ClaraJe suis vide.Non… pas vide.Déchirée.Je voudrais que la paix revienne. Que ce frisson d’angoisse, ce trouble insensé, disparaissent. Mais mes paupières se ferment et, dans l’obscurité de mon esprit, ce n’est pas le Christ que je vois.C’est lui.Ses yeux brûlants. Ses doigts effleurant mon poignet. Son souffle troublant l’espace entre nous.Je secoue la tête violemment.— Seigneur, pardonne-moi…Mais même ma voix sonne faux.J’entends soudain des pas dans le couloir. L’écho résonne, lent, assuré.Quelqu’un approche.Je retiens mon souffle.La porte s’ouvre sans frapper.— Sœur Clara.Mère Madeleine me fixe avec ses yeux perçants, son regard furetant sur mon visage, comme si elle pouvait y lire mon péché.— Oui, ma Mère ?— Il y a… un problème.Une tension inhabituelle dans sa voix. Je me lève immédiatement.— Que se passe-t-il ?Elle détourne le regard.— Un homme est arrivé à l’hospice, blessé. On l’a trouvé dans une ruelle, inconscient.Mon cœur rate un battement.— Qui est-
ClaraL’église est vide à cette heure.Le silence y est différent. Pas celui, oppressant, des ruelles plongées dans l’obscurité, où chaque bruit peut annoncer un danger. Ici, c’est un silence pesant, chargé de questions que je ne veux pas affronter.Je me tiens devant l’autel, les doigts crispés sur le bois du banc.Je devrais prier.Je devrais demander de l’aide.Mais aucun mot ne me vient.À la place, ce sont ses yeux qui me hantent. Son souffle court. La chaleur de sa main frôlant mon poignet.Raphaël.Je serre les dents, secouant la tête pour chasser cette pensée.J’ai cru, naïvement, que je pourrais l’approcher sans me brûler. Que je pourrais lui tendre la main sans risquer d’être happée par son monde.Mais il y a quelque chose en lui… quelque chose que je ne comprends pas encore.Quelque chose qui me trouble.Je ferme les yeux.— Mon Dieu, aidez-moi…Mais la réponse ne vient pas.Seul le vent fait vibrer les vitraux, projetant des ombres colorées sur le sol de pierre.Un bruit d
ClaraL’écho des coups résonne encore dans ma tête.Le silence de la ruelle est oppressant, comme si l’air lui-même retenait son souffle après la tempête. Raphaël est devant moi, une ombre imposante, son poing ensanglanté pendant à son côté. L’odeur du sang, du cuir et de la nuit flotte entre nous.Il a frappé pour moi.La violence a éclaté si vite que je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Mais maintenant que tout est fini, un frisson me parcourt. Pas à cause des hommes à terre, non.À cause de lui.Parce qu’il n’a pas hésité.Parce qu’il s’est battu avec une aisance troublante.Et parce que je ne peux détacher mes yeux de lui.— Tu devrais partir, murmure-t-il, la voix rauque.Je devrais.Mais je ne bouge pas.Mon regard se pose sur son poing blessé. Du sang perle lentement sur sa peau, s’écoule le long de ses doigts. Sans réfléchir, je tends la main et saisis la sienne.Il se fige.— Clara…Son avertissement est un souffle.Je ne l’écoute pas.Avec une douceur que je ne me savais pa
ClaraLa nuit est longue.Trop longue.Je tourne et me retourne dans mon lit, incapable de chasser son image de mon esprit.Raphaël.Sa présence hante chaque recoin de ma mémoire, chaque battement de mon cœur.Pourquoi est-ce lui qui me trouble autant ? Pourquoi est-ce lui qui fait vaciller toutes mes certitudes ?Je devrais le fuir.Je devrais lui fermer ma porte, mon esprit, mon cœur.Mais je sais déjà que je n'en suis pas capable.Lui non plus.Parce qu'il est revenu.Je le sens avant même de le voir.L'air change. Une tension presque palpable s'infiltre dans la pièce.Quand j'ouvre les yeux, il est là, dans l'ombre, appuyé contre le chambranle de la porte.— Tu dors mal, murmure-t-il.Je me redresse, le souffle court.— Qu'est-ce que tu fais ici ?Son regard est insondable.— Je ne sais pas.Un silence.Il entre lentement, referme la porte derrière lui.— Dis-moi de partir, Clara.Sa voix est rauque, empreinte de quelque chose de dangereux.Mais je ne dis rien.Il s'approche, chaq
