ALEXANDERElle ouvre la bouche pour répondre, mais je lève une main, coupant net son élan. Je suis lancé, maintenant, et je vais pas m’arrêter.— Tu me parles de trahison, mais t’as aucune idée de ce que j’ai traversé après ça. Tu crois que c’était facile ? Que j’ai juste mis un costard et que tout s’est arrangé comme par magie ? J’ai bossé, Laurie. J’ai trimé, j’ai encaissé, j’ai appris à survivre dans un monde qui pardonne rien. Et toi, tu étais là, dans ma tête, ouais, mais qu’est-ce que j’étais censé faire ? Revenir te chercher ? J’étais un gosse, pas un héros.Ma voix monte, plus dure, plus tranchante, et je vois ses yeux s’écarquiller, ses lèvres trembler. Mais je m’en fous. Elle a ouvert la boîte, et maintenant, elle va tout prendre.— Et toi, alors ? continué-je, pointant un doigt vers elle. Tu me reproches quoi, au juste ? De m’en être sorti ? De pas t’avoir traînée avec moi ? Tu sais quoi, Laurie, t’as survécu aussi. T’es là, devant moi, avec un diplôme, un job, une vie que
LaurieLa porte claque derrière moi, un bruit sec qui résonne dans la chambre comme un point final. Je reste là, figée, la main encore crispée sur la poignée, le souffle court. Les murs du Mandarin Oriental, avec leur élégance feutrée et leur odeur de luxe, semblent se refermer sur moi, étouffants, malgré la vue spectaculaire sur Central Park qui s’étale derrière la baie vitrée. Je lâche la poignée, mes doigts tremblants, et je sens mes jambes vaciller. Je m’effondre sur le bord du lit, les mains sur les genoux, et je fixe le sol, ce tapis beige immaculé qui n’a rien à voir avec les planchers usés de l’orphelinat. Mais c’est là que je suis, dans ma tête. Pas ici, pas à New York, pas dans cette chambre hors de prix. Je suis là-bas, dans ce couloir gris, à regarder Alexander partir sans un mot.« T’es plus une gamine abandonnée, et je suis plus un gosse qui te doit des comptes. » Ses mots tournent en boucle dans ma tête, tranchants comme des lames, et chaque syllabe me coupe un peu plus
LaurieJe me laisse tomber dans le fauteuil près de la fenêtre, les jambes repliées sous moi, et je ferme les yeux. Les souvenirs viennent, malgré moi, comme une vague que je peux pas arrêter. L’orphelinat. Ces murs froids, ces lits en ferraille qui grinçaient à chaque mouvement, cette odeur de soupe aux légumes qu’on nous servait tous les jours. Et lui, Alexander – Alex, à l’époque. Ce gamin maigre avec ses cheveux noirs en bataille et ses yeux qui brillaient d’une lueur sauvage, comme s’il savait déjà qu’il s’en sortirait, quoi qu’il arrive. On jouait dans la cour, on courait entre les flaques, on faisait semblant d’être des chevaliers ou des explorateurs. Il me disait toujours : « T’inquiète, Laurie, un jour, on aura tout ce qu’on veut. » Et moi, je le croyais. Parce qu’il avait cette force, cette assurance, même à huit ans, même dans cet endroit pourri.Et puis il y avait Carter, notre ombre, toujours à nous coller, à rire avec nous. Mais c’était Alex et moi, le vrai duo. On parta
laurieJe retourne dans la chambre, attrape la robe noire qu’il m’a fait livrer – un cadeau qui me semblait gentil avant, mais qui maintenant a un goût de condescendance – et je la jette sur une chaise. Demain, je mettrai mon tailleur, celui que j’ai choisi moi-même, celui qui me va comme un gant. Pas ses cadeaux, pas son luxe. Moi. On rentre à Paris, on boucle ce contrat, et je vais faire mon boulot, mieux que jamais. Mais je vais pas oublier. Je vais pas lui pardonner, pas encore. Peut-être jamais.Je m’allonge sur le lit, les yeux fixés au plafond, et je laisse la nuit m’engloutir. Les lumières de New York clignotent dehors, mais dans ma tête, c’est l’orphelinat qui gagne – ses murs gris, son silence, et l’ombre d’Alexander qui s’éloigne. Il a peut-être raison : je suis plus une gamine abandonnée. Mais lui, il est plus l’Alex que j’aimais. Et ça, ça fait plus mal que tout le reste.....................................Plus tard.........................................Le jet privé d
