ClaraJe suis toujours là, prise dans cette nuit sans retour.Toujours suspendue à lui.Raphaël ne dit rien. Il me fixe, les pupilles dilatées, la mâchoire contractée. Il est tendu, comme un prédateur au seuil d’un précipice.Et moi, je me tiens au bord, prête à sauter.Mais la peur s’insinue en moi.Pas celle de lui.Celle de moi-même.De ce que je ressens. De ce que je deviens.Lentement, je recule, mes doigts glissant de sa peau comme une dernière caresse involontaire. J’ai besoin d’air, de distance, d’un mur entre lui et moi.Il ne me retient pas.Mais son regard me retient, lui.Je baisse les yeux, incapable de soutenir cette intensité brute.— Je… Je dois rentrer.Ma voix est brisée, à peine un murmure.Il ne répond pas immédiatement.Puis, d’une voix rauque, il lâche :— Cours, alors.Je relève la tête, troublée.— Quoi ?Un sourire sombre étire ses lèvres.— Cours, Clara. Avant qu’il ne soit trop tard.Un frisson me parcourt l’échine.Je devrais l’écouter.Je devrais partir, c
ClaraJe suis vide.Non… pas vide.Déchirée.Je voudrais que la paix revienne. Que ce frisson d’angoisse, ce trouble insensé, disparaissent. Mais mes paupières se ferment et, dans l’obscurité de mon esprit, ce n’est pas le Christ que je vois.C’est lui.Ses yeux brûlants. Ses doigts effleurant mon poignet. Son souffle troublant l’espace entre nous.Je secoue la tête violemment.— Seigneur, pardonne-moi…Mais même ma voix sonne faux.J’entends soudain des pas dans le couloir. L’écho résonne, lent, assuré.Quelqu’un approche.Je retiens mon souffle.La porte s’ouvre sans frapper.— Sœur Clara.Mère Madeleine me fixe avec ses yeux perçants, son regard furetant sur mon visage, comme si elle pouvait y lire mon péché.— Oui, ma Mère ?— Il y a… un problème.Une tension inhabituelle dans sa voix. Je me lève immédiatement.— Que se passe-t-il ?Elle détourne le regard.— Un homme est arrivé à l’hospice, blessé. On l’a trouvé dans une ruelle, inconscient.Mon cœur rate un battement.— Qui est-
ClaraL’église est vide à cette heure.Le silence y est différent. Pas celui, oppressant, des ruelles plongées dans l’obscurité, où chaque bruit peut annoncer un danger. Ici, c’est un silence pesant, chargé de questions que je ne veux pas affronter.Je me tiens devant l’autel, les doigts crispés sur le bois du banc.Je devrais prier.Je devrais demander de l’aide.Mais aucun mot ne me vient.À la place, ce sont ses yeux qui me hantent. Son souffle court. La chaleur de sa main frôlant mon poignet.Raphaël.Je serre les dents, secouant la tête pour chasser cette pensée.J’ai cru, naïvement, que je pourrais l’approcher sans me brûler. Que je pourrais lui tendre la main sans risquer d’être happée par son monde.Mais il y a quelque chose en lui… quelque chose que je ne comprends pas encore.Quelque chose qui me trouble.Je ferme les yeux.— Mon Dieu, aidez-moi…Mais la réponse ne vient pas.Seul le vent fait vibrer les vitraux, projetant des ombres colorées sur le sol de pierre.Un bruit d
ClaraL’écho des coups résonne encore dans ma tête.Le silence de la ruelle est oppressant, comme si l’air lui-même retenait son souffle après la tempête. Raphaël est devant moi, une ombre imposante, son poing ensanglanté pendant à son côté. L’odeur du sang, du cuir et de la nuit flotte entre nous.Il a frappé pour moi.La violence a éclaté si vite que je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Mais maintenant que tout est fini, un frisson me parcourt. Pas à cause des hommes à terre, non.À cause de lui.Parce qu’il n’a pas hésité.Parce qu’il s’est battu avec une aisance troublante.Et parce que je ne peux détacher mes yeux de lui.— Tu devrais partir, murmure-t-il, la voix rauque.Je devrais.Mais je ne bouge pas.Mon regard se pose sur son poing blessé. Du sang perle lentement sur sa peau, s’écoule le long de ses doigts. Sans réfléchir, je tends la main et saisis la sienne.Il se fige.— Clara…Son avertissement est un souffle.Je ne l’écoute pas.Avec une douceur que je ne me savais pa
ClaraLa nuit est longue.Trop longue.Je tourne et me retourne dans mon lit, incapable de chasser son image de mon esprit.Raphaël.Sa présence hante chaque recoin de ma mémoire, chaque battement de mon cœur.Pourquoi est-ce lui qui me trouble autant ? Pourquoi est-ce lui qui fait vaciller toutes mes certitudes ?Je devrais le fuir.Je devrais lui fermer ma porte, mon esprit, mon cœur.Mais je sais déjà que je n'en suis pas capable.Lui non plus.Parce qu'il est revenu.Je le sens avant même de le voir.L'air change. Une tension presque palpable s'infiltre dans la pièce.Quand j'ouvre les yeux, il est là, dans l'ombre, appuyé contre le chambranle de la porte.— Tu dors mal, murmure-t-il.Je me redresse, le souffle court.— Qu'est-ce que tu fais ici ?Son regard est insondable.— Je ne sais pas.Un silence.Il entre lentement, referme la porte derrière lui.— Dis-moi de partir, Clara.Sa voix est rauque, empreinte de quelque chose de dangereux.Mais je ne dis rien.Il s'approche, chaq
