CHAPITRE 5

Gabriel était perdu dans ses pensées, adossé au tronc d’un vieux tilleul, au sommet de la colline surplombant le paysage familier en contrebas. La forêt communale de Valmont s’étendait comme un océan de verdure, un havre de paix où la nature, sauvage et préservée, s’épanouissait dans toute sa splendeur. Les sapins, majestueux et anciens, dressaient fièrement leurs cimes vers le ciel assombri de cette fin d’après-midi d’automne. Chaque arbre semblait murmurer des secrets oubliés, des histoires d’un temps révolu, tandis que les ombres du crépuscule enrobait les lieux d’une aura mystérieuse.

Au cœur de cette forêt, le domaine de Sombreval se révélait, tel un secret bien gardé. Cette ancienne ferme en pierre, construite avec soin, se fondait harmonieusement dans le paysage environnant. Les murs épais, partiellement couverts de lierre, racontaient des histoires de générations passées, tandis que les tuiles brunes, usées par les intempéries, ajoutait une touche de mystère à ce lieu empreint d’un charme désuet. Le domaine était un sanctuaire, accessible uniquement par un sentier forestier serpentant à travers les sapins.

Gabriel Fontaine, l’héritier du domaine, avait longtemps vécu loin de Sombreval suite au décès de ses parents. Après avoir parcouru le monde pour surmonter son chagrin, il était finalement revenu vivre dans ce refuge isolé qui l’avait vu grandir. Il avait retrouvé Pierre, le jardinier et homme à tout faire, qui veillait sur les lieux avec une dévotion sans faille. Ensemble, ils avaient relancé l’activité agricole, redonnant vie à ce domaine qui avait connu des jours meilleurs. Béatrice, une amie proche de Gabriel, s’était jointe à eux, apportant une touche de chaleur et de douceur à la vie quotidienne. Ensemble, ils formaient une petite communauté, unis par le travail et le respect de la nature qui les entourait.

Le corps de ferme, vaste et accueillant, était le cœur battant du domaine. La pièce à vivre était décorée de matières naturelles : le bois caractéristique des sapins Douglas et les pierres apparentes racontaient l’histoire du lieu, profondément ancré dans les traditions locales. Les rires et les discussions résonnaient souvent dans cette pièce, où l’odeur des plats mijotés se mêlait à celle des herbes aromatiques, cultivées dans les jardins, séchant en bouquets suspendus aux poutres de la cuisine. Fauteuils et canapés en cuir, judicieusement répartis autour d’une imposante cheminée rustique, formaient un espace chaleureux propice aux confidences, bercées par le crépitement du feu de bois. Les chambres, douillettes et confortables, équipées de salles de bain individuelles, offraient un refuge bienvenu après une longue journée de travail sur le domaine.

À l’extérieur, la forêt de Valmont s’étendait comme un écrin de verdure, créant une atmosphère à la fois apaisante et mystérieuse. Les bruits de la nature, le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles accompagnaient les habitants du lieu dans leur quotidien. Parfois, le hurlement lointain d’un loup rappelait la présence de ce prédateur insaisissable dans les environs.

La forêt était riche en biodiversité. Les sapins dominaient le paysage, mais quelques zones de feuillus apportaient une touche de variété. Les noisetiers, les bouleaux et les érables champêtres se mêlaient aux hêtres, chênes et châtaigniers, créant un écosystème foisonnant. Les animaux, tels que les cerfs, les chevreuils, les sangliers, les renards et les lièvres, faisaient partie intégrante de cet environnement.

Cependant, la forêt de Valmont n’était pas seulement un lieu de beauté ; elle portait également le poids des événements tragiques entourant la disparition de la jeune Alba Voss, cinq ans auparavant. Son nom planait comme une ombre sur les sentiers forestiers, un souvenir douloureux pour les habitants du village. Les rumeurs et les spéculations avaient circulé, alimentant les peurs et les doutes des villageois. La quête de vérité autour de cette disparition continuait de hanter les esprits, et la forêt semblait garder jalousement ses secrets.

Le domaine de Sombreval, avec ses trente-sept hectares de terrain, était l’incarnation d’une cohabitation réussie entre les activités humaines et la nature sauvage. Les prairies réservées à l’élevage des animaux ajoutaient une touche de vie à ce paysage enchanteur. Quelques vaches laitières paissaient tranquillement, tandis qu’un troupeau de brebis gambadaient dans l’herbe verte. Béatrice s’occupait du bétail avec soin, nourrissant une passion pour les races fermières oubliées et délaissées par les grosses exploitations agricoles modernes.

Le domaine était résolument un lieu de production. Pierre s’occupait du maraîchage, cultivant des légumes frais sur un hectare de terre fertile. Les récoltes abondantes témoignaient de l’autosuffisance du domaine. Lucas, le livreur, parcourait les villages environnants pour approvisionner les commerces locaux et les hameaux isolées en produits frais. Chaque semaine, il se rendait au marché d’Ombrepins, pour vendre les fruits du travail de Gabriel et de son équipe.

L’ancien moulin, reconverti pour produire de l’électricité grâce à l’énergie cinétique de la rivière, se dressait tel un témoignage de l’ingéniosité humaine. La roue du moulin tournait au rythme de l’eau, alimentant un générateur qui convertissait l'énergie mécanique en électricité utilisée sur le domaine. Le surplus était stocké dans un réseau de batteries, permettant une relative autonomie énergétique, même pendant les saisons où le débit de la rivière était moins important.

Malgré cette harmonie apparente, une ombre planait sur le domaine. La disparition d'Alba Voss avait laissé une empreinte indélébile sur le village. Alaric, le frère de la disparue, errait jours et nuits dans les bois, à la recherche de réponses. Bien qu’il n’ait aucune preuve tangible, il soupçonnait un lien entre les loups de la forêt et la disparition de sa sœur, pressentant qu’une part de vérité se cachait peut-être derrière les hauts murs et les portes closes de Sombreval.