LAURIEOn descend du jet, l’air frais de la campagne française me frappant le visage comme une gifle bienvenue. Une voiture noire nous attend, la même berline rutilante qu’à l’aller, et je m’installe à l’arrière sans un mot. Alexander monte à côté de moi, et le chauffeur démarre, direction Paris. La route est longue, presque une heure, et le silence entre nous s’épaissit, lourd comme une couverture de plomb. Je fixe la vitre, les champs qui défilent sous un ciel gris, et je me force à penser au boulot. Hargrove doit signer aujourd’hui, dans l’après-midi. C’est tout ce qui compte. Le reste – lui, moi, l’orphelinat – c’est du bruit, comme il l’a dit.Mais alors qu’on approche de La Défense, il brise le silence, sa voix grave résonnant dans l’habitacle.— On a rendez-vous avec Hargrove à 14h, dit-il, sans me regarder, les yeux fixés sur son téléphone. Tout est prêt de ton côté ?Je hoche la tête, crispée, et réponds d’un ton neutre.— Oui. Les projections budgétaires sont à jour, les sli
laurieJe quitte la tour une heure plus tard, après avoir mis mes notes au propre. Dehors, Paris est gris, humide, un vent frais balayant les rues de La Défense. Les gratte-ciels se dressent autour de moi, leurs façades de verre reflétant le ciel morose. Je marche d'un pas décidé jusqu'à un banc près d'une fontaine, m'assieds, et sors mon téléphone pour appeler Carter. Il décroche presque tout de suite, sa voix enjouée me tirant un sourire malgré moi.— Alors, princesse de New York, t’es rentrée ? dit-il, taquin.— Ouais, soupiré-je. Contrat signé, mission accomplie.— Et avec ton cher Alex ? Toujours en guerre froide ?Je ris, un son amer, et passe une main dans mes cheveux. Le vent les ébouriffe légèrement, et je resserre mon écharpe autour de mon cou.— On va dire ça. Il m’a félicitée, quand même. Mais ça change rien. Il est toujours… lui. Froid, distant, comme si hier avait jamais eu lieu.— Et toi, t’es toujours toi, Laurie, réplique Carter. Têtue, forte, et bien trop gentille pou
AlexanderLe bureau est trop calme ce matin, un silence qui me met les nerfs à vif. Je suis planté devant les écrans de mon QG au dernier étage, un café noir à la main, les yeux rivés sur les flux de données qui défilent – chiffres, codes, rapports. Le projet Hargrove est lancé depuis la réunion d’équipe d’hier, et tout roule, en apparence. Les ingénieurs sont dans les clous, les délais tiennent, et Laurie a pondu un planning tellement carré qu’on pourrait construire un empire dessus. Elle était là, à 9h tapantes, dans son tailleur gris, les cheveux tirés en arrière, la voix tranchante comme une lame quand elle a déroulé ses slides. Pas un faux pas, pas un regard en trop. Juste une efficacité froide, presque insolente. Et ça me fout en rogne, même si je devrais m’en réjouir.Je pose la tasse, le liquide tiède depuis trop longtemps, et je fixe la vue sur Paris. La tour Eiffel émerge du brouillard, un repère stable dans cette tempête que je sens monter. Parce que quelque chose cloche. H
Alexander— Amadeus, hein ? dit-elle, la voix basse mais acérée. Ton père qui refait surface. Ça te suit partout, on dirait.— Ça te concerne pas, répliqué-je, tranchant, en me levant. Retourne à ton bureau, fais ton boulot. Je gère.Elle croise les bras, plantant ses talons dans le sol, et je retrouve la gamine têtue de l’orphelinat, celle qui me défiait pour un bout de pain.— Si ça touche le projet, ça me concerne, Alexander. Je suis pas juste une potiche dans ton équipe. Si quelqu’un veut tout faire foirer, j’ai le droit de savoir.Je fais un pas vers elle, la dominant de toute ma hauteur, et je sens la colère monter, familière, brûlante.— T’es dans l’équipe, ouais, mais t’es pas dans mes affaires, Laurie. C’est mon problème, pas le tien. Fais ce que je te dis, point.Elle me fusille du regard, les lèvres pincées, puis tourne les talons et sort, la porte claquant derrière elle. Je reste là, le souffle court, les nerfs en boule. Amadeus. Ce vieux renard est censé être à la retrait
De retour au bureau après Londres, je me noie dans le travail pour fuir les souvenirs. Alexander, son bras autour de moi, sa voix rauque disant « T’es pas seule ». Ces mots me hantent, me déchirent. Je ne peux pas craquer, pas pour lui, pas après ses accusations, ses doutes. Alors je l’évite, me cache derrière mon tailleur gris, mes lunettes, mes dossiers. Mais la photo me poursuit, implacable.Cette femme. Son regard glacial, son lien avec l’orphelinat. J’ai passé la nuit à fouiller des archives en ligne, et un nom a surgi : Elena Kessler. Assistante d’Amadeus, disparue dans les années 90 après un scandale. Rien de solide, mais assez pour me convaincre qu’elle est au cœur de tout – peut-être liée à Stahl, peut-être à moi. Je veux en parler à Alexander, mais Londres m’a laissée à vif. Sa chaleur, son souffle – c’est trop risqué. Alors je creuse seule, un secret comme une forteresse.Ce midi, je m’enferme aux archives, un sous-sol où la poussière étouffe tout. Je fouille des boîtes, ch
