Veil lâcha un soupir, la main sur la poignée d’or glacé. Il regarda la nouvelle convocation au Théraklon qu’il tenait entre ses mains, cette fois-ci par le Bouclier, Tarum Laris. L’homme bedonnant avait été le plus silencieux des trois lorsqu’il avait été «invité» à les rencontrer, mais aussi le plus sympathique.Il pénétra dans l’Église, vide, à l’exception d’un seul individu. Le Bouclier l’attendait.—Suis-moi, dit l’homme, voûté.Il déposa un paquet de cierges dans ses bras. Veil plia sous le poids, que le vieillard ne semblait pas sentir. Celui-ci désigna les restes fumants de nombreuses bougies mourantes.—Si tu es là, autant te rendre utile.Ils s’attelèrent à changer chaque cierge dans le calme. Veil était perplexe, mais il s’exécuta en silence. On en a pour des heures à ce rythme, pensa-t-il. Pourquoi est-ce qu’un membre du Triumvirat s’abaisse à ce type de tâche?Tarum brisa finalement la quiétude.
Un filet de sueur glacial coula dans le dos d’Inaya. Elle était loin de se considérer comme une petite fille influençable, mais l’horreur la dépassait. Comme si elle perdait pied et se retrouvait spectatrice de sa propre vie. Quel que soit le responsable, il lui avait sauvagement volé un des éléments les plus importants qui faisait ce qu’elle était. Un pour lequel elle s’était toujours battue: le contrôle.Le mélange assourdissant de cris derrière elle n’était que murmure à ses oreilles. Comme un bourdonnement dérangeant. Inaya se fit la réflexion qu’elle n’aurait pas dû retarder à ce point son départ. Elle contemplait, un étage plus bas, la magnifique porte désormais close. Ils étaient vingt-deux à y pénétrer le soir même. Vingt et un en ressortiraient.*Vingt-quatre heures plus tôt: Inaya se sentait ployer sous le poids de la responsabilité. Son accord conclu avec Elysia, plus rien ne la retenait de retourner chez elle
Veil évita le coup d’Irina d’un léger déplacement d’épaules. Destiné à sa gorge, il aurait pu être vraiment périlleux et pourtant, il ne ressentit aucun danger. Ça faisait plusieurs semaines qu’elle avait abandonné toute retenue. Veil apprenait vite. Très vite. Elle se targuait d’en avoir fait un grand guerrier en seulement quelques mois, généralement avant de lui botter les fesses derrière pour lui enseigner l’humilité. Il ruminait ce que lui avait dit le Bouclier du Triumvirat depuis plusieurs jours, et ces entraînements quotidiens ne l’aidaient pas à sortir ses mots de la tête. Au contraire. Ils semblaient gravés au fer rouge dans sa mémoire.Sentant une faille dans sa concentration, elle feinta et le plaqua brutalement au sol à l’aide d’un coup circulaire.—Ça t’apprendra à te distraire.Veil tenta de se dégager sans succès.—C’était fourbe, même selon vos critères.Elle haussa les épaules.—Au fait, Tharis m’a dit qu’il a
L’éclair de lumière irradia si fort qu’il s’imprima sur la rétine de Veil malgré ses paupières fermées.La Faille? Non cette lumière… Elle n’a rien à voir. Contrairement à la Faille, immobile, c’était comme si elle était mouvante, vivante. La chaleur qu’elle dégageait réduisait le brasier qui s’éteignait lentement autour de lui à simple feu de camp.Puisant dans ses dernières forces, Veil ouvrit les paupières.Une silhouette venait de surgir de la Faille, posant lourdement le pied au sol. Un long manteau gris chiné, auquel était pendu un sabre blanc, tombait sur ses épaules solides. Son visage était flou, déformé par les flammes, mais deux yeux verts brillaient d’une lumière irréelle, la même que celle qui émergeait de ses mains. Deux autres formes sombres le suivirent qu’il n’arriva pas à discerner. Les ténèbres de l’oubli se refermaient lentement sur lui. Avant de s’y abandonner, il entendit simplement une voix claire lui souffler:—&nb
