Point de vue de Lyana
Les jours s’étaient écoulés depuis l’attaque aux frontières et le rétablissement de Lyana. La tension était retombée, et la meute avait retrouvé un semblant de calme. De son côté, Lyana alternait entre repos et entraînement léger sous la supervision de Liora. Pourtant, une inquiétude persistait : le silence de Miala.
Depuis son retour à sa véritable apparence, elle ne ressentait plus sa louve comme avant. Miala n’avait pas disparu, non… mais sa présence était ténue, assourdie, comme une voix lointaine derrière une barrière invisible. Assise sur le rebord de la fenêtre, Lyana observait la cour où plusieurs loups s'entraînaient. Parmi eux, Kael se déplaçait avec une aisance naturelle, dominant chaque combat avec une précision implacable. Sa force, sa rapidité… tout en lui respirait l’autorité d’un Alpha.
Elle détourna les yeux, agacée par l’étrange tension qui s’installait entre eux. Depuis quelques jours, un changement imperceptible flottait dans l’air. Chaque fois que Kael se trouvait près d’elle, son cœur s’emballait, et une chaleur indéfinissable naissait en elle. Elle ne comprenait pas. Elle tentait de le cerner, d’apprendre à connaître l’Alpha… et l’homme. Mais Kael restait un mystère insondable. Il était dur, impassible, presque inébranlable. Chaque geste mesuré, chaque parole pesée, son ton ne laissait aucune place à la contradiction. Il ne commandait pas par la force, mais par une présence si écrasante qu’aucun loup n’aurait osé lui désobéir.
Une force brute, une autorité implacable… et pourtant, quelque chose d’autre, de plus insaisissable. Une tension latente, une retenue féroce. Kael n’était pas simplement un Alpha respecté et craint : il était une tempête contenue, un orage prêt à éclater à tout moment.
Et pourtant… il y avait autre chose.
Lyana le sentait, sans pouvoir l’expliquer. Une chaleur furtive derrière la froideur, une ombre d’hésitation dans son regard, si brève qu’elle doutait l’avoir réellement perçue. Il la traitait avec une sévérité presque brutale, comme s’il cherchait à la maintenir à distance. Mais alors… pourquoi son regard s’attardait-il sur elle un instant de trop ? Pourquoi son odeur boisée cuivrée l’enveloppait-elle comme une promesse silencieuse ?
Elle ne comprenait pas ce lien qui la tiraillait, ce frisson qui courait sur sa peau lorsqu’il s’approchait. Il n’était ni tendre ni doux. Et pourtant… elle sentait que sous cette armure d’acier, quelque chose se débattait. Quelque chose qu’il refusait d’admettre.
Son cœur rata un battement. Elle porta une main à sa poitrine, perplexe.
— Qu’est-ce qui m’arrive ?
Un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Puis… elle l’entendit. Un murmure. Faible. Lointain. Presque imperceptible.
— Miala ?
Elle retint son souffle, tendant son esprit vers cette voix fragile.
— Miala, c’est toi ?
Rien. Puis, un souffle à peine audible, une présence vacillante au creux de son esprit.
— Lyana…
Ses yeux s’écarquillèrent.
— Miala !
Mais le silence revint aussitôt, brutal, lui laissant un vide immense. Un frisson glacial l’envahit, accompagné d’une étrange oppression. Quelque chose se passait. Elle le sentait. Mais elle ignorait encore si c’était une bonne chose.
Point de vue de Kael
De son côté, Kael luttait contre une tempête intérieure. D’un geste fluide, il envoya son adversaire au sol. L’entraînement touchait à sa fin, mais son esprit était ailleurs. Quelques jours plus tôt, il l’avait enfin aperçue aux côtés de sa mère.Il ne la voyait pas du tout car sa mère la veillait constamment. Il n'avait garder d'elle l'image de l'inconnue de la frontière. Sa mère lui avait dit qu'elle n'était plus la même mais il pensait qu'elle parlait de son rétablissement. Pourtant, ce n’était plus la même femme qui était devant lui. La première fois qu’il l’avait vue, elle était mince, presque effacée. Sa peau était simplement hâlée, ses cheveux bruns, lisses, sans éclat particulier. Elle semblait vouloir disparaître, se fondre dans la masse.
Mais aujourd’hui…Elle était éclatante.