Je prends mon téléphone, hésite. Je devrais appeler Marc, lui parler d’Elena, mais mes doigts tremblent. Alexander. Je revois ses yeux, sa colère, sa chaleur. Il sait quelque chose, lui aussi, mais il ne me fait pas confiance. Et moi, est-ce que je peux lui faire confiance ? Pas après ce baiser, pas après cette trahison.Je repose le téléphone, me lève, et retourne aux archives. Seule. Si Elena est la clé, je la trouverai, avec ou sans lui. Mais au fond, je sais que ce n’est pas juste Elena qui me pousse. C’est l’orphelinat. C’est moi. Et quelque part, dans ce chaos, Alexander est devenu une partie de l’équation, que je le veuille ou nonLe ciel de Paris est un linceul gris, un miroir de la tempête qui fait rage en moi. De retour au bureau après Londres, je me noie dans le travail pour fuir les souvenirs de cette nuit. Alexander, son bras autour de moi, sa voix murmurant « T’es pas seule ». Ces mots me hantent, me terrifient. Je ne peux pas me permettre de craquer, pas pour lui, pas a
LAURIEParis s’étend sous un ciel gris, un voile de plomb qui reflète le chaos dans ma tête. De retour au bureau après Londres, je me noie dans le travail pour échapper aux souvenirs de cette nuit. Alexander, sa chaleur, sa voix rauque murmurant « T’es pas seule ». Ces mots tournent en boucle, me terrifient. Je ne peux pas craquer, pas pour lui, pas après ses accusations, ses regards qui me dissèquent. Alors je l’évite, me barricade derrière mon tailleur gris, mes lunettes, mes dossiers. Knight Enterprises est mon armure, mais elle craque sous le poids de la photo.Cette femme. Son regard froid, ses traits gravés dans ma mémoire. Elena Kessler. J’ai passé des heures sur Internet, fouillant des archives poussiéreuses en ligne. Assistante d’Amadeus dans les années 90, disparue après un scandale financier. Un fantôme, mais un fantôme lié à l’orphelinat, à Stahl, peut-être à moi. Je veux en parler à Alexander, mais Londres m’a brûlée. Sa proximité, son souffle contre ma peau – c’est trop.
AlexanderL’adresse que Marc avait envoyée était à une heure de route, un entrepôt désaffecté à la périphérie de la ville. Laurie et moi roulions en silence, la tension entre nous presque palpable. Les phares de la voiture perçaient l’obscurité, mais ils ne pouvaient pas éclairer les ombres dans nos esprits. Je jetais des coups d’œil dans le rétroviseur, guettant des signes de poursuite. Marc avait raison – nous étions suivis. Je le sentais, un instinct primal qui me hurlait de rester sur mes gardes.Laurie, à côté de moi, serrait ses mains sur ses genoux, ses yeux fixés sur la route. Elle avait enfilé un pull sombre et attaché ses cheveux, mais je voyais encore la fragilité de tout à l’heure, cachée sous cette armure qu’elle s’était forgée. Je voulais lui dire quelque chose, n’importe quoi pour briser ce silence, mais les mots me manquaient. Qu’est-ce qu’on dit à quelqu’un qui pourrait être à la fois ton alliée et ton ennemie ?— Tu as déjà tué quelqu’un ? demanda-t-elle soudain, sa
AlexanderLe silence entre nous était lourd, chargé d’une tension que ni elle ni moi n’osions nommer. Laurie restait blottie contre moi, sa respiration encore irrégulière, comme si elle luttait pour chasser les fantômes de son cauchemar. Je sentais la chaleur de son corps, la fragilité de ce moment, et pourtant, mon esprit tournait à plein régime. La photo. L’orphelinat. Stahl. Chaque mot qu’elle avait lâché ouvrait une porte sur un passé que je n’étais pas sûr de vouloir affronter.— Parle-moi, dis-je enfin, ma voix plus douce que je ne l’aurais voulu. Cette femme… qui est-elle pour toi ?Laurie se redressa légèrement, s’écartant juste assez pour que je sente le vide là où elle était. Elle passa une main dans ses cheveux, évitant mon regard.— Je ne sais pas, avoua-t-elle, la voix basse. Pas vraiment. Mais quand j’ai vu la photo, quelque chose… quelque chose a cliqué. Comme un souvenir que je ne peux pas attraper.Elle se leva, marcha vers la fenêtre, ses bras croisés contre sa poitr
