lundi 16 juillet 2108J’ai perdu le compte des jours depuis que Taled est mort. On doit être en juillet, mais le combien? Je ne sais pas. Comme Kraeffer n’arrive toujours pas à obtenir ce qu’il veut de moi, je m’attendais à rapidement rejoindre l’adolescent dans l’au-delà, mais je suis encore là. Plus ou moins en bonne santé, mais vivante.Je baisse la tête pour observer mon ventre. Le débardeur d’un blanc immaculé que je porte me colle davantage au corps que le précédent qui avait pris une teinte oscillant entre le gris, le marron et le jaune. Pourtant j’ai maigri depuis que je suis ici. Je le sens et je le vois à travers mes os qui saillent sous ma peau devenue blanchâtre à force de rester enfermée.Soudain, de petites bulles éclatent dans mon ventre, partant du pubis pour remonter vers les poumons. Un sourire éclaire mes traits fatigués. Un instinct primitif que je n’aurais jamais soupçonné avoir m’affirme que c’est le bébé qui bouge. Mon bé
jeudi 30 août 2108Plus d’un mois s’est écoulé depuis qu’ils me l’ont arraché de mes entrailles. J’ai l’impression que c’était hier. J’ai l’impression que c’était il y a des années. Chaque jour, j’ai ressenti ces petites bulles qui explosaient gaiement sous la peau plus tendue de mon ventre. Ces petites bulles pleines de vie qui aujourd’hui ne sont plus que de vagues réminiscences de ce que j’ai réellement ressenti.Putain, je l’ai perdu.À chaque fois que ces pensées me traversent l’esprit, je dois me mordre la langue ou l’intérieur de la joue jusqu’au sang pour éviter d’éclater en sanglots. Chaque jour qui passe se révèle être une épreuve de plus pour moi. Une épreuve où je dois réussir à me dire que ce bébé n’a pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Qu’il n’a pas eu le temps de souffrir. Qu’il n’a pas eu le temps de vivre pour comprendre qu’il était déjà l’heure de partir. Une épreuve où je dois me convaincre que ça ne sert à rien de p
lundi 15 octobre 2108Les premières lueurs du jour caressent doucement mon visage. Je m’étire avec paresse dans les draps de soie qui glissent sous ma peau. La soirée a été délicieuse, la nuit torride. Mon corps se rappelle encore des violents assauts de mon amant, de ses mains explorant la moindre parcelle de mon anatomie, de sa bouche me dévorant avec une ardeur non retenue.Un soupir d’extase s’échappe entre mes lèvres et je me tourne vers celui qui partage mes nuits depuis peu. Jusqu’à présent, il me présentait son dos, mais mon agitation l’a sorti de son sommeil. Lentement, il se redresse sur un coude et m’attrape par la taille pour me faire rouler sur son torse à la puissante musculature. Je souris et dépose mes lèvres sur les siennes.Nos regards se croisent et mes yeux se plantent dans les siens. Pâles. Brillants de mille éclats. Mon sourire se fige. Mon cœur s’arrête de battre une fraction de seconde. Puis, comme si je venais de me prendre u
«—Tu vas t’arrêter sur chaque cadavre que tu croises?—Ferme-la, Éric. Sans ça tu pourrais pas débiter tes conneries à longueur de journée. Alors laisse-moi gérer, tu veux?—C’est toi qui vois. Tamo va encore pousser une gueulante, c’est tout.—Eh ben il gueulera s’il veut. J’en ai rien à foutre.Une main me palpe l’abdomen et je pousse un grognement qui n’a rien d’humain.— Merde, elle est vivante!—Ouais, alors viens m’aider.L’homme qui s’appelle Éric, semble se rapprocher et à deux ils me basculent sur le côté. Je cligne des yeux, mais je n’arrive pas à distinguer clairement leurs visages. Une main me tapote doucement la joue. Je crois que c’est celle de la femme.—Hé, toi, comment tu t’appelles?Ma voix gargouille quelque chose d’inaudible. La femme insiste, mais je n’ai pas la force de réitérer mon exploit. Mes paupières se referment.—&
mercredi 17 octobre 2108Je commence déjà à ressentir les premiers effets d’une fatigue extrême. Ma première nuit de liberté, je l’ai passée à explorer les appartements et bâtiments alentour à la recherche de ces fichus badges que tout le monde porte. J’ai dû prendre des risques inconsidérés en m’introduisant chez un couple d’une quarantaine d’années pour fouiner dans leurs placards. Et c’est dans leurs tables de chevet que j’ai trouvé les précieux accessoires.Au moment de refermer le tiroir du côté de la femme, cette dernière s’est retournée dans son sommeil, a marmonné quelque chose en rapport avec un drapeau, puis s’est mise à ronfler bruyamment. Très sexy. J’espère que je ne suis pas comme ça quand je dors.Je me ressaisis en secouant la tête. Qu’est-ce qui me prend de penser à ce genre de chose maintenant?Après avoir glissé mon précieux butin dans la poche de mon manteau, j’ai ensuite filé dans leur cuisine pour fouiller le frigo.
