Le parquet grinça légèrement sous les pas légers de Ryse alors qu’elle descendait l’escalier de service menant aux cuisines. L’odeur du pain chaud et du café flottait déjà dans l’air, se mêlant aux effluves sucrés des confitures et à l’arôme plus prononcé des œufs en train de cuire.
Lorsqu’elle pénétra dans la grande cuisine animée, elle fut aussitôt accueillie par le brouhaha familier des servantes en plein travail. Mary, une femme aux joues rondes et au tablier couvert de farine, leva la tête en la voyant entrer. « Ah, Ryse ! Tu arrives juste à temps. Attrape donc ce plateau et va poser les couverts sur la grande table. » Ryse s’exécuta sans attendre, attrapant avec habileté le plateau rempli de vaisselle et de serviettes pliées. « Alors, tu es excitée ? » lança subitement Lorna, une jeune servante aux cheveux bruns attachés en une tresse serrée. Ryse se tourna vers elle, haussant un sourcil. « Excitée par quoi ? » Lorna roula des yeux en posant un panier de viennoiseries sur le comptoir. Le bruit des couverts entrechoqués, le crépitement du beurre dans la poêle et l’odeur du café emplissaient la cuisine, créant une atmosphère familière et chaleureuse. Ryse s’affairait avec les autres servantes, déposant les couverts sur un plateau en bois poli. « Alors, tu l’as vu ? » demanda soudain Lorna en lui jetant un regard en coin. Ryse marqua une pause, relevant la tête vers son amie. « Qui ça ? » fit-elle, feignant l’ignorance. Lorna leva les yeux au ciel. « Ne joue pas à ça avec moi, Ryse. Nigel, bien sûr ! Il est arrivé hier soir et tout le manoir est en ébullition depuis. » Ryse serra discrètement les mains autour du plateau. Elle n’avait pas eu l’occasion de vraiment le voir. Ou plutôt, elle n’avait pas osé. Après tout, Nigel ne lui avait accordé aucun regard, aucune attention, comme si elle n’existait pas. Alors, pourquoi devrait-elle être impatiente de le revoir ? Oh, il est incroyablement séduisant ! » s’enthousiasma Anna en joignant ses mains sous son menton. « Grand, imposant… et son aura d’alpha est encore plus forte qu’avant. On sent son autorité rien qu’en entrant dans la même pièce que lui ! » Ryse se força à sourire, mais elle se contenta de hocher la tête sans rien ajouter. « Et sa fiancée, alors ? » demanda une autre servante. Lorna poussa un soupir. « Une vraie beauté. Brune, élégante, distinguée… Exactement ce qu’on attendrait d’une future dame de la maison. » Anna acquiesça vivement. « Elle est aussi très gentille. Elle a remercié chaque servante qui l’a aidée hier soir. » Ryse n’avait pas besoin d’en entendre plus. Nigel était revenu, et il était accompagné d’une femme parfaite, digne de son rang. Cela ne la concernait en rien. Alors pourquoi ce poids étrange s’installait-il dans sa poitrine ? « Bon, assez bavardé ! » déclara Mary en tapant dans ses mains. « Ryse, apporte ce plateau dans la salle à manger avant que le café ne refroidisse. » Ryse hocha la tête et s’exécuta, tâchant d’ignorer la curieuse sensation de malaise qui grandissait en elle. Le plateau en équilibre dans ses mains, Ryse avança avec assurance dans la salle à manger principale. Le parquet ciré reflétait la lumière tamisée du matin, projetant des lueurs dorées sur les murs ornés de tableaux anciens. Autour de la grande table en acajou, trois silhouettes étaient attablées : Madame Harris, digne et élégante dans sa robe bleu nuit, Nigel, dont la prestance imposante emplissait la pièce malgré son silence, et enfin Éloïse, dont le sourire léger contrastait avec l’aura de tension qui flottait autour d’eux. Ryse inspira discrètement avant de s’approcher. « Bonjour, Madame. Bonjour Monsieur Nigel, Mademoiselle Éloïse. » Sa voix était calme, polie, exactement comme il se devait. Mais alors qu’elle déposait la théière devant Madame Harris, son regard glissa instinctivement vers Nigel. Il ne la regardait pas. Pas même un coup d’œil. Il se contentait de fixer son assiette, la mâchoire contractée, comme si sa simple présence lui était insupportable. Ryse ne laissa rien paraître et continua son service. Elle déposa