L'eau gelée lui coulait dans la nuque, glissait le long de son dos nu et entrait dans ses sous-vêtements sans pitié, lui causant des tremblements qu'il essayait vainement de réprimer. Ils étaient tous en petite tenue, en cercle, et le calvaire avait commencé depuis maintenant trois jours. Pour la millième fois, Raphaël se demanda pourquoi il avait choisi la classe supérieure des guerriers. Igor avait toujours été un mentor, une figure réconfortante tout au long de sa scolarité. Mais, aujourd’hui, il était devenu méconnaissable, un mélange entre un spartiate survolté et un commando marine beaucoup trop énervé. Sa dernière lubie avait été de pousser le concept des trois F, faim, froid, fatigue, à l’extrême. Abattus, ils subissaient tous sans broncher, n’arrivant à tenir que grâce à leur volonté. Après des jours sans manger quelque chose de satisfaisant, Raphaël sentait son estomac se révolter contre le traitement qu’il lui infligeait. Mais le pire ce n’était pas ça ou l’absence de sommeil, non c’était ce froid qui ne quittait pas ses os. Deux de ses camarades avaient dû partir à l’infirmerie suite à une hypothermie mais Igor ne semblait pas s’en préoccuper. Après tout, qui allait lui dire quoi que ce soit ici ?
- Raphaël, levez-vous.
La voix de l’instructeur sembla le tirer d’une profonde rêverie. Le jeune homme n’arrivait plus à réfléchir et se redressa mécaniquement, prenant en compte son environnement. Ils étaient sur le terrain d'entraînement, un vaste demi-cercle ensablé austère où ils passaient leur temps à faire du sport et à se battre. Après les seaux d’eaux gelées dont ils avaient été copieusement arrosés, Raphaël avait les tibias couverts d’une espèce de bouillie terreuse.
- Prenez une arme et battez-vous.
- Par… Pardon ?
Bégaya-t-il, peinant à comprendre ce qu’exigeait de lui son mentor. Il était en boxer, transi de froid, affamé, les yeux luttant pour rester ouverts. Comment était-il censé se battre ? Il ne sentait même plus le bout de ses doigts.
- A l’extérieur, vous combattrez lorsque vous ne vous y attendrez pas. Ne pensez-pas que vos adversaires se présenteront gentiment dans une arène et vous laisseront vous mettre en garde. Ils viendront quand vous serez le plus vulnérable et frapperont. Je ne me répéterai pas. Prenez une arme.
Les armes en question n’étaient que des bouts de bois robustes disposés dans un râtelier. Heureusement d’ailleurs, car ils avaient tous si peu de lucidité que manier une arme réelle aurait pu gravement les blesser. A bout de forces, Raphaël en saisit un et fut effaré de constater à quel point il lui paraissait lourd. A peine se tourna-t-il vers Igor qu’il constata que le maître d’armes était déjà en train de charger vers lui. Purement par réflexe, Raphaël brandit son arme de fortune pour parer le coup de l’instructeur. La violence du choc le projetta par terre et il s’écrasa pitoyablement sur le dos. Igor enfonça son pied dans les côtes du brun qui gémit de douleur, et s’adressa à tous ses disciples.
- Vous êtes venus ici parce que vous pensez avoir un don. Nous passerons ce premier semestre à apprendre l’humilité tous ensemble. Vous pouvez disposer, cette démonstration marque la fin de votre premier stage.
Oscillant entre humiliation et soulagement, Raphaël accepta l’aide de ses camarades et sortit du terrain d'entraînement. La douche chaude et le repas de la soirée lui parurent alors être le véritable bonheur.
***
- Attention la tête !
Prévint-elle de sa voix chantante et Raphaël fit mine de se cogner contre l’immense poutre qui traversait le minuscule appartement de Diane.
- Aie ! Tu aurais pu me prévenir plus tot !
La blonde se précipita vers lui, passant sous la menace sans se baisser et posa ses mains sur son front.
- Oh non tu t’es fait mal ? Montre-moi ?
- Oui j’ai mal au cœur docteur, soigne moi s’il te plait ! Répondit-il en battant exagérément des cils ce qui déclencha la colère de son amie.
- Espèce d’idiot va t’assoir !
- Et où exactement ? Sur ton lit ou sur les wc ?
Son insolence lui valut une pichenette et il éclata de rire. Lorsqu’il était avec Diane il se sentait si incroyablement apaisé que plus rien ne comptait. Il en oubliait sa formation d’Inquisiteur et l’étroitesse de son appartement.
- Tu ne répondais plus au téléphone, j’étais inquiète.