samedi 20 octobre 2108Ça fait déjà trois jours que nous avons quitté la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Car c’est bien là que Cha et Éric nous ont laissés et non au sud de Paris comme je l’espérais. Enfin. C’est mieux que rien. Au moins nous avons réussi à franchir les deux couronnes sans trop d’encombres.Le premier jour, nous avons marché dix heures. Dix putains d’heures, entrecoupées de longues pauses pour faire manger Willy et le changer. Dan a fait preuve de beaucoup de ténacité. Depuis que je le connais, il ne s’est pas plaint une seule fois. Il a avancé comme un automate, jusqu’à ce que ses jambes ne puissent plus le porter et qu’il s’écroule au sol. Je me suis alors injecté ma deuxième demi-dose d’Énergisium et j’ai repris notre route, chargée d’une quarantaine de kilos supplémentaires. Mes pieds nous ont portés aussi loin que je le pouvais et quand mon corps a décidé à son tour qu’il était temps de se mettre en veille, Énergisium ou non dans le sa
mardi 23 octobre 2108Je marche mécaniquement. Mes jambes me portent encore. Je ne sais plus par quel miracle. L’Énergisium. Ah oui.J’ai les bras raides, le dos endolori, la tête sur le point d’exploser. Ma main gauche passe sur mon visage fatigué, creusé. Je sens les cernes sous mes yeux qui deviennent chaque jour plus profonds, plus noirs. Les os de mes pommettes saillent. De mon nez coule une substance visqueuse. Je retire ma main et regarde mes doigts; ils sont couverts de sang. Encore. J’ai pris ma dernière demi-dose ce matin. La dernière. Je vais crever.Mes doigts se resserrent sur les poignets du vélo que je pousse à mes côtés. Dan a maigri. Sa pâleur morbide me fait peur. Et Willy… la fièvre ne le quitte plus. Il n’a rien mangé hier. Ni aujourd’hui. À peine une gorgée de lait qu’il a aussitôt vomi. Nous allons crever.Pourtant je continue d’avancer. Un pied devant l’autre. Encore. Une poussée pour faire rouler la roue dégonflée
lundi 29 octobre 2108Le cocon qui m’enveloppe se distord légèrement. Elle est là. Sa main trouve la mienne, la presse. Mon regard quitte la brume blanche pour se poser sur ses doigts délicats. Sa peau douce me rassure. Ses effluves fleuris m’entêtent. Je lui rends une petite pression pour lui signifier que j’apprécie sa présence.—Tu sais que je n’aime pas que tu passes trop de temps ici.Sa voix est douce comme une caresse. Un vent qui ne m’atteint pas balaye ses cheveux sur ses épaules. Elle s’accroupit à mes côtés, le visage toujours tourné vers l’horizon invisible. Je me tourne dans la même direction. Une sensation de bien-être m’envahit.—Qui es-tu?Sa deuxième main vient entourer la mienne.—Je crois que tu l’as toujours su, je me trompe?Je penche la tête sur le côté. Oui, au fond de moi, j’ai toujours su qui elle est et pourquoi elle vient à moi quand j’en ai besoin.—Je
vendredi 11 novembre 2129vendredi 14 avril 2124Mon Aurore,Si tu lis cette lettre, sache qu’où que je sois, quoi qu’il me soit arrivé, tu es et resteras ma plus grande fierté. J’aurais tellement voulu continuer à contempler ton si joli sourire, à observer tes yeux innocents découvrir le monde et ton visage s’illuminer avec émerveillement. Malheureusement, j’ai été rattrapée par l’appel du devoir, tout comme ton père. C’est avec un déchirement sans pareil que nous avons décidé de te laisser derrière, à l’abri du danger. Nous aurions pu t’emmener, mais quelle vie nous t’aurions offerte? Ici, tu seras toujours plus en sécurité qu’à côté de nous, sur le front.Heureusement, je garde en mémoire les merveilleuses années que j’ai pu passer auprès de toi, et notamment les mois entourant la naissance de ton frère. Tu n’avais que cinq ans alors, peut-être en as-tu gardé quelques souvenirs? Ces longues journées passées au bord de
