AnibalLes rues sont plus animées, bien que la nuit soit tombée. Les lumières tamisées des réverbères projettent des ombres longues sur les trottoirs, et le bourdonnement des voitures qui passent donne un air de normalité à ce qui est devenu un jeu de cache-cache pour Claire et moi. Nous avançons à un rythme soutenu, mais discret, traversant des ruelles étroites et contournant les coins de rues de manière à ne jamais nous retrouver dans une situation où nous serions pris de plein fouet par quelqu'un qui pourrait nous chercher.Je scrute sans cesse les environs. Mais ce soir, une sensation étrange s'est installée en moi, un frisson d'inquiétude qui ne me quitte plus. Peut-être est-ce l'incertitude de la situation, ou peut-être la fatigue accumulée, mais quelque chose ne tourne pas rond. Claire, elle aussi, semble plus nerveuse que d'habitude. Elle jette des regards furtifs autour d’elle, comme si elle avait une intuition similaire.Nous nous dirigeons vers un quartier plus éloigné du c
Par AnibalLe temps semble s'étirer, presque intenable, tandis que Claire et moi nous retrouvons dans l'appartement de Luca. L'endroit est à la fois un abri et une prison. Les murs, chargés de souvenirs et de non-dits, semblent nous oppresser à chaque respiration. Luca, après avoir échangé quelques mots avec nous, disparaît dans une autre pièce, nous laissant un instant de répit. Mais même dans ce silence, l'angoisse de la situation reste palpable.Claire se tient près de la fenêtre, son regard ancré dans les rues en contrebas. Rien de particulier n'attire son attention, mais je sais que ce qu'elle scrute n'est pas ce qui se passe autour d'elle, mais ce qui pourrait bientôt arriver. Elle est distante, comme si elle cherchait à échapper à la réalité, mais il n'y a pas de fuite possible. Pas cette fois.Je brise le silence, incertain de ce qu'il me reste à dire. "Ça va ?"Elle me lance un regard furtif avant de détourner les yeux. Un sourire rapide, à peine un éclat d'espoir. "Ça va… ma
Par AnibalLa voix de Miller résonne dans l’obscurité de l’entrepôt comme un écho menaçant, un rappel brutal que la fuite n’est plus une option. Mon cœur se serre dans ma poitrine, un frisson glacé me parcourant l’échine. Ce moment était inévitable. Bien que je l’aie anticipé, l’adrénaline ne fait que rendre l’instant plus intense. Nous ne sommes plus seuls. La traque que j’ai si longtemps fuie est désormais arrivée à son apogée.Luca, qui se tient près de la porte arrière, fait un mouvement pour la fermer, mais je l’arrête d’un geste brusque. Je sais que tout est joué. "Trop tard pour ça", murmure-je, l’air grave. "Miller sait exactement où nous sommes."Claire, à quelques pas, s’adosse contre le mur, ses yeux scrutant chaque recoin, chaque ombre mouvante dans l’entrepôt. La tension dans l’air est palpable. Elle sent cette même pression montante, celle qui naît lorsqu’on réalise que le jeu ne peut plus être gagné par la fuite. Il faut agir."On ne peut pas attendre", dit-elle, la voi
AnibalMiller esquisse un sourire étouffé par le froid. "Le choix, Anibal", dit-il lentement, comme s’il savourait chaque mot. "Le choix de vivre… ou de mourir."Je sens la tension se tendre encore davantage, mon esprit faisant le tour des alternatives possibles. Il n’y a plus de place pour les demi-mesures. Je dois choisir.Claire s’avance légèrement, défiant Miller du regard. "Tu crois que tu as le pouvoir de nous faire peur ? Tu te trompes, Miller. C’est toi qui es piégé."Mais Miller ne bouge pas, se contentant de nous observer, ses yeux brillants d’une lueur glacialement calculée.Je sais que je n’ai plus beaucoup de temps. Tout est en jeu maintenant. Le choix que je vais faire décidera de notre avenir… ou de notre fin.Le silence qui suit la déclaration de Miller est lourd, presque suffocant. L’ombre de ce dernier se découpe devant nous, comme un prédateur attendant que sa proie se dévoile. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine, mais il n’est pas question de céder à la peu