Déclara Diane en s’asseyant sur sa chaise de bureau, tandis que Raphaël s’allongeait sur son lit une place en croisant les bras derrière sa tête. Comme d’habitude, il avait trouvé une bonne excuse. Cela le rendait triste de lui mentir en permanence mais il était hors de question qu’il manque à son serment et lui révèle ce qu’il faisait en réalité.
- Désolé, j’étais à un stage de judo. Le coach nous a confisqué nos téléphones. C’était l’enfer.
- Raconte.
Alors il narra ses demi-vérités avec passion, adorant voir les différentes émotions passer sur le visage de Diane. La jeune femme était un livre ouvert et il était facile de la faire sortir de ses gonds, surtout lorsque ça concernait ses proches. Il lui raconta donc la privation de nourriture, de sommeil et les seaux d’eau gelée. La blonde était absolument scandalisée et ses sourcils se froncèrent, marquant son front de plis irréguliers.
- Mais enfin Raphaël qu’est-ce que c’est que cette méthode d'entraînement ! A quoi cela sert-il ? Vous faites du judo vous n’allez pas entrer dans les forces spéciales. Il est complètement fou ton coach, vous avez pensé à le dénoncer au président du club ? Il y a un souci là !
Le brun sourit tendrement et tendit le bras, l’attrapant par le bras et la tirant vers lui. Avec un petit cri de stupeur, Diane s’effondra sur son torse et il l’enserra entre ses bras, ne lui laissant pas la possibilité de se défaire de son étreinte
- Tout va bien. Je suis entier et encore plus beau gosse et musclé qu’avant non ?
Il faisait le malin mais sentir le souffle chaud de la jeune femme contre lui provoquait une douce chaleur en lui. Sans faire attention, il commença à jouer avec ses cheveux. Il sursauta alors en sentant une petite main se poser sur ses pectoraux et commencer à explorer son torse, pour ensuite remonter le long de ses bras.
- Oui tu es encore plus musclé qu’avant, ta chemise va bientôt craquer. Tu fais comme les mecs prétentieux qui prennent des vêtements trop petits pour se la raconter ?
Il plongea son regard dans le bleu de ses yeux et la répartie cinglante qu’il s’apprêtait à lâcher disparu. Cela faisait des années qu’ils jouaient aux meilleurs amis mais il n’était pas dupe. Ils se plaisaient et refusaient de l’admettre. Cependant, Raphaël avait de plus en plus de mal à accepter cette situation ambiguë. Il se redressa, se mettant en position semi-allongée et souleva Diane pour qu’elle se retrouve assise sur lui. Les joues de la blonde étaient cramoisies.
- Écoute, j’ai très envie de t’embrasser, là, maintenant.
Elle ne répondit pas. Il lui laissa quelques secondes pour regretter sa décision avant de fondre sur ses lèvres, peinant à contenir son désir. Il en avait tellement envie qu’il captura sa bouche avec avidité, écrasant ses lèvres contre les siennes, tandis que ses mains aggripèrent fermement ses hanches. Diane ne protesta pas et gémit contre lui ce qui lui fit perdre la tête. Il lutta de toutes ses forces pour ne pas la prendre là, maintenant, dans cet appartement exigu. Elle méritait mieux. Ses doigts qui s’étaient glissés malgré lui sous le doux tissu de son top revinrent sagement sur le coton, n’effleurant plus sa peau brûlante. Il devait se contenir, se contenter de cette bouche sucrée pour le moment. Coincée sous les fesses de Diane, son entre-jambe hurlait de douleur. Toutes ces sensations lui faisait tourner la tête et il parvint, après un effort colossal à reprendre son souffle et à interrompre ce baiser sauvage.
- Raphaël ?
Appela Diane, rougissante et haletante, tandis qu’il lui faisait signe frénétiquement de regagner le sol. La jeune femme s’exécuta avec perplexité, jusqu’au moment où elle remarqua la bosse sous le pantalon de Raphaël. Elle devint encore plus rouge et lui tourna le dos, essayant de dissimuler sa gêne.
- C’était incroyable bordel. Lâcha-t-il avec un sourire béat.
- Tu… On s’était juré de ne jamais franchir la ligne Raphaël. Retorqua doucement Diane.
Une promesse stupide d’enfants. Etre toujours là l’un pour l’autre, ne jamais gâcher leur précieuse amitié. Mais c’était trop tard, il ne pouvait se voiler la face plus longtemps.
- Diane, soyons réalistes. Tu aimerai sortir avec un mec qui a une relation avec une fille comme la nôtre ?
- Non… Mais…
- Alors voilà. Ce n’est plus de l’amitié depuis longtemps tu le sais. Tu as le choix maintenant, soit tu reconnais tes sentiments, soit on ne se verra plus. Je ne peux pas passer ma vie à attendre.
