Laurie Samedi soir, et La Tour du Roi est blindée – deux salles pleines à craquer, comme toujours. J'adore bosser ici, vraiment. C'est pas l'objectif de ma vie, mais pour des vacations, c'est le pied : des nappes blanches impeccables, de la porcelaine qui claque, une ambiance luxueuse qui change des troquets miteux. Sauf que ce soir, je suis au bout du rouleau. Ces derniers jours m'ont rincé, le sommeil en miettes, mais je tiens. Les commandes fusent, les plats défilent, et moi, je rêve d'une seule chose : m'effondrer dans mon lit.Entre deux sourires aux clients, mes pensées s'égarent. J'ai des rêves plein la tête, mais ils avancent pas. Je stagne, je tourne en rond… Un soupir muet m'échappe, étouffé par le brouhaha chic du resto. L'heure traîne, la soirée s'étire, et mon cerveau reste coincé sur ce constat amer.« Laurie ! » Je pivote. Luis, mon chef, m'appelle depuis l'autre bout de la salle. Je me rapplique en vitesse, slalomant entre les tables. « Oui, Luis ? » « Tableau 18, le
LAURIE— Bon, euh, d’accord, répondis-je timidement, me sentant encore plus idiote à chaque mot qui sort de ma bouche.Je m’éloigne rapidement vers l’autre salon, cherchant Luis du regard. Je le trouve en train de consulter son agenda de réservation.— Tu m’accordes vraiment une demi-heure ? demandai-je, hésitante.— Oui, oui, Laurie. Va prendre un dessert avec Monsieur Knight !— T’es sûr ? Y’a encore du monde...Il me sourit et me montre la salle qui se vide peu à peu.— Oui, j’en suis sûr. On est sur la fin, Laurie. Prends même plus de temps si tu en as besoin.Je le remercie rapidement avant de retourner vers le comptoir pour récupérer les coupes de glace. Elles sont vraiment belles, et je dois avouer que la glace à la violette me fait envie depuis que je l’ai vue au menu. Mais je me sens un peu gênée que ce soit offert par Monsieur Knight. Enfin, je dis “offert”, mais il ne l’a pas dit... À 18 euros la coupe, j’espère quand même ! Bon, on verra bien.Je prends un verre et une car
AlexanderUne chose est sûre et certaine : Laurie est ravie. Ses yeux brillent d’une manière qui dépasse l’excitation de la simple dégustation d’un dessert. Ce n’est pas la glace qui provoque cet éclat dans son regard, mais bien l’annonce que je viens de lui faire. Je la regarde, elle semble encore sous le choc, incrédule, mais son sourire ne laisse aucun doute : elle est heureuse, peut-être même plus que je ne l’imaginais.J’ai commandé du champagne pour fêter son embauche. Ça me fait bizarre, je dois l’avouer. D’habitude, quand j’embauche quelqu’un, ce n’est pas un événement que je célèbre avec autant de faste. Mais avec Laurie, c’est différent. Une force mystérieuse semble me pousser à agir ainsi, comme si elle méritait quelque chose de plus que les autres, sans que je sache vraiment pourquoi. Je me demande pourquoi je me sens obligé d’aller au-delà des simples formalités avec elle. Est-ce parce que je veux m’assurer que j’ai fait le bon choix, ou est-ce autre chose ?Quand j’y pen
LAURIEJe n’en reviens toujours pas. Moi, assistante d’Alexander Knight ? C’est comme si je vivais un rêve éveillé. Tandis que je savoure ma glace, une vague d’excitation mêlée de nervosité me submerge. Mon esprit tente encore de digérer la nouvelle. Bien sûr, je suis ravie, mais une petite voix intérieure me souffle que quelque chose cloche. Pourquoi cette attention si particulière de sa part ? Ce n’est pas tous les jours qu’un PDG fait le déplacement en personne pour recruter une simple serveuse. C’est étrange... presque trop beau pour être vrai.Mario arrive avec le champagne et remplit nos coupes. Il me lance un regard curieux, sûrement intrigué par cette situation inhabituelle. C’est vrai, je ne devrais pas être à cette table. Mon rôle, c’est de servir les clients, pas de trinquer avec eux. Mais ce soir, tout semble différent, presque irréel. Les autres clients nous observent, et je sens leurs regards posés sur moi. Mais je m’en fiche. Je n’ai jamais été du genre à me soucier des
