«Tu feras ce qu’on te dit», «qu’est-ce qu’une femme comme toi fait ici?», «avec un joli minois comme le tien, j’ai bien une idée de ce que tu pourrais faire», «avec tes origines, tu ne vaux pas mieux».Les phrases de ce type, Aurora Myers les avait toutes entendues en vingt-sept ans d’existence. Suffisamment pour qu’elles ne lui fassent plus rien. Jamais pour s’y habituer.Son physique était son arme la plus redoutable, mais lui avait aussi attiré bien des ennuis. Les simples regards et les mains baladeuses se transformaient facilement en gestes déplacés. Au mieux. La plupart des hommes qui tenteraient ce type de comportement aujourd’hui tomberaient vite à genoux au sol, s’agrippant à leur scrotum douloureux. Mais elle n’avait pas toujours été la même.Naître Royal était une chance en soi. Mais être de la basse Royauté… c’était un statut bâtard. Elle ne pouvait pas vivre sur les acquis des générations la précéda
J’ai toujours eu le don pour me foutre dans la merde.Sa nouvelle identité endossée, ses cheveux teintés en noir et ses yeux en bleu grâce à ses lunettes holographiques, lui offraient l’occasion de se fondre dans la masse sans risque d’être poursuivie. Après que nous ayons plongé dans la Faille, Elias, Tom et moi, elle s’enfonça dans la marée qui avait envahi les étages inférieurs du Pinacle et s’y mêla. Elle s’enfuit avec eux lorsque la garde Coral arriva en renfort et reprit le contrôle du site. Et elle suivit les têtes pensantes jusqu’à leur repaire dans les Abysses. Tous les manifestants ne faisaient pas partie du mouvement. Il s’était simplement servi de la colère qui couvait pour les pousser à l’acte. Mais certains d’entre eux étaient organisés et elle avait un don pour les repérer. L’œil du journaliste aguerri. Elle talonna un petit Orin chétif à la carrure insignifiante jusqu’aux Abysses. Ils étaient si bas, près du plateau océanique, que la lumière des algues phosphores
C’était la fin de la journée. La lumière déclinait et les ombres s’allongeaient sur la forêt des Arbre-Mondes quand un flash détona. La silhouette d’un homme se tenant debout devant une Faille apparut. Barth leva les yeux et embrassa le paysage autour de lui.Obsidian et Essy se précipitèrent vers lui. Cette dernière le fixa, avant de le gifler brutalement.—C’était mérité, dit-il la joue en feu.—Deux jours! Ta mission était censée durer trois heures!Barth haussa les épaules, gêné.—Une fois que je flotte dans la Faille, le temps se dilate et je perds sa notion.—Elle a fait fuir Akion tellement elle était nerveuse, s’amusa Obsidian.Elle le frappa sur le bras en guise de réponse.—Comment ça s’est passé? demanda Obsidian.Barth sortit de sa poche un cristal vert, brûlant d’une lumière peu naturelle.—Ça confirme nos théories, répondit-il en regardant les reflet
En l’espace d’une journée, précisément deux cent sept personnes disparurent. Enfin, «disparaître» est un grand mot. «Exécutées» serait plus adapté. L’Inquisition fit des descentes simultanément dans chacun des foyers, Gutter comme Royal. Personne n’était épargné. Je garde le souvenir d’une femme tirée en dehors de chez elle par deux colosses en armure écarlate sous les cris de ses enfants. Tous furent «jugés» coupables pour hérésie.C’était le versant le plus noir de l’Inquisition. En quelques jours, quelques heures même, un climat de défiance s’installa. Je savais quelle serait la prochaine étape. La crainte. Puis la délation.—Tout ça fait le jeu de Draconis, maugréa Elias.—Je n’en reviens toujours pas que vous ayez tenté ça, répondit Liv en secouant la tête.—Et qu’il vous ait laissé vivre pour raconter l’histoire, rajouta Kal.Veil entendait la discussion sans l’écouter. Nous étions réunis tou