Il était dur et s’en voulait mais elle ne lui laissait pas le choix. Des années à la voir devenir de plus en plus belle. Des années à observer des hommes médiocres rôder autour d’elle. Et lui patientait, se consacrant à ses études avec ferveur.
- J’ai besoin de toi. Expliqua-t-il en se libérant difficilement du cocon dans lequel il était plongé. Quand je suis avec toi je me sens libre et heureux et je sais que tu ressens la même chose.
- Bien sur que je suis attirée par toi mais j’ai tellement peur Raphael. On ne vient pas du même milieu et…
Il leva les yeux au ciel et se dirigea vers la porte de l'appartement, en esquivant soigneusement la poutre traîtresse. Diane avait un complexe d’infériorité depuis toujours à cause de leur prétendue différence sociale.
- C’est ridicule. Mes parents t’adorent. On est pas dans un film, ils ne vont pas me forcer à me marier à une riche héritière ou je ne sais quoi. Alors arrête de stresser. De toute manière on en reparlera très bientôt.
Il perçut l’hésitation dans les yeux de la jeune femme mais elle se dirigea finalement vers lui et l’enlaça. Son parfum apaisant, de la lavande probablement, réconforta Raphaël qui ferma les yeux. Il aurait tout donner pour que ce moment soit éternel.
- Désolée Raphaël. J’ai des soucis en ce moment, ma patronne est carrément flippante mais je te promets d’y réfléchir.
Elle lui offrit un sourire délicat qui le plongea encore plus dans l’adoration. Le guerrier l’attrapa par les épaules et fronça les sourcils.
- Comment ça flippante ?
- Elle fait des trucs bizarres, occultes, je ne peux pas vraiment t’expliquer mais…
- Diane c’est important, de quoi tu parles exactement ?
La sonnerie du téléphone de la blonde se mit soudainement à retenir. A regrets elle se dégagea de son étreinte et tourna les talons.
- Je dois répondre, ne t’en fais pas ce n’est rien de bien important Raphaël. A bientôt.
Chassé malgré lui, le brun sortit de l’appartement encore un peu béat. Toutefois son intuition commençait à tirer la sonnette d’alarme. Il allait jeter un coup d'œil à l’établissement où travaillait Diane. Juste pour se rassurer.
Diane tordit nerveusement ses cheveux et inspira profondément. Elle était d’une nature bien trop sensible et cette situation ne lui convenait absolument pas. Habituée à être mutique, à raser les murs, ignorant les autres humains qui avaient le malheur de l’entourer, se retrouver face à Madame Duchaux lui était insoutenable. D’autant plus que Madame Duchaux était effondrée en bas des escaliers, du sang luisant derrière son crâne, tachant le faux marbre de l’immeuble des années cinquante où elles habitaient. Au téléphone, la voix de l’opératrice lui répétait les mêmes instructions mais le cerveau de la jeune femme semblait ne plus vouloir fonctionner, entièrement plongé dans un état de sidération. Péniblement, elle réussit à articuler quelque chose, sa voix lui procurant une drôle de sensation, comme si ce n’était pas elle qui parlait, mais une étrangère. - Non, je ne sais pas si elle respire…Prendre le pouls, prendre le pouls. Comment pouvait-elle s’approcher de ça ? Madame Duchaux a
Il s’était toujours demandé pourquoi son papa était si souvent absent. Ils ne manquaient de rien, la maison était confortable, chaleureuse, et sa maman préparait de merveilleux cookies. Mais il y avait cette pièce interdite et l’odeur étrange, rance, métallique, que dégageait papa lorsqu’il rentrait. Puis, un jour le petit garçon devint grand, et il ouvrit la porte de la pièce.Il avait tout d’un jeune homme ordinaire. Des amis l'entourant en riant joyeusement, des livres sous le bras, une attitude polie et courtoise en croisant quelqu’un dans un couloir, un air mutin quand un professeur lui posait une question et de grands yeux verts irrésistibles. Raphael était le petit roi de son école, sans qu’il abuse de ce privilège. Cependant, contrairement à ce que les gens normaux pouvaient bien penser, ils n’avaient pas été d’écoles privées en écoles privées pour élites. Non, depuis ses 5 ans il étudiait à l’Académie des Braves, nichée en plein cœur de Paris. Il connaissait ses camarades dep