une assiette de viennoiseries devant Éloïse, qui la remercia d’un sourire poli. Puis elle tendit la main vers Nigel pour remplir sa tasse de café. C’est à ce moment-là qu’il éclata. Un bruit sec résonna dans la salle lorsqu’il abattit brutalement son poing sur la table, faisant tressaillir les couverts. « Je ne veux pas de ça ! » lâcha-t-il d’une voix tranchante. Un silence de plomb s’abattit dans la pièce. Madame Harris posa immédiatement sa tasse, un éclair d’autorité passant dans son regard. « Nigel, que signifie cette attitude ? » Mais Nigel l’ignora, se redressant brusquement sur sa chaise. Son regard brûlant se planta enfin dans celui de Ryse, mais ce n’était pas le regard d’un frère d’enfance, ni même d’un homme qui la considérait comme une domestique. C’était un regard de rejet pur. « Je refuse qu’on m’impose une oméga dans ma vie ! » gronda-t-il. « Peu importe ce que disent les traditions, peu importe ce que ma famille attend de moi, je n’en veux pas. » Ryse sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, mais elle garda la tête baissée. « Nigel… » tenta Madame Harris, visiblement contrariée. Mais il n’était pas prêt à s’arrêter. Il se tourna vers Éloïse et attrapa sa main avec fermeté. « J’aime Éloïse, qu’elle soit une bêta ou non. Elle est la seule femme que je veux à mes côtés. » Ryse ne bougea pas, se contentant de fixer le liquide ambré qui tremblait dans la tasse à cause de la tension dans l’air. Elle n’avait jamais demandé à être impliquée dans cette histoire. Jamais souhaité que son statut d’oméga devienne un problème. Pourtant, elle était là, forcée d’encaisser chaque mot, chaque rejet, sans avoir le droit de répondre. Madame Harris soupira longuement, posant ses mains sur la table avec calme. « Personne ne t’impose quoi que ce soit, Nigel. Mais ta réaction est excessive. » « Excessive ?! » Il la regarda avec incrédulité. « Tu sais ce que je ressens pour les omégas. Je refuse de revivre ça ! » Un frisson parcourut Ryse. Revivre quoi ? Mais elle n’osait pas poser la question. Au lieu de cela, elle fit ce qu’elle savait faire de mieux : elle s’inclina légèrement et recula, prenant soin de ne faire aucun bruit en quittant la pièce. Elle n’avait rien à faire ici. Rien à dire. Et Nigel venait de le lui rappeler avec une brutalité implacable. Le silence qui suivit les paroles de Nigel était pesant, presque étouffant. Personne ne bougeait, pas même Ryse, qui se tenait toujours droite, les mains crispées autour du plateau. Mais l’instant suivant, Nigel repoussa bruyamment sa chaise et se leva d’un geste sec. Sans un regard pour personne, il quitta la pièce à grands pas, la tension vibrante encore visible dans la raideur de ses épaules. « Nigel, attends ! » s’exclama Éloïse, se levant précipitamment pour le suivre. Elle lança un regard désolé à Madame Harris avant de disparaître à son tour, laissant derrière elle l’odeur subtile de son parfum floral. Ryse, quant à elle, sentit une étrange chaleur monter dans sa poitrine. Une colère sourde ? Une douleur qu’elle ne voulait pas nommer ? Elle ne savait pas. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle voulait partir, quitter cette pièce où elle n’était qu’une oméga méprisée. Elle allait tourner les talons lorsqu’une voix l’arrêta. « Ryse, viens t’asseoir. » C’était Madame Harris. Il y avait dans son ton une autorité douce, mais indiscutable.Ryse hésita, ses doigts se resserrant involontairement autour du plateau. Mais elle n’avait jamais su désobéir à cette femme qui, malgré son statut, l’avait toujours traitée avec une certaine bienveillance.Elle reposa le plateau sur une desserte et s’approcha lentement.Le fauteuil qu’elle occupait était grand, imposant, et contrastait avec la silhouette délicate de la vieille femme qui lui faisait signe de s’asseoir juste à côté d’elle.Ryse s’exécuta, gardant les yeux baissés, le cœur battant fort dans sa poitrine.Léonie Harris prit une profonde inspiration avant de poser sa main sur la sienne.« Il est temps de parler sérieusement, Ryse. »L’oméga se raidit légèrement.Elle ne savait pas pourquoi, mais une angoisse sourde se répandait en elle.Madame Harris attendit quelques secondes avant d’annoncer d’une voix calme mais ferme :« Tu vas épouser Nigel. »Le monde de Ryse bascula en une fraction de seconde.Elle releva brusquement les yeux vers la matriarche, les lèvres entrouver