ALEXANDERLe restaurant s’est vidé et nous avons terminé nos glaces. Laurie est attentive, absorbant chaque mot que je prononce. Je dois dire que je suis agréablement surpris. Elle est concentrée, réceptive, presque fascinée par tout ce que je dis. Ce n’est pas fréquent de rencontrer quelqu’un d’aussi motivé.Mais soudain, elle se lève, visiblement embarrassée.— Je crois que j’ai un peu abusé de votre temps, Alexander. Et de celui de mes collègues. Je vais devoir aller les aider.Je hoche la tête.— Je comprends.Elle jette un coup d’œil à l’horloge murale et grimace.— Oh non, déjà deux heures ? J’ai raté le dernier métro…Elle me sourit, un peu gênée.— Je vais marcher, ça me fera du bien.Elle me tend la main.— Bonne soirée, Alexander, et encore merci. À lundi.— Appelez-moi Alexander, je rappelle en souriant.Elle hoche la tête, troublée.— D’accord… Alexander. Bonne soirée.Je la regarde s’éloigner, mais je ne peux m’empêcher de lui demander, avant qu’elle ne parte :— Vous ne
laurieMonsieur Knight a proposé de me raccompagner en voiture, et même si j’ai d’abord refusé par politesse, je dois avouer qu’une fois confortablement installée dans son véhicule, je me félicite d’avoir accepté. Après une longue journée de travail, je n’aurais jamais tenu plus d’une heure de marche pour traverser Paris. Le cuir moelleux du siège m’englobe, la climatisation est parfaite, et tout est calme. Enfin, presque tout.Le seul bémol ? Le silence pesant entre nous. Monsieur Knight n’a pas dit un mot depuis que nous sommes montés dans la voiture. Je pourrais rompre cette atmosphère glaciale, mais il m’intimide. Et puis, j’ai peur de dire quelque chose de déplacé. C’est mon patron après tout.Je tente de me concentrer sur le fait que mercredi, je pars pour les États-Unis. Ce contrat, c’est tout pour moi. C’est la preuve que toutes ces années de sacrifices n’auront pas été vaines. Mais malgré l’excitation de cette perspective, je n’arrive pas à me détendre.— Vous devez être impa
AlexanderJe regarde Laurie s’éloigner dans le rétroviseur, son visage marqué par une expression de stress qu’elle tente de dissimuler. Je sais que je lui ai mis une pression supplémentaire avec ce dîner, mais c’est nécessaire. Ce contrat est crucial pour l’entreprise, et je dois m’assurer qu’elle est pleinement préparée.Je redémarre la voiture et m’engage dans la circulation parisienne, mes pensées tourbillonnant autour de cette jeune femme ambitieuse et déterminée. Laurie a un potentiel énorme, mais elle est encore jeune et inexpérimentée. Je dois la guider, la pousser à se dépasser, tout en veillant à ce qu’elle ne se brûle pas les ailes.Je me gare devant mon immeuble et monte à mon appartement. Les lumières s’allument automatiquement, révélant un intérieur moderne et épuré. Je me sers un verre de whisky et m’installe sur le canapé, mon regard se perdant dans les lumières de la ville.Je prends une gorgée de whisky, savourant la brûlure dans ma gorge. Demain soir sera décisif. Je
LaurieJe cours dans tous les sens, déjà en retard, et la panique commence à me gagner. Je prends une tenue de rechange et la fourre dans mon sac à dos, juste au cas où. Il est hors de question d’arriver à ma vacation trop bien habillée et de donner l’impression que je me prends pour une princesse.J’ai pris un moment pour appeler “La Tour de Paris”, le restaurant où nous avons prévu de dîner. Pas question de laisser les choses au hasard, surtout avec quelqu’un comme Monsieur Knight. J’ai demandé à parler au chef, histoire de m’assurer que tout soit en ordre, mais apparemment, il n’était pas encore arrivé. Super... J’ai laissé un message pour prévenir de notre retard, espérant simplement qu’ils n’allaient pas me faire payer la note pour ce contretemps. La dernière chose dont j’ai besoin, c’est que le restaurant fasse une scène à cause d’un timing serré, ou pire, qu’ils mangent ma commission sur ce léger retard.Je soupire intérieurement en me disant que tout devrait bien se passer. Ma
AlexanderLe dîner est terminé, et l’addition est réglée – une formalité que je gère d’un geste mécanique, glissant ma carte noire au serveur sans même regarder le montant. Le restaurant du Mandarin Oriental est presque vide à cette heure, les chandelles vacillent faiblement sur les tables, et le murmure des derniers clients s’efface dans l’ombre des boiseries sombres. Laurie est assise en face de moi, ses doigts triturant la serviette qu’elle a pliée et dépliée une bonne dizaine de fois. Elle n’a presque pas touché son dessert, une mousse au chocolat qui fond lentement dans son assiette. Moi, j’ai fini mon verre de Bordeaux, et la brûlure du vin me réchauffe la gorge, mais pas assez pour chasser ce malaise qui s’est installé entre nous depuis que j’ai mis les choses au clair.« Le passé, c’est fini. On peut pas le laisser foutre en l’air ce qu’on a maintenant. » Mes propres mots résonnent dans ma tête, tranchants, définitifs. Je les ai dits pour couper court à cette tension, pour rem