Partie 1 : La confrontation (800 mots)Les portes de l’ascenseur se refermèrent avec un chuintement, m’isolant dans un silence oppressant. Laurie. Son nom pulsait dans ma tête, syncopé avec le battement de mon cœur. Hier, je l’avais surprise, penchée sur ce dossier, ses doigts tremblants effleurant une photo qu’elle avait glissée dans sa poche comme un voleur. Elle croyait que je n’avais rien vu. Elle se trompait. Kessler – un nom que Marc avait lâché au téléphone – ne signifiait rien pour moi, mais Amadeus, ce spectre insaisissable, était le fil rouge de cette tempête. J’avais promis à Marc de creuser, mais Laurie était ma première piste. Elle savait quelque chose, et je n’allais pas attendre qu’elle daigne parler.Le dîner était une mascarade. Le restaurant, avec ses lustres en cristal et ses serveurs en gants blancs, ne masquait pas la tension qui nous enchaînait. Laurie triturait son risotto, ses yeux fuyants, perdus quelque part où je n’avais pas accès. Moi, je faisais semblant d
Alexander)Londres est un brouillard gris ce matin, une bruine collante qui s’infiltre sous mon col et me met les nerfs à vif. Je suis dans une salle de conférence vitrée, au dernier étage d’un gratte-ciel qui surplombe la Tamise, face à Hargrove et ses investisseurs – une bande de vautours en costard qui dissèquent chaque mot, chaque chiffre. Le contrat est sur la table, des millions en jeu, et je devrais être à fond, mon masque de PDG bien en place, chaque réponse calibrée pour les écraser. Mais je suis ailleurs. Mes yeux glissent sans cesse vers Laurie, assise à l’autre bout de la table, son tailleur gris impeccable, ses lunettes perchées sur son nez, tapant des notes avec une précision qui frôle l’obsession. Elle est là, vivante, intacte, mais je peux pas m’empêcher de revoir cette moto, ce flingue, son visage blême quand je l’ai relevée dans la cour.Je me force à me concentrer, réponds à une question sur les délais – « Quatre mois, garanti, avec une équipe renforcée » – et Hargro
laurieJe repense à notre confrontation, à la manière dont il s’est approché, trop près, son parfum – bois et épices – envahissant mes sens. Je veux juste te garder en vie. Ces mots, sincères, me hantent, parce qu’ils révèlent une vérité que je refuse d’accepter : il tient à moi, d’une façon ou d’une autre, et ça complique tout. Je veux le détester pour son paternalisme, pour cette protection qui ressemble à une cage, mais une part de moi – celle que je maudis – veut croire qu’il y a plus, qu’il y a encore quelque chose du garçon que j’ai connu, celui qui partageait mes silences dans un orphelinat froid.Carter a rouvert cette plaie, avec ses mots sur cette soirée, sur Alexander demandant de mes nouvelles. Il n’a pas oublié. Pourquoi faut-il que ça fasse mal ? Pourquoi faut-il que ça me donne envie de creuser, pas seulement dans l’affaire, mais dans lui, dans ce qu’il cache derrière ses murs ? Je secoue la tête, agacée par ma propre faiblesse. Ce n’est pas le moment de m’égarer, pas av
L’appartement est plongé dans l’obscurité, le silence seulement brisé par le bourdonnement lointain du frigo. Assise sur mon lit, je fixe la photo, posée comme une accusation sur la couette. La femme me regarde, son sourire énigmatique me défiant de trouver des réponses là où il n’y a que des questions. Mes doigts tremblent légèrement, et je repose le papier, le glissant sous mon oreiller comme si ça pouvait contenir le chaos qu’il représente. Mais il est trop tard – Stahl, Amadeus, Alexander, tout se mélange dans ma tête, un tourbillon qui refuse de me laisser en paix.Je me lève, fais les cent pas, mes pas étouffés par le tapis usé. L’absence de mes colocs rend l’appartement étrangement vide, presque hostile. D’habitude, leurs rires, leurs disputes, me distraient, me ramènent à une normalité dont j’ai désespérément besoin. Mais ce soir, je suis seule avec mes pensées, et elles sont plus dangereuses que n’importe quelle balle. Je repense à la réunion, à la voix d’Alexander, à ce mome