Pensé par AnibalLe tunnel s’étend devant nous, sombre et étroit, presque oppressant. Chaque pas résonne dans l’obscurité, brisé uniquement par notre respiration haletante et l’écho lointain de la voix menaçante de Miller. Je ne me retourne pas. Je sais que, quoi qu’il arrive, nous ne devons pas perdre de temps. Chaque seconde compte désormais.Nous avançons rapidement, courant presque, nos pieds se heurtant contre les pierres irrégulières du sol. Le tunnel semble ne jamais vouloir finir, une ligne droite qui s’enfonce profondément sous terre. La lumière des torches tremble, projetant des ombres sur les murs humides, mais cela n’empêche pas la tension de s’accroître à chaque instant qui passe."On va où exactement ?" demande Luca, sa voix brisée par l’essoufflement. "Ce tunnel peut nous mener n’importe où…"Je ne réponds pas immédiatement. Il a raison. Personne ne sait où ce tunnel mène, mais il n’y a pas d’autre choix. C’est la seule issue qu’on ait, et notre seule chance de nous éch
Pensée d'AnibalLe cercle se resserre autour de nous, les mercenaires de Miller avançant méthodiquement, leurs fusils pointés droit sur moi, Claire et Luca. L’atmosphère est électrique, chaque instant s’étirant en une éternité. Mes battements de cœur résonnent dans mes oreilles, mais je ne laisse rien paraître. J’ai survécu à ce genre de situations, je sais comment manipuler le chaos. Mais cette fois, il n’y a plus d’issue évidente, aucun plan infaillible à déployer. Je me trouve à la croisée des chemins, avec l’envie de me battre mais aussi le poids de la réalité qui m’écrase."Je vois que vous ne comprenez toujours pas." Miller s’avance lentement, ses pas résonnant lourdement sur le sol. "Vous êtes pris au piège. Il n’y a plus de fuite. Plus d’échappatoire. Ce qui arrive maintenant dépend de vous. Mais il est trop tard pour faire marche arrière."Je ne bouge pas. Mes yeux, calmes et calculateurs, se posent sur lui. Je sais qu’il faut riposter, mais comment ? Miller a tout anticipé.
Par AnibalLe tunnel continue de s’étirer devant moi, sombre et silencieux. Je ne ralentis pas, malgré la fatigue qui commence à peser sur mes jambes. Je sens les battements de mon cœur, l’adrénaline qui pulse dans mes veines, mais je sais qu’il n’est pas question de m’arrêter. Pas maintenant. Nous sommes encore loin d’être en sécurité, et chaque seconde compte.Claire et Luca suivent de près. Je peux sentir la tension qui les lie, mais aucune parole n’est nécessaire. Nous n’avons qu’une priorité : échapper à Miller et à ses hommes. L’unité de notre petit groupe est la seule chose qui nous maintient debout à cet instant précis.Le tunnel s’élargit lentement à mesure que nous nous enfonçons plus profondément sous terre. L’air devient plus humide et l’odeur de la terre et de la moisissure envahit mes narines. Chaque virage nous éloigne un peu plus de l’extérieur. Je sais qu’on doit continuer, mais je n’ai aucune idée de la direction exacte ni même de la fin de ce labyrinthe. Ce tunnel s
AnibalJe sens la douleur dans mes muscles, mais je la chasse de mon esprit. L’homme blessé marche à mes côtés, son visage déformé par la douleur, mais aussi par la terreur qui émane de lui à chaque pas. Je le soutiens du mieux que je peux, mais chaque mouvement me rappelle à quel point la situation est urgente. Les bruits de Miller et de ses hommes semblent s’estomper, mais la peur, elle, est bien là, tapis dans l’obscurité de mon esprit. Elle ne me lâche pas."On doit avancer plus vite", murmure Claire près de moi, ses yeux rivés sur chaque recoin du tunnel. Je hoche la tête, plus concentré que jamais. "Nous n’avons pas beaucoup de temps. Si Miller est vraiment aussi près qu’il le laisse entendre, il ne nous faudra pas longtemps pour nous retrouver."Claire, toujours aussi déterminée, répond sans hésiter. "On fait vite, mais on ne peut pas laisser cet homme ici. S’il a des informations sur Miller, ce pourrait être notre chance."Je sens une ombre de doute flotter dans l’air quand Lu