AlexanderOn arrive dans le hall du Mandarin Oriental, et je lui donne rendez-vous pour 20h au restaurant de l’hôtel, un automatisme qui me permet de reprendre le contrôle. Elle acquiesce, ses lèvres esquissant un sourire hésitant, puis elle s’éloigne vers sa chambre, ses pas légers résonnant sur le marbre. Je reste là, planté comme un idiot, les mains enfoncées dans les poches, à regarder son ombre disparaître derrière les portes de l’ascenseur. Le hall est un ballet de luxe discret – le murmure des réceptionnistes, le tintement des verres au bar, le parfum entêtant des lys dans un vase gigantesque. Mais tout ça passe au second plan. Mon esprit est ailleurs, coincé entre deux mondes : celui que j’ai construit et celui que j’ai laissé derrière.Laurie. Maman Laurie. Putain, ça fait quoi, vingt ans ? Vingt ans que j’ai enfoui cet orphelinat au fond de ma tête, avec ses murs gris, ses cris, ses odeurs de soupe froide et de décontamination bon marché. Et elle, avec ses cheveux en bataill
AEXANDERJe m’assieds sur le bord de la table, les bras croisés sur ma poitrine comme une barrière, une armure improvisée pour tenir mes émotions à distance. Parce que sinon, je ne sais pas ce que je pourrais faire. Lui dire la vérité ? Lui balancer que je me souviens d’elle, de chaque détail, de ses éclats de rire qui perçaient le silence oppressant de cet endroit maudit, de ses pleurs étouffés quand elle ratait un tir au foot et qu’elle pensait que ça faisait d’elle une ratée ? Ou peut-être lui avouer que, quand Amadeus m’a emporté ce jour-là, avec ses promesses de richesse et de pouvoir, j’ai eu l’impression de la trahir, elle plus que n’importe qui d’autre ? Cette gamine qui devait se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre mon épaule, qui me regardait avec des yeux pleins d’espoir comme si j’étais son héros.Mais je ne dis rien de tout ça. Pas encore. Je suis Alexander Knight, pas un gamin paumé qui pleurniche sur ses souvenirs. J’ai bâti un empire sur le contrôle, sur la c
laurieLa salle de conférence est encore imprégnée de l’odeur du café tiède, un arôme âcre qui se mêle à l’électricité statique des écrans plats alignés contre les murs. Les néons bourdonnent légèrement, un bruit discret mais persistant qui accompagne le claquement sec de ma mallette que je referme d’un geste brusque. Hargrove et son assistant viennent de quitter la pièce, leurs voix étouffées s’éloignant dans le couloir, leurs pas résonnant sur le marbre poli comme un écho de leur défaite. Je sens cette satisfaction familière m’envahir – celle d’une bataille bien menée, d’un contrat qui n’attend plus que ma signature pour sceller son destin. Mes doigts effleurent le cuir usé de la poignée, et je prends une seconde pour savourer cette victoire, ce moment où tout semble s’aligner comme les pièces d’un échiquier que j’ai manipulé avec soin. Mais ce n’est pas ça qui fait pulser mon sang dans mes veines à cet instant précis. Ce n’est pas le triomphe professionnel, ni l’adrénaline d’avoir
LAURIELa réunion s’étire sur deux heures, un ballet de questions techniques, de négociations sur les coûts et de démonstrations. Je joue mon rôle du mieux que je peux, passant des documents, prenant des notes, répondant à quelques questions simples quand Alexander me les renvoie. Mais à chaque fois que nos regards se croisent, je sens cette tension sous-jacente, ce fil invisible qui relève nos passés potentiels. Il le sait, j’en suis presque sûr maintenant. Mais pourquoi il ne dit rien ?Quand Hargrove et Daniel se lèvent enfin pour serrer la main d’Alexander, le contrat semble dans la poche. Ils promettent une résolution définitive sous quarante-huit heures, mais le ton est optimiste. La porte se referme derrière eux, et je m’effondre presque dans mon fauteuil, épuisée mais électrisée par l’adrénaline.— Bien joué, Laurie, dit Alexander, rangeant ses affaires avec une précision méthodique. C’est assuré.— Merci, murmuré-je, un sourire sincère éclairant mon visage pour la première fo