Clara Ses lèvres se déposent sur mon front, un baiser presque furtif, mais chargé d'une promesse silencieuse.— Tu es en train de perdre le contrôle, Clara, murmure-t-il contre ma peau.Je frissonne.— Non, je n’ai rien perdu, réponds-je d'une voix tremblante, même si je sais qu’il a raison.Il éclate de rire, un son bas et grave, qui résonne comme un écho dans ma tête.— Tu te mens à toi-même. Mais ça va venir. Tu vas le comprendre.Je suis figée, incapable de répondre. Ma respiration s'accélère alors qu'il me serre un peu plus contre lui, son corps contre le mien, comme un gilet de sécurité que je ne peux pas quitter, même si je sais qu'il est dangereux.Il semble sentir la guerre intérieure qui se joue en moi.— C’est bien, Clara, dit-il avec un sourire presque triomphant. C’est bien que tu ne sois pas encore partie.Ses mains glissent lentement dans mes cheveux, sa prise ferme mais douce. Ses doigts effleurent ma nuque, m’arrachant un frisson.— Mais ne crois pas que tu vas pouvo
Clara — Non… Je ne pourrais pas partir. Pas maintenant.Ses lèvres s’étirent en un sourire satisfait. Un sourire que je connais bien, celui qui précède le moment où il sait qu’il a gagné. Il n’a pas besoin de mots pour exprimer sa victoire. Je suis là, devant lui, figée entre la terreur et un désir inexplicable. Un désir que je ne reconnais pas entièrement, mais qui est pourtant indéniable.Il frôle doucement ma joue du bout des doigts, un geste presque imperceptible mais lourd de sens.— Je le savais, dit-il tout bas, comme une déclaration.Le silence s’installe entre nous, un silence lourd, presque suffocant. Mais dans ce silence, il n’y a pas de place pour la fuite. Il n’y a que la vérité crue, celle qui m’effraie, mais qui m’attire tout autant.Je ferme les yeux un instant, essayant de retrouver un peu de contrôle sur mes émotions. Mais c’est futile. Je suis là, dans ses bras, dans son emprise, et tout ce que je ressens, c’est cette vérité brute qui me dévore lentement.— Pourquo
Clara— Pourquoi… Pourquoi me fais-tu ça ? Ma voix tremble, mais je me force à la maintenir ferme, comme si c’était la dernière défense que je pouvais avoir.Il ne répond pas immédiatement. Il prend son temps, comme s’il savourait chaque moment où je suis vulnérable. Et c’est exactement ça. Il le sait. Il sait que je suis vulnérable. Il sait que je suis à sa merci. Et il aime ça.Finalement, il parle, mais ses mots sont lourds de sens, d’un poids que je ne peux pas ignorer.— Parce que tu es la seule à ne pas me fuir. Parce que tu es la seule à me voir pour ce que je suis, même si ça te terrifie.Son souffle chaud caresse ma peau alors qu’il se penche encore plus près. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, chaque mouvement qu’il fait me plongeant un peu plus dans cet état d’hypnose. Ses mains effleurent mes bras, glissent le long de ma taille, comme une promesse silencieuse.— Tu m’as trouvé, Clara, dit-il d’une voix basse, comme une confession. Et maintenant, il n’y a plus
ClaraL’odeur de l’humidité s’accroche à l’air, comme une promesse silencieuse d’un avenir sombre. La pièce est silencieuse, plongée dans une lueur pâle, presque spectrale. Le temps semble s’être arrêté. Mais l’ombre de Raphaël, tout autour de moi, continue d’étouffer l’espace.Il me regarde, un sourire amusé flottant sur ses lèvres. J’ai l’impression que chaque geste qu’il fait, chaque mot qu’il prononce, est calculé pour me déstabiliser davantage. Il veut voir combien de temps je vais tenir, combien de temps je vais résister avant de me briser complètement sous son emprise.Je déteste la façon dont il me dévore du regard. Je déteste la façon dont il semble comprendre tout ce que je cache en moi, tous ces recoins sombres que je n’ose même pas explorer. Il sait. Il sait que j’ai toujours eu peur de ce que je pourrais devenir si je me laissais aller. Et il attend. Il attend le moment où je vais cesser de lutter, où je vais m’effondrer devant lui, perdue dans ce tourbillon qu’il a créé.