Ses cheveux, autrefois discrets, étaient devenus d’un noir de jais intense, avec des touches de roux et de blanc qui captaient la lumière. Ils cascadaient en vagues sauvages le long de ses épaules et de son dos, pareils à une crinière indomptée. Sa peau, d’un ébène lumineux, semblait sculptée entre ombre et lumière. Ses traits fins et délicats contrastaient avec ses lèvres pleines et séduisantes.
Et son corps…
Elle n’avait plus rien de la silhouette élancée et effacée d’avant. Elle était devenue voluptueuse, harmonieuse, empreinte d’une force autant que d’une grâce naturelle.
Un frisson glacé parcourut Kael. Ce changement aurait dû l’inquiéter. Il aurait dû se méfier. Mais tout ce qu’il ressentait… c’était une attirance irrépressible. Pourquoi ? Pourquoi son regard ne pouvait-il se détacher d’elle ? Pourquoi ce désir couvait-il en lui avec une intensité qu’il n’avait jamais connue auparavant ? Il s’était toujours juré de ne jamais chercher de compagne. Un Alpha n’avait pas le droit d’être vulnérable. Il savait qu’il était dangereux de régner sans une Luna à ses côtés, mais il était fort. Il pouvait gérer ce manque. Et pourtant… Le moment où leurs yeux se croisèrent, son loup rugit en lui, hurlant un mot unique et absolu :
— Compagne.
Kael se figea. Son souffle s’arrêta. Ses poings se crispèrent. Non. Ce n’était pas possible. Pas elle. Pas maintenant.
Il sentit la présence de sa mère à ses côtés. Il savait qu'elle essayait de deviner ses pensées, ses gestes à cet instant même. Il savait que sa mère se doutait de quelque chose.
Lyana s’était approchée d’une table ornée de fleurs. Elle se pencha pour les sentir, et ce simple geste résonna en lui bien plus qu’il ne l’aurait voulu. Une image douce, apaisante… dangereuse.
— Elle belle, tu ne trouves pas.
— Humm...
— Comme je te l'ai dit, elle n'est plus la même. Elle a retrouvé sa vraie apparence… Elle est magnifique, non?
La voix de sa mère était calme, mais Kael perçut ce qu’elle impliquait. Il tourna lentement la tête vers elle.
— Sa vraie apparence ? demanda-t-il d’une voix rauque.
— Elle a utilisé un sort pour masquer ce qu’elle était vraiment. Un sort qui a épuisé son loup. Maintenant qu’elle est ici, elle n’a plus besoin de se cacher.
Kael reporta son regard sur Lyana. Son loup grondait en lui, hurlait à l’évidence qu’il refusait d’accepter.
— Elle est à moi.
Mais Lyana, elle, n’avait montré aucun signe de reconnaissance du lien. Il le voyait. Ses yeux brillaient d’un brun pur, mais derrière se cachaient la peur… et une tristesse qu’il ne comprenait pas. Ce constat aurait dû le soulager. Mais non. Quelque chose clochait. Lorsque deux âmes sœurs se rencontraient, le lien était immédiat, irrépressible. Pourtant, cette fois-ci… il n’existait que pour lui.
Kael serra les dents. Il allait devoir lutter contre ça. Parce qu’il ne voulait pas de compagne. Il s’était toujours promis qu’il ne chercherait pas de compagne. Il ne voulait pas de faiblesse. Il ne voulait pas être lié à quelqu’un, dépendre de quelqu’un, être vulnérable face à quelqu’un. Il serait un Alpha solitaire. Fier. Inébranlable. Il n’avait pas besoin de ce genre d’attache.
Mais il le savait déjà. C’était trop tard.
—Tu es troublé? Pourquoi l'es-tu en la regardant? La voix de sa mère était douce, mais elle résonnait comme une vérité absolue. Kael détourna les yeux, crispant les mâchoires.
— Je ne le suis pas mère.
Il se détourna, s’éloigna, luttant contre le feu qui brûlait en lui. Il ne devait pas la vouloir. Il ne devait pas s’attacher. Mais c’était déjà trop tard. Parce que la déesse de la lune l’avait choisi pour lui. Et il n’y avait plus de retour en arrière possible.