LAURIELaurieLe café brûlant glisse dans ma gorge, son amertume me réveille à peine alors que l’ascenseur descend vers la salle de conférence privée du Mandarin Oriental. Alexander est à mes côtés, silencieux, son regard fixé sur les chiffres lumineux qui défilent au-dessus des portes. Il tient une mallette en cuir noir dans une main, et son costume gris anthracite semble taillé pour lui donner une aura encore plus imposante – si c’est possible. Moi, je tripote nerveusement la lanièreInto de mon sac, implique de me concentrer sur la réunion à venir plutôt que sur la question qui tourne en boucle dans ma tête depuis hier soir : Est-ce qu’il sait qui je suis ?Les portes s’ouvrent avec un ding discret, et nous pénétrons dans une salle aux allures futuristes. Une table longue en verre domine l’espace, entourée de fauteuils en cuir noir. Les murs sont tapissés d’écrans plats éteints pour l’instant, et une baie vitrée offre une vue plongeante sur les gratte-ciel de Manhattan, baignées dan
LAURIEIl disparaît dans sa chambre, la porte se refermant avec un clic discret, et je m’effondre sur mon lit, le cœur lourd comme une pierre. Se souvient-il de moi ? Sait-il que c’est moi, cette petite fille qu’il a connue il y a si longtemps ? Je fixe le plafond, les lumières de New York filtrant à travers les rideaux, projetant des ombres dansantes sur les murs. Ses paroles tournent en boucle dans mon esprit : « Si tu as quelque chose à me dire, demain sera le moment. » Est-ce une invitation à ouvrir mon cœur, ou un défi voilé ? Je me demande si je devrais lui parler de l’orphelinat, de ces jours où nous riions ensemble malgré la faim et le froid, mais la peur me retient. Et s’il ne se souvenait pas ? Ou pire, s’il se souvenait mais que cela n’avait aucune signification pour lui, un détail oublié dans sa vie de luxe ? Cette pensée me serre la poitrine, et je me retourne dans les draps, cherchant un sommeil qui me fuit.Les heures s’étirent, et je finis par sombrer dans un sommeil a
LAURIEJe pénètre dans ma chambre, mon sac toujours sur l’épaule, et suis immédiatement frappée par l’opulence qui m’entoure. Deux énormes valises trônent près du lit, imposantes et impeccablement alignées, accompagnées d’un bouquet de roses rouges éclatant, orné d’une petite carte. Curieuse, je pose mon sac et prends les fleurs, les portant à mon nez pour en respirer le parfum doux et enivrant. Puis, avec précaution, j’ouvre la carte. Les mots y sont écrits d’une main élégante : « Bienvenue chez Knight Enterprises. A. »Touchée par ce geste inattendu, un sourire timide se dessine sur mes lèvres. Je pose les roses sur la table de nuit et me tourne vers les valises, hésitant un instant avant de les ouvrir. À peine les fermoirs cèdent-ils que des vêtements magnifiques s’échappent en cascade : des robes de soie aux coupes raffinées, des tailleurs impeccables aux tissus luxueux, chacun plus somptueux que le précédent. C’est comme si Noël avait décidé de frapper avant l’heure, et je reste
Laurie)Je pousse la porte de ma chambre, mon sac pesant sur l’épaule, et le luxe me percute de plein fouet. Deux valises massives squattent près du lit, droites comme des soldats, impeccables, flanquées d’un bouquet de roses rouges qui éclate dans la lumière tamisée. Une petite carte dépasse, discrète mais intrigante. Je lâche mon sac, le cœur battant un peu trop fort, et m’approche. Les pétales frôlent mes doigts, veloutés, leur parfum sucré me monte à la tête – un mélange entêtant de douceur et de promesse. Je saisis la carte, l’ouvre d’un geste prudent. L’écriture est fine, assurée : « Bienvenue chez Knight Enterprises. A. »Un sourire timide me trahit, un truc fragile qui tremble sur mes lèvres. Touchée, ouais, plus que je veux l’admettre. Je pose les roses sur la table de nuit, leur rouge tranchant contre le bois sombre, et me tourne vers les valises. Mes mains hésitent, suspendues au-dessus des fermoirs. Un clic, puis un autre, et c’est l’avalanche : robes de soie qui glissent