lundi 31 décembre 2108Deux semaines se sont écoulées depuis que j’ai vu Xavier à Vichy. Je pense tout le temps à lui. Je me demande si les hommes de Tragord continuent de le passer à tabac ou s’ils le laissent tranquille. Je supporte de moins en moins l’idée d’être au chaud entre quatre murs, tandis que lui croupit dans une pièce sombre et froide. Thomas, quand il n’est pas en mission, me rassure du mieux qu’il peut. Il ne cesse de me dire que les choses progressent bien du côté de Colbet et Magnier, mais il ne me donne que peu d’informations. Je crois qu’il a peur que je fasse une connerie s’il m’en disait davantage. Il n’a peut-être pas tort. J’ai toujours été impulsive, surtout quand il s’agit de mes proches et Xavier est la seule famille qu’il me reste aujourd’hui.Quand l’angoisse est trop forte et que mes cauchemars nocturnes deviennent trop réels, il m’arrive encore de faire des crises de panique. La plupart du temps, la présence de Thomas me calme.
samedi 5 janvier 2108Ça fait quatre jours que Thomas est parti et je me languis de lui. Sa présence me manque. Sa voix me manque. Son sourire aussi. Les journées me paraissent affreusement longues. Et la nuit... je me roule en boule au milieu du lit à la recherche de son odeur sur les draps.J’ai beaucoup réfléchi durant ces quatre jours. En même temps, ce n’est pas comme si j’avais énormément de choses à faire. Alors j’ai réfléchi et je vais lui dire oui. Car si jamais on arrive à renverser Tragord et que je regagne ma liberté, je veux rester avec lui. Je ne sais pas où ça me mènera, mais j’ai envie d’essayer. Ne pas avoir de regret, ça doit devenir mon nouveau credo. L’avenir est trop incertain pour que je prenne le risque de passer à côté de certaines choses. Alors c’est décidé. Dès qu’il rentre, je vais lui dire oui.Là où j’hésite encore, c’est sur la manière de lui annoncer. Est-ce que je lui balance ma réponse comme ça, sans préambule?
«Je crois bien que ça fait plusieurs jours que je suis enchaînée à ce putain de radiateur en fonte. J’ai eu droit à quelques moments de liberté quand le grand gaillard qui garde ma porte a daigné me conduire dans une pièce voisine pour que je puisse faire un brin de toilette et utiliser les w.c. Mais je n’ai rien pu tenter pour m’échapper.Je soupire. J’ai l’impression d’être revenue au point de départ. Pour le moment, je n’ai été passée à tabac qu’une fois, mais je suis tout de même leur prisonnière. Qu’en penserait Matieu s’il me voyait? Il est mort. Je doute qu’il en pense grand-chose. Ouais. C’est con pour lui.Je tire une nouvelle fois sur les menottes, mais je ne réussis qu’à m’écorcher davantage le poignet. J’ai déjà essayé de démonter le radiateur et de tirer comme une malade sur la chaîne dans l’espoir qu’elle se brise. J’ai même songé un instant à me casser le pouce pour essayer de faire glisser ma main, mais les menottes sont tellement serrées qu
lundi 7 janvier 2109J’ouvre les yeux, le souffle court. Le passé n’a jamais cessé de me hanter. Il me fatigue et m’épuise, autant que la plaie qui se rappelle vivement à moi alors que je tente de repousser les couvertures sur le côté.—Holà, malheureuse! Qu’est-ce que tu fais?Je me fige, les draps toujours entre mes mains. Une silhouette se déplace jusqu’à moi dans la pénombre et s’assied à mes côtés. Ses bras m’entourent chaleureusement les épaules et je laisse rouler ma tête au creux de son cou. Cette fois il sent bon et je hume son odeur, me lovant davantage dans ses bras pour en apprécier la chaleur.—Xav’...—Merci, murmure-t-il à mon oreille. Je sais ce que tu as fait pour moi.La porte de la chambre s’ouvre et je m’écarte pour voir arriver le nouveau venu. Une décharge électrique parcourt mon corps. Khenzo. Mon frère allume la lampe de chevet et je peux enfin contempler les traits des deux h
