Chapitre 7– L’ivresse du précipice

Raven

Le silence entre nous est un poison lent, un venin qui s’infiltre sous ma peau, brûlant chaque parcelle de ma raison.

Naïa ne recule pas. Pas cette fois. Son regard, brillant d’un feu indomptable, s’ancre au mien comme une lame enfoncée trop profondément pour être retirée sans douleur.

Je devrais parler, rompre ce lien invisible, cette force qui nous enchaîne l’un à l’autre. Mais mes lèvres restent scellées, et le battement sourd de mon cœur cogne contre ma cage thoracique comme un avertissement inutile.

Elle inspire lentement.

— Dis-moi la vérité, murmure-t-elle.

Sa voix est un fil tendu au bord du vide.

Je pourrais mentir. Éviter l’inévitable. Mais il n’y a plus d’issue.

— Tu sais déjà, Naïa.

Son souffle se bloque une fraction de seconde. Ses doigts se crispent autour de la dague qu’elle ne lève pourtant pas contre moi.

— Alors dis-le, Raven.

Naïa

Il est trop proche.

Ses yeux sont des tempêtes, son corps une menace que je ressens jusque dans mes os.

Je devrais bouger, rompre ce cercle infernal. Mais je reste là, suspendue dans ce moment où tout pourrait basculer.

Il tend la main.

Ses doigts frôlent mon poignet, et une chaleur fulgurante traverse mon corps, un incendie sans pitié qui consume mes dernières défenses.

— C’est une erreur, soufflé-je, mais ma voix manque de conviction.

Un sourire amer effleure ses lèvres.

— Je sais.

Mais il ne recule pas. Pas plus que moi.

Le précipice est là, sous nos pieds.

Et nous tombons.

Naïa

Le monde autour de moi s’efface. Il ne reste que lui, ce silence saturé de tensions, cette chaleur insoutenable qui brûle entre nous.

Son regard fouille chaque recoin de mon âme, cherchant ce que moi-même je n’ose nommer.

Je pourrais partir.

Je devrais partir.

Mais mes pieds restent ancrés au sol, mes mains crispées contre mon propre corps comme pour empêcher ce frisson incontrôlable qui me traverse.

— Naïa…

Sa voix est rauque, brisée.

Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il savait qu’au moindre contact, tout s’effondrerait.

Et il a raison.

Parce que lorsque je ferme les yeux, je me perds déjà.

Raven

C’est une folie. Un abîme qui nous appelle, une chute dont nous ne reviendrons jamais.

Je vois la lutte dans ses yeux, cet instinct de survie qui lui hurle de fuir. Mais elle ne bouge pas.

Alors je cède.

Mes lèvres effleurent les siennes, et c’est un incendie.

Un choc brutal, une brûlure qui consume tout.

Elle ne me repousse pas. Au contraire, ses doigts se referment sur mon bras, m’attirant plus près, effaçant le dernier espace entre nous.

Je goûte à son souffle, à sa rage, à sa peur et à ce désir interdit qui nous a lentement détruits.

Mais au fond, nous le savons.

Il n’y aura pas de retour en arrière.

Naïa

Je suis prisonnière de cet instant, de cette étreinte qui consume tout ce que j’ai tenté de construire. Le monde entier bascule lorsque Raven me serre contre lui, son souffle chaud effleurant ma peau. Mes pensées s’effilochent, se dissolvent dans la chaleur de son corps, dans la force de ses bras qui me retiennent comme s’il craignait que je disparaisse.

Mais il est trop tard pour reculer. Trop tard pour prétendre que ce n’est qu’un écart, une erreur.

— Tu me rends folle, murmuré-je, ma voix brisée entre désir et terreur.

Il resserre son emprise, sa main glissant le long de ma nuque, s’ancrant à moi comme un dernier rempart contre l’inéluctable.

— Et toi, tu es en train de me tuer, répond-il d’un souffle rauque.

Son front se pose contre le mien. Nos souffles se mélangent, unis dans cette danse destructrice où il n’y a ni gagnant, ni échappatoire.

Raven

Je suis au bord du gouffre, et elle est la seule raison pour laquelle je ne me jette pas dans le vide. Naïa est un poison et un remède, une contradiction qui me torture à chaque seconde passée loin d’elle.

Je ne peux plus faire semblant.

Ma main s’accroche à sa taille, la ramenant violemment contre moi, comme si la sentir plus proche pouvait me sauver de cette folie. Mais c’est elle qui me détruit. Et pourtant, je ne lâche pas.

Ses doigts effleurent mon visage, hésitants, traçant des lignes invisibles sur ma peau brûlante. Je retiens mon souffle, prêt à sombrer, à me laisser happer par cette tempête qui n’épargne rien sur son passage.

— Si on continue… on ne pourra plus revenir en arrière, souffle-t-elle, son regard cherchant une réponse dans le mien.

Je ne réponds pas. Je n’ai plus de mots. Plus de doutes non plus.

Alors je l’embrasse.

Et le monde explose.

Naïa

L’air brûle entre nous, chargé d’un poids que je ne peux plus ignorer. Ses lèvres, encore brûlantes des miennes, laissent une empreinte sur chaque parcelle de mon corps, un poison insidieux qui se diffuse jusque dans mes veines. Je vacille entre désir et crainte, consciente que ce qui vient de se produire ne pourra jamais être effacé.

Ma main tremble quand je la pose sur son torse. Le battement rapide de son cœur pulse sous ma paume, un écho parfait du chaos en moi.

— On aurait dû s’arrêter avant, soufflé-je, le souffle court.

Raven ne répond pas tout de suite. Ses doigts effleurent ma joue, une caresse à peine perceptible, comme s’il hésitait entre me retenir et me repousser. Mais je vois dans ses yeux que le combat est déjà perdu.

— Tu veux que je parte ? demande-t-il enfin, sa voix rauque d’émotions contenues.

Je devrais dire oui. Le supplier de mettre un terme à cette folie avant qu’elle ne nous consume tous les deux. Mais les mots restent coincés dans ma gorge.

Raven

Son silence est une réponse en soi.

Je devrais fuir, lui donner cet espace qu’elle n’ose pas réclamer. Mais l’idée de m’éloigner me semble aussi douloureuse que la lame d’un couteau enfoncée dans ma chair.

Alors, au lieu de reculer, je serre un peu plus sa taille entre mes bras. Je la sens frissonner, résister une fraction de seconde… avant de céder.

— Naïa, murmuré-je contre sa peau.

Elle ferme les yeux, la tête inclinée comme si elle luttait contre une force invisible. Son souffle saccadé danse sur ma nuque, et mon propre corps réagit à cette proximité insoutenable.

— Si on continue… il n’y aura plus de retour en arrière, avertit-elle.

Je prends son menton entre mes doigts, la forçant à me regarder.

— On a déjà dépassé ce point, soufflé-je, avant de l’embrasser encore.

Et cette fois, il n’y a plus ni hésitation ni remords. Juste la certitude que nous sommes en train de sombrer ensemble dans un abîme sans fond.