Une silhouette traversait le grand hall du Concil. Ses cheveux noirs, hérissés à la mode grunge du vingtième siècle, soit trois cents ans de retard, sautaient sur ses épaules. Certaines mèches se démarquaient des autres par les teintes écarlates qui les parsemaient. Ses yeux ne se posaient pas sur les chefs-d’œuvre qui s’étalaient autour d’elle. Pas la moindre lueur d’émerveillement face au fouillis organisé de la Serre, chef-lieu du Subsidium où fleurissaient les plus brillantes idées, tant qu’elles concernaient l’environnement. Non, ils étaient rivés droit devant, déterminés. Elle se mouvait avec aisance entre des groupes agitant les mains avec véhémence pour ponctuer leur discours, évitait sans difficulté le flux humain qui se déversait sans interruption dans les couloirs. Elle se sentait chez elle, à sa place.Au loin, elle aperçut un homme, la cinquantaine avancée, qui semblait tomber du ciel. L’ascenseur le déposa en même temps que deux femmes. Il était presque rabougri, l
Barth frotta ses mains et les rapprocha du feu pour les réchauffer. Un filet de vapeur s’éleva de sa bouche. L’air était particulièrement vif, ce soir. Les premières chutes de neige isotopiques étaient même tombées dans cette région du monde. Quelle qu’elle soit.Il ouvrit son sac et sortit une petite fiole, la regarda, hésitant à la déboucher, et soupira avant de la reposer. Il avait déjà passé suffisamment de temps l’esprit embrumé. Ça faisait un mois qu’il déambulait, sans but, son sabre blanc au dos. Le Sang ressurgit, voilant sa vision, comme à chaque fois, qu’il posait les yeux sur lui. Après le Sang, c’est l’image du corps sans vie de Zane qui revenait toujours hanter sa mémoire. Aujourd’hui, seul le désir de trouver un chemin sans violence lui permettait de continuer à avancer. La nature, sauvage, était loin de lui faciliter la tâche. Il lui avait fallu tuer pour se nourrir, parfois uniquement pour survivre. Mais jamais, il n’avait dégainé le magnifique sabre à son épaul
Des bougies parfumées diffusaient une douce odeur de cannelle dans le salon. Les lumières éteintes, c’étaient une dizaine de cierges et de guirlandes rayonnantes qui se chargeaient d’éclairer la pièce. C’était la première fois que je voyais l’appartement d’Elias ainsi. Cadeau de Lyna, assurément.—Ah, on parlait de ton sujet favori justement, s’exclama l’intéressée, en me sautant au cou.Je lui rendis son baiser. Son odeur était enivrante.—Lequel?—Eh bien, toi!Je ne m’abaissai même pas à répondre. Sans compter qu’elle n’était pas loin de la vérité.—Après la présentation magistrale d’Elias, je pensais que tu pouvais prendre ta retraite, se moqua Richard.—Eh bien, vous avez un style incomparable pour me souhaiter un bon anniversaire!—Je ne vois pas de quoi tu parles, c’est le sien aussi.Lyna déposa un nouveau baiser sur mes lèvres.—C’est mieux?
