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Chapitre 4– L’abîme en marche

Auteur: Déesse
last update Dernière mise à jour: 2025-02-25 18:24:38

Raven

L’obscurité nous pourchasse, une bête affamée qui ne lâche jamais sa proie. Nos pas résonnent sur les pavés mouillés, martèlement frénétique dans une ville qui nous trahit à chaque détour. Je serre la main de Naïa, ses doigts brûlants de cette énergie qu’elle ne comprend pas encore. Chaque respiration est un combat, chaque battement de cœur une prière silencieuse.

Une ruelle s’ouvre à notre droite. Je la tire avec moi, nous enfonçant dans l’ombre épaisse. L’odeur de la pluie et de la pierre humide emplit mes narines. Derrière nous, des murmures sifflent, des ombres glissent entre les murs comme des serpents affamés.

— Ils sont trop nombreux, souffle-t-elle.

Je sais.

Naïa

Ma gorge est sèche, mon corps trop léger, vidé par l’énergie que j’ai invoquée. Mais la peur est un fouet qui me pousse en avant. Raven serre ma main si fort que ses ongles s’enfoncent dans ma peau. Il ne veut pas me perdre. Moi non plus.

Un croisement. Une impasse à gauche. Des voix derrière nous, trop proches.

— Là, dis-je sans réfléchir, pointant une porte entrouverte.

Raven ne pose pas de questions. Il m’entraîne à l’intérieur, referme derrière nous. L’obscurité nous engloutit.

Un silence pesant. Nos respirations saccadées, seuls bruits audibles.

Puis… un frisson. Une présence.

Raven

Je le sens avant même qu’il ne parle. Une silhouette se détache des ténèbres, haute, immobile. Ses yeux brillent d’un éclat glacé.

— Vous êtes plus rapides que prévu, murmure-t-il.

Ma main se crispe sur la garde de mon arme. Naïa se fige.

L’homme – ou ce qu’il est – avance d’un pas fluide. Chaque mouvement respire une assurance dangereuse.

— Nous ne voulons pas nous battre, dit Naïa, sa voix ferme malgré la peur.

Il sourit. Lentement. Cruellement.

— Oh, mais moi, si.

Et avant que je ne réagisse, il frappe.

Naïa

Tout se passe en un éclair. Raven bloque l’attaque, le choc des lames résonne dans la pièce exiguë. Je recule, mon cœur cognant contre ma cage thoracique.

La puissance de notre assaillant est inhumaine. Chaque coup fait trembler les murs. Raven pare, esquive, mais il est en difficulté.

Mon corps agit avant mon esprit. Je tends les mains, invoquant cette force nouvelle qui pulse en moi.

Une vague lumineuse explose.

L’homme recule, surpris. Raven en profite, son épée transperce son épaule.

Un cri déchirant. L’ombre vacille, puis disparaît.

Le silence retombe.

Je m’effondre.

Raven me rattrape juste avant que ma tête ne heurte le sol. Il murmure mon nom, mais je suis déjà loin, happée par une obscurité plus profonde que la nuit.

Et je sais que lorsque je me réveillerai, rien ne sera plus jamais pareil.

Naïa

L’obscurité est un gouffre sans fond. J’y flotte, perdue, tiraillée entre deux mondes. Des voix murmurent, distantes, irréelles. Un froid glacial serpente sur ma peau, contraste cruel avec la chaleur qui pulse encore en moi.

Puis, une douleur.

Brutale.

Un feu ardent qui me traverse, réveillant chaque nerf, chaque fragment de mon être. Je suffoque, lutte pour émerger.

Et soudain, je rouvre les yeux.

L’air s’engouffre dans mes poumons comme un coup de poignard. Une lumière blafarde m’aveugle. J’essaie de bouger, mais mon corps est lourd, trop lourd. Une main serre la mienne.

— Naïa, tu es là ?

Raven.

Sa voix est rauque, empreinte d’un soulagement douloureux. Je tourne légèrement la tête. Il est assis près de moi, son visage marqué par l’épuisement.

— Où… sommes-nous ?

— En sécurité. Pour l’instant.