Vivre au jour le jour. Ces derniers mois, c’était cette petite phrase qui lui permettait d’ouvrir les yeux le matin.Attablé, une bière fraîche en main, ruisselante de condensation sur le bois grossièrement taillé, Barth soupira. Plus d’une semaine de marche pour réussir à découvrir Arystra. Huit jours à déambuler dans un désert brûlant, à se demander ce qu’il essayait vraiment de faire à retrouver cette femme. C’était probablement vain. Il avait lu des choses sur ce type de comportement. Des hommes dictés par une obsession, souvent illusoire, dans le seul but de trouver un exutoire à leurs remords.Pendant un instant, face à la Pyramide, l’admiration lui avait occupé le souffle. Une immense structure de pierre, flottant à une centaine de mètres au-dessus d’un volcan, comme tenue par des fils invisibles. Puis la vision du Gouffre avait vite dissipé ce sentiment.À peine les portes traversées, Obsidian avait disparu. «On se r’trouve ce soir», ava
Le bruit mat d’un objet touchant le sol tira Veil de sa rêverie.—Voilà pourquoi, si tu te demandais.Son cœur sauta dans sa poitrine. Veil entendit la voix d’un charisme sans égal d’Aurora sans distinguer les mots qui lui étaient adressés. Elle lui avait jeté un long collier d’argent lié à un rubis gros comme un œuf, taillé à la perfection pour accueillir le plus de Foi des Dévôtaires. C’était un bijou qu’il aurait reconnu entre mille. Le même que celui qui était entre les mains des Inquisiteurs surmontant les cadavres d’Issam et Ela.L’intense fureur qui l’habitait, ne demandant que l’occasion de se réveiller, se raviva.—Comment as-tu mis la main sur ça? s’écria-t-il.—La seule chose que je peux te dire c’est où je l’ai trouvé. Et, crois-moi, ça ne va pas te plaire.—Où?Il n’était pas d’humeur pour les jeux d’Aurora.—Dans les caisses de l’Inquisition. Plus précisément, dans la réserve
La passerelle de saphir s’abaissait lentement vers les Gutters. La partie facile. C’était remonter dans la Pyramide qui n’était pas donné à tout le monde. Veil fixait l’horizon, le visage grave.—Est-ce bien prudent que nous descendions tous? demandai-je. Vos têtes sont connues, et si accéder aux Archives est un tel secret même pour les Royaux…—Les Gutters sont mon territoire, m’interrompit Veil.Elias me jeta un regard, comme s’il s’attendait à ce que je m’énerve. À croire que lui aussi pouvait lire mes pensées.—Certes, mais porter une tunique noire n’est pas synonyme de camouflage. Sans compter que celui-ci respire la noblesse même en haillons, rétorquai-je en désignant Kal.En guise de réponse, il bomba le torse.Veil m’observa, peu amène. Même étranger, on dirait un Royal. —C’est une mission simple, tempéra Elias. On suit le plan et tout devrait bien se passer.La passerelle nous déposa dans l’
Maya attendait devant les portes de Concordia. Mains jointes dans le dos, elle se forçait à se tenir droite, les épaules en arrière. II faut donner une image forte, se disait-elle. Elle se tourna vers les quelques personnes dans l’atrium de la tour, des gyrophares bleus et rouges illuminant son visage quand ils se présentèrent.Quatre animatronics, en armures renforcées, entouraient un jeune homme effrayé. Il portait encore son uniforme du Pensionnat, blanc au liseré noir, si rigide qu’il en était presque amidonné. Ils le poussaient sans ménagement pour qu’il avance à leur rythme robotique. Le garçon avait l’échine baissée et les épaules rentrées, ce qui provoqua à Maya une bouffée de colère. Ce n’est pas un animal, bordel! On dirait que c’est une honte d’être un Oméga!C’était un des premiers accords convenus entre les Elyséens et les Omégas après l’abrogation de l’amendement Blak. Si un Oméga était détecté, il serait amené en sûreté à l’enclave de Concordia.