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Chapitre 183 – Là où le chant dort dans la boue

Ils quittèrent le village des fous à l’aube, les bras encore chargés de gestes désordonnés, les cœurs remplis d’échos déformés, mais réels. Sur leurs pas, des voix continuaient de résonner dans le vent, comme si la terre refusait désormais de taire ceux que l’on avait voulu faire taire.Devant eux, le paysage changeait à nouveau.Plus aucun sentier sec.Le sol s’alourdissait.Il devenait plus dense, plus sombre.Par endroits, les pieds s’enfonçaient.— Un marécage, souffla Komi.— Mais pas un marais hostile, répondit Isma. Il est… patient.Ils s’enfoncèrent dans cette lenteur.Pas à pas.Les arbres étaient rares.Mais les herbes hautes murmuraient des secrets en se frôlant.Le ciel était gris, non de colère, mais de souvenir.Et dans l’air… quelque chose flottait.Pas un chant.Pas encore.Mais une absence qui voulait devenir présence.Ils savaient désormais reconnaître cela.Au troisième jour de marche, ils virent les premières maisons.Basses.Presque engluées dans la terre.Certain
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Chapitre 184 – La ville où tout son devient silence

La route s’élargissait maintenant.Les herbes s’étaient faites rares.Et le sol, autrefois tendre, devenait dur.Pavé.Ligne droite.Sans le moindre détour.— On approche d’une ville, murmura Komi.— Mais pas n’importe laquelle, dit Naya. Celle où tout le monde parle en même temps.Et elle avait raison.Au loin, les premières silhouettes de bâtiments apparurent.Carrés.Gris.Élevés sans musique.Une ville de vitesse.De néons.De klaxons.De bruits sans âme.Ils avancèrent, les pas ralentis par l’asphalte.Le vent ne parlait plus.Il rebondissait contre les murs.Sans parvenir à rentrer.Ils entrèrent par un marché.Coloré, plein de voix, mais sans écoute.Des haut-parleurs hurlaient des prix.Des passants se croisaient sans se regarder.Des enfants couraient, mais personne ne répondait à leurs rires.— Il y a tout, dit Isma. Mais rien ne s’entend.— Le chant ici… n’a pas de place, murmura Salimata.Ils s’assirent près d’un kiosque abandonné.Des affiches se superposaient, criardes,
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Chapitre 185 – La maison où un seul mot survit

Ils avaient laissé derrière eux le béton, les klaxons et les enseignes lumineuses.Devant eux, le monde s’ouvrait à nouveau.LargeLent.Respirant.Le vent reprenait ses droits.Et les arbres recommençaient à chuchoter.Mais cette fois, il n’y avait pas de sentier, ni de direction.Seulement un chemin ressenti.Naya marchait en tête, son visage tourné vers une intuition invisible.Elle ne parlait pas.Mais ses pas disaient : Je sais où nous allons. Même si je ne sais pas pourquoi.Ils marchèrent deux jours entiers.Traversèrent des prairies silencieuses, évitèrent des villages endormis, contournèrent une forêt grise où l’air semblait figé.Puis, au troisième soir, ils virent l’eau.Un lac.Immense.Pas bleu.Pas noir.D’un gris calme, comme s’il gardait des secrets sans violence.Et sur sa rive, une maison.Petite. En pierre.Presque avalée par les roseaux.Et devant la porte… une silhouette.Assise sur une chaise en bois.Immobile.La femme était vieille.Très vieille.Peut-être cent
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Chapitre 186 – Le village sans souvenirs

Ils marchèrent encore.Le lac s’éloignait dans leur dos, calme et lisse, comme s’il voulait garder intact le reflet du mot libéré.Devant eux, la terre devenait poudreuse.La lumière plus diffuse.Comme si l’air lui-même hésitait à se souvenir du soleil.Ils avancèrent, les visages baignés d’un silence particulier : un silence vide. Non pas lourd comme l’oubli, mais léger comme l’effacement.Et bientôt, ils atteignirent un hameau.Pas abandonné.Habité.Mais par qui ?Ils ne virent aucun adulte.Seulement des enfants.Partout.Assis sur des pierres.Allongés sous les arbres.Jouant sans règles, courant sans rires.Leurs visages n’étaient ni tristes ni heureux.Ils étaient… neutres.Comme lavés de tout passé.— Ils ne nous voient pas ? demanda Isma.— Si, répondit Komi. Ils nous regardent. Mais comme on regarde une pierre nouvelle.Un petit groupe s’approcha.Une fille, deux garçons, un plus petit derrière.Ils les fixèrent.Et la fille demanda :— Vous venez de l’avant ou de l’après ?
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Chapitre 187 – La grotte où les voix dorment dans la pierre

