dont je n’ai que de vagues souvenirs. Après avoir perdu connaissance, je crois que j’ai mis au moins trois jours avant d’ouvrir un œil. Ou quatre. Je ne sais plus trop. Je me souviens seulement qu’à plusieurs reprises, j’ai croisé le regard inquiet d’Axel. Je me suis demandé ce qu’il faisait là. Pourquoi venir me voir chez Thomas alors que le général lui avait bien fait comprendre que je ne devais plus recevoir d’aide médicale? Ceci dit, il n’est pas venu avec des médicaments. J’aurais bien aimé pourtant, quitte à ce qu’il soit là. Mais j’avais juste droit à son soutien et l’entendre parler des heures avec Thomas, même si je ne distinguais pas leurs mots, cela avait le mérite de m’apaiser.Pendant ces dix jours, j’ai souffert. Putain, ça oui! Mon organisme, encore affaibli par les mois de tortures passés et le charcutage en bonne et due forme de mon ventre et de mon cerveau, a du mal
jeudi 29 novembre 2108Je me sens de mieux en mieux. Axel continue de passer une fois par jour pour s’assurer que mon état s’améliore, ce qui est le cas. Je remplis un peu mieux mon pantalon marron et je n’ai quasiment plus aucune crise de manque. Les choses semblent rentrer dans l’ordre pour ma santé. Pour le reste... c’est plus compliqué.On n’a pas reparlé de Kraeffer depuis la dernière fois. L’annonce a fait un drôle d’effet à Thomas et je l’ai senti préoccupé les jours qui ont suivi. J’ai eu beau le cuisiner pour savoir ce qui n’allait pas, il éludait mes questions, changeant à chaque fois de sujet. Alors j’ai laissé tomber. De toute façon, il n’y avait pas grand-chose de plus à dire. Je l’ai tué. Les choses s’arrêtent là.J’ai aussi insisté un nombre incalculable de fois auprès de Thomas pour que je puisse rendre visite à mon frère. Sans succès. Je lui ai posé tout un tas de questions sur les preuves qui pèsent contre lui, mais il n’a pas su me
«—C’est qui?—Une nana qu’on a ramassée sur la route.—Cha va se faire défoncer par Tamo. On a déjà du mal à subvenir à nos besoins...—Ouais, c’est ce que je lui ai dit. Mais tu la connais, elle n’en a rien à foutre.—Un jour, ça finira mal.—Ouais...—Bon, je te laisse, et puis je crois que ta patiente s’est réveillée.Une main me touche la joue, me la tapote. J’ai envie de la dégager, mais mon corps ne me répond pas.—Hé, tu es réveillée?Je grogne, cligne des yeux et croise le regard sombre d’Éric. Il me sourit. Je ne sais pas s’il me veut du bien ou du mal, alors je ne lui rends pas la politesse. Doucement, je tente de me redresser sur un coude, mais la douleur m’arrache un gémissement.—Vas-y mollo.L’homme pose une main sur mon dos et il m’aide à basculer en position assise. J’aimerais qu’il dégage. Je n’ai pas envie qu’il me tou
dimanche 16 décembre 2108Je me réveille en nage. Sans le vouloir, je me suis assoupie sur le canapé, emportée par l’ennui. J’ai un besoin pressant de sortir. J’étouffe à rester enfermée à longueur de journée. Thomas est de nouveau parti plusieurs jours avec quelques-uns de ses hommes pour consolider les défenses de Calvi en compagnie du bataillon d’Aimée. Et, seule, à tourner en rond dans le petit salon, j’ai l’impression que je vais exploser. Je sais qu’il m’a interdit de sortir sans lui et j’en connais parfaitement les raisons, mais aujourd’hui je n’en peux plus. Mes jambes ont besoin de se dégourdir, mon esprit de se sentir libre.Il va m’en vouloir et j’imagine déjà le savon qu’il va me passer, mais tant pis. Je n’en peux plus, je serais capable de faire des choses que je vais regretter si je reste une minute de plus dans cet appartement.Décidée, je fouille dans le placard qui m’est réservé à présent et en sors un leggin noir. Il épouse parfait