Clara— Bienvenue dans ton enfer, Clara. Le plus grand piège que tu te sois tendu. Et le seul moyen d’en sortir, c’est de l’accepter.Je laisse échapper un souffle tremblant, mes lèvres se fermant sur le nom qu’il prononce. Et je sais que tout est fini. Ce n’est pas une fin brutale. C’est une acceptation, une soumission, un regard dans un abîme dont il n’y a plus de retour. Et moi, j’y tombe.La sensation d’être piégée me dévore de l’intérieur. C’est comme si tout le poids de l’univers reposait sur mes épaules, mais que le sol sous mes pieds se dérobait peu à peu. J’ai cru pendant un moment que je pouvais encore lutter, que je pourrais m’échapper de cet abîme que Raphaël m’a tendu. Mais maintenant, je le sais : la seule chose qui me reste est l’acceptation.Ses bras autour de moi sont à la fois réconfortants et écrasants. Un paradoxe qui fait écho à la tempête qui fait rage dans mon esprit. Il me tient fermement, mais c’est comme si c’était moi qui m’étais enchaînée à lui. Ses mots ré
ClaraLes heures passent et le silence lourd de la pièce me pèse comme une chape de plomb. Je suis figée, mes mains tremblent légèrement alors que je les serre autour de ma robe. Je pourrais m’échapper, je pourrais encore fuir. Mais chaque mouvement, chaque tentative de fuite semble une illusion, comme si mes pieds étaient enchaînés à ce sol, à cet endroit. À lui.Raphaël n’a pas bougé. Il m’observe toujours, une lueur étrange dans le regard, comme s’il attendait quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. Il sait que quelque chose a changé en moi. Il le sent, comme s’il pouvait voir les fissures se former dans l’armure que j’ai si soigneusement construite autour de mon cœur.Je n’ai plus de réponses. Il a vidé mon esprit de toute certitude, de toute conviction.— Alors, Clara, tu as réfléchi ? Ses mots glissent, doux comme une caresse, mais ils me frappent comme une cloche de fer.Je tourne lentement la tête, mes yeux cherchant quelque chose à quoi m’accrocher. Un détail insignif
ClaraLa tension dans l’air est palpable, une lueur de vérité glaciale qui s’infiltre dans ma peau. Je pourrais reculer, m’échapper encore une fois, m’effondrer dans l’inconnu. Mais je le sais maintenant, profondément, douloureusement. Il n’y a plus de retour en arrière.La lumière de la pièce vacille légèrement, jetant des ombres mouvantes sur les murs. J’entends mon souffle, trop rapide, trop bruyant. Il me regarde, impassible. Raphaël. Son regard me scrute comme si, à chaque seconde, il cherchait à percer les derniers fragments d’âme que je tente de cacher. Il a vu à travers moi, bien avant que je n’en prenne conscience.— Alors ? insiste-t-il, sa voix douce mais tranchante. Qu'est-ce que tu vas faire maintenant, Clara ?Je n’ai pas de réponse. Il n’y a rien à dire, rien à répliquer. Juste le vide. Un vide qui grandit à chaque mot qu’il prononce, un gouffre qui m'aspire. Il a raison. Je l’ai laissé entrer, je l’ai laissé briser chaque barrière, chaque conviction. Et maintenant, tou
ClaraJ’ai envie de hurler, de fuir. De crier, de me libérer de cette emprise invisible qu’il a sur moi. Mais quelque part, au fond de moi, je sais que ce serait vain. Que même si je m’échappe de cette pièce, je ne m’échapperai jamais de lui. De ce qu’il a fait naître en moi.J’ai toujours cru que la liberté était la seule chose qui comptait. Que si je pouvais échapper à tout cela, à ce monde sombre et impitoyable, alors je retrouverais la paix. Mais maintenant, je doute. Et plus ce doute grandit, plus je sens les chaînes se resserrer.Il a raison, Raphaël. Je suis déjà mienne, mais je ne le sais même pas encore. Ou peut-être que je le sais, mais je refuse d’accepter la vérité. Parce que si je l’accepte, alors il n'y a plus de retour en arrière. Il n'y a plus d'issue.Je me lève, mes jambes tremblantes, mes pensées enragées. J’ai besoin de faire quelque chose. De lutter contre ce que je ressens. De me prouver à moi-même que je ne suis pas ce qu’il pense. Mais chaque mouvement est un r