Clara Ses lèvres se déposent sur mon front, un baiser presque furtif, mais chargé d'une promesse silencieuse.— Tu es en train de perdre le contrôle, Clara, murmure-t-il contre ma peau.Je frissonne.— Non, je n’ai rien perdu, réponds-je d'une voix tremblante, même si je sais qu’il a raison.Il éclate de rire, un son bas et grave, qui résonne comme un écho dans ma tête.— Tu te mens à toi-même. Mais ça va venir. Tu vas le comprendre.Je suis figée, incapable de répondre. Ma respiration s'accélère alors qu'il me serre un peu plus contre lui, son corps contre le mien, comme un gilet de sécurité que je ne peux pas quitter, même si je sais qu'il est dangereux.Il semble sentir la guerre intérieure qui se joue en moi.— C’est bien, Clara, dit-il avec un sourire presque triomphant. C’est bien que tu ne sois pas encore partie.Ses mains glissent lentement dans mes cheveux, sa prise ferme mais douce. Ses doigts effleurent ma nuque, m’arrachant un frisson.— Mais ne crois pas que tu vas pouvo
Clara — Non… Je ne pourrais pas partir. Pas maintenant.Ses lèvres s’étirent en un sourire satisfait. Un sourire que je connais bien, celui qui précède le moment où il sait qu’il a gagné. Il n’a pas besoin de mots pour exprimer sa victoire. Je suis là, devant lui, figée entre la terreur et un désir inexplicable. Un désir que je ne reconnais pas entièrement, mais qui est pourtant indéniable.Il frôle doucement ma joue du bout des doigts, un geste presque imperceptible mais lourd de sens.— Je le savais, dit-il tout bas, comme une déclaration.Le silence s’installe entre nous, un silence lourd, presque suffocant. Mais dans ce silence, il n’y a pas de place pour la fuite. Il n’y a que la vérité crue, celle qui m’effraie, mais qui m’attire tout autant.Je ferme les yeux un instant, essayant de retrouver un peu de contrôle sur mes émotions. Mais c’est futile. Je suis là, dans ses bras, dans son emprise, et tout ce que je ressens, c’est cette vérité brute qui me dévore lentement.— Pourquo
Clara— Pourquoi… Pourquoi me fais-tu ça ? Ma voix tremble, mais je me force à la maintenir ferme, comme si c’était la dernière défense que je pouvais avoir.Il ne répond pas immédiatement. Il prend son temps, comme s’il savourait chaque moment où je suis vulnérable. Et c’est exactement ça. Il le sait. Il sait que je suis vulnérable. Il sait que je suis à sa merci. Et il aime ça.Finalement, il parle, mais ses mots sont lourds de sens, d’un poids que je ne peux pas ignorer.— Parce que tu es la seule à ne pas me fuir. Parce que tu es la seule à me voir pour ce que je suis, même si ça te terrifie.Son souffle chaud caresse ma peau alors qu’il se penche encore plus près. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, chaque mouvement qu’il fait me plongeant un peu plus dans cet état d’hypnose. Ses mains effleurent mes bras, glissent le long de ma taille, comme une promesse silencieuse.— Tu m’as trouvé, Clara, dit-il d’une voix basse, comme une confession. Et maintenant, il n’y a plus
ClaraJe me force à ouvrir les yeux, cherchant une issue, un moyen de revenir à la réalité. Mais il n'y a rien. Seulement lui, avec son regard lourd de promesses et de menaces.Il prend doucement ma main, la plaçant contre son cœur. Ses doigts s’entrelacent avec les miens, et je sens une chaleur intense, presque brûlante, s’emparer de moi. Il n’a pas besoin de mots. Son geste seul est un défi, une question non posée, mais qui flotte dans l’air.— Tu sais ce que tu dois faire, Clara. Et tu sais que tu ne veux pas partir.Je n’arrive pas à répondre immédiatement. Ses mots m’enserrent, m’enferment dans cette réalité qui m’échappe. Comment peut-il avoir raison ? Comment peut-il savoir ce que je ressens mieux que moi-même ? Mais plus je me force à réfléchir, plus il devient évident que ce lien entre nous est bien plus fort que tout ce que j’ai jamais connu.Je le regarde dans les yeux, cherchant à déceler une once de mensonge, une faille dans son masque de perfection. Mais il n’y en a pas.