Nigel ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son n’en sortit.Sa mère continua :« Tu crois que je ne comprends pas ton rejet, tes craintes ? Je ne suis pas aveugle, Nigel. Je sais que quelque chose te hante, quelque chose lié aux omégas. Mais ce n’est pas une raison pour ignorer ce que tu es. »Elle marqua une pause, puis ajouta avec une fermeté implacable :« Ryse sera ta femme. Je ne veux plus en entendre parler. »Le silence qui s’installa fut écrasant.Nigel dévisagea sa mère, une lueur de colère et d’incompréhension dans les yeux.Il aurait voulu crier, argumenter, tout envoyer valser… mais face à l’assurance tranquille de Léonie, il se sentit impuissant.Léonie se leva à son tour, lissant les plis de sa robe avec une élégance mesurée.« Tu as toujours été un homme fier, Nigel. Mais réfléchis bien à ce que je t’ai dit. Car cette fois, il n’y aura pas d’alternative. »Et sur ces mots, elle tourna les talons et s’éloigna lentement, le laissant seul avec ses pensées tourmentée
Dans le hall de la maison, ils croisèrent Ryse, qui les observa sans un mot, un mélange de confusion et de tristesse sur son visage. Elle comprenait que quelque chose venait de se briser, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si elle ne l’avait pas un peu précipitée, cette rupture.Ryse se retrouva seule dans sa chambre, son esprit tourbillonnant, submergé par les images qui se bousculaient dans son esprit. Elle venait tout juste de croiser Nigel et Éloïse, en train de quitter la maison, et la scène se répétait inlassablement dans sa tête. Ils étaient partis, ensemble, sans un mot, sans un regard pour elle. Elle se laissa tomber sur le lit, un frisson glacé traversant son corps.Elle ferma les yeux et, lentement, les souvenirs de son enfance commencèrent à refaire surface, aussi clairs et vivants que si c’était hier. Un autre temps, un autre lieu, un autre elle.Flashback - Quand Ryse était enfantIl faisait chaud ce jour-là, l’air chargé de la douceur de l’été, et Ryse
Mais je ne veux pas être celle qui gâche son bonheur, » répondit-elle, sa voix presque inaudible. « Je ne veux pas être la raison de ses souffrances. Il a besoin de quelqu’un de… meilleur. Pas de moi. Je ne suis qu’une oméga. Et il mérite plus que cela. »Léonie s’approcha encore un peu plus, son regard perçant mais empli de compassion. Elle attrapa doucement le menton de Ryse pour la forcer à la regarder dans les yeux.« Tu te trompes, Ryse. Ce n’est pas ce que tu es qui définit ce que tu mérites. Ce qui compte, c’est ce que vous avez vécu ensemble, ce que vous ressentez l’un pour l’autre. Nigel a besoin de toi. Pas d’une oméga idéale dans l’imaginaire, mais de toi, celle qu’il connaît depuis l’enfance, celle qui le comprend mieux que personne. »Ryse sentit une boule se former dans sa gorge, la vérité de ces mots la frappant de plein fouet. Mais elle était terrifiée. Terrifiée à l’idée de vivre dans l’ombre de quelqu’un d’autre, terrifiée à l’idée de ne pas pouvoir être à la hauteur
Le matin se leva sur le domaine Harris, enveloppant la demeure d’une lumière douce et dorée. Dans la cuisine, Ryse s’activait déjà, les mains occupées à ranger les ustensiles et à préparer le petit-déjeuner. Le cliquetis des couverts, le doux parfum du pain grillé et du café chaud emplissaient l’espace. Elle tentait de se concentrer sur sa tâche, d’oublier les événements de la veille, mais son esprit était encore alourdi par les paroles de Léonie et la vision de Nigel quittant la maison avec Éloïse.Elle se répéta en silence qu’elle n’attendait rien de lui. Qu’elle n’avait jamais voulu ce mariage. Pourtant, une sensation amère lui restait au fond de la gorge.— Tu as une mine affreuse ce matin, fit remarquer une voix derrière elle.Ryse sursauta légèrement avant de se retourner. Lorna, une des servantes avec qui elle s’entendait bien, était adossée contre la table, un torchon à la main. Son regard pétillait d’une curiosité mal dissimulée.— Alors, c’est vrai ? demanda-t-elle avec un s
