Chapitre 5

Point de vue d'Enzo

12 ans plus tôt

« Enzo... ? » Ma mère me réveillait pendant la nuit, des larmes remplissant ses grands yeux bruns et tombant délicatement de ses longs cils sombres.

Je me réveillais en grognant, pour la trouver debout au-dessus de moi.

« Maman ? » demandais-je, la regardant à travers l'obscurité de la nuit. Il faisait froid, nous n'avions pas beaucoup de chauffage dans notre petite maison. Nous n'avions pas assez d'argent pour nous permettre le chauffage, mais ma mère ne nous avait jamais fait sentir que nous étions pauvres. « Qu'est-ce qui ne va pas ? » lui chuchotais-je, ne voulant pas réveiller les autres habitants de la maison.

« Ton père est mort... » disait-elle doucement, sa voix tremblante.

Elle avait peur. Mais de quoi ?

« Il est parti, mon chéri, » répétait-elle.

D'après ce que j'avais entendu de mon père, ce n'était pas un homme bon. Il avait laissé ma mère enceinte, la rejetant et la forçant à vivre dans une autre meute. Elle le qualifiait souvent de monstre.

« Tu es le seul parent vivant... » continuait-elle. « Son Bêta vient te chercher. Tu dois partir avec lui... »

« Quoi ? » demandais-je, en me redressant rapidement dans mon lit, elle me faisait taire en m'enlaçant. « Je sais que c'est soudain. Mais tu dois devenir l'Alpha de Calypso. Je n'ai jamais voulu ça pour toi si tôt, mon bébé. »

Je n'avais aucune idée de ce que cela signifiait de diriger une meute et d'être un Alpha. J'étais sans voix, et je devais admettre, j'étais terrifié. C'était seulement hier que je courais avec mes amis et que je jouais comme un enfant. Demain à cette heure-ci, je serais dans une toute autre meute et agirais en tant que leader.

Rien de tout cela n'avait de sens pour moi.

« Tu viendras avec moi, n'est-ce pas ? » demandais-je, mes mots tremblants.

Elle pleurait plus fort et secouait la tête, me serrant plus fort.

« Je crains de ne pas pouvoir, » me disait-elle d'une voix rauque. « Ma place est ici. Et la tienne est là-bas. Tu vas être un Alpha incroyable, Enzo. Bien meilleur que ton père ne l'a jamais été. Tu vas accomplir des choses incroyables dans ta vie... »

« Je ne peux pas te laisser, » murmurai-je, des larmes remplissant mes propres yeux. Je ne pleurais pas souvent, même à un jeune âge. Mais l'idée de laisser ma mère derrière moi dans ce trou d'enfer me nouait l'estomac.

« Je veux que tu m'écoutes, » chuchotait-elle, prenant mon visage entre ses mains. « Ton père a fait beaucoup de mal dans sa vie. Il a blessé beaucoup de gens. Tu entendras probablement beaucoup de choses sur lui une fois que tu arriveras à Calypso. C'est à cause de lui que les loups comme nous vivent ainsi... parce qu'il voulait tellement qu'il a tout pris à tout le monde. Mais toi, mon cher Enzo, tu peux rétablir les choses et améliorer les choses pour nous tous... »

« Mais comment ? Je n'ai que neuf ans... » disais-je, incapable de cacher l'inquiétude dans ma voix. « Que puis-je faire pour aider ? Pourquoi ne peux-tu pas venir avec moi ? »

« Ton père a rendu les choses trop dangereuses. Il y a ceux qui veulent encore nous faire du mal. Ses partisans sont maintenant dispersés, toujours cachés dans l'ombre. Mais tu peux améliorer les choses. Tu peux les mettre en lumière. Tu peux travailler dur et devenir plus puissant que ton père n'a jamais été. Tu peux protéger ceux qui vivent comme nous... Tu peux utiliser tes pouvoirs pour le bien. »

« Je promets, » murmurais-je en serrant ma mère contre moi. « Je ne te laisserai pas tomber. Quand j'arriverai au sommet, et j'y arriverai, je reviendrai te chercher. Je punirai ceux qui nous ont fait du mal et je ne m'arrêterai pas tant que ce royaume ne sera pas de nouveau en sécurité. Je déferai ce que père a fait. »

« Alpha Enzo ? Vous m'avez entendu ? » La voix de Bastien interrompait le fil de mes pensées. Je jetais un coup d'œil autour de la table de conférence où les autres Alphas du comité étaient réunis.

Ils discutaient du cours de Métamorphose et Combat à l'Académie de Métamorphose d'Higala et de la façon dont le professeur d'origine était mort lors d'une attaque de renégats. Bastien, le chef du comité, s'apprêtait à nommer un nouveau professeur.

Je savais déjà qu'il allait me nommer, il aurait été stupide de ne pas le faire. J'étais l'un des Alphas les plus forts et les meilleurs pour ce poste. À part Bastien, j'étais l'Alpha le plus dur et le plus féroce à arpenter nos terres. Mais j'avais encore un long chemin à parcourir avant de surpasser mon père éloigné qui était mort quand j'avais neuf ans.