ClaraLes heures passent et le silence lourd de la pièce me pèse comme une chape de plomb. Je suis figée, mes mains tremblent légèrement alors que je les serre autour de ma robe. Je pourrais m’échapper, je pourrais encore fuir. Mais chaque mouvement, chaque tentative de fuite semble une illusion, comme si mes pieds étaient enchaînés à ce sol, à cet endroit. À lui.Raphaël n’a pas bougé. Il m’observe toujours, une lueur étrange dans le regard, comme s’il attendait quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. Il sait que quelque chose a changé en moi. Il le sent, comme s’il pouvait voir les fissures se former dans l’armure que j’ai si soigneusement construite autour de mon cœur.Je n’ai plus de réponses. Il a vidé mon esprit de toute certitude, de toute conviction.— Alors, Clara, tu as réfléchi ? Ses mots glissent, doux comme une caresse, mais ils me frappent comme une cloche de fer.Je tourne lentement la tête, mes yeux cherchant quelque chose à quoi m’accrocher. Un détail insignif
ClaraLa tension dans l’air est palpable, une lueur de vérité glaciale qui s’infiltre dans ma peau. Je pourrais reculer, m’échapper encore une fois, m’effondrer dans l’inconnu. Mais je le sais maintenant, profondément, douloureusement. Il n’y a plus de retour en arrière.La lumière de la pièce vacille légèrement, jetant des ombres mouvantes sur les murs. J’entends mon souffle, trop rapide, trop bruyant. Il me regarde, impassible. Raphaël. Son regard me scrute comme si, à chaque seconde, il cherchait à percer les derniers fragments d’âme que je tente de cacher. Il a vu à travers moi, bien avant que je n’en prenne conscience.— Alors ? insiste-t-il, sa voix douce mais tranchante. Qu'est-ce que tu vas faire maintenant, Clara ?Je n’ai pas de réponse. Il n’y a rien à dire, rien à répliquer. Juste le vide. Un vide qui grandit à chaque mot qu’il prononce, un gouffre qui m'aspire. Il a raison. Je l’ai laissé entrer, je l’ai laissé briser chaque barrière, chaque conviction. Et maintenant, tou
ClaraJ’ai envie de hurler, de fuir. De crier, de me libérer de cette emprise invisible qu’il a sur moi. Mais quelque part, au fond de moi, je sais que ce serait vain. Que même si je m’échappe de cette pièce, je ne m’échapperai jamais de lui. De ce qu’il a fait naître en moi.J’ai toujours cru que la liberté était la seule chose qui comptait. Que si je pouvais échapper à tout cela, à ce monde sombre et impitoyable, alors je retrouverais la paix. Mais maintenant, je doute. Et plus ce doute grandit, plus je sens les chaînes se resserrer.Il a raison, Raphaël. Je suis déjà mienne, mais je ne le sais même pas encore. Ou peut-être que je le sais, mais je refuse d’accepter la vérité. Parce que si je l’accepte, alors il n'y a plus de retour en arrière. Il n'y a plus d'issue.Je me lève, mes jambes tremblantes, mes pensées enragées. J’ai besoin de faire quelque chose. De lutter contre ce que je ressens. De me prouver à moi-même que je ne suis pas ce qu’il pense. Mais chaque mouvement est un r
ClaraJe suis encore là, à le regarder. À le subir.Il sait. Il a toujours su.Je n’ai jamais été aussi vulnérable qu’en ce moment. Pas parce qu’il est physiquement proche de moi, pas parce que ses mots me touchent, mais parce que je commence à voir en lui quelque chose que je ne voulais pas voir. Un miroir de mes propres peurs, un reflet de mes faiblesses.Ses yeux ne me quittent pas. Il n’a même pas besoin de me toucher pour me marquer. Chaque syllabe qu’il prononce laisse une empreinte indélébile dans mon esprit.Il s’éloigne d’un pas, mais sa présence reste, lourde, écrasante. Je devrais le repousser. Le fuir. Mais la vérité est là, dans l’air entre nous. La vérité que je refuse de regarder.— Tu penses que tu peux encore être libre, Clara, mais tu es déjà mienne, dit-il d’une voix calme, presque douce. Tu t’accroches à des illusions, mais elles sont fragiles. Chaque mouvement que tu fais, chaque pensée que tu as, est dirigé par cette peur. Et la peur, Clara… elle nous contrôle.I