Le frottement du chiffon contre le bois poli résonnait doucement dans la chambre baignée de lumière. Ryse s’appliquait, passant le tissu humide sur chaque surface avec la minutie d’un travail qu’elle connaissait par cœur. Elle venait de finir de faire le lit, et les draps blancs parfaitement tendus donnaient à la pièce un aspect immaculé. Ici, tout devait être parfait, impeccable, sans la moindre trace de poussière ou de négligence. Elle repoussa une mèche de cheveux blonds derrière son oreille et recula de quelques pas pour inspecter son travail. La grande chambre d’amis, qui n’avait pas été occupée depuis des mois, était désormais prête. D’un geste automatique, elle ramassa son seau et son chiffon, puis se dirigea vers le couloir silencieux. Les journées de Ryse étaient toujours les mêmes : du matin au soir, elle s’occupait du nettoyage, du linge, parfois de la cuisine quand on avait besoin d’aide. C’était une routine bien rodée, une existence discrète au sein de cette immense d
Sa voix était calme, posée, sans trace d’émotion apparente. Après tout, elle n’était qu’une domestique ici, rien de plus. Mais dans ses souvenirs, il avait été bien plus que cela. Peut-être qu’au fond, une petite part d’elle espérait voir un éclat de reconnaissance, une lueur dans ses yeux qui lui prouverait que ces années partagées n’avaient pas été totalement effacées.Mais il n’en fut rien.Nigel baissa les yeux vers sa main tendue, la scrutant comme s’il s’agissait d’un objet étranger. Un silence pesant s’installa.Puis, il détourna simplement le regard.Il ne la salua pas. Il ne prit pas sa main. Il ne lui adressa même pas un mot.L’air autour d’eux sembla se figer. Madame Harris observa la scène sans dire un mot, les lèvres légèrement pincées, tandis qu’Éloïse jetait un regard curieux à Ryse, comme si elle tentait de comprendre qui elle était pour oser s’adresser à Nigel ainsi.Un nœud se forma dans l’estomac de Ryse. Elle sentit ses doigts se crisper légèrement avant de se refe
Éloïse, qui était restée silencieuse jusque-là, s’agenouilla à ses côtés et prit doucement sa main. « Je comprends… » murmura-t-elle. Puis, son regard s’assombrit alors qu’elle jetait un coup d’œil vers la porte. « Et pourtant, ce soir, Ryse a laissé ses phéromones se diffuser. »Elle tourna de nouveau son visage vers Nigel. « Tu vois ce que ça veut dire, n’est-ce pas ? »Nigel ne répondit pas tout de suite. Son esprit était encore embrumé, mais une chose était certaine : il ne pouvait pas rester près de Ryse.Pas après ce qu’il venait de ressentir.Et surtout pas si elle représentait une menace pour son équilibre fragile.Le silence s’était installé dans le salon, lourd et pesant.Lorsque madame Harris revint, elle était accompagnée de Nigel et d’Éloïse. Son visage, d’ordinaire si chaleureux, était fermé, marqué par l’inquiétude. Nigel, lui, semblait encore troublé. Son teint était légèrement pâle, et ses mâchoires étaient crispées comme s’il se battait intérieurement pour garder co
Le matin se leva sur le domaine Harris, enveloppant la demeure d’une lumière douce et dorée. Dans la cuisine, Ryse s’activait déjà, les mains occupées à ranger les ustensiles et à préparer le petit-déjeuner. Le cliquetis des couverts, le doux parfum du pain grillé et du café chaud emplissaient l’espace. Elle tentait de se concentrer sur sa tâche, d’oublier les événements de la veille, mais son esprit était encore alourdi par les paroles de Léonie et la vision de Nigel quittant la maison avec Éloïse.Elle se répéta en silence qu’elle n’attendait rien de lui. Qu’elle n’avait jamais voulu ce mariage. Pourtant, une sensation amère lui restait au fond de la gorge.— Tu as une mine affreuse ce matin, fit remarquer une voix derrière elle.Ryse sursauta légèrement avant de se retourner. Lorna, une des servantes avec qui elle s’entendait bien, était adossée contre la table, un torchon à la main. Son regard pétillait d’une curiosité mal dissimulée.— Alors, c’est vrai ? demanda-t-elle avec un s