AnnibalLa porte claque doucement derrière nous. Pas de cris. Pas de menace. Pas de guerre. Juste… le silence.Je dépose les clés. Claire retire ses bottes en soupirant. Elle ne dit rien. Mais je la sens trembler, même sous ses vêtements. Je me retourne, la fixe.Elle me regarde, fatiguée, les yeux rouges mais clairs.Elle est belle comme ça.Vraie.Brisée, mais vivante.Et mienne — si elle le veut encore.— Ça fait combien de temps qu’on n’a pas été seuls, Claire ?Elle sourit, à peine.— Trop longtemps. J’avais oublié le son de ton silence.Je m’approche. Elle ne recule pas. Je tends la main et touche son visage. Sa joue est froide. Je veux la réchauffer.— On peut s’arrêter ce soir. Juste pour ce soir. Pas de Luca. Pas de monstres. Pas de souvenirs. Juste toi et moi.Elle ferme les yeux, s’approche, pose son front contre le mien.— Tu crois qu’on mérite ça ? Ce genre de paix ?Je pose mes mains sur sa taille, l’attire contre moi.— Je crois qu’on a traversé assez d’enfer pour mérit
---ClaireIl est là.Je le reconnaîtrais entre mille.Même couvert de sang séché, même amaigri, même l’âme en lambeaux…Annibal reste Annibal.Je cours. Je m’effondre contre lui. Il ne dit rien. Mais ses bras me serrent. Fort.Plus fort que je l’aurais cru possible.Comme si me toucher était la seule chose réelle ici.— Tu m’as retrouvée, je souffle.Il ferme les yeux. Sa main dans mes cheveux.— Je t’ai suivie jusqu’en enfer, Claire. Et ce n’est pas fini.---AnnibalLe monde est brisé. Mais Claire est là.Et tant qu’elle respire, j’ai une raison de continuer.Je ne pose pas de questions. Pas encore.Parce que je vois dans ses yeux les réponses que je redoute.Elle est différente.Quelque chose l’a touchée là-bas. Quelque chose l’a marquée.— Luca est avec toi ? je demande.Elle hoche la tête.— Oui. Mais il change. Il rêve d’elle. Il l’entend.Elle ne prononce pas son nom.Mais je sais de qui elle parle.Sali.Celle qui a volé la lumière de Claire. Celle qui a tenté de m’arracher m
LucaLe sol est stable. L’air est lourd, mais réel.On est de retour.Enfin… presque.Claire tient ma main si fort que je sens mes os craquer.Mais je ne dis rien. Parce qu’elle pleure. Et que je n’ai jamais vu Claire pleurer.— On l’a perdue, je dis.Elle secoue la tête.— Non. Elle s’est perdue. Nous, on s’est retrouvés.Et quand je regarde autour de nous, je sais que ce n’est que le début.Parce que le monde ne nous appartient plus.Mais nous savons où frapper.---ClaireCe n’est pas le monde que j’ai quitté.Les rues sont silencieuses. Les lampadaires crépitent comme des néons malades. L’air sent le métal et la pluie.Mais ce n’est pas ça, le pire.Le pire, c’est le regard des gens.Ils ne nous voient pas vraiment. Comme si nous étions flous, transparents à leurs yeux.Ou peut-être qu’ils ont appris à ne plus voir.Peut-être qu’ils savent… que ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes.Luca titube à mes côtés. On n’a rien dit depuis l’apparition. Rien depuis le départ de Sali.O
ClaireLe sol n’est plus le même.Depuis que j’ai franchi cette rue — la rue, celle que personne n’ose nommer —, tout semble suspendu. Le vent ne bouge plus les feuilles. Les lampadaires ne font plus d’ombre.Je sens la trace de Luca. Une chaleur qui palpite encore sur le bitume, comme un cœur qui ne veut pas cesser de battre.Je le suis.Mais plus j’avance, plus je me perds.Mes souvenirs deviennent brumeux. Le nom de ma mère m’échappe. La couleur de mes yeux me fuit.Je me raccroche à une seule chose : Sali.Si je la retrouve, je retrouve Luca. Et peut-être… peut-être que je me retrouve moi-même.SaliElle est là.Elle marche dans mon sillage sans même comprendre.Je l’ai rêvée mille fois, Claire. Je l’ai vue tomber, se relever, tomber encore. Toujours humaine. Toujours trop humaine.Mais maintenant, elle est presque prête.Je tends les doigts, à travers la membrane qui sépare nos mondes. Je touche son esprit. Juste un peu.Elle tremble. Elle résiste.Elle est parfaite.Mais elle ne
ClaireTrois jours.Trois jours sans Anibal. Trois jours sans Serge. Trois jours que le bunker est devenu un tombeau muet, sans porte, sans écho. Et pourtant, parfois, la nuit, je crois entendre une voix murmurer mon prénom.Je reste assise sur le seuil du monde. Là où l’herbe recommence à pousser, là où le vent sent encore un peu la vie. Luca dort la plupart du temps. Quand il se réveille, il parle peu. Il a vu quelque chose là-bas, quelque chose qu’il refuse de mettre en mots.Et moi… moi, je tiens. Je veille. Parce que quelqu’un doit le faire.LucaJe ne rêve plus. Ou peut-être que je ne me réveille plus.Depuis que Claire m’a tiré hors de ce trou béant, je flotte entre deux états. Comme si mon corps était resté là-bas, avec Serge. Comme si mon esprit était resté accroché aux derniers mots d’Anibal.Il a murmuré assez. Mais est-ce que ça a compris ce qu’il voulait dire ?Claire me parle parfois. Elle me raconte des souvenirs, de l’avant. Des rires, des nuits étoilées, des bières tr