Kael avançait d’un pas lourd à travers les couloirs du manoir, encore imprégné de l’adrénaline de son entraînement. S’il y avait bien une chose qu’il appréciait plus que tout, c’était ce moment où son esprit pouvait se libérer, où ses muscles parlaient à sa place. L’entraînement lui apportait un apaisement que les affaires du royaume ne pourraient jamais égaler. Il y trouvait une forme de liberté, un ancrage, loin du poids des responsabilités. Mais ces derniers temps, même cela semblait lui échapper. Son esprit, constamment happé par des pensées incontrôlables, peinait à rester concentré. Une tension sourde, constante, s’était installée en lui.Une attraction. Inexplicable. Irréfutable.Elle était là, juste derrière cette porte. Il le savait avant même d’en humer l’odeur. Son loup devenait de plus en plus agité à chaque pas qu’il faisait dans sa direction.Et puis… Le hurlement résonna dans son esprit.COMPAGNE !Kael s’arrêta net, le souffle coupé. Son cœur se mit à cogner contre sa
Dans sa chambre, Lyana se tenait devant le miroir, les bras croisés, le regard perdu dans son propre reflet. Elle avait passé ces derniers jours dans cette nouvelle meute, presque en suspens, comme si son corps y était, mais que son esprit restait ailleurs.Elle ne savait plus vraiment ce qui avait été le plus difficile : sa fuite… ou l’absence de Miala. Le vide qu’elle ressentait en elle, cette impression constante d’être incomplète, pesait plus lourd chaque jour.Elle pensa à sa mère, à ses murmures du passé, à ses récits sur le peuple Simensis… un peuple ancien, légendaire même, dont elle était issue. Les Simensis faisaient partie des premiers loups, ceux nés avant l’organisation des meutes, avant même que la hiérarchie des alphas ne s’impose. Ils étaient les Enfants de la Lune, ceux dont les âmes vibraient au rythme des cycles lunaires. Leur lien avec la lune était si profond que certains d’entre eux développaient des dons rares : clairvoyance, maîtrise des énergies lunaires, comm
Kael referma la porte plus violemment qu’il ne l’aurait voulu. Le claquement résonna contre les parois en marbre clair du couloir, amplifié par la résonance propre aux lieux somptueux. Le sol, d’un granit gris poli, reflétait les lumières encastrées dans les murs, diffusant une lueur chaude et feutrée.Le manoir de la Lune d’Argent était tout sauf traditionnel. Ici, le luxe côtoyait la modernité dans un équilibre presque irréel : hauts plafonds aux lignes épurées, colonnes de marbre veiné, rambardes en acier noir brossé, escaliers flottants bordés de verre trempé. Un lieu pensé pour l’élégance, l’autorité… et le silence redoutable des grands pouvoirs.Kael descendit les marches à grands pas. Les murs, d’un blanc nacré, étaient ponctués d’œuvres d’art contemporain aux formes abstraites, presque organiques, comme si l’architecture elle-même vivait et respirait au rythme de la meute.Il s’éloigna à grands pas, sans regarder derrière lui, mais son souffle était erratique, sa mâchoire serr
Liora détourna le regard un instant, avant de revenir vers lui avec un sérieux presque solennel.— Si un Simensis est blessé par son compagnon… avant l’accouplement, il peut encore rompre le lien. Le rejeter. Même sans raison apparente. Par instinct. Parce que la douleur est trop grande, l’abandon insupportable.Kael blêmit.— Et après l’accouplement ?Liora serra doucement les lèvres, et sa voix devint presque un murmure.— Alors… c’est bien pire.Un frisson plus intense traversa Kael.— Comment ça, pire ? demanda-t-il d’un ton plus sec, presque brutal.— Si le lien est trahi après l’union sacrée… alors le Simensis peut sombrer. Littéralement. Il peut vouloir se tuer. Parce que l’âme qu’il partageait n’a plus d’équilibre. Parce qu’il ne peut plus vivre avec cette rupture.Kael sentit son estomac se nouer.— Se tuer… ?— Oui, confirma-t-elle lentement. Et parfois… ce n’est pas tout.Il leva les yeux vers elle, inquiet.— Quoi d’autre ?Liora s’approcha doucement de lui. Son regard bri