Elle avait accepté ce poste sur un coup de tête, se laissant porter par le cours des évènements. Ses études de lettres et ce nouveau job occupait la majeure partie de son temps. Travailler au salon de thé la ravissait et elle avait fait plein de suggestions à Delphine, la gérante. Passionnée de lecture, la jeune femme avait emporté certains de ses ouvrages et créer une petite blibliothèque à coté de coussins moelleux où les clients pouvaient bouquiner en toute sérénité. Elle avait refait les menus, les décorants de dessins de muffins souriants ou de grains de café volant dans tous les sens. Toutes ces petits améliorations semblaient ravir Delphine et tout se passait bien. Elles discutaient durant le service et Diane avait l'impression que son ainée voulait aborder certains sujets mais se ravisait. Ne souhaitant pas la brusquer, elle attendait patiemment que la gérante s'ouvre à elle. Ce jour là, Diane fixait d'un air piteux le citronnier en pot de la terrasse. Elle l'avait toujours c
L'eau gelée lui coulait dans la nuque, glissait le long de son dos nu et entrait dans ses sous-vêtements sans pitié, lui causant des tremblements qu'il essayait vainement de réprimer. Ils étaient tous en petite tenue, en cercle, et le calvaire avait commencé depuis maintenant trois jours. Pour la millième fois, Raphaël se demanda pourquoi il avait choisi la classe supérieure des guerriers. Igor avait toujours été un mentor, une figure réconfortante tout au long de sa scolarité. Mais, aujourd’hui, il était devenu méconnaissable, un mélange entre un spartiate survolté et un commando marine beaucoup trop énervé. Sa dernière lubie avait été de pousser le concept des trois F, faim, froid, fatigue, à l’extrême. Abattus, ils subissaient tous sans broncher, n’arrivant à tenir que grâce à leur volonté. Après des jours sans manger quelque chose de satisfaisant, Raphaël sentait son estomac se révolter contre le traitement qu’il lui infligeait. Mais le pire ce n’était pas ça ou l’absence de somme
Elle avait accepté ce poste sur un coup de tête, se laissant porter par le cours des évènements. Ses études de lettres et ce nouveau job occupait la majeure partie de son temps. Travailler au salon de thé la ravissait et elle avait fait plein de suggestions à Delphine, la gérante. Passionnée de lecture, la jeune femme avait emporté certains de ses ouvrages et créer une petite blibliothèque à coté de coussins moelleux où les clients pouvaient bouquiner en toute sérénité. Elle avait refait les menus, les décorants de dessins de muffins souriants ou de grains de café volant dans tous les sens. Toutes ces petits améliorations semblaient ravir Delphine et tout se passait bien. Elles discutaient durant le service et Diane avait l'impression que son ainée voulait aborder certains sujets mais se ravisait. Ne souhaitant pas la brusquer, elle attendait patiemment que la gérante s'ouvre à elle. Ce jour là, Diane fixait d'un air piteux le citronnier en pot de la terrasse. Elle l'avait toujours c
Il s’était toujours demandé pourquoi son papa était si souvent absent. Ils ne manquaient de rien, la maison était confortable, chaleureuse, et sa maman préparait de merveilleux cookies. Mais il y avait cette pièce interdite et l’odeur étrange, rance, métallique, que dégageait papa lorsqu’il rentrait. Puis, un jour le petit garçon devint grand, et il ouvrit la porte de la pièce.Il avait tout d’un jeune homme ordinaire. Des amis l'entourant en riant joyeusement, des livres sous le bras, une attitude polie et courtoise en croisant quelqu’un dans un couloir, un air mutin quand un professeur lui posait une question et de grands yeux verts irrésistibles. Raphael était le petit roi de son école, sans qu’il abuse de ce privilège. Cependant, contrairement à ce que les gens normaux pouvaient bien penser, ils n’avaient pas été d’écoles privées en écoles privées pour élites. Non, depuis ses 5 ans il étudiait à l’Académie des Braves, nichée en plein cœur de Paris. Il connaissait ses camarades dep
Diane tordit nerveusement ses cheveux et inspira profondément. Elle était d’une nature bien trop sensible et cette situation ne lui convenait absolument pas. Habituée à être mutique, à raser les murs, ignorant les autres humains qui avaient le malheur de l’entourer, se retrouver face à Madame Duchaux lui était insoutenable. D’autant plus que Madame Duchaux était effondrée en bas des escaliers, du sang luisant derrière son crâne, tachant le faux marbre de l’immeuble des années cinquante où elles habitaient. Au téléphone, la voix de l’opératrice lui répétait les mêmes instructions mais le cerveau de la jeune femme semblait ne plus vouloir fonctionner, entièrement plongé dans un état de sidération. Péniblement, elle réussit à articuler quelque chose, sa voix lui procurant une drôle de sensation, comme si ce n’était pas elle qui parlait, mais une étrangère. - Non, je ne sais pas si elle respire…Prendre le pouls, prendre le pouls. Comment pouvait-elle s’approcher de ça ? Madame Duchaux a