Maya avait un lien avec la Mort. Plus intime que quiconque, si ce n’est Elias peut-être. Elles avaient dansé toutes deux pendant des années, se tournant autour, l’une tendant les bras et l’autre s’échappant toujours de son étreinte. Elle la connaissait si bien, que lorsqu’elle voyait son spectre se profiler, elle se préparait à l’accueillir comme une vieille amie.Elle connaissait bien sa Mort. Celle qui était dans son ombre en toute circonstance, présente, mais sans pouvoir la toucher. Mais s’il y avait une chose qu’elle détestait, dont elle avait peur plus que tout, c’était les autres Morts. Celles qui pouvaient surgir et plonger sur quelqu’un sans prévenir. Anéantir, en un instant, une vie entière de possibilité. Une Mort qu’elle, Maya, ne pouvait repousser.Comme chaque jour depuis un mois, elle était au chevet d’Inaya Tempus. Elles ne s’étaient pas connues longtemps, mais avaient noué un lien d’autant plus fort qu’il s’était brisé brutalement. L’espoir qu’elle repren
Le temps nous est compté. C’était avec cette phrase qu’Elias s’endormait chaque soir et qu’il se réveillait le matin. Sauf ce jour. Maya passa ses doigts dans les cheveux d’Elias.—Ils ont poussé, nota-t-elle en désignant les racines blanches qui se démarquaient du châtain du reste de sa crinière.—Difficile de trouver une teinture sur une île déserte, sourit-il.Un doux silence s’installa dans la lumière du matin. Les deux derniers jours avaient été rythmés par un certain flottement. Le bonheur intense qu’il avait ressenti de retrouver Maya et Elio en chair et en os, teinté de chagrin.Son retour avait ravivé le conflit entre Elysia et Concordia, entre supporters et détracteurs des Omégas. Mais il avait aussi soulevé un élan d’espoir dans leurs rangs. Comme il l’avait promis, Elias Vendavel était de retour. Et dans son sillon, l’idée qu’avec lui et Maya à leur tête, ensemble, le pire était derrière eux. Il n’avait pas eu la foi de les décourager
Liv frémit au contact de la pierre froide sous ses pieds. Elle avançait nue sous sa toge de cérémonie, encadrée par deux dévôtaires, le visage masqué. Avec la Guerre Sainte officiellement lancée par Draconis, le recrutement des Dévots s’était intensifié. Et enfin, c’est à mon tour! se réjouit-elle.Dans quelques minutes, elle serait sacrée par le Triumvirat et rejoindrait ses nouveaux frères et sœurs dans un temple de l’érudition. Sa Foi serait portée vers des horizons inédits.Bien sûr, ses parents et ses amis lui manqueraient. Kal et Veil principalement, la plupart de ses autres compagnons étant des livres. Un sourire moqueur étira ses lèvres. J’espère que Kal trouvera une fille bien pour le garder dans le droit chemin. Pitié, pas une de ces cruches de la cour! Elle se faisait plus de soucis pour Veil. Il était si convaincu qu’une nouvelle Ruine–non, Renaissance–arrivait. Sans compter la Guerre Sainte. Draconis n’était pas par
Lorsqu’on a plusieurs consciences dispersées entre le passé, le présent et le futur, il est parfois difficile de présenter ça sous la forme d’un tout cohérent. Mais je vais faire un effort pour ton esprit limité, Caine.Tout commence, il y a quatre ans. Le jour où Elias Vendavel a pénétré dans ma ville, la tête remplie d’idéaux et de boniments sans comprendre quels sacrifices avaient été nécessaires pour que l’Humanité survive. Le bien. Le mal. Ces notions manichéennes ne devraient même pas rentrer en compte. C’était facile pour lui de juger. Il n’avait pas connu le Cataclysme, la déchéance, la race humaine mourant à petit feu dans d’atroces souffrances. Et ça, de sa propre main. Bref. Les circonstances ont fait qu’en dépit de ma volonté, ORGANA fut détruite, libérant les Élyséens de «mon joug». À mes yeux, précipitant la chute d’Elysia.ORGANA était mon plan de secours. Lorsque j’ai inventé les circuits magnétiques et développé l’intelligence artifici