Le vent hurlait dans la nuit glaciale, soulevant des volutes de neige qui tourbillonnaient autour d’un corps frêle, à moitié enseveli sous la poudreuse. Là, tout près des frontières de la meute Lune d’Argent, une jeune louve-garou gisait, son souffle si faible qu’il se confondait presque avec le murmure du blizzard. Son pelage était souillé de boue et de sang séché, preuve d’un affrontement récent. Elle semblait n’être plus qu’une ombre, un vestige d’elle-même, perdue entre la vie et la mort.Les membres de la patrouille, postés en faction aux confins de leur territoire, s’étaient arrêtés net en apercevant cette silhouette inerte. Leur instinct les poussait à se montrer prudents. Leur Alpha, Kael, était un homme inflexible. Son autorité ne souffrait aucun doute, et toute intrusion était réprimée sans clémence. Ramener une étrangère sur leurs terres sans savoir qui elle était, ni ce qu’elle représentait, pouvait leur coûter cher.Pourtant, la vieille Luna, Liora, s’était approchée sans
— Nous devons partir, Miala… s’il nous retrouve… — Je pense qu’on est en sécurité ici, surtout avec ce loup. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose en lui qui me donne confiance. — Peu importe ! On doit partir d’ici. — On ne sait même pas dans quelle meute nous nous trouvons, Miala… Si on est encore près de notre ancienne meute, on a fait tout cela pour rien et ceux qui ont été sacrifiés le seront en vain. — Je sais, Ly… mais je me sens en sécurité ici.Lyana soupira et ferma les yeux un instant. Elle savait que Miala avait raison. Elle aussi ressentait cette curieuse sensation de protection ici, comme si cette meute pouvait leur offrir un refuge. Pourtant, elle ne pouvait pas se permettre de se détendre. Cela faisait des mois qu’elle fuyait, masquant son odeur, brouillant ses traces, disparaissant parmi les humains comme une ombre insaisissable. Son don rare lui avait sauvé la vie plus d’une fois, mais il avait ses limites. Et la dernière meute qui l’avait accueillie.
— Miala ?! Toujours aucune réponse.La panique s'insinua en elle comme un poison lent. Liora, imperturbable, continuait de masser ses mains avec des gestes lents et mesurés. — Ne lutte pas, Lyana. Laisse-toi aller.Elle tenta de se redresser, mais son corps lui échappait. Ses muscles étaient lourds, son souffle court. Les jumelles, en retrait, observaient la scène avec un intérêt silencieux. La brune inclina la tête.— Son corps rejette l'essence.— C'est normal, répondit Liora d'une voix douce. Elle n'y a pas été exposée depuis trop longtemps.— Comment est-ce possible ? Même les renégats y réagissent dès le premier contact.— Parce qu'elle n'est pas une simple renégate. Elle n'est pas une renégate.Le ton de Liora était étrangement serein, comme si elle savait exactement ce qu'elle faisait. Comme si elle savait exactement ce qu'était Lyana. Un frisson parcourut la jeune louve. Elle ne pouvait pas rester ici. Elle ne pouvait pas les laisser découvrir ce qu'elle était vraiment. Elle
Point de vue de KaelKael referma la porte derrière lui, les mâchoires serrées. Sa mère lui cachait quelque chose. Liora ne gardait jamais de secrets, surtout pas sur la meute, en fait, c'est ce qu'il pensait. Ce qu'il avait toujours cru… Mais avec cette fille, Lyana, tout était différent. Il descendit vers la grande salle. Les discussions cessèrent aussitôt. Dorian, son gamma, s’approcha, grave.— Mouvements suspects à l’Est. Des traces, des odeurs étrangères. Ils observent. — Organisés ?— Oui. Ils testent nos défenses. Dorian lui tendit un fragment d’écorce gravé d’un symbole. Kael le fixa, un frisson glacé dans l’échine.— Ce signe…— La meute d’Ébène, murmura Dorian. Kael sentit son souffle se couper. Les bannis. Les chasseurs de sang. Anéantis… ou presque.Il grimpa les marches, ouvrit la porte de la chambre sans frapper. Liora leva les yeux vers lui, impassible.— Ce symbole, dit-il en lui jetant l’écorce. Elle tressaillit à peine. Ce symbole n'était que mauvais présage. Qu'u
Liora détourna le regard un instant, avant de revenir vers lui avec un sérieux presque solennel.— Si un Simensis est blessé par son compagnon… avant l’accouplement, il peut encore rompre le lien. Le rejeter. Même sans raison apparente. Par instinct. Parce que la douleur est trop grande, l’abandon insupportable.Kael blêmit.— Et après l’accouplement ?Liora serra doucement les lèvres, et sa voix devint presque un murmure.— Alors… c’est bien pire.Un frisson plus intense traversa Kael.— Comment ça, pire ? demanda-t-il d’un ton plus sec, presque brutal.— Si le lien est trahi après l’union sacrée… alors le Simensis peut sombrer. Littéralement. Il peut vouloir se tuer. Parce que l’âme qu’il partageait n’a plus d’équilibre. Parce qu’il ne peut plus vivre avec cette rupture.Kael sentit son estomac se nouer.— Se tuer… ?— Oui, confirma-t-elle lentement. Et parfois… ce n’est pas tout.Il leva les yeux vers elle, inquiet.— Quoi d’autre ?Liora s’approcha doucement de lui. Son regard bri
