L’éclair de lumière irradia si fort qu’il s’imprima sur la rétine de Veil malgré ses paupières fermées.La Faille? Non cette lumière… Elle n’a rien à voir. Contrairement à la Faille, immobile, c’était comme si elle était mouvante, vivante. La chaleur qu’elle dégageait réduisait le brasier qui s’éteignait lentement autour de lui à simple feu de camp.Puisant dans ses dernières forces, Veil ouvrit les paupières.Une silhouette venait de surgir de la Faille, posant lourdement le pied au sol. Un long manteau gris chiné, auquel était pendu un sabre blanc, tombait sur ses épaules solides. Son visage était flou, déformé par les flammes, mais deux yeux verts brillaient d’une lumière irréelle, la même que celle qui émergeait de ses mains. Deux autres formes sombres le suivirent qu’il n’arriva pas à discerner. Les ténèbres de l’oubli se refermaient lentement sur lui. Avant de s’y abandonner, il entendit simplement une voix claire lui souffler:—&nb
Vivre au jour le jour. Ces derniers mois, c’était cette petite phrase qui lui permettait d’ouvrir les yeux le matin.Attablé, une bière fraîche en main, ruisselante de condensation sur le bois grossièrement taillé, Barth soupira. Plus d’une semaine de marche pour réussir à découvrir Arystra. Huit jours à déambuler dans un désert brûlant, à se demander ce qu’il essayait vraiment de faire à retrouver cette femme. C’était probablement vain. Il avait lu des choses sur ce type de comportement. Des hommes dictés par une obsession, souvent illusoire, dans le seul but de trouver un exutoire à leurs remords.Pendant un instant, face à la Pyramide, l’admiration lui avait occupé le souffle. Une immense structure de pierre, flottant à une centaine de mètres au-dessus d’un volcan, comme tenue par des fils invisibles. Puis la vision du Gouffre avait vite dissipé ce sentiment.À peine les portes traversées, Obsidian avait disparu. «On se r’trouve ce soir», ava
Le bruit mat d’un objet touchant le sol tira Veil de sa rêverie.—Voilà pourquoi, si tu te demandais.Son cœur sauta dans sa poitrine. Veil entendit la voix d’un charisme sans égal d’Aurora sans distinguer les mots qui lui étaient adressés. Elle lui avait jeté un long collier d’argent lié à un rubis gros comme un œuf, taillé à la perfection pour accueillir le plus de Foi des Dévôtaires. C’était un bijou qu’il aurait reconnu entre mille. Le même que celui qui était entre les mains des Inquisiteurs surmontant les cadavres d’Issam et Ela.L’intense fureur qui l’habitait, ne demandant que l’occasion de se réveiller, se raviva.—Comment as-tu mis la main sur ça? s’écria-t-il.—La seule chose que je peux te dire c’est où je l’ai trouvé. Et, crois-moi, ça ne va pas te plaire.—Où?Il n’était pas d’humeur pour les jeux d’Aurora.—Dans les caisses de l’Inquisition. Plus précisément, dans la réserve
La passerelle de saphir s’abaissait lentement vers les Gutters. La partie facile. C’était remonter dans la Pyramide qui n’était pas donné à tout le monde. Veil fixait l’horizon, le visage grave.—Est-ce bien prudent que nous descendions tous? demandai-je. Vos têtes sont connues, et si accéder aux Archives est un tel secret même pour les Royaux…—Les Gutters sont mon territoire, m’interrompit Veil.Elias me jeta un regard, comme s’il s’attendait à ce que je m’énerve. À croire que lui aussi pouvait lire mes pensées.—Certes, mais porter une tunique noire n’est pas synonyme de camouflage. Sans compter que celui-ci respire la noblesse même en haillons, rétorquai-je en désignant Kal.En guise de réponse, il bomba le torse.Veil m’observa, peu amène. Même étranger, on dirait un Royal. —C’est une mission simple, tempéra Elias. On suit le plan et tout devrait bien se passer.La passerelle nous déposa dans l’
Maya attendait devant les portes de Concordia. Mains jointes dans le dos, elle se forçait à se tenir droite, les épaules en arrière. II faut donner une image forte, se disait-elle. Elle se tourna vers les quelques personnes dans l’atrium de la tour, des gyrophares bleus et rouges illuminant son visage quand ils se présentèrent.Quatre animatronics, en armures renforcées, entouraient un jeune homme effrayé. Il portait encore son uniforme du Pensionnat, blanc au liseré noir, si rigide qu’il en était presque amidonné. Ils le poussaient sans ménagement pour qu’il avance à leur rythme robotique. Le garçon avait l’échine baissée et les épaules rentrées, ce qui provoqua à Maya une bouffée de colère. Ce n’est pas un animal, bordel! On dirait que c’est une honte d’être un Oméga!C’était un des premiers accords convenus entre les Elyséens et les Omégas après l’abrogation de l’amendement Blak. Si un Oméga était détecté, il serait amené en sûreté à l’enclave de Concordia.
