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last update Dernière mise à jour: 2021-11-15 15:35:29
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Ah ! la Grèce ! le Péloponnèse, les Cyclades, Andros, Kéa, Mykonos… noms magiques, synonymes de farniente illimitée à l’ombre de murs blanchis à la chaux sur fond de Méditerranée bleue à l’infini.

Quel paradis, mes amis ! Le chant des cigales, la peau bronzée des filles, un verre d’Ouzo à la main, que demander de plus ?

De l’argent ? J’en avais. Du temps ? Triple K m’avais laissé entendre qu’il ne me recontacterait pas avant une bonne semaine.

Le paradis, je vous dis.

J’avais posé la Bête hier soir sur le minuscule terrain de l’île de Skiatos, puis j’étais descendu au Madraki, un charmant petit hôtel, dont les chambres donnaient directement sur le port, une sorte de Saint-Trop en miniature.

À croquer.

La saison estivale n’ayant pas encore réellement commencé – on était en mai –, l’hôtel était vide au trois quarts, ce qui m’arrangeait bien : je déteste la foule.

Je passai donc la majeure partie de ma première journée de repos à ne pas faire grand-chose. Je musardai sur le port, me délectant de la beauté du lieu, du Soleil, de la mer, admirant les couleurs chatoyantes des caïques. Je déjeunai tranquillement à l’ombre de paillotes dans un petit café sur les quais, engloutissant pastèque, moussaka et tartines de feta, le tout copieusement arrosé de retsina, un vin au léger parfum de résine, mais qui rehaussait agréablement le goût. Puis je rentrai à l’hôtel pour une sieste bien méritée.

Je me levai à 16 heures, bien décidé à aller piquer une tête dans la Grande Bleue.

L’eau était fraîche, revigorante à souhait. Je parcourus quelques brasses, m’ébrouant tel « Flipper le Dauphin » – sans les cris aigus, quand même ! Puis je sortis de l’eau comme un Apollon, le corps ruisselant, marchant fièrement vers ma serviette.

Bon, j’avoue, mon petit manège n’était pas totalement innocent. J’avais remarqué une superbe jeune femme brune d’une trentaine d’années, visiblement seule, qui lisait un magazine en italien, langoureusement allongée sur le sable chaud, une dizaine de mètres plus loin. J’en déduisis qu’elle était italienne et vous savez quoi ? J’ai un faible pour les Italiennes. D’ailleurs, mon ex-femme est italienne, j’aurai sûrement l’occasion de vous en parler plus tard, mais pour l’instant, revenons à mon Italienne du moment.

Je n’avais pas spécialement prévu de me lancer dans un plan drague, mais j’aime bien frimer un peu – tous les pilotes sont des frimeurs, que voulez-vous, c’est dans leur nature – et j’ai la chance d’avoir un physique plutôt plaisant qui retient l’attention des dames. Autant en profiter, non ? Si cela ne débouche pas forcément, c’est au moins gratifiant pour l’ego.

Cela dit, il arrive parfois qu’on se prenne au jeu et ce qui n’était que frime devient subitement drague. Il faut dire que la barrière entre les deux est mince et je me sentais glisser finalement tout doucement de l’une à l’autre. L’instinct bassement reptilien du prédateur qui reprend le dessus. La soi-disant civilisation est peu de chose quand même. Le moindre prétexte et le vernis craque.

Donc, tactique numéro un : attirer l’attention, avec classe et tact.

Mission remplie.

Tactique numéro deux : feindre l’indifférence.

Je m’allongeai sur ma serviette et me découvris tout à coup une grande passion pour la ligne d’horizon. Ce comportement atypique rompant totalement avec l’approche généralement lourdingue et visible à dix bornes du dragueur lambda, avait pour but d’intriguer. Là, si tout allait bien, l’intérêt de la cible était éveillé. Ce qui permettait d’embrayer sur la tactique numéro trois : laisser venir. Ensuite, il ne restait plus qu’à jouer le type ouvert, mais pas spécialement intéressé, genre celui qui ne refuse pas la compagnie, mais qui peut très bien vivre tout seul. Le mec mature et indépendant, quoi ! Et ça, elles aiment. Mais cela demande un minimum d’engagement de la partie adverse.

Il était donc urgent d’attendre.

Au bout de quelques minutes, j’aperçus du coin de l’œil – j’ai une vision périphérique très développée, ça aide – du mouvement du côté de la Belle. Je ne bougeai pas la tête d’un millimètre, tandis qu’elle se levait, ramassait sa serviette et quittait la plage sans un regard dans ma direction.