lundi 17 décembre 2108Une douce caresse me sort de mon sommeil de plomb. Je m’étire et une main s’attarde le long de mes reins pour parcourir mes formes sans aucune gêne. Je me retourne et me love dans les bras de Thomas pour profiter de sa chaleur et m’enivrer de son odeur. Je ne sais toujours pas quels sont mes sentiments pour lui, mais là tout de suite, sa présence me fait du bien. Son corps contre le mien. Sa peau frôlant la mienne avec volupté. Sa bouche s’écrasant sur la mienne pour partager un souffle passionné.Mes mains se perdent dans ses cheveux, pressent sa nuque, descendent le long de son dos. Il frémit. Ses bras m’entourent et il me fait basculer sur lui. Je le surplombe alors et mon regard s’éternise dans ses yeux luisant de désir. Qu’est-ce que je représente exactement pour lui? Ses yeux semblent réellement m’apprécier, mais il ne se livre pas facilement, esquivant toujours les discussions qui deviennent un peu trop sérieuses. Est-ce
lundi 31 décembre 2108Deux semaines se sont écoulées depuis que j’ai vu Xavier à Vichy. Je pense tout le temps à lui. Je me demande si les hommes de Tragord continuent de le passer à tabac ou s’ils le laissent tranquille. Je supporte de moins en moins l’idée d’être au chaud entre quatre murs, tandis que lui croupit dans une pièce sombre et froide. Thomas, quand il n’est pas en mission, me rassure du mieux qu’il peut. Il ne cesse de me dire que les choses progressent bien du côté de Colbet et Magnier, mais il ne me donne que peu d’informations. Je crois qu’il a peur que je fasse une connerie s’il m’en disait davantage. Il n’a peut-être pas tort. J’ai toujours été impulsive, surtout quand il s’agit de mes proches et Xavier est la seule famille qu’il me reste aujourd’hui.Quand l’angoisse est trop forte et que mes cauchemars nocturnes deviennent trop réels, il m’arrive encore de faire des crises de panique. La plupart du temps, la présence de Thomas me calme.
samedi 5 janvier 2108Ça fait quatre jours que Thomas est parti et je me languis de lui. Sa présence me manque. Sa voix me manque. Son sourire aussi. Les journées me paraissent affreusement longues. Et la nuit... je me roule en boule au milieu du lit à la recherche de son odeur sur les draps.J’ai beaucoup réfléchi durant ces quatre jours. En même temps, ce n’est pas comme si j’avais énormément de choses à faire. Alors j’ai réfléchi et je vais lui dire oui. Car si jamais on arrive à renverser Tragord et que je regagne ma liberté, je veux rester avec lui. Je ne sais pas où ça me mènera, mais j’ai envie d’essayer. Ne pas avoir de regret, ça doit devenir mon nouveau credo. L’avenir est trop incertain pour que je prenne le risque de passer à côté de certaines choses. Alors c’est décidé. Dès qu’il rentre, je vais lui dire oui.Là où j’hésite encore, c’est sur la manière de lui annoncer. Est-ce que je lui balance ma réponse comme ça, sans préambule?
«Je crois bien que ça fait plusieurs jours que je suis enchaînée à ce putain de radiateur en fonte. J’ai eu droit à quelques moments de liberté quand le grand gaillard qui garde ma porte a daigné me conduire dans une pièce voisine pour que je puisse faire un brin de toilette et utiliser les w.c. Mais je n’ai rien pu tenter pour m’échapper.Je soupire. J’ai l’impression d’être revenue au point de départ. Pour le moment, je n’ai été passée à tabac qu’une fois, mais je suis tout de même leur prisonnière. Qu’en penserait Matieu s’il me voyait? Il est mort. Je doute qu’il en pense grand-chose. Ouais. C’est con pour lui.Je tire une nouvelle fois sur les menottes, mais je ne réussis qu’à m’écorcher davantage le poignet. J’ai déjà essayé de démonter le radiateur et de tirer comme une malade sur la chaîne dans l’espoir qu’elle se brise. J’ai même songé un instant à me casser le pouce pour essayer de faire glisser ma main, mais les menottes sont tellement serrées qu
vendredi 11 novembre 2129vendredi 14 avril 2124Mon Aurore,Si tu lis cette lettre, sache qu’où que je sois, quoi qu’il me soit arrivé, tu es et resteras ma plus grande fierté. J’aurais tellement voulu continuer à contempler ton si joli sourire, à observer tes yeux innocents découvrir le monde et ton visage s’illuminer avec émerveillement. Malheureusement, j’ai été rattrapée par l’appel du devoir, tout comme ton père. C’est avec un déchirement sans pareil que nous avons décidé de te laisser derrière, à l’abri du danger. Nous aurions pu t’emmener, mais quelle vie nous t’aurions offerte? Ici, tu seras toujours plus en sécurité qu’à côté de nous, sur le front.Heureusement, je garde en mémoire les merveilleuses années que j’ai pu passer auprès de toi, et notamment les mois entourant la naissance de ton frère. Tu n’avais que cinq ans alors, peut-être en as-tu gardé quelques souvenirs? Ces longues journées passées au bord de
