Chapitre 2

Je n'avais pas réussi à penser à autre chose de toute la soirée. À vrai dire j'ai même eu du mal à dormir. Je devais parler avec Élisa mais j'ignorais comment commencer. De plus si c'était ce que je croyais alors le temps pressait.

J'avais fini par envoyer un message sur le groupe où je proposais à tout le monde de manger ensemble le mercredi qui arrivait. Ils avaient accepté et je fus soulagé en voyant qu'Élisa accepta aussi. J'avais eu peur qu'elle dise non mais visiblement j'avais de la chance.

En attendant mercredi j'avais essayé de croiser Élisa entre les cours mais j'eus moins de chance sur ce coup. Je réussis à la croiser qu'une seule fois. Elle était pressée et nous n'eûmes pas le temps de beaucoup échanger. Elle me fit simplement la bise et continua sur sa lancée.

J'avais eu envie de l'attraper par le bras. Je me retournais mais restais droit comme un pic. Je n'y arrivais pas. Je n'avais pas la force de l'arrêter. Savoir qu'elle était malheureuse me détruisait. J'avais envie de la prendre dans mes bras mais je m'en interdisais. Comment avais-je pus ne rien faire jusque là? Je n'avais pas le droit de la tenir près de moi. En plus je ne pouvais pas être comme celui qui lui avait fait ce bleu. Je ne pouvais pas la forcer à rester. Je me serais détesté toute ma vie si jamais j'avais fait quoi que ce soit contre son gré.

Le mercredi finit par arriver. Je n'avais écouté aucun cours et n'avais pas pu détacher mes yeux de l'heure. Je cru que le midi n'allait jamais arriver mais je fus soulagé quand l'horloge accepta enfin de me faire plaisir. Mon ventre se noua cependant de stresse quand je me mis en route vers le point de rendez-vous. Comment allait réagir Élisa? J'espérais qu'il ne lui arrivait pas ce que je pensais.

Tout le monde était déjà présent à mon arrivée. Margeaux, Jules, Erik et elle... Élisa se tenait droite aux côtés de Margeaux et regardait cette dernière avec un petit sourire timide qui me brisa. Elle était magnifique. À présent que je faisais attention je voyais tous les détails. Elle était plus pâle que d'habitude avec de fines cernes sous les yeux. Elle avait peut être même perdu un peu de poids et se tordait les doigts à chaque instant. Elle était brisée et pourtant même comme cela je la trouvais plus belle que n'importe qui que je n'ai jamais croisé.

Je regardais cette nouvelle Élisa comme si c'était la première fois que je la découvrais. J'étais à la fois heureux et désolé. Comme si l'ancienne Élisa nous avait quittés mais qu'elle nous avait envoyé une autre copie d'elle pour se faire pardonner. Elle était à la fois familière et inconnue. J'étais heureux qu'elle soit là devant moi mais d'un autre côté j'étais horriblement triste en la voyant comme cela.

Où était passé l'Élisa que je connaissais si bien? Où était passée la jeune femme à la démarche équilibrée et rythmée qui souriait dès son réveil et s'émerveillait devant la beauté du ciel chaque jour? Où avait disparue cette jeune fille qui posait sa main avec douceur sur mon épaule quand j'avais le regard perdu dans le vide? Où était allée cette fille si douce qui ne pensait jamais à mal et se penchait sur mon téléphone quand je ne lui accordais pas mon attention?

J'étais mélancolique et cela était pire parce que je pouvais voir l'ancienne Élisa dans l'ombre de la nouvelle. L'ancienne Élisa était cachée dans les sourires de la nouvelle. Je la voyais et je lui souris alors que je m'approchais.

Élisa me sourit avec tant de douceur que j'en eus mal. Je ne méritais pas de faire briller ses yeux ainsi. Je n'étais personne après tout. Je ne méritais pas de la rendre heureuse et je ne méritais certainement pas son affection.

À présent que nous étions au complet nous décidâmes d'aller nous asseoir dans le parc pour manger nos sandwichs. Sur le chemin Jules fit exprès de prendre Margeaux et Erik à part. Je me retrouvais donc avec Élisa et nous marchâmes quelques mètres dans le silence. Nos épaules s'effleurèrent à plusieurs reprises et à chaque fois tous mes muscles se contractèrent.

Au tout début de notre amitié c'était elle qui avait eu du mal à me parler. Élisa avait été timide au tout début et j'avais dû lancer la conversation de nombreuses fois. J'avais l'impression d'être retourné en arrière sauf que c'était différent du début. Cette fois ci elle n'était pas gênée en ma présence. Elle n'avait juste pas envie de parler. Comme si elle n'en avait pas la force et que ma présence suffisait pour la rassurer. J'aurais peut être dû respecter son silence mais je devais lui parler.

Je pris donc une grande inspiration et me forçais à me lancer.

«Je suis content de te voir.»

Élisa leva la tête vers moi d'un coup comme si elle avait oublié que j'étais à ses côtés. Son visage se fendit d'un petit sourire qui me fit frissonner.

«Je suis contente de te voir aussi.»

Sa voix m'avait énormément manqué. Je ne m'en rendais compte que maintenant. Je n'avais jamais rien entendu de si clair et doux de toute ma vie mais la nouvelle froideur que je sentais en arrière fond me fit grimacer.

«On ne s'est pas vus ces derniers jours.»

Élisa perdit son sourire et je m'en voulus d'avoir continué à parler.

«Oui... Je suis désolée c'est entièrement ma faute.

-Ne t'excuse pas, s'il te plaît.»

Élisa me sourit de nouveau. Un sourire plus discret et triste cependant.

«Tu vas bien? demandais-je d'un coup.»

Élisa entreouvrit la bouche prise de court et je crus que j'allais m'étrangler. Visiblement j'avais de quoi m'améliorer en ce qui concernait le tact.

Élisa détourna le regard vers le ciel.

«Oui ça va. Et toi?»

Je ne répondis pas. Sa réponse avait sonné tellement faux que je n'avais pas réussis à répondre. Nous continuâmes donc à marcher en silence jusqu'au parc où nous nous assîmes avec les autres. Élisa avait dû sentir que j'en savais plus qu'elle n'avait pensé car elle prit soin de laisser quelques centimètres entre nous quand elle s'assit à mes côtés.