Maya attendait devant les portes de Concordia. Mains jointes dans le dos, elle se forçait à se tenir droite, les épaules en arrière. II faut donner une image forte, se disait-elle. Elle se tourna vers les quelques personnes dans l’atrium de la tour, des gyrophares bleus et rouges illuminant son visage quand ils se présentèrent.Quatre animatronics, en armures renforcées, entouraient un jeune homme effrayé. Il portait encore son uniforme du Pensionnat, blanc au liseré noir, si rigide qu’il en était presque amidonné. Ils le poussaient sans ménagement pour qu’il avance à leur rythme robotique. Le garçon avait l’échine baissée et les épaules rentrées, ce qui provoqua à Maya une bouffée de colère. Ce n’est pas un animal, bordel! On dirait que c’est une honte d’être un Oméga!C’était un des premiers accords convenus entre les Elyséens et les Omégas après l’abrogation de l’amendement Blak. Si un Oméga était détecté, il serait amené en sûreté à l’enclave de Concordia.
Je ne pus m’empêcher de lâcher un hoquet de surprise. Une sensation de déjà-vu violente me frappa au creux de l’estomac. Fallait-il vraiment qu’à chaque fois que mon chemin croisait celui d’Aurora, cela se solde par un danger de mort imminente?Mon regard se reporta sur Veil. Le soldat et moi étions loin d’être amis, mais la vision de son visage fermé, déshumanisé, fit courir un frisson dans mon dos. Aurora à ses côtés, susurrant à ses oreilles des paroles empoisonnant son esprit, souriait d’un air triomphant. Elias fixait la scène, figé d’horreur. Collégialement, une bande de lunatiques masqués approuvaient en hochant la tête sous un son de cloche dramatique. Chaque coup résonnait dans mon crâne.La situation a dégénéré si vite…, pensa Veil en contemplant le flot écarlate qui s’écoulait lentement au sol. Il y a quelques jours, jamais je n’aurais cru que ça arriverait…Enfin, dans un dernier râle, je tombai à genoux. La lame du sabre d
Les falaises encerclant les Gutters étaient parées de leurs plus beaux atouts. Une fois par an, les centaines de petites Essences de Prescience que les Dévots acceptaient d’imprégner de Foi pour l’occasion les faisaient briller de mille feux.Elias se frayait un chemin dans les rues bondées. Son sabre pesait un poids rassurant entre ses omoplates. Dépêche-toi, se dit-il en accélérant le pas.Deux jours s’étaient passés depuis la confrontation avec les Salamandres. Deux jours pendant lesquels Elias et Veil s’étaient noyés dans les préparatifs du plan qui devait avoir lieu l’après-midi même. Les Salamandres, Loral Karon en tête, n’avaient relâché l’attention qu’ils portaient à Elias à aucun moment. Ils l’avaient accepté, mais ils n’étaient pas fous pour autant.Elias rabattit sa capuche sur son visage en apercevant des Inquisiteurs, l’emblème d’Holon brillant sur leurs poitrines. Une partie de lui voulait défendre les Syrats, libérer Gutter et Royaux de l’emprise de
«Tu feras ce qu’on te dit», «qu’est-ce qu’une femme comme toi fait ici?», «avec un joli minois comme le tien, j’ai bien une idée de ce que tu pourrais faire», «avec tes origines, tu ne vaux pas mieux».Les phrases de ce type, Aurora Myers les avait toutes entendues en vingt-sept ans d’existence. Suffisamment pour qu’elles ne lui fassent plus rien. Jamais pour s’y habituer.Son physique était son arme la plus redoutable, mais lui avait aussi attiré bien des ennuis. Les simples regards et les mains baladeuses se transformaient facilement en gestes déplacés. Au mieux. La plupart des hommes qui tenteraient ce type de comportement aujourd’hui tomberaient vite à genoux au sol, s’agrippant à leur scrotum douloureux. Mais elle n’avait pas toujours été la même.Naître Royal était une chance en soi. Mais être de la basse Royauté… c’était un statut bâtard. Elle ne pouvait pas vivre sur les acquis des générations la précéda