Kael referma la porte plus violemment qu’il ne l’aurait voulu. Le claquement résonna contre les parois en marbre clair du couloir, amplifié par la résonance propre aux lieux somptueux. Le sol, d’un granit gris poli, reflétait les lumières encastrées dans les murs, diffusant une lueur chaude et feutrée.Le manoir de la Lune d’Argent était tout sauf traditionnel. Ici, le luxe côtoyait la modernité dans un équilibre presque irréel : hauts plafonds aux lignes épurées, colonnes de marbre veiné, rambardes en acier noir brossé, escaliers flottants bordés de verre trempé. Un lieu pensé pour l’élégance, l’autorité… et le silence redoutable des grands pouvoirs.Kael descendit les marches à grands pas. Les murs, d’un blanc nacré, étaient ponctués d’œuvres d’art contemporain aux formes abstraites, presque organiques, comme si l’architecture elle-même vivait et respirait au rythme de la meute.Il s’éloigna à grands pas, sans regarder derrière lui, mais son souffle était erratique, sa mâchoire serr
Dans sa chambre, Lyana se tenait devant le miroir, les bras croisés, le regard perdu dans son propre reflet. Elle avait passé ces derniers jours dans cette nouvelle meute, presque en suspens, comme si son corps y était, mais que son esprit restait ailleurs.Elle ne savait plus vraiment ce qui avait été le plus difficile : sa fuite… ou l’absence de Miala. Le vide qu’elle ressentait en elle, cette impression constante d’être incomplète, pesait plus lourd chaque jour.Elle pensa à sa mère, à ses murmures du passé, à ses récits sur le peuple Simensis… un peuple ancien, légendaire même, dont elle était issue. Les Simensis faisaient partie des premiers loups, ceux nés avant l’organisation des meutes, avant même que la hiérarchie des alphas ne s’impose. Ils étaient les Enfants de la Lune, ceux dont les âmes vibraient au rythme des cycles lunaires. Leur lien avec la lune était si profond que certains d’entre eux développaient des dons rares : clairvoyance, maîtrise des énergies lunaires, comm
Kael avançait d’un pas lourd à travers les couloirs du manoir, encore imprégné de l’adrénaline de son entraînement. S’il y avait bien une chose qu’il appréciait plus que tout, c’était ce moment où son esprit pouvait se libérer, où ses muscles parlaient à sa place. L’entraînement lui apportait un apaisement que les affaires du royaume ne pourraient jamais égaler. Il y trouvait une forme de liberté, un ancrage, loin du poids des responsabilités. Mais ces derniers temps, même cela semblait lui échapper. Son esprit, constamment happé par des pensées incontrôlables, peinait à rester concentré. Une tension sourde, constante, s’était installée en lui.Une attraction. Inexplicable. Irréfutable.Elle était là, juste derrière cette porte. Il le savait avant même d’en humer l’odeur. Son loup devenait de plus en plus agité à chaque pas qu’il faisait dans sa direction.Et puis… Le hurlement résonna dans son esprit.COMPAGNE !Kael s’arrêta net, le souffle coupé. Son cœur se mit à cogner contre sa
Point de vue de LyanaLes jours s’étaient écoulés depuis l’attaque aux frontières et le rétablissement de Lyana. La tension était retombée, et la meute avait retrouvé un semblant de calme. De son côté, Lyana alternait entre repos et entraînement léger sous la supervision de Liora. Pourtant, une inquiétude persistait : le silence de Miala.Depuis son retour à sa véritable apparence, elle ne ressentait plus sa louve comme avant. Miala n’avait pas disparu, non… mais sa présence était ténue, assourdie, comme une voix lointaine derrière une barrière invisible. Assise sur le rebord de la fenêtre, Lyana observait la cour où plusieurs loups s'entraînaient. Parmi eux, Kael se déplaçait avec une aisance naturelle, dominant chaque combat avec une précision implacable. Sa force, sa rapidité… tout en lui respirait l’autorité d’un Alpha.Elle détourna les yeux, agacée par l’étrange tension qui s’installait entre eux. Depuis quelques jours, un changement imperceptible flottait dans l’air. Chaque foi
