Elias était perdu au milieu d’une marée de Leukos. Son sabre virevoltait, tranchant, coupant, parant. De l’ichor bleuté fusait dans l’air. Il n’entendait même plus le cri inhumain des Leukos. En se retournant, il s’aperçut qu’il avait taillé lui-même une percée au sein des forces ennemies. Seule Maya arrivait à le suivre. Leurs styles de combats n’avaient rien à voir. Elle était tantôt aérienne, tantôt frontale, fonçant brutalement vers ses adversaires. Lorsqu’ils comprenaient que la petite cible de chair ne fuyait pas devant eux, c’était trop tard. Ses couteaux d’argent s’enfonçaient dans l’albâtre et la lumière s’éteignait dans le bleu glacial de leurs yeux. Sa tenue de cuir était déchirée à d’innombrables endroits laissant entrevoir sa peau mate, mais pas la trace d’une blessure. Elle était sauvage, indomptable… Inarrêtable.Magnifique, pensa Elias.Il esquiva un bras surnaturellement étiré et s’aida du corps d’un Leuko pour se propulser avant de trancher la tête d’un
Trois mois plus tard. L’aube pointait son nez, teintant de couleurs froides les rues vides d’Elysia. C’était le moment le plus calme de la journée. Juste entre la fin des Vespers et le réveil de la ville. Je resserrai les pans de ma veste autour de moi. Le temps était encore frais pour ce printemps déjà bien avancé.À la mémoire de Richard Flyn,Homme du peuple, mort pour le servir.L’Ordre ne fait pas la grandeur. Comme chaque matin, je venais fixer la plaque érigée en l’honneur de l’homme exceptionnel qu’avait été Richard Flyn. Je savais ce qu’il aurait pensé en voyant la coûteuse feuille d’argent à la calligraphie sophistiquée ornant l’entrée du Concil. Il se serait moqué.Putain, gamin, une plaque je veux bien, mais devant le Concil?! Mieux vaut encore aux pieds des Vétéris et leurs p’tits vieux en couche-culotte!Je pouvais pr
Né à Bordeaux, c’est dans la belle endormie que Victor-Emmanuel a vécu ses 25 premières années. Aujourd’hui pharmacien-biologiste, il a toujours été passionné, aussi loin qu’il s’en souvienne, par la fiction. Nourrir l’imaginaire pour échapper à la réalité. Du polar à la fantasy, du thriller à la science-fiction, ses lectures depuis son plus jeune âge ont alimenté son inspiration. Jusqu’au jour où porté par le désir de faire vivre les histoires qui y sont nées, il décide de leur donner voix à travers ses mots.
Cheveux au vent, sourire aux lèvres, une jeune fille appréciait la douce chaleur des derniers rayons du soleil sur sa peau. En contrebas du pic sur lequel elle était assise s’étendaient des champs à perte de vue, où poussaient d’immenses chrysalides de cristal. En face, réfléchissant par milliers les ultimes lueurs du crépuscule, un château de diamant siégeait, majestueux, sur des fondations rocheuses.Un sentiment de paix intense se dégageait de la vision. De sérénité.Le soleil disparut. Elle ouvrit les yeux, embrassant du regard le paysage. Soudain, le décor changea. Le ciel rougeoyait toujours, mais semblait refléter les flammes qui dévoraient la plaine. Une silhouette entourée d’ombres marchait sur l’herbe, désormais cendrée, s’avançant dans sa direction. Intimement, la jeune fille savait. La silhouette venait pour elle. Et elle ne pourrait lui échapper.Elle plongea son regard dans celui du prédateur, se préparant à affronter la vision de deux yeux mécaniques