Inaya sentit un frisson d’excitation courir le long de son échine. Enfin, pensa-t-elle.Elle posa le pied au sol, doucement, savourant chaque seconde. Après avoir passé sa vie entière à Orancia, le simple fait de toucher la terre ferme, était en soi un plaisir. Les rayons du soleil sur sa peau. Respirer de l’air frais, non recyclé. Le voyage pouvait débuter.Elle était suivie par une dizaine de soldats de la garde présidentielle–dont Lharin–et les Élyséens. Plus précisément, Elio et Maya. Tom, quant à lui, avait décidé de rester à Orancia. Enfin décidé, pensa Inaya. Il a surtout suivi sa rouquine. Elle ne connaissait pas l’étendue des liens tissés entre ces Élyséens. Elle avait compris qu’un certain «Elias» était important, puisqu’il était souvent revenu dans la conversation. Mais malgré l’importance de cette relation qu’elle trouvait étrangement fusionnelle, Tom s’était décomposé quand, à la surprise gén
Les jours suivant notre fuite d’Elysia furent une succession de mauvaises idées. Elias et moi n’étions pas particulièrement d’accord sur laquelle fut la première. Pour lui, c’était assurément s’engager dans un road-trip avec un bureaucrate. Même si je m’y attendais, les premiers instants furent durs. Vraiment durs. La nature reprenant ses droits, se développant à une vitesse décuplée. Une myriade d’espèces plus résilientes émergeant pour résister aux modifications du biotope imposées par la concentration radioactive ambiante. Le savoir, c’était bien. Le vivre? C’était autre chose. La première impression que je gardais de notre première nuit était quelque peu… déplaisante. Elias insista pour que nous nous éloignions au maximum d’Elysia «au cas où», disait-il. Ce qui impliqua de s’enfoncer dans une végétation incontrôlée, sans avoir la moindre idée de ce sur quoi nous allions tomber, à l’aide d’Elias comme seule lumière. C’était une sensation purement étouffante. J’avai
Droite, pas en avant, fente. Gauche, parade, envolée. La sueur ruisselait sur le front de Veil, lui piquant les yeux. Pourtant, il ne ralentissait pas. Il continua à s’entraîner jusqu’à ce que, de fatigue, ses pieds s’enlisent dans le sable de l’arène et qu’il trébuche.—Ton centre de gravité est mauvais mon garçon.Veil se retourna. Tharis l’observait, assis sur l’estrade de pierre.—C’est pourtant ce que mes maîtres d’armes m’ont appris, répondit Veil, perplexe, en se laissant tomber au sol.—Des amateurs. Bon pour un soldat, pas pour affronter un Paladin comme Xander.—Vous avez une meilleure méthode? soupira Veil. Honnêtement au point où j’en suis, je prends tout.—Moi? s’amusa Tharis. Non, je ne suis qu’un vieillard. Les seules passes que je fais aujourd’hui sont entre deux livres. Mais c’est bien, déjà. Tu acceptes la critique. C’est le premier pas pour faire mieux.—La fierté ne m’am
—Dépêche-toi, Tom!Ce dernier courut et sauta dans le Sverdrup. Il serra ses bras le long de son corps et rattrapa Claire. La vibration familière au creux de sa main ne se fit pas attendre. C’était ici qu’était implantée la «banque» de chaque Orin, un système nanotechnologique permettant les échanges fiduciaires. À Orancia, autant dire vivre. Étonnamment, le dispositif s’était ajusté parfaitement à sa physiologie unique et à ses circuits magnétiques. Une action s’évapora à l’instant où il franchit le portail menant au courant marin exploité par les Orins pour se déplacer.—Plus que quelques millions, murmura-t-il.S’il s’était adapté facilement à la vie d’Orancia, ce n’était que pour la simple et bonne raison qu’Inaya leur avait créé, à lui et Claire, un compte commun largement fourni.—Tu n’aurais pas survécu longtemps dans ce pays, toi, se moqua-t-elle. Tu imagines? Tu aurais dû travailler.Les mots lui parv
Deux mois plus tôt.L’orage grondait au-dehors. La pluie battante frappait violemment les fenêtres de l’appartement d’Elias et Maya. Couchés l’un sur l’autre dans le luxueux canapé blanc qui trônait au centre de leur salon, ils regardaient les images du film défiler, projetées par leur HoloPad. Elias sentait qu’elle était tendue, encore plus qu’elle ne l’était ces derniers temps. Elle redressa le menton vers lui et rompit leur étreinte. Maya planta ses yeux d’obsidienne dans les siens.—Je pars, dit-elle. Elias leva la tête, surpris. Il ne s’attendait pas à ce que cet instant de quiétude soit brisé aussi brutalement. —Encore? J’ai l’impression que tu viens de revenir à Elysia…Il regretta aussitôt l’agressivité presque palpable dans sa voix. Sa réponse sonnait comme une accusation. —Nous devons trouver des explications. Ces failles sont un signe que, quelque part, quelque chose va mal. Barthélémy, d’une certaine façon