Mais je ne veux pas être celle qui gâche son bonheur, » répondit-elle, sa voix presque inaudible. « Je ne veux pas être la raison de ses souffrances. Il a besoin de quelqu’un de… meilleur. Pas de moi. Je ne suis qu’une oméga. Et il mérite plus que cela. »Léonie s’approcha encore un peu plus, son regard perçant mais empli de compassion. Elle attrapa doucement le menton de Ryse pour la forcer à la regarder dans les yeux.« Tu te trompes, Ryse. Ce n’est pas ce que tu es qui définit ce que tu mérites. Ce qui compte, c’est ce que vous avez vécu ensemble, ce que vous ressentez l’un pour l’autre. Nigel a besoin de toi. Pas d’une oméga idéale dans l’imaginaire, mais de toi, celle qu’il connaît depuis l’enfance, celle qui le comprend mieux que personne. »Ryse sentit une boule se former dans sa gorge, la vérité de ces mots la frappant de plein fouet. Mais elle était terrifiée. Terrifiée à l’idée de vivre dans l’ombre de quelqu’un d’autre, terrifiée à l’idée de ne pas pouvoir être à la hauteur
Dans le hall de la maison, ils croisèrent Ryse, qui les observa sans un mot, un mélange de confusion et de tristesse sur son visage. Elle comprenait que quelque chose venait de se briser, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si elle ne l’avait pas un peu précipitée, cette rupture.Ryse se retrouva seule dans sa chambre, son esprit tourbillonnant, submergé par les images qui se bousculaient dans son esprit. Elle venait tout juste de croiser Nigel et Éloïse, en train de quitter la maison, et la scène se répétait inlassablement dans sa tête. Ils étaient partis, ensemble, sans un mot, sans un regard pour elle. Elle se laissa tomber sur le lit, un frisson glacé traversant son corps.Elle ferma les yeux et, lentement, les souvenirs de son enfance commencèrent à refaire surface, aussi clairs et vivants que si c’était hier. Un autre temps, un autre lieu, un autre elle.Flashback - Quand Ryse était enfantIl faisait chaud ce jour-là, l’air chargé de la douceur de l’été, et Ryse
Nigel ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son n’en sortit.Sa mère continua :« Tu crois que je ne comprends pas ton rejet, tes craintes ? Je ne suis pas aveugle, Nigel. Je sais que quelque chose te hante, quelque chose lié aux omégas. Mais ce n’est pas une raison pour ignorer ce que tu es. »Elle marqua une pause, puis ajouta avec une fermeté implacable :« Ryse sera ta femme. Je ne veux plus en entendre parler. »Le silence qui s’installa fut écrasant.Nigel dévisagea sa mère, une lueur de colère et d’incompréhension dans les yeux.Il aurait voulu crier, argumenter, tout envoyer valser… mais face à l’assurance tranquille de Léonie, il se sentit impuissant.Léonie se leva à son tour, lissant les plis de sa robe avec une élégance mesurée.« Tu as toujours été un homme fier, Nigel. Mais réfléchis bien à ce que je t’ai dit. Car cette fois, il n’y aura pas d’alternative. »Et sur ces mots, elle tourna les talons et s’éloigna lentement, le laissant seul avec ses pensées tourmentée
Ryse hésita, ses doigts se resserrant involontairement autour du plateau. Mais elle n’avait jamais su désobéir à cette femme qui, malgré son statut, l’avait toujours traitée avec une certaine bienveillance.Elle reposa le plateau sur une desserte et s’approcha lentement.Le fauteuil qu’elle occupait était grand, imposant, et contrastait avec la silhouette délicate de la vieille femme qui lui faisait signe de s’asseoir juste à côté d’elle.Ryse s’exécuta, gardant les yeux baissés, le cœur battant fort dans sa poitrine.Léonie Harris prit une profonde inspiration avant de poser sa main sur la sienne.« Il est temps de parler sérieusement, Ryse. »L’oméga se raidit légèrement.Elle ne savait pas pourquoi, mais une angoisse sourde se répandait en elle.Madame Harris attendit quelques secondes avant d’annoncer d’une voix calme mais ferme :« Tu vas épouser Nigel. »Le monde de Ryse bascula en une fraction de seconde.Elle releva brusquement les yeux vers la matriarche, les lèvres entrouver