mercredi 17 avril 2109- Lui -Mes yeux se posent sur le lit. Putain, j’aime cette fille à en crever. Couchée sur le côté, sa chevelure blonde emmêlée forme une auréole autour de sa tête et sur ses épaules. Elle respire profondément et le drap, collé sur son corps, laisse deviner ses formes exquises. Une de ses jambes dépasse et j’aimerais poser ma main sur sa cheville, remonter le long de son mollet et de sa cuisse puis explorer à nouveau chaque parcelle de son corps afin de m’enivrer de sa peau si douce. Mais je ne le ferai pas. Elle a fini par s’endormir et son visage paisible suffit pour l’instant à me combler de bonheur.Notre première rencontre a été houleuse et il s’en est fallu de peu qu’elle ou moi ne sorte son flingue afin d’en finir avec l’autre. Pourtant… elle s’est retenue et moi aussi. Ce que j’ai vu dans son regard ce jour-là… je ne sais pas. L’espace d’une seconde, elle s’est mise à nue devant moi. Ses yeux m’ont
«—Ça fait combien de temps que t’es là, déjà? me demande Josh en s’essuyant le front d’un revers de main.Je m’agrippe à la poignée de la portière tandis que le véhicule fait un bond sur un nid de poule.—Six mois.—T’in, ça passe vite.Je garde le silence. Ouais. Six mois que je suis dans ce trou à rat, putain. J’en peux plus. Il faut que je me tire de là. Il faut que je les retrouve. Maintenant que j’ai totalement récupéré, je n’ai plus aucune raison de rester ici.—À quoi tu penses, poupée?Je grince des dents. Pourquoi les mecs se sentent toujours obligés d’affubler les femmes de surnoms ridicules. Est-ce que moi je l’appelle playboy? À cette idée, je me mets à ricaner toute seule sous le regard inquisiteur de Josh.—Qu’est-ce qui te fait marrer?—Toi.—Et puis-je savoir pourquoi, poupée?Et en plus c’est qu’il persiste et signe, le
vendredi 12 avril 2109—Hey, ma puce? T’es avec nous?Un sourire étire mes lèvres. Il est là. Je sens ses mains qui emprisonnent la mienne et son souffle chaud qui caresse mes doigts. Il est toujours là. Nous nous sommes retrouvés.Des larmes perlent au coin de mes yeux tandis que sa voix continue de me parler, me sortant lentement du sommeil artificiel dans lequel on m’a plongée. Mes cils se décollent difficilement et un grognement sourd s’échappe de ma gorge. Alors que je reprends conscience, la douleur revient avec plus de virulence et cette fois c’est un gémissement qui sort de ma bouche.—Prends ton temps. Je suis là. Je suis là avec toi.Ses mains effectuent une légère pression sur mes doigts et ses lèvres viennent les embrasser pour me prouver qu’il est bel et bien à mes côtés. Je tourne la tête et croise son regard brillant. Il a les yeux rouges. Les yeux rouges de quelqu’un qui a peu ou pas dormi depuis
jeudi 11 avril 2109Une loque. C’est ce que je suis devenue. Une loque humaine. Un chien qu’on trimbale au bout d’une laisse. Un jouet qu’on agite devant les caméras pour rendre les autres fous. J’ai honte.Les images qui tournent en boucle sur l’écran plat descendant du plafond me donnent la gerbe. Ou alors c’est le produit qu’il a de nouveau injecté dans mes veines. Je ne sais pas. Je ne sais plus. J’ai la tête en vrac, le corps en mille morceaux et le cœur... je crois que je n’en ai plus pour le moment. Ce con est parti en vacances se prélasser sur le sable chaud des Antilles pour fuir le regard torturé de Thomas tandis que moi... Putain, pourquoi je dis ça? Je débloque. Mon cerveau aussi s’est barré de l’autre côté de l’Atlantique. Je l’imagine prendre ses petites jambes à son cou et fuir en hurlant et en agitant ses petits bras gringalets: «Haaa, tout sauf être dans le crâne de cette connasse!!»....