Ils marchèrent en silence.Encore.Toujours.Depuis le départ du village sans souvenirs, aucun mot n’avait été nécessaire.Chacun portait en lui le chant à peine né de ces enfants à peine éveillés.Un chant fragile, comme un feu dans les paumes.Et ce chant, ils le transportaient avec soin.Comme s’il suffisait d’un souffle trop fort pour l’éteindre.Mais le vent les poussait doucement vers un autre lieu.Un lieu plus ancien.Plus secret.Un lieu dont les arbres eux-mêmes semblaient avoir peur de parler.Le sol devint plus pierreux.Moins de sable, plus d’ardoise, de roche vive.Le ciel était couvert, bas.Et le vent, qui d’habitude murmurait, semblait retenir sa respiration.Komi posa une main contre un rocher.— C’est tiède… comme une peau.Isma s’agenouilla et posa l’oreille contre le sol.— Il y a… comme une vibration.— C’est vivant, dit Salimata.Et Naya ajouta, doucement :— C’est un lieu qui écoute depuis très longtemps.Ils continuèrent à marcher, jusqu’à atteindre un gouffre
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Chapitre 188 – Le sanctuaire du vent

Ils sortirent de la grotte chargés d’un silence dense, comme si leurs corps s’étaient transformés en coquilles résonnantes.Le sol était sec.Les roches rugueuses.Le ciel, vaste.Et l’air… différent.Pas chaud.Pas froid.Présent.Le vent ne soufflait pas, il suspendait.Comme s’il attendait.— Ce vent n’a pas besoin de direction, dit Komi.— Il est comme une parole qui n’a pas encore trouvé sa bouche, répondit Naya.Ils marchèrent, le paysage s’élevant sous leurs pas sans qu’ils le remarquent.Et bientôt, ils comprirent : ils grimpaient une colline.Pas très haute.Mais ouverte.Nue.Aucune végétation, sauf quelques herbes rases.Et au sommet : rien.Rien… sauf le vent.Ils s’arrêtèrent là.Sans même s’être concertés.Un cercle naturel de pierres entourait l’endroit.Pas un sanctuaire bâti.Un sanctuaire ressenti.Et dès qu’ils y posèrent le pied, le vent se leva.Pas violent.Pas tempétueux.Mais chargé.Il leur frôlait les joues avec une précision presque tendre.Comme une voix mu
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Chapitre 189 – La vallée où les arbres chantent en silence

Ils redescendirent de Tioral les cœurs allégés, les pas amples, les souffles comme élargis.Le vent, cette fois, ne les poussait plus.Il les accompagnait.Comme un ami discret, devenu familier.Le sol se fit plus doux.L’air plus tiède.Et très vite, une sensation étrange envahit chacun d’eux.Ils ne l’avaient pas encore vue…Mais ils savaient : la vallée était proche.Ce n’était pas une intuition.C’était un appel.Une vibration très ancienne.Comme une corde tendue dans leurs ventres, que le sol effleurait à chacun de leurs pas.Le paysage s’ouvrit sans prévenir.Ils passèrent un coude de colline, puis un bosquet de palmiers, et là…… elle était là.La vallée.Large.Verte.Intacte.Pas un toit.Pas une route.Seulement des arbres.Des centaines.Peut-être des milliers.Alignés par leur propre logique.Chaque arbre semblait… vivre pour un autre.Et dans l’air, un silence si profond qu’il résonnait.Pas le vide.Un silence habité.— C’est ici, souffla Naya.— On dirait qu’ils nous o
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Chapitre 190 – Le village sans ombre

Ils marchèrent longtemps après la vallée.Pas pour fuir.Mais parce que leurs corps portaient encore la résonance.Ils n’étaient pas pressés.Ils n’étaient pas perdus.Ils étaient… pleinement là.Le vent soufflait doucement sur leurs épaules, comme une couverture posée avec tendresse.Et soudain, le paysage changea à nouveau.Le sol se fit plus clair.Les arbres plus bas.L’air, plus sec.Et un détail frappa Komi :— Il n’y a pas d’ombre.Isma s’arrêta.Il tourna sur lui-même.— C’est vrai.Pas une.Ni derrière eux.Ni sous eux.Même pas sous les rares pierres dressées.Ils regardèrent le ciel.Le soleil brillait.Mais sans angle.Comme s’il éclairait tout sans distinction.Et au loin, un village.Il était fait de maisons rondes, basses, sans toit pointu.Des couleurs ocres, effacées par le temps.Les habitants vaquaient.Pas de cris.Pas de musique.Pas de gestes inutiles.Mais un rythme doux.Calé sur une horloge que les enfants ne connaissaient pas.Ils entrèrent dans le village.P
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