J’ai toujours eu le don pour me foutre dans la merde.Sa nouvelle identité endossée, ses cheveux teintés en noir et ses yeux en bleu grâce à ses lunettes holographiques, lui offraient l’occasion de se fondre dans la masse sans risque d’être poursuivie. Après que nous ayons plongé dans la Faille, Elias, Tom et moi, elle s’enfonça dans la marée qui avait envahi les étages inférieurs du Pinacle et s’y mêla. Elle s’enfuit avec eux lorsque la garde Coral arriva en renfort et reprit le contrôle du site. Et elle suivit les têtes pensantes jusqu’à leur repaire dans les Abysses. Tous les manifestants ne faisaient pas partie du mouvement. Il s’était simplement servi de la colère qui couvait pour les pousser à l’acte. Mais certains d’entre eux étaient organisés et elle avait un don pour les repérer. L’œil du journaliste aguerri. Elle talonna un petit Orin chétif à la carrure insignifiante jusqu’aux Abysses. Ils étaient si bas, près du plateau océanique, que la lumière des algues phosphores
C’était la fin de la journée. La lumière déclinait et les ombres s’allongeaient sur la forêt des Arbre-Mondes quand un flash détona. La silhouette d’un homme se tenant debout devant une Faille apparut. Barth leva les yeux et embrassa le paysage autour de lui.Obsidian et Essy se précipitèrent vers lui. Cette dernière le fixa, avant de le gifler brutalement.—C’était mérité, dit-il la joue en feu.—Deux jours! Ta mission était censée durer trois heures!Barth haussa les épaules, gêné.—Une fois que je flotte dans la Faille, le temps se dilate et je perds sa notion.—Elle a fait fuir Akion tellement elle était nerveuse, s’amusa Obsidian.Elle le frappa sur le bras en guise de réponse.—Comment ça s’est passé? demanda Obsidian.Barth sortit de sa poche un cristal vert, brûlant d’une lumière peu naturelle.—Ça confirme nos théories, répondit-il en regardant les reflet
En l’espace d’une journée, précisément deux cent sept personnes disparurent. Enfin, «disparaître» est un grand mot. «Exécutées» serait plus adapté. L’Inquisition fit des descentes simultanément dans chacun des foyers, Gutter comme Royal. Personne n’était épargné. Je garde le souvenir d’une femme tirée en dehors de chez elle par deux colosses en armure écarlate sous les cris de ses enfants. Tous furent «jugés» coupables pour hérésie.C’était le versant le plus noir de l’Inquisition. En quelques jours, quelques heures même, un climat de défiance s’installa. Je savais quelle serait la prochaine étape. La crainte. Puis la délation.—Tout ça fait le jeu de Draconis, maugréa Elias.—Je n’en reviens toujours pas que vous ayez tenté ça, répondit Liv en secouant la tête.—Et qu’il vous ait laissé vivre pour raconter l’histoire, rajouta Kal.Veil entendait la discussion sans l’écouter. Nous étions réunis tou
Maya avait un lien avec la Mort. Plus intime que quiconque, si ce n’est Elias peut-être. Elles avaient dansé toutes deux pendant des années, se tournant autour, l’une tendant les bras et l’autre s’échappant toujours de son étreinte. Elle la connaissait si bien, que lorsqu’elle voyait son spectre se profiler, elle se préparait à l’accueillir comme une vieille amie.Elle connaissait bien sa Mort. Celle qui était dans son ombre en toute circonstance, présente, mais sans pouvoir la toucher. Mais s’il y avait une chose qu’elle détestait, dont elle avait peur plus que tout, c’était les autres Morts. Celles qui pouvaient surgir et plonger sur quelqu’un sans prévenir. Anéantir, en un instant, une vie entière de possibilité. Une Mort qu’elle, Maya, ne pouvait repousser.Comme chaque jour depuis un mois, elle était au chevet d’Inaya Tempus. Elles ne s’étaient pas connues longtemps, mais avaient noué un lien d’autant plus fort qu’il s’était brisé brutalement. L’espoir qu’elle repren