Je vous entends déjà rigoler. Le bide total qu’il vient de se prendre, le Charlie, avec ses tactiques à deux balles.

Erreur !

Cette fille, je le sentais, était du gros gibier. Or, le gros gibier, cela s’approche en douceur. J’avais placé le premier pion, comme aux échecs. La partie ne faisait que commencer.

 

Le soir même, je dînais d’une dorade grillée accompagnée de feuilles de vignes farcies et d’un petit vin blanc fin dans un charmant estaminet du port, lorsque je vis passer la Belle sur le quai. Elle portait un délicieux bustier noir en lycra qui mettait en valeur ses formes généreuses, mais sans excès, sur un pantalon fuseau noir de grande marque, probablement un Gucci.

Je m’y connais assez en mode féminine. Mon ex-femme, Anita, est italienne, je vous l’ai dit et, du temps où nous étions mariés, une bonne moitié du fric que je gagnais passait dans ses fringues ; j’en connaissais donc un rayon.

Cheveux noirs mi-longs tombant délicatement sur les épaules, long cou gracieux rehaussé d’un large collier plastron en lapis-lazuli, jambes de deux mètres de long, démarche de reine, y’avait pas à dire, elle était largement aussi belle qu’Anita, elle avait une classe folle et, surtout, elle avait l’air beaucoup moins dingue que mon ex.

Nos regards se croisèrent.

Furtivement.

Elle avait des yeux du bleu le plus pur que je n’ai jamais vu. Une décharge m’électrisa des pieds à la tête. Du coup, j’en oubliai de mâcher, avalai une arête, m’étranglai et recrachai le tout dans mon assiette.

Pour la classe, c’était râpé.

Je sentis le rouge de la honte affluer à mon visage. Lorsque j’osai relever la tête, elle était loin.

Et zut !

Vous avez remarqué comme ça foire souvent quand un truc vous tient vraiment à cœur, quelque chose qui pourrait changer votre vie : un entretien professionnel important ou aborder la femme de vos rêves ? Comme si, justement, cela devait rester un rêve.

Une de mes ex – j’en ai quelques-unes, vous verrez –, psychologue, m’avait expliqué le truc : on est tous soumis à une loyauté familiale inconsciente qui se perpétue de génération en génération et s’exprime différemment suivant les individus. Pour certain, c’est la névrose de classe : on ne doit pas dépasser le niveau social des ancêtres. Donc, l’inconscient fait foirer tout ce qui pourrait faire progresser socialement le pauvre gars : boulot, mariage, rentrées d’argent…

Dingue, non ?

Tout est psychologique, paraît-il, même certains cancers.

Remarquez, quand on y pense, on n’utilise jamais consciemment que dix pour cent de notre cerveau. À quoi servent les quatre-vingt-dix pour cent restants, je vous le demande ?

Bref, dans le cas de cette « névrose de classe », c’est à croire qu’on est inconsciemment programmé pour merder ; en tout cas, je venais d’en fournir une belle démonstration.

Les boules !

Mon appétit s’étant envolé avec ma fierté, je demandai l’addition et rentrai à l’hôtel.

Lorsque je pénétrai dans le hall, je sentis une boule de glace se former au fond de mon estomac : la Belle était accoudée au bar, devant un thé qu’elle remuait nonchalamment de sa petite cuillère.

Seule.

Un instant déstabilisé, je faillis effectuer immédiatement un demi-tour et ressortir à Mach 2. Comprenez-moi : je ne suis pas spécialement timide, mais là, je me sentais comme un adolescent boutonneux face à son rêve féminin incarné. J’avais pourtant côtoyé des femmes sublimes, j’étais sorti avec nombre d’entres elles, j’avais été marié pendant deux ans avec une beauté intersidérale qui rendait dingue de jalousie et d’envie tous les mecs que je connaissais, mais là ! là !

Il y a des choses qui ne s’expliquent pas.

L’Univers est plein de mystères. Alléluia mes frères et mes sœurs !

Je pris ma décision en un éclair – je suis habitué à réagir vite, je suis un pilote émérite, ne l’oubliez pas. Je me dirigeai nonchalamment vers le bar – avec les genoux en coton, c’n’est pas facile –, je tirai en tremblant un tabouret et parvins à m’asseoir sans me casser la figure.

Ouf !

D’une voix horriblement cassée, sécheresse oblige, je commandai un thé à la menthe.

À l’exception d’elle, le bar était vide. Cela ne me facilitait pas la tâche. Je pris néanmoins mon courage à deux mains – je suis très courageux, si ! si ! là, c’est un mauvais exemple, mais vous verrez plus tard – et j’osai enfin tourner la tête vers elle.