Le parquet grinça légèrement sous les pas légers de Ryse alors qu’elle descendait l’escalier de service menant aux cuisines. L’odeur du pain chaud et du café flottait déjà dans l’air, se mêlant aux effluves sucrés des confitures et à l’arôme plus prononcé des œufs en train de cuire.Lorsqu’elle pénétra dans la grande cuisine animée, elle fut aussitôt accueillie par le brouhaha familier des servantes en plein travail. Mary, une femme aux joues rondes et au tablier couvert de farine, leva la tête en la voyant entrer.« Ah, Ryse ! Tu arrives juste à temps. Attrape donc ce plateau et va poser les couverts sur la grande table. »Ryse s’exécuta sans attendre, attrapant avec habileté le plateau rempli de vaisselle et de serviettes pliées.« Alors, tu es excitée ? » lança subitement Lorna, une jeune servante aux cheveux bruns attachés en une tresse serrée.Ryse se tourna vers elle, haussant un sourcil.« Excitée par quoi ? »Lorna roula des yeux en posant un panier de viennoiseries sur le com
Éloïse, qui était restée silencieuse jusque-là, s’agenouilla à ses côtés et prit doucement sa main. « Je comprends… » murmura-t-elle. Puis, son regard s’assombrit alors qu’elle jetait un coup d’œil vers la porte. « Et pourtant, ce soir, Ryse a laissé ses phéromones se diffuser. »Elle tourna de nouveau son visage vers Nigel. « Tu vois ce que ça veut dire, n’est-ce pas ? »Nigel ne répondit pas tout de suite. Son esprit était encore embrumé, mais une chose était certaine : il ne pouvait pas rester près de Ryse.Pas après ce qu’il venait de ressentir.Et surtout pas si elle représentait une menace pour son équilibre fragile.Le silence s’était installé dans le salon, lourd et pesant.Lorsque madame Harris revint, elle était accompagnée de Nigel et d’Éloïse. Son visage, d’ordinaire si chaleureux, était fermé, marqué par l’inquiétude. Nigel, lui, semblait encore troublé. Son teint était légèrement pâle, et ses mâchoires étaient crispées comme s’il se battait intérieurement pour garder co
Sa voix était calme, posée, sans trace d’émotion apparente. Après tout, elle n’était qu’une domestique ici, rien de plus. Mais dans ses souvenirs, il avait été bien plus que cela. Peut-être qu’au fond, une petite part d’elle espérait voir un éclat de reconnaissance, une lueur dans ses yeux qui lui prouverait que ces années partagées n’avaient pas été totalement effacées.Mais il n’en fut rien.Nigel baissa les yeux vers sa main tendue, la scrutant comme s’il s’agissait d’un objet étranger. Un silence pesant s’installa.Puis, il détourna simplement le regard.Il ne la salua pas. Il ne prit pas sa main. Il ne lui adressa même pas un mot.L’air autour d’eux sembla se figer. Madame Harris observa la scène sans dire un mot, les lèvres légèrement pincées, tandis qu’Éloïse jetait un regard curieux à Ryse, comme si elle tentait de comprendre qui elle était pour oser s’adresser à Nigel ainsi.Un nœud se forma dans l’estomac de Ryse. Elle sentit ses doigts se crisper légèrement avant de se refe
Le frottement du chiffon contre le bois poli résonnait doucement dans la chambre baignée de lumière. Ryse s’appliquait, passant le tissu humide sur chaque surface avec la minutie d’un travail qu’elle connaissait par cœur. Elle venait de finir de faire le lit, et les draps blancs parfaitement tendus donnaient à la pièce un aspect immaculé. Ici, tout devait être parfait, impeccable, sans la moindre trace de poussière ou de négligence. Elle repoussa une mèche de cheveux blonds derrière son oreille et recula de quelques pas pour inspecter son travail. La grande chambre d’amis, qui n’avait pas été occupée depuis des mois, était désormais prête. D’un geste automatique, elle ramassa son seau et son chiffon, puis se dirigea vers le couloir silencieux. Les journées de Ryse étaient toujours les mêmes : du matin au soir, elle s’occupait du nettoyage, du linge, parfois de la cuisine quand on avait besoin d’aide. C’était une routine bien rodée, une existence discrète au sein de cette immense d