dimanche 7 avril 2109Mes mains deviennent moites. Ma respiration, saccadée. De la sueur me coule sur les yeux. Heureusement, je n’ai plus à porter ces foutues lunettes de protection ni ce masque filtrant qui donnent chaud. En revanche, j’ai conservé la combinaison moulante, tout comme mes camarades. Le tissu fin épouse nos formes comme une seconde peau et, truffé de nanotechnologie, il protège du froid en cas de température basse et laisse respirer le corps en cas de forte chaleur. Aujourd’hui il ne fait ni chaud ni froid, mais je transpire déjà.Mes yeux fixent mon fusil d’assaut HK-720 que je tiens sur mes cuisses, le temps de reprendre mes esprits. J’ai déjà vidé deux chargeurs complets. J’en dispose d’encore quatre dans mon sac à dos en plus de ce que je viens d’entamer. Quand j’aurai vidé toutes mes cartouches, il me restera encore mon Wallgon-X et ses trois chargeurs, ainsi que mon Sig Ash 22S et ses quatre chargeurs. Après ça, si je ne me replie pas
«La lumière du jour me fait cligner des yeux. Je tourne la tête vers la fenêtre grande ouverte–dont je n’ai pas pris la peine de fermer les volets la veille–et lâche un grognement peu gracieux. J’ai mal partout. Mon corps est courbaturé et ma tête semble prise dans un étau. Un sourire s’étale néanmoins sur mon visage. Je reprends du poil de la bête et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle.Je ne suis pas encore au meilleur de ma forme, mais je vais mieux, en attestent mes performances aux entraînements quotidiens auxquels je dois me plier depuis un mois. Au départ, je n’étais pas capable de faire ne serait-ce qu’un quart du tour de la propriété en courant. Aujourd’hui, je peux enchaîner deux tours à un rythme moyen sans m’écrouler en crachant mes poumons. Au corps à corps, je n’ai pas encore retrouvé toute ma force, ni ma vitesse ni ma souplesse, mais je progresse bien et j’arrive régulièrement à mettre aux tapis les hommes les plus costauds de Tam
mercredi 3 avril 2109Cette fois je n’ai pas d’échappatoire. Je n’ai quasiment pas fermé l’œil de la nuit et j’ai passé au moins une heure à camoufler mes cernes et les marques laissées par le combat de la veille. Durant tout ce temps, j’ai cherché une excuse pour ne pas y aller, mais à l’évidence, je ne peux pas me défiler. Comme me l’a si bien rappelé Xavier pas plus tard que ce matin, à l’aube, il ne s’agit ni de Khenzo ni de moi, mais de nous. De nous tous, de notre avenir, qui sera déterminé par la réussite ou l’échec d’un assaut mené contre la capitale où se terrent Macrélois et ses soldats.Je me jette un dernier regard à travers le miroir éclaté, ajuste mon pantalon et mon t-shirt puis sors de la salle de bain pour attraper ma veste que j’avais posée sur une chaise, dans le salon. Dehors, un soleil radieux, contrastant fort avec la grisaille et la pluie de ces derniers jours, me fait cligner des yeux. Je marche d’un pas vif, malgré les courbatures q
mardi 2 avril 2109La portière claque bruyamment. Je salue mes compagnons de route qui ont décidé de passer par l’entrepôt avant de rejoindre leur baraquement. Moi, je n’ai pas envie de suivre la foule. Je cale mon masque sous le bras, tenant d’une main mon fusil d’assaut et de l’autre mon sac à dos. D’un pas las, je m’engage dans les ruelles sinueuses qui vont me mener jusque chez moi.Durant tout le chemin, je n’ai pensé à rien, appréciant seulement le silence. Mais lorsque je lève les yeux sur ce visage brisé par les éclats du miroir de ma salle de bain, je me laisse envahir par un flot d’émotions négatives. J’ai mal partout. Au corps et à l’âme. Je suis en colère. Je suis triste. Je suis dégoûtée. Je suis triste d’être dégoûtée. Je suis en colère d’être triste d’être dégoûtée. Et tout ça ne m’avance à rien, parce que je suis enfermée dans un rôle qui me révulse.Pourtant, aujourd’hui nous avons une grande victoire à célébrer. Même si Xavier n’ava