ClaraJe suis encore là, à le regarder. À le subir.Il sait. Il a toujours su.Je n’ai jamais été aussi vulnérable qu’en ce moment. Pas parce qu’il est physiquement proche de moi, pas parce que ses mots me touchent, mais parce que je commence à voir en lui quelque chose que je ne voulais pas voir. Un miroir de mes propres peurs, un reflet de mes faiblesses.Ses yeux ne me quittent pas. Il n’a même pas besoin de me toucher pour me marquer. Chaque syllabe qu’il prononce laisse une empreinte indélébile dans mon esprit.Il s’éloigne d’un pas, mais sa présence reste, lourde, écrasante. Je devrais le repousser. Le fuir. Mais la vérité est là, dans l’air entre nous. La vérité que je refuse de regarder.— Tu penses que tu peux encore être libre, Clara, mais tu es déjà mienne, dit-il d’une voix calme, presque douce. Tu t’accroches à des illusions, mais elles sont fragiles. Chaque mouvement que tu fais, chaque pensée que tu as, est dirigé par cette peur. Et la peur, Clara… elle nous contrôle.I
ClaraIl me regarde comme un prédateur, ses yeux pleins de promesses et de menaces. Le silence entre nous est lourd, presque suffocant. Chaque mot qu’il dit, chaque regard qu’il pose sur moi, semble modeler ma réalité, comme s’il m’imprégnait de son essence, lentement, méthodiquement. Je devrais fuir. Je devrais le repousser, me battre contre lui et tout ce qu’il représente. Mais il y a quelque chose dans cette tension, dans cette lutte silencieuse, qui me retient. Un défi silencieux, un duel dans lequel je suis déjà trop engagée.Il fait un pas vers moi, et le bruit de ses bottes sur le sol résonne comme un avertissement. Je me force à respirer, à ne pas céder à la peur qui commence à m’envahir. Chaque fibre de mon corps me crie de partir, mais je n’arrive pas à bouger. Comme une mouche prise dans une toile d’araignée, je suis figée, captive de cet instant.— Tu crois que tu peux résister à tout ça, Clara ? me demande-t-il, sa voix presque douce, presque caressante.Il s’approche enc
ClaraLe monde semble s'effondrer autour de moi. Le vertige me saisit alors que mes pieds restent ancrés dans cette pièce glacée, mais tout en moi veut fuir. Le poids de ses mots, de ses gestes, de son regard, tout cela s’empile, s’étouffe dans ma poitrine. Chaque fibre de mon être me crie de partir, de crier, de lutter. Et pourtant, je suis là, immobile, observant Raphaël comme si j’étais figée dans le temps.— Tu veux savoir ce qui m'effraie vraiment, Raphaël ?Ma voix est faible, tremblante, mais je la laisse s’échapper. Je veux comprendre, je veux savoir jusqu’où il me poussera, jusqu’où je me laisserai aller.Il s'arrête, son regard se faisant plus perçant encore. Il attend. Il attend que je lui offre une bribe de vérité, un fragment de cette douleur qui m'habite. Mais je n’ai rien à lui donner. Pas encore.— Dis-moi, Clara, murmure-t-il, sa voix chaude et calme. Qu'est-ce qui te fait vraiment peur ?Je laisse échapper un rire amer, presque sans vie, et secoue la tête.— C’est to
ClaraJe me tiens là, seule dans cette pièce, les murs se refermant lentement autour de moi. Le silence est oppressant, lourd de significations non dites, de promesses non tenues. Raphaël a disparu dans l’ombre, me laissant avec le chaos de mes pensées, mais aussi avec ce frisson inexplicable qui court sous ma peau.Je sens le besoin de me recentrer, de retrouver un semblant de calme. Mais tout en moi me crie que c’est une illusion. Un piège. Ce que j’ai ressenti tout à l’heure, cette attirance irrésistible, cette folie douce qui m’a engloutie, tout cela n’est pas une simple phase passagère. C’est plus profond. C’est comme une marée qui monte lentement, sans que je puisse y échapper.Les portes se ferment dans ma tête, une à une. Et malgré tout, je me sens attirée. Attirée par lui, par l’obscurité qu’il incarne. Mais est-ce lui qui m'attire, ou bien ce que je suis devenue à ses côtés ? Cette version de moi-même que je n’avais jamais envisagée.Le fracas des voix dans le couloir me tir