« Vous avez besoin que je prenne la relève en tant que professeur, » disais-je en m'appuyant contre le dossier de ma chaise. Ce n'était pas une question, ni une offre.

Bastien regardait les autres qui étaient silencieux depuis longtemps.

« Oui, » répondait Bastien. « Seriez-vous prêt à le faire ? »

Je n'avais pas le choix, j'étais le plus jeune Alpha du comité. Et le plus récent. J'étais encore techniquement en période probatoire, et je ne pouvais pas les refuser si je voulais gravir les échelons.

Cependant, l'idée d'enseigner m'ennuyait. Il était impossible d'apprendre aux étudiants à faire ce que je fais. Sûrement, leur combat amateur allait m'irriter.

Mais tout de même, je hochais la tête.

« Oui, monsieur, » disais-je finalement après un long silence.

« Le conseil des étudiants voudra vous parler. Je leur dirai de vous attendre. »

La réunion se terminait et j'entendais déjà les autres parler de se rendre au pub local plus tard dans la soirée.

« Alpha Enzo, tu vas nous rejoindre pour une fois ? » demandait l'un des Alphas en me frappant dans le dos de l'épaule. « Ou tu vas encore trouver une excuse bidon ? »

« Oui, Enzo. Allez ! C'est vendredi. Amusons-nous. Tu es encore jeune. Vis pendant que tu le peux ! »

La dernière chose que je voulais faire était d'aller au pub avec une bande d'Alphas ivres. Ce que je voulais vraiment faire, c'était rentrer chez moi, lire un livre et me reposer pour la soirée. J'étais épuisé par l'entraînement et les réunions de toute la journée. Je n'ai généralement pas de temps pour moi et quand j'en ai, je n'aime pas le passer avec ceux avec qui je passe toute la journée.

« Je vais passer, » leur dis-je en terminant de ranger mes affaires dans ma mallette. « Peut-être la prochaine fois. »

Je disais toujours « peut-être la prochaine fois » en sachant que je ne le pensais pas. Ils ne discutaient pas pour autant, ils se regardaient avec une moue avant de quitter la salle de conférence.

« Hé Enzo, réveille-toi, » j'entendais Bastien derrière moi, me suivant hors de la porte. Je ralentissais le pas pour qu'il puisse me rattraper. « J'apprécie vraiment que tu prennes ça pour l'équipe. Je sais que l'enseignement n'est pas ton truc, mais je pense que ça pourrait être bon pour toi. »

« J'apprécie l'opportunité, » lui dis-je, et d'une certaine manière, je le pensais. Je pouvais faire mes preuves devant lui et les autres. Je pouvais pratiquer mes compétences et m'améliorer. « Honnêtement, peut-être que ce ne sera pas si mal, » souriais-je.

Bastien rit, me tapant dans le dos.

« Tu pourrais même t'amuser, » me disait-il avec un sourire. « Je ne pouvais pas penser à un meilleur Alpha pour le poste. Je peux déjà dire, tu vas accomplir de grandes choses. Je suis heureux de t'avoir enfin sur le comité. Passe un bon week-end. Le conseil des étudiants t'attendra à l'académie lundi, de bonne heure ! »

J'avais pris les paroles de Bastien à cœur, il croyait que je pouvais faire de grandes choses dans mon futur. Tout comme ma mère le croyait. Je ne voulais décevoir ni l'un ni l'autre. Mais il y avait toujours une partie de moi qui craignait de ne pas faire mieux que mon père.

Ma mère avait raison, dès que je suis devenu l'Alpha de la Meute Calypso, j'ai commencé à entendre des rumeurs sur mon père. Des choses que je n'avais jamais entendues auparavant, des choses que je ne pense même pas que ma mère savait.

Comme le fait que mon père était mort par amour pour une louve Volana. Je n'avais jamais entendu parler d'une louve Volana auparavant et il y avait une partie de moi qui ne croyait pas qu'elles existaient. Autant que je sache, ce n'était qu'un mythe. Mais j'avais entendu cette histoire de différentes sources.

Mon père était tombé amoureux d'une Volana et à cause de cela, il avait perdu la vie. C'était l'amour qui avait rendu le métamorphe le plus puissant de l'univers faible. Je ne savais pas si c'était parce que les Volanas étaient le type de loups le plus puissant au monde, ou à cause de l'amour lui-même. Mais quoi qu'il en soit, j'avais juré de ne jamais permettre que ce qui était arrivé à mon père ne m'arrive.

Ce qui signifiait que j'avais juré de ne jamais tomber amoureux.

Cela compliquait les choses quand j'entrais dans la maison de l'Alpha Bastien, le soir du 18ème anniversaire de sa fille, Lila, et que mon loup était en admiration devant sa beauté.

Son murmure rauque faisait geler tout mon corps et rampait ma peau.

« Je peux la sentir… notre compagne… »

Merde.