—Dépêche-toi, Tom!Ce dernier courut et sauta dans le Sverdrup. Il serra ses bras le long de son corps et rattrapa Claire. La vibration familière au creux de sa main ne se fit pas attendre. C’était ici qu’était implantée la «banque» de chaque Orin, un système nanotechnologique permettant les échanges fiduciaires. À Orancia, autant dire vivre. Étonnamment, le dispositif s’était ajusté parfaitement à sa physiologie unique et à ses circuits magnétiques. Une action s’évapora à l’instant où il franchit le portail menant au courant marin exploité par les Orins pour se déplacer.—Plus que quelques millions, murmura-t-il.S’il s’était adapté facilement à la vie d’Orancia, ce n’était que pour la simple et bonne raison qu’Inaya leur avait créé, à lui et Claire, un compte commun largement fourni.—Tu n’aurais pas survécu longtemps dans ce pays, toi, se moqua-t-elle. Tu imagines? Tu aurais dû travailler.Les mots lui parv
Deux mois plus tôt.L’orage grondait au-dehors. La pluie battante frappait violemment les fenêtres de l’appartement d’Elias et Maya. Couchés l’un sur l’autre dans le luxueux canapé blanc qui trônait au centre de leur salon, ils regardaient les images du film défiler, projetées par leur HoloPad. Elias sentait qu’elle était tendue, encore plus qu’elle ne l’était ces derniers temps. Elle redressa le menton vers lui et rompit leur étreinte. Maya planta ses yeux d’obsidienne dans les siens.—Je pars, dit-elle. Elias leva la tête, surpris. Il ne s’attendait pas à ce que cet instant de quiétude soit brisé aussi brutalement. —Encore? J’ai l’impression que tu viens de revenir à Elysia…Il regretta aussitôt l’agressivité presque palpable dans sa voix. Sa réponse sonnait comme une accusation. —Nous devons trouver des explications. Ces failles sont un signe que, quelque part, quelque chose va mal. Barthélémy, d’une certaine façon
Veil fit signe d’arrêter l’entraînement. Les lances de sa cohorte se baissèrent avec toute la conviction qui leur manquait habituellement. Il avait cru que leurs liens se resserreraient après qu’ils soient venus le soutenir lors de son combat contre Xander, mais non. Sa défaite avait douché leur enthousiasme. Il plissa le nez. Au figuré, vu l’odeur qu’ils dégagent.Sa discussion avec le Triumvirat lui avait fait comprendre quelque chose de fondamental à propos de ses soldats. On ne peut pousser personne à devenir à ce qu’on souhaite.—À table! cria-t-il.Chaque midi, il astreignait toute la cohorte à déjeuner tous ensemble. C’était ce qu’il avait trouvé de mieux pour casser leur individualisme et réussir à forger des liens entre eux.Une secousse fit trembler le sol, remuant quelques cendres.—C’est encore Grimard, ça? s’exclama Opaz en plissant le nez.C’était le comique de l’équipe. Toujours à faire des blagues, vaseus
Maya traversait les couloirs aseptisés du bâtiment vingt-deux des Vétéris. C’était dans ce quartier au nord-est d’Elysia, à la jonction entre le Cercle et l’Hexagone que se trouvaient les habitations des membres les plus âgés de la société élyséenne. Certains de ces immeubles n’étaient que de pures résidences, d’autres étaient partiellement ou totalement médicalisées pour subvenir aux besoins de leurs locataires.Elle leva un sourcil interrogateur en apercevant une silhouette longiligne devant elle. Que fait Richard Flyn à se balader dans les Vétéris?Son regard bleu était perdu dans le vide. Des plis soucieux se creusaient autour de ses yeux. Un tic agitait ses mains, son pouce droit frappant chacun de ses doigts un par un. Il fixait un point que seul lui pouvait voir, marmonnant à haute voix.—Flyn, le salua-t-elle de son timbre clair. Décidément, je ne peux pas faire deux pas sans tomber sur vous.Il parut sortir de sa transe et mit une second