mercredi 17 avril 2109- Lui -Mes yeux se posent sur le lit. Putain, j’aime cette fille à en crever. Couchée sur le côté, sa chevelure blonde emmêlée forme une auréole autour de sa tête et sur ses épaules. Elle respire profondément et le drap, collé sur son corps, laisse deviner ses formes exquises. Une de ses jambes dépasse et j’aimerais poser ma main sur sa cheville, remonter le long de son mollet et de sa cuisse puis explorer à nouveau chaque parcelle de son corps afin de m’enivrer de sa peau si douce. Mais je ne le ferai pas. Elle a fini par s’endormir et son visage paisible suffit pour l’instant à me combler de bonheur.Notre première rencontre a été houleuse et il s’en est fallu de peu qu’elle ou moi ne sorte son flingue afin d’en finir avec l’autre. Pourtant… elle s’est retenue et moi aussi. Ce que j’ai vu dans son regard ce jour-là… je ne sais pas. L’espace d’une seconde, elle s’est mise à nue devant moi. Ses yeux m’ont
«—Ça fait combien de temps que t’es là, déjà? me demande Josh en s’essuyant le front d’un revers de main.Je m’agrippe à la poignée de la portière tandis que le véhicule fait un bond sur un nid de poule.—Six mois.—T’in, ça passe vite.Je garde le silence. Ouais. Six mois que je suis dans ce trou à rat, putain. J’en peux plus. Il faut que je me tire de là. Il faut que je les retrouve. Maintenant que j’ai totalement récupéré, je n’ai plus aucune raison de rester ici.—À quoi tu penses, poupée?Je grince des dents. Pourquoi les mecs se sentent toujours obligés d’affubler les femmes de surnoms ridicules. Est-ce que moi je l’appelle playboy? À cette idée, je me mets à ricaner toute seule sous le regard inquisiteur de Josh.—Qu’est-ce qui te fait marrer?—Toi.—Et puis-je savoir pourquoi, poupée?Et en plus c’est qu’il persiste et signe, le
vendredi 12 avril 2109—Hey, ma puce? T’es avec nous?Un sourire étire mes lèvres. Il est là. Je sens ses mains qui emprisonnent la mienne et son souffle chaud qui caresse mes doigts. Il est toujours là. Nous nous sommes retrouvés.Des larmes perlent au coin de mes yeux tandis que sa voix continue de me parler, me sortant lentement du sommeil artificiel dans lequel on m’a plongée. Mes cils se décollent difficilement et un grognement sourd s’échappe de ma gorge. Alors que je reprends conscience, la douleur revient avec plus de virulence et cette fois c’est un gémissement qui sort de ma bouche.—Prends ton temps. Je suis là. Je suis là avec toi.Ses mains effectuent une légère pression sur mes doigts et ses lèvres viennent les embrasser pour me prouver qu’il est bel et bien à mes côtés. Je tourne la tête et croise son regard brillant. Il a les yeux rouges. Les yeux rouges de quelqu’un qui a peu ou pas dormi depuis
jeudi 11 avril 2109Une loque. C’est ce que je suis devenue. Une loque humaine. Un chien qu’on trimbale au bout d’une laisse. Un jouet qu’on agite devant les caméras pour rendre les autres fous. J’ai honte.Les images qui tournent en boucle sur l’écran plat descendant du plafond me donnent la gerbe. Ou alors c’est le produit qu’il a de nouveau injecté dans mes veines. Je ne sais pas. Je ne sais plus. J’ai la tête en vrac, le corps en mille morceaux et le cœur... je crois que je n’en ai plus pour le moment. Ce con est parti en vacances se prélasser sur le sable chaud des Antilles pour fuir le regard torturé de Thomas tandis que moi... Putain, pourquoi je dis ça? Je débloque. Mon cerveau aussi s’est barré de l’autre côté de l’Atlantique. Je l’imagine prendre ses petites jambes à son cou et fuir en hurlant et en agitant ses petits bras gringalets: «Haaa, tout sauf être dans le crâne de cette connasse!!»....