Je cligne des yeux. Autour de nous, une pièce exiguë, aux murs de pierre brute. Une faible lueur danse sur les surfaces rugueuses, projetée par une lanterne accrochée à un clou. Une odeur de terre et d’herbes séchées flotte dans l’air.

Je me redresse lentement, grimaçant sous la douleur lancinante qui déchire mes muscles. Raven tend un bras pour me soutenir.

— Tu as dormi longtemps, murmure-t-il.

Un frisson me parcourt. Ce n’était pas un sommeil normal. J’ai vu… quelque chose. Des visions, des fragments de souvenirs qui ne m’appartiennent pas.

— J’ai rêvé… non, ce n’était pas un rêve.

Raven ne dit rien, mais son regard s’assombrit. Il sait.

— Quelqu’un t’a aidée.

Je fronce les sourcils. Les images sont floues, indistinctes, mais une sensation demeure : une présence bienveillante, une chaleur ancienne qui a veillé sur moi.

— Je ne sais pas qui. Mais ce pouvoir… il veut que je comprenne quelque chose.

Raven passe une main dans ses cheveux sombres, visiblement tiraillé.

— Ce n’est pas la première fois que ça arrive.

Il marque une pause, cherchant ses mots.

— Tu changes, Naïa. Et eux le savent. Ils te traqueront sans relâche.

Un silence pesant s’installe. Je le sais aussi.

Je serre les poings.

— Alors, il est temps d’apprendre à me battre.

Raven me fixe un instant, surpris par la détermination dans ma voix. Puis, lentement, il hoche la tête.

— Très bien. Prépare-toi. L’entraînement commence dès demain.

Et dans son regard, je lis tout ce que nous avons perdu… et tout ce que nous devons encore affronter.

Raven

L’aube perce à peine l’horizon quand Naïa se tient face à moi, pieds ancrés dans la terre humide, le regard dur. La fatigue danse encore dans ses traits, mais il y a autre chose sous la surface : une tension nouvelle, un feu qui couve sous la cendre.

— Montre-moi, dit-elle.

Je serre les mâchoires. Je savais que ce moment viendrait, mais pas si tôt. Elle n’est pas prête. Son corps est encore faible, son esprit brisé par ce qu’elle a vécu. Pourtant, je lis dans ses yeux que refuser serait une erreur.

— Très bien. Attrape ça.

Je lui lance une dague. Elle la rattrape de justesse, sa prise hésitante. Je me place devant elle, sortant ma propre arme.

— Lame vers le bas. Tes pieds doivent rester ancrés.

Elle obéit, mais ses gestes sont maladroits. Je la corrige, mes mains frôlant sa peau. Un frisson la traverse, mais elle ne bronche pas.

— Maintenant, attaque-moi.

Elle hésite, puis frappe. C’est lent, trop prévisible. J’esquive sans effort, faisant glisser ma lame contre la sienne pour la déséquilibrer. Elle recule, les lèvres serrées.

— Encore.

Elle attaque à nouveau. Toujours trop lent. Je pare, la repousse. Son souffle s’accélère.

— Utilise ton instinct, grogné-je. Cesse de réfléchir et ressens le mouvement.

Elle ferme les yeux un instant. Puis, sans prévenir, elle frappe plus vite. Pas assez pour me surprendre, mais mieux. Un mince sourire me traverse.

Elle apprend.

Naïa

Chaque coup me brûle les muscles, mais je ne m’arrête pas. Raven est impitoyable. Il bloque, esquive, contre-attaque sans relâche. Ma peau est couverte d’ecchymoses, mes poumons en feu, mais je continue.

— Plus vite, ordonne-t-il.

Je gronde de frustration. Je sens la rage monter en moi, ce feu ancien qui pulse sous ma peau.

Alors, je lâche prise.

Un éclair fend l’air. Mon corps bouge avant même que mon esprit ne suive. Ma dague effleure son bras, une fine coupure apparaissant sur sa peau.

Il recule, surpris.

Un silence tombe.

Je halète, sentant l’énergie vibrer autour de moi. Raven

me fixe, sa main effleurant la plaie.

Puis, lentement, un sourire étire ses lèvres.

— C’est ça.

Je serre la dague plus fort. Une certitude grandit en moi.

Je suis prête.

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