Mon cœur rata un battement ; elle me fixait de ses yeux si clairs, un demi-sourire flottant sur ses lèvres purpurines. La profondeur de son regard me donna un instant le vertige et je manquai de perdre l’équilibre ; pour un pilote, ça la foutait mal. Heureusement, je me rattrapai au bar juste à temps.

Tentant désespérément de sauver la face, je coassai lamentablement un « buona notte ».

Ses yeux me quittèrent comme à regret, glissèrent pudiquement vers son thé qu’elle n’avait cessé de remuer doucement, révélant les cils les plus longs qu’il m’ait été donné de voir. Son demi-sourire s’élargit subtilement, ses lèvres savoureuses s’entrouvrirent sur un « bonsoir ». En français, avec un léger et délicieux accent indéfinissable.

Et là, le blocage.

Tout d’un coup, je me retrouvai l’esprit vide. C’était même plus que ça. J’avais l’esprit tellement vide que, non seulement je ne savais pas quoi dire, mais en plus je ne savais même plus s’il fallait dire quelque chose. C’est vous dire !

J’étais totalement déconnecté, mais, c’est ce qui est affreux, en ayant pleinement conscience du temps qui s’écoulait. Et chaque seconde qui passait m’enfonçait un peu plus.

Le barman me sauva. Brave homme, il ne sut jamais à quel point je lui fus reconnaissant. Il posa le thé à la menthe devant mon nez. Juste ça. Mais cela suffit à me reconnecter à la réalité. Comme quoi, les gestes les plus simples ont souvent une portée allant bien au-delà de leur intention première.

J’enchaînai – enfin, on ne peut pas qualifier vraiment ça d’enchaînement, vu le temps que je mis; c’était plutôt un nouvel essai.

– Vous logez ici ?

– Oui, c’est moins luxueux que le Skiatos Palace, mais c’est plus authentique.

Le Skiatos Palace donne sur ce qui est considéré comme la plus belle baie de Grèce. C’est un hôtel ultramoderne, situé à une dizaine de kilomètres du village. Beaucoup de standing, mais moins de charme. Une femme de goût, donc. Et son accent : mmh ! un délice. Mais pas du tout italien, slave plutôt.

Elle me fixait à nouveau de ses incroyables yeux bleus. Je déglutis péniblement.

– Le mois de mai est idéal pour visiter les îles.

Ne surtout pas dire « la Grèce », ou « les îles grecques », ça fait touriste de base. « Les îles », c’est parfait.

– Personnellement, je préfère octobre. L’automne est d’un tel charme, en Grèce ! Mais j’avais besoin de m’évader.

Ah ! Une fugitive.

– Vous êtes ici depuis longtemps ?

Parler d’elle, surtout pas de soi.

– Quelques jours; et vous ?

Elle but une gorgée de son thé avec une grâce exquise. J’en profitai pour m’hydrater le gosier moi aussi, mais avec nettement moins de charme, puisque je renversai une bonne partie de ma tasse sur ma chemise.

Brûlant, le thé.

Rester stoïque.

Surtout pas le moment de hurler.

Le serveur me tendit une serviette en papier. Je sentis mon visage virer à l’écarlate tandis que je m’épongeais la poitrine et que je percevais la brûlure de son regard sur moi.

– Votre maladresse est touchante. On se voit demain ?

Sur ce, elle reposa sa tasse sur le comptoir, se leva en me gratifiant d’un énigmatique sourire et s’éloigna langoureusement vers les escaliers.

Je me levai précipitamment.

Toujours se lever lorsqu’une dame est debout, galanterie de base. Malheureusement, dans ma précipitation, je poussai d’un coup de hanche le tabouret qui tomba sur le carrelage dans un bruit de tonnerre. Elle me jeta fugitivement un regard amusé juste avant de s’engager vers les étages supérieurs. J’ouvris la bouche, mais aucun son n’en sortit.

Cette nuit-là, je fis un rêve terrible – on appelle d’ailleurs ça un cauchemar – ; j’étais dans un resto ultra classe, assis à une table avec elle. J’étais vêtu d’une façon grotesque, je portais un nez de clown, j’avais des pinces à la place des mains et je renversais tout ce que je touchais ; je bégayais aussi terriblement dès que j’ouvrais la bouche et, comble de l’horreur, à un moment donné, les pieds arrière de ma chaise cédaient et je m’affalais les quatre fers en l’air sous les rires moqueurs de la salle.

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