dimanche 7 avril 2109Mes mains deviennent moites. Ma respiration, saccadée. De la sueur me coule sur les yeux. Heureusement, je n’ai plus à porter ces foutues lunettes de protection ni ce masque filtrant qui donnent chaud. En revanche, j’ai conservé la combinaison moulante, tout comme mes camarades. Le tissu fin épouse nos formes comme une seconde peau et, truffé de nanotechnologie, il protège du froid en cas de température basse et laisse respirer le corps en cas de forte chaleur. Aujourd’hui il ne fait ni chaud ni froid, mais je transpire déjà.Mes yeux fixent mon fusil d’assaut HK-720 que je tiens sur mes cuisses, le temps de reprendre mes esprits. J’ai déjà vidé deux chargeurs complets. J’en dispose d’encore quatre dans mon sac à dos en plus de ce que je viens d’entamer. Quand j’aurai vidé toutes mes cartouches, il me restera encore mon Wallgon-X et ses trois chargeurs, ainsi que mon Sig Ash 22S et ses quatre chargeurs. Après ça, si je ne me replie pas
«La lumière du jour me fait cligner des yeux. Je tourne la tête vers la fenêtre grande ouverte–dont je n’ai pas pris la peine de fermer les volets la veille–et lâche un grognement peu gracieux. J’ai mal partout. Mon corps est courbaturé et ma tête semble prise dans un étau. Un sourire s’étale néanmoins sur mon visage. Je reprends du poil de la bête et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle.Je ne suis pas encore au meilleur de ma forme, mais je vais mieux, en attestent mes performances aux entraînements quotidiens auxquels je dois me plier depuis un mois. Au départ, je n’étais pas capable de faire ne serait-ce qu’un quart du tour de la propriété en courant. Aujourd’hui, je peux enchaîner deux tours à un rythme moyen sans m’écrouler en crachant mes poumons. Au corps à corps, je n’ai pas encore retrouvé toute ma force, ni ma vitesse ni ma souplesse, mais je progresse bien et j’arrive régulièrement à mettre aux tapis les hommes les plus costauds de Tam
mercredi 3 avril 2109Cette fois je n’ai pas d’échappatoire. Je n’ai quasiment pas fermé l’œil de la nuit et j’ai passé au moins une heure à camoufler mes cernes et les marques laissées par le combat de la veille. Durant tout ce temps, j’ai cherché une excuse pour ne pas y aller, mais à l’évidence, je ne peux pas me défiler. Comme me l’a si bien rappelé Xavier pas plus tard que ce matin, à l’aube, il ne s’agit ni de Khenzo ni de moi, mais de nous. De nous tous, de notre avenir, qui sera déterminé par la réussite ou l’échec d’un assaut mené contre la capitale où se terrent Macrélois et ses soldats.Je me jette un dernier regard à travers le miroir éclaté, ajuste mon pantalon et mon t-shirt puis sors de la salle de bain pour attraper ma veste que j’avais posée sur une chaise, dans le salon. Dehors, un soleil radieux, contrastant fort avec la grisaille et la pluie de ces derniers jours, me fait cligner des yeux. Je marche d’un pas vif, malgré les courbatures q
mardi 2 avril 2109La portière claque bruyamment. Je salue mes compagnons de route qui ont décidé de passer par l’entrepôt avant de rejoindre leur baraquement. Moi, je n’ai pas envie de suivre la foule. Je cale mon masque sous le bras, tenant d’une main mon fusil d’assaut et de l’autre mon sac à dos. D’un pas las, je m’engage dans les ruelles sinueuses qui vont me mener jusque chez moi.Durant tout le chemin, je n’ai pensé à rien, appréciant seulement le silence. Mais lorsque je lève les yeux sur ce visage brisé par les éclats du miroir de ma salle de bain, je me laisse envahir par un flot d’émotions négatives. J’ai mal partout. Au corps et à l’âme. Je suis en colère. Je suis triste. Je suis dégoûtée. Je suis triste d’être dégoûtée. Je suis en colère d’être triste d’être dégoûtée. Et tout ça ne m’avance à rien, parce que je suis enfermée dans un rôle qui me révulse.Pourtant, aujourd’hui nous avons une grande victoire à célébrer. Même si Xavier n’ava