Le vent soufflait doucement dans les rues sales du Gouffre, charriant les odeurs de pourriture des poubelles à l’air libre. Veil Deylor remonta le foulard qui couvrait sa bouche en plissant le nez. Son sac de toile élimé pesait sur son dos et un morceau de métal lui rentrait entre les côtes. Les allées sombres se densifiaient à l’approche du marché. Il espérait que ses trouvailles du jour soient suffisantes… Un clochard le bouscula, mais Veil ne réagit pas. Il connaissait les techniques de vol, mais il n’avait rien de valeur sur lui. Il s’approcha d’un mendiant édenté à l’odeur si pestilentielle que les ordures évoquaient d’agréables eaux de toilette.—Loy, est-ce que tu sais si Issam est déjà passé?—J’l’ignore, répondit Loy. Tu as quelque chose pour moi?—Toujours, sourit Veil, en lui tendant un quignon de pain rassis.Loy se jeta dessus comme si l’on venait de lui offrir le meilleur mets au mon
Elias se réveilla en sursaut, les dernières images de son rêve s’évaporant. Il grogna en regardant l’heure. Ça ne faisait que deux heures qu’il s’était couché. Même en prenant un Somnum, les comprimés rouges éclipsant la fatigue qui faisaient le quotidien des Élyséens, c’était loin d’être suffisant. Il soupira en se glissant hors du lit. Il savait qu’il ne réussirait pas à se rendormir.Il traversa en quelques enjambées sa chambre, vide. Par réflexe, il jeta un coup d’œil à l’HoloVis posé sur sa table de chevet. L’icône de connexion était désespérément éteinte, comme depuis deux semaines maintenant. Il se força à détourner le regard et rejoignit sa salle de bains où il s’aspergea le visage d’eau froide. Il détailla son reflet dans le miroir. Il avait l’impression d’avoir pris dix ans. Il avait du mal à se rappeler l’image du garçon qu’il était à l’époque du Pensionnat, jeune et insouciant, ses yeux d’émeraude rieurs, aux côtés de Tom. Elle était remplacée par celle d’un homme au
La Faille s’agrandissait. Des rides creusaient le front d’Inaya tandis qu’elle contemplait l’éclat de lumière pur sous ses yeux. Chaque soir depuis trois ans et vingt-huit jours, elle dépensait exactement six minutes de son temps à l’observer. Soit six mille sept cent trente-huit minutes. Ou encore trois jours et trois heures perdues à jamais depuis l’accident.Gaspiller ce temps précieux l’irritait. Mais ces six minutes quotidiennes à fixer l’immensité aveuglante la soulageaient. Elles étaient comme la thérapie qu’elle n’aurait jamais la possibilité de faire. Et elles lui rappelaient sa place. Malgré tout, elle ne pouvait pas s’empêcher de lui en vouloir. Et depuis quelques mois, la Faille était, en plus, devenue un sujet de contrariété. Ça avait été infime, au début. Un simple arc qui se détachait, ponctuellement du reste de la structure. Puis, au bout de quelques semaines, il avait fallu se rendre à l’évidence. Elle s’allongeait.—Inaya?Reconnaissan
—Debout princesse!Le cri rauque qui sortit Veil de sa torpeur eut l’effet d’une douche froide. Ou était-ce le seau d’eau croupie que le garde venait de lui balancer en pleine figure? Il l’attrapa violemment par le bras, le tirant de la geôle puante dans laquelle il moisissait.—Tu t’es fait beau, se moqua-t-il d’un rire gras, à l’image du ventre qui tendait la plaque d’armure de cuir noir.—Où m’emmenez-vous? demanda Veil, la gorge serrée par la soif.—À ton procès, pardi! Non pas qu’ça durera longtemps, continua-t-il avec un fort accent. Après avoir fait cramer deux pécores et surtout deux Inquisiteurs comme des poulets, ça va vite être bouclé!Les souvenirs de Veil étaient confus. Puis brutalement, celui de la nuit dernière jaillit dans sa mémoire. Il trébucha, manquant de vomir. Issam… Ela… Morts. Il les connaissait depuis tout petit. De son enfance à jouer entre les dunes de la mer sèche à auj