Quelques jours s’étaient écoulés depuis son arrivée dans la meute. Une odeur boisée et entêtante flotta dans l’air lorsque Lyana reprit conscience. Son corps était engourdi, mais la sensation de brûlure qui l’avait consumée plus tôt avait disparu. Elle ouvrit les yeux et réalisa qu’elle était allongée sur un grand lit aux draps de soie, une épaisse couverture la recouvrant. La chambre était éclairée par une petite lampe posée sur la table de chevet à côté d’elle.Miala.Elle tenta de l’appeler à nouveau, mais un silence oppressant lui répondit. Elle se redressa brusquement, la panique montant en elle. Pourquoi son loup ne lui répondait-il pas ? Qu’est-ce que cette femme lui avait fait ?— Tu es réveillée.Lyana sursauta et tourna la tête. Liora était là, assise sur un large fauteuil de velours bleu. Elle portait un jean bleu et une blouse ample blanche. Ses jambes étaient croisées et ses mains posées dessus. Ses cheveux tombaient de chaque côté de son visage, encadrant un regard perça
Point de vue de KaelKael referma la porte derrière lui, les mâchoires serrées. Sa mère lui cachait quelque chose. Liora ne gardait jamais de secrets, surtout pas sur la meute, en fait, c'est ce qu'il pensait. Ce qu'il avait toujours cru… Mais avec cette fille, Lyana, tout était différent. Il descendit vers la grande salle. Les discussions cessèrent aussitôt. Dorian, son gamma, s’approcha, grave.— Mouvements suspects à l’Est. Des traces, des odeurs étrangères. Ils observent. — Organisés ?— Oui. Ils testent nos défenses. Dorian lui tendit un fragment d’écorce gravé d’un symbole. Kael le fixa, un frisson glacé dans l’échine.— Ce signe…— La meute d’Ébène, murmura Dorian. Kael sentit son souffle se couper. Les bannis. Les chasseurs de sang. Anéantis… ou presque.Il grimpa les marches, ouvrit la porte de la chambre sans frapper. Liora leva les yeux vers lui, impassible.— Ce symbole, dit-il en lui jetant l’écorce. Elle tressaillit à peine. Ce symbole n'était que mauvais présage. Qu'u
— Miala ?! Toujours aucune réponse.La panique s'insinua en elle comme un poison lent. Liora, imperturbable, continuait de masser ses mains avec des gestes lents et mesurés. — Ne lutte pas, Lyana. Laisse-toi aller.Elle tenta de se redresser, mais son corps lui échappait. Ses muscles étaient lourds, son souffle court. Les jumelles, en retrait, observaient la scène avec un intérêt silencieux. La brune inclina la tête.— Son corps rejette l'essence.— C'est normal, répondit Liora d'une voix douce. Elle n'y a pas été exposée depuis trop longtemps.— Comment est-ce possible ? Même les renégats y réagissent dès le premier contact.— Parce qu'elle n'est pas une simple renégate. Elle n'est pas une renégate.Le ton de Liora était étrangement serein, comme si elle savait exactement ce qu'elle faisait. Comme si elle savait exactement ce qu'était Lyana. Un frisson parcourut la jeune louve. Elle ne pouvait pas rester ici. Elle ne pouvait pas les laisser découvrir ce qu'elle était vraiment. Elle
— Nous devons partir, Miala… s’il nous retrouve… — Je pense qu’on est en sécurité ici, surtout avec ce loup. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose en lui qui me donne confiance. — Peu importe ! On doit partir d’ici. — On ne sait même pas dans quelle meute nous nous trouvons, Miala… Si on est encore près de notre ancienne meute, on a fait tout cela pour rien et ceux qui ont été sacrifiés le seront en vain. — Je sais, Ly… mais je me sens en sécurité ici.Lyana soupira et ferma les yeux un instant. Elle savait que Miala avait raison. Elle aussi ressentait cette curieuse sensation de protection ici, comme si cette meute pouvait leur offrir un refuge. Pourtant, elle ne pouvait pas se permettre de se détendre. Cela faisait des mois qu’elle fuyait, masquant son odeur, brouillant ses traces, disparaissant parmi les humains comme une ombre insaisissable. Son don rare lui avait sauvé la vie plus d’une fois, mais il avait ses limites. Et la dernière meute qui l’avait accueillie.