ClaraIl me regarde comme un prédateur, ses yeux pleins de promesses et de menaces. Le silence entre nous est lourd, presque suffocant. Chaque mot qu’il dit, chaque regard qu’il pose sur moi, semble modeler ma réalité, comme s’il m’imprégnait de son essence, lentement, méthodiquement. Je devrais fuir. Je devrais le repousser, me battre contre lui et tout ce qu’il représente. Mais il y a quelque chose dans cette tension, dans cette lutte silencieuse, qui me retient. Un défi silencieux, un duel dans lequel je suis déjà trop engagée.Il fait un pas vers moi, et le bruit de ses bottes sur le sol résonne comme un avertissement. Je me force à respirer, à ne pas céder à la peur qui commence à m’envahir. Chaque fibre de mon corps me crie de partir, mais je n’arrive pas à bouger. Comme une mouche prise dans une toile d’araignée, je suis figée, captive de cet instant.— Tu crois que tu peux résister à tout ça, Clara ? me demande-t-il, sa voix presque douce, presque caressante.Il s’approche enc
ClaraLe monde semble s'effondrer autour de moi. Le vertige me saisit alors que mes pieds restent ancrés dans cette pièce glacée, mais tout en moi veut fuir. Le poids de ses mots, de ses gestes, de son regard, tout cela s’empile, s’étouffe dans ma poitrine. Chaque fibre de mon être me crie de partir, de crier, de lutter. Et pourtant, je suis là, immobile, observant Raphaël comme si j’étais figée dans le temps.— Tu veux savoir ce qui m'effraie vraiment, Raphaël ?Ma voix est faible, tremblante, mais je la laisse s’échapper. Je veux comprendre, je veux savoir jusqu’où il me poussera, jusqu’où je me laisserai aller.Il s'arrête, son regard se faisant plus perçant encore. Il attend. Il attend que je lui offre une bribe de vérité, un fragment de cette douleur qui m'habite. Mais je n’ai rien à lui donner. Pas encore.— Dis-moi, Clara, murmure-t-il, sa voix chaude et calme. Qu'est-ce qui te fait vraiment peur ?Je laisse échapper un rire amer, presque sans vie, et secoue la tête.— C’est to
ClaraJe me tiens là, seule dans cette pièce, les murs se refermant lentement autour de moi. Le silence est oppressant, lourd de significations non dites, de promesses non tenues. Raphaël a disparu dans l’ombre, me laissant avec le chaos de mes pensées, mais aussi avec ce frisson inexplicable qui court sous ma peau.Je sens le besoin de me recentrer, de retrouver un semblant de calme. Mais tout en moi me crie que c’est une illusion. Un piège. Ce que j’ai ressenti tout à l’heure, cette attirance irrésistible, cette folie douce qui m’a engloutie, tout cela n’est pas une simple phase passagère. C’est plus profond. C’est comme une marée qui monte lentement, sans que je puisse y échapper.Les portes se ferment dans ma tête, une à une. Et malgré tout, je me sens attirée. Attirée par lui, par l’obscurité qu’il incarne. Mais est-ce lui qui m'attire, ou bien ce que je suis devenue à ses côtés ? Cette version de moi-même que je n’avais jamais envisagée.Le fracas des voix dans le couloir me tir
ClaraIl ne me laisse pas de place pour respirer, pas de place pour réfléchir. Ses mains glissent sur ma peau avec une assurance déstabilisante, et je ne peux m'empêcher de frissonner à chaque effleurement. Il m'a vue, il m'a décryptée, et maintenant il façonne chaque partie de moi. Ses doigts sont comme des sculptures, taillant en moi de nouvelles formes, des formes que je n’aurais jamais imaginées, que je n'aurais jamais voulu découvrir.Je le sens frémir contre moi, son souffle chaud effleurant ma peau. Il me regarde, son regard aussi sombre que le ciel nocturne, aussi insondable que les abysses eux-mêmes. Mais il n’y a aucune pitié dans ses yeux, aucun doute. Seulement un savoir ancien, une certitude froide et implacable.— Tu es mienne, Clara, dit-il dans un murmure rauque, presque un grondement.Je frissonne, mais pas de peur. C’est autre chose. Un frisson qui traverse mes os, un frisson qui me fait comprendre que je suis loin d’être celle que je croyais être. Ses mots sont une
ClaraIl y a un instant où tout devient clair. Où tout ce que j’ai cherché à fuir, tout ce que j’ai voulu ignorer, se dresse devant moi, sans masque, sans détour. Je pourrais prétendre que j’ai encore le contrôle. Je pourrais encore croire que je peux m’échapper, me dérober à ce qui se passe entre nous, mais je sais, au fond de moi, que ce n’est plus possible.Ses mains sont sur moi, mais ce n'est pas de la violence. Ce n'est pas de la soumission. C'est un mélange des deux, un entre-deux où je ne sais plus qui domine. Chaque mouvement qu'il fait m'emmène un peu plus loin, me fait m’éloigner de ce que je pensais être, de ce que je croyais être capable de faire. C’est une danse macabre, où chacun de ses gestes devient une promesse et un piège.Je veux lui dire quelque chose. Lui dire qu’il n’a pas le droit, que ce n’est pas comme ça, que ce lien est dangereux, mais les mots se perdent sur mes lèvres. Et la vérité, la vérité m’éclate à la figure : je n’ai jamais voulu m’échapper. Parce q