lundi 14 janvier 2109—Jeremy! Arrête de tricher! s’exclame Tidji en levant les yeux au ciel. Putain, t’es plus un gosse. Et Ed, arrête de l’encourager! Tu crois que je ne te vois pas?!De la cuisine où je me trouve en compagnie de Mervin, j’observe les trois hommes qui commencent à s’engueuler devant une Camélia excédée. Jeremy se trouve toujours dans l’équipe qui gagne au tarot et Tidji est plutôt mauvais perdant, ce soir.—Tu sais, tu peux aller jouer avec eux. Je peux me débrouiller tout seul.—Je sais, mais je n’en ai pas envie.Mervin me regarde du coin de l’œil. Je sais aussi qu’il aimerait que je lui parle de tout ce qui m’est arrivé, mais c’est impossible. Pas avec lui. Pas sachant qu’il peut encore éprouver de l’attirance pour moi alors qu’il est avec Camélia.—Je te trouve toujours aussi canon, si ce n’est plus, mais je te rassure, je suis passé à autre chose.—&nb
vendredi 15 mars 2109Deux mois se sont écoulés depuis que Xavier a été désigné général à la place de Martin. Ce dernier a finalement été exécuté par injection létale, tout comme les espions du NGPP figurant sur la liste que Thomas m’a laissée avant de fuir. Oui, j’ai bien dit «exécuté».Ces deux derniers mois ont été plus que mouvementés. Mon frère a repris d’une main de fer le commandement, en commençant par faire le ménage dans les rangs et il a pris des mesures radicales; l’exécution du meurtrier de Jérôme et Alice ainsi que des traîtres, en fait partie. Ces décisions n’ont pas fait l’unanimité, loin de là, et même si moi aussi j’aurais préféré une autre issue, je dois reconnaître que Xavier a su faire le bon choix. Est-ce que le général Kalan aurait approuvé? Est-ce que notre père aurait approuvé? Je ne sais pas. Mais ils l’auraient soutenu, alors je l’ai fait aussi et pas uniquement parce qu’il me l’a demandé, mais parce
mardi 2 avril 2109La portière claque bruyamment. Je salue mes compagnons de route qui ont décidé de passer par l’entrepôt avant de rejoindre leur baraquement. Moi, je n’ai pas envie de suivre la foule. Je cale mon masque sous le bras, tenant d’une main mon fusil d’assaut et de l’autre mon sac à dos. D’un pas las, je m’engage dans les ruelles sinueuses qui vont me mener jusque chez moi.Durant tout le chemin, je n’ai pensé à rien, appréciant seulement le silence. Mais lorsque je lève les yeux sur ce visage brisé par les éclats du miroir de ma salle de bain, je me laisse envahir par un flot d’émotions négatives. J’ai mal partout. Au corps et à l’âme. Je suis en colère. Je suis triste. Je suis dégoûtée. Je suis triste d’être dégoûtée. Je suis en colère d’être triste d’être dégoûtée. Et tout ça ne m’avance à rien, parce que je suis enfermée dans un rôle qui me révulse.Pourtant, aujourd’hui nous avons une grande victoire à célébrer. Même si Xavier n’ava
mercredi 3 avril 2109Cette fois je n’ai pas d’échappatoire. Je n’ai quasiment pas fermé l’œil de la nuit et j’ai passé au moins une heure à camoufler mes cernes et les marques laissées par le combat de la veille. Durant tout ce temps, j’ai cherché une excuse pour ne pas y aller, mais à l’évidence, je ne peux pas me défiler. Comme me l’a si bien rappelé Xavier pas plus tard que ce matin, à l’aube, il ne s’agit ni de Khenzo ni de moi, mais de nous. De nous tous, de notre avenir, qui sera déterminé par la réussite ou l’échec d’un assaut mené contre la capitale où se terrent Macrélois et ses soldats.Je me jette un dernier regard à travers le miroir éclaté, ajuste mon pantalon et mon t-shirt puis sors de la salle de bain pour attraper ma veste que j’avais posée sur une chaise, dans le salon. Dehors, un soleil radieux, contrastant fort avec la grisaille et la pluie de ces derniers jours, me fait cligner des yeux. Je marche d’un pas vif, malgré les courbatures q