ClaireQuand je retrouve Anibal, il a le regard vide, les mains tremblantes.— Elles sont là, je dis.Il hoche lentement la tête.— Je sais.On rejoint Luca et Serge dans ce même café où tout avait basculé. Mais cette fois, personne ne fait semblant.Serge a les yeux injectés de sang, Luca tremble comme une feuille. Et moi… j’ai mal. Une douleur sourde au creux du ventre, comme si quelque chose me rongeait de l’intérieur.Anibal prend la parole, froid, déterminé.— On doit retourner là-bas.— Tu es malade, je murmure.— Non. On les a laissées passer. Elles ont franchi la faille. Ce monde… elles veulent le dévorer. Il faut refermer la porte.— Mais on ne sait même pas comment elle s’est ouverte !— Si, dit Serge. C’est nous.Un silence. Puis Claire comprend. Elle se lève lentement, les larmes aux yeux.— On l’a ouverte. En survivant.---LucaOn rentre chez nous cette nuit-là, mais quelque chose a changé. Les murs grincent comme des bêtes blessées. Les ombres bougent quand on ne regard
AnibalIl y a des soirs où tout semble basculer. Où l’air devient trop lourd, trop dense. Où chaque silhouette croisée dans la rue paraît familière, comme un souvenir lointain qui refuserait de mourir. Ce soir est l’un de ces soirs.Je marche seul dans les ruelles du quartier, les mains dans les poches, incapable de rester enfermé plus longtemps. Trop de silences. Trop de souvenirs coincés entre les murs. La pluie s’est remise à tomber, fine, persistante. Elle trace des lignes tremblantes sur le bitume, comme si le monde lui-même était en train de fondre doucement.Depuis notre retour, je ne me reconnais plus. Mes gestes sont mécaniques. Je souris quand il faut sourire. Je parle quand on me parle. Mais à l’intérieur, c’est le chaos. Il y a quelque chose d’inachevé. Comme une porte qu’on aurait refermée trop vite, sans vérifier ce qu’on laissait de l’autre côté.Je m’arrête devant un vieux kiosque fermé, les néons clignotants d’un bar éclairant la vitrine poussiéreuse. Dans le reflet,
AnibalLe retour à la réalité est brutal. Une sensation de vertige me secoue tandis que je sens enfin un sol familier sous mes pieds. L’air est plus dense, plus frais, chargé d’odeurs que je reconnais : celles de la ville, du bitume mouillé, de la vie normale. J’ouvre les yeux avec prudence, craignant un instant d’être encore prisonnier de l’autre monde.Mais non. Nous sommes bien là.Autour de moi, Claire, Luca et Serge reprennent lentement leurs esprits. On est tous sonnés, comme si on venait de vivre un rêve trop réel. Le silence qui nous entoure est presque irréel après tout ce que nous avons traversé. Plus de voix mystérieuses, plus de lieux étranges défiant la logique. Juste le bruit lointain des voitures, le clapotis d’une flaque sous une goutte de pluie, un chien qui aboie au loin.Claire se redresse d’un mouvement raide, ses yeux balayant les environs avec nervosité. "C’est bien… chez nous ?"Je hoche lentement la tête. "Oui. Je crois."Luca se passe une main sur le visage, c
AnibalL’espace autour de nous se tord et se plie sous une force invisible. Nous sommes prisonniers d’un monde qui ne nous appartient pas, un entre-deux où le temps lui-même semble hésitant. Depuis des jours – ou peut-être des semaines – nous errons dans ce royaume de brume et d’ombres, cherchant une issue qui semble toujours se dérober sous nos pas.Nous avons traversé des ruines hantées par des murmures indistincts, franchi des ponts suspendus au-dessus de gouffres sans fond, et marché sous des cieux où flottent des étoiles mortes. Partout où nous allons, ce monde cherche à nous garder en lui, nous séduisant par des visions de puissance et de liberté. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous voulons rentrer.Claire est la plus affectée par ces illusions. Parfois, elle s’arrête en plein milieu du chemin, ses yeux vides, fascinée par une scène que nous ne pouvons voir. Des fragments de son passé, ou peut-être du futur. Luca et Serge doivent la secouer pour la ramener à la réalité.Moi, je