Je ne pus m’empêcher de lâcher un hoquet de surprise. Une sensation de déjà-vu violente me frappa au creux de l’estomac. Fallait-il vraiment qu’à chaque fois que mon chemin croisait celui d’Aurora, cela se solde par un danger de mort imminente?Mon regard se reporta sur Veil. Le soldat et moi étions loin d’être amis, mais la vision de son visage fermé, déshumanisé, fit courir un frisson dans mon dos. Aurora à ses côtés, susurrant à ses oreilles des paroles empoisonnant son esprit, souriait d’un air triomphant. Elias fixait la scène, figé d’horreur. Collégialement, une bande de lunatiques masqués approuvaient en hochant la tête sous un son de cloche dramatique. Chaque coup résonnait dans mon crâne.La situation a dégénéré si vite…, pensa Veil en contemplant le flot écarlate qui s’écoulait lentement au sol. Il y a quelques jours, jamais je n’aurais cru que ça arriverait…Enfin, dans un dernier râle, je tombai à genoux. La lame du sabre d
Les falaises encerclant les Gutters étaient parées de leurs plus beaux atouts. Une fois par an, les centaines de petites Essences de Prescience que les Dévots acceptaient d’imprégner de Foi pour l’occasion les faisaient briller de mille feux.Elias se frayait un chemin dans les rues bondées. Son sabre pesait un poids rassurant entre ses omoplates. Dépêche-toi, se dit-il en accélérant le pas.Deux jours s’étaient passés depuis la confrontation avec les Salamandres. Deux jours pendant lesquels Elias et Veil s’étaient noyés dans les préparatifs du plan qui devait avoir lieu l’après-midi même. Les Salamandres, Loral Karon en tête, n’avaient relâché l’attention qu’ils portaient à Elias à aucun moment. Ils l’avaient accepté, mais ils n’étaient pas fous pour autant.Elias rabattit sa capuche sur son visage en apercevant des Inquisiteurs, l’emblème d’Holon brillant sur leurs poitrines. Une partie de lui voulait défendre les Syrats, libérer Gutter et Royaux de l’emprise de
«Tu feras ce qu’on te dit», «qu’est-ce qu’une femme comme toi fait ici?», «avec un joli minois comme le tien, j’ai bien une idée de ce que tu pourrais faire», «avec tes origines, tu ne vaux pas mieux».Les phrases de ce type, Aurora Myers les avait toutes entendues en vingt-sept ans d’existence. Suffisamment pour qu’elles ne lui fassent plus rien. Jamais pour s’y habituer.Son physique était son arme la plus redoutable, mais lui avait aussi attiré bien des ennuis. Les simples regards et les mains baladeuses se transformaient facilement en gestes déplacés. Au mieux. La plupart des hommes qui tenteraient ce type de comportement aujourd’hui tomberaient vite à genoux au sol, s’agrippant à leur scrotum douloureux. Mais elle n’avait pas toujours été la même.Naître Royal était une chance en soi. Mais être de la basse Royauté… c’était un statut bâtard. Elle ne pouvait pas vivre sur les acquis des générations la précéda