À l’instant où le regard d’Elias et Tom se croisa, un grand sourire éclaira leur visage. Même s’il s’était finalement écoulé peu de temps depuis le départ de Tom, c’était comme une bouffée d’air après avoir retenu sa respiration trop longtemps. Une libération enivrante.—Ta barbe a encore poussé, nota Elias.—Je sais, répondit Tom en jetant un coup d’œil anxieux à Claire. La tienne, ce n’est pas toujours ça!Elias sourit et ils échangèrent une longue étreinte.—C’est bon de voir que rien ne change!Après le rétablissement du courant, la garde Coral reprit le contrôle du site en l’espace de quelques minutes. Une fois les manifestants évacués, ils se tournèrent, menaçants, vers Elias et Caine. Claire se précipita pour les stopper.—Nous devons rapporter ça à nos supérieurs, la prévint un soldat au nez écrasé. La PDG devra être avertie.—Faites. Et au passage, rappelez-lui votre incapacité à arrêter
Veil lâcha un soupir, la main sur la poignée d’or glacé. Il regarda la nouvelle convocation au Théraklon qu’il tenait entre ses mains, cette fois-ci par le Bouclier, Tarum Laris. L’homme bedonnant avait été le plus silencieux des trois lorsqu’il avait été «invité» à les rencontrer, mais aussi le plus sympathique.Il pénétra dans l’Église, vide, à l’exception d’un seul individu. Le Bouclier l’attendait.—Suis-moi, dit l’homme, voûté.Il déposa un paquet de cierges dans ses bras. Veil plia sous le poids, que le vieillard ne semblait pas sentir. Celui-ci désigna les restes fumants de nombreuses bougies mourantes.—Si tu es là, autant te rendre utile.Ils s’attelèrent à changer chaque cierge dans le calme. Veil était perplexe, mais il s’exécuta en silence. On en a pour des heures à ce rythme, pensa-t-il. Pourquoi est-ce qu’un membre du Triumvirat s’abaisse à ce type de tâche?Tarum brisa finalement la quiétude.
Un filet de sueur glacial coula dans le dos d’Inaya. Elle était loin de se considérer comme une petite fille influençable, mais l’horreur la dépassait. Comme si elle perdait pied et se retrouvait spectatrice de sa propre vie. Quel que soit le responsable, il lui avait sauvagement volé un des éléments les plus importants qui faisait ce qu’elle était. Un pour lequel elle s’était toujours battue: le contrôle.Le mélange assourdissant de cris derrière elle n’était que murmure à ses oreilles. Comme un bourdonnement dérangeant. Inaya se fit la réflexion qu’elle n’aurait pas dû retarder à ce point son départ. Elle contemplait, un étage plus bas, la magnifique porte désormais close. Ils étaient vingt-deux à y pénétrer le soir même. Vingt et un en ressortiraient.*Vingt-quatre heures plus tôt: Inaya se sentait ployer sous le poids de la responsabilité. Son accord conclu avec Elysia, plus rien ne la retenait de retourner chez elle
Veil évita le coup d’Irina d’un léger déplacement d’épaules. Destiné à sa gorge, il aurait pu être vraiment périlleux et pourtant, il ne ressentit aucun danger. Ça faisait plusieurs semaines qu’elle avait abandonné toute retenue. Veil apprenait vite. Très vite. Elle se targuait d’en avoir fait un grand guerrier en seulement quelques mois, généralement avant de lui botter les fesses derrière pour lui enseigner l’humilité. Il ruminait ce que lui avait dit le Bouclier du Triumvirat depuis plusieurs jours, et ces entraînements quotidiens ne l’aidaient pas à sortir ses mots de la tête. Au contraire. Ils semblaient gravés au fer rouge dans sa mémoire.Sentant une faille dans sa concentration, elle feinta et le plaqua brutalement au sol à l’aide d’un coup circulaire.—Ça t’apprendra à te distraire.Veil tenta de se dégager sans succès.—C’était fourbe, même selon vos critères.Elle haussa les épaules.—Au fait, Tharis m’a dit qu’il a