3: Retour aux origines
LE Point de vue d’Alessandro
L’odeur du jasmin et du bois ciré m’accueille dès que je franchis la porte d’entrée. Un parfum familier, chargé de souvenirs. Tout est silencieux. Trop silencieux.
Je marque une pause dans le hall, observant autour de moi. Rien n’a changé depuis mon départ. Chaque meuble est resté à sa place, chaque détail figé dans le temps. Pourtant, quelque chose semble différent.
Un vide.
Comme si la maison elle-même avait cessé de respirer. Je referme la porte derrière moi et avance lentement, mes pas résonnant légèrement sur le marbre glacé. Où sont passés les domestiques ? Y a-t-il seulement quelqu’un qui vit encore ici ? Je dépose ma valise près de l’escalier et inspire profondément. Ce voyage était inévitable. Depuis le décès de mon père, tout a changé.
La mafia. Son empire.
Tout m’est tombé dessus du jour au lendemain, m’arrachant à cette maison, à ma mère, à la vie que j’aurais pu mener autrement. Mais aujourd’hui…
Aujourd’hui, je m’accorde une pause.
Je monte lentement l’escalier, mon regard effleurant les murs ornés de tableaux et de photos d’un autre temps. Puis, devant la porte de ma mère, mon cœur se serre.
J’hésite un instant avant de frapper doucement.
— Entre, mon fils.
Sa voix est faible, mais toujours aussi douce. J’appuie sur la poignée et pousse la porte. Elle est là.
Allongée sur son grand lit, le corps fragile, la peau pâle, amaigrie par la maladie. Je ravale un juron et referme la porte derrière moi, m’approchant lentement.
— Mama…
Elle me sourit. Un sourire fatigué, mais sincère.
Je m’assieds au bord du lit, mon regard balayant son visage. J’ai connu ma mère forte, imposante, une femme qui tenait cette maison d’une main de fer. Aujourd’hui, il ne reste qu’une ombre d’elle-même.
— Tu es enfin là, murmure-t-elle.
— J’aurais dû revenir plus tôt.
Elle secoue doucement la tête.
— Ne dis pas ça. Tu avais des responsabilités. Je suis heureuse que tu sois là maintenant.
Je serre les poings. Des responsabilités… Si elle savait ce que j’ai dû faire pour conserver l’héritage de mon père. Les nuits sans sommeil. Les décisions impitoyables. Le sang sur mes mains. Mais ici, devant elle, tout ça n’existe pas.
Je prends sa main dans la mienne, la trouvant froide, presque fragile sous mes doigts.
— Tu es si maigre, mama.
Elle rit doucement.
— C’est la maladie, Alessandro. Elle fait partie de moi maintenant.
Sa voix est paisible, mais je lis dans ses yeux qu’elle sait. Qu’elle sait que le temps lui échappe. L’impuissance me ronge.
— Tu as quelqu’un pour s’occuper de toi ?
— Oui, bien sûr. Une jeune fille adorable. Livia.
Je fronce les sourcils.
— Livia ?
— Une servante. C’est elle qui veille sur moi chaque jour. Elle est discrète, dévouée.
Une servante, donc. Je ne l’ai jamais vue. J’imagine une femme âgée, usée par le travail, comme les anciennes domestiques de la maison.
— Où est-elle ? demandé-je.
— Elle doit être quelque part dans la maison.
Je hoche la tête, mais mon regard reste fixé sur elle.
— Mama… et si je restais ici ? Juste un peu plus longtemps.
Elle presse ma main dans la sienne, un sourire tendre aux lèvres.
— Si c’est ce que tu veux, alors reste.
Je n’ai jamais voulu partir. Mais cette maison n’est plus la mienne. Elle ne l’est plus depuis longtemps. Et pourtant, en cet instant, alors que je suis assis près d’elle, une étrange sensation me traverse. Comme si quelque chose m’attendait ici. Quelque chose que je ne soupçonne pas encore.
Je referme doucement la porte de la chambre derrière moi et inspire profondément. Un parfum subtil flotte dans l’air.
Un mélange de lavande et de linge frais.
L’éclat des meubles cirés, la netteté des draps tendus avec précision… tout est impeccable.
— Wow… murmuré-je, impressionné.
Ça faisait des années que je n’avais pas mis les pieds ici, et pourtant, cette pièce n’a jamais semblé aussi accueillante. Quelqu’un a pris soin de cet endroit.
Livia.
Je me souviens des paroles de ma mère. Une servante discrète et dévouée. Je fais quelques pas vers le lit, traînant ma valise derrière moi, et c’est là que je la vois.
Un choc. Un instant suspendu.
Allongée sur le tapis, paisible et abandonnée au sommeil, une jeune femme.
Merde…
Mes doigts se crispent sur la poignée de ma valise alors que mon regard glisse lentement sur elle. Sa poitrine se soulève doucement sous sa respiration lente, et son uniforme, bien trop ajusté, épouse chaque courbe de son corps.
Une jupe trop courte. Un chemisier légèrement déboutonné, laissant entrevoir une peau dorée, douce… tentante. Ces seins étaient visibles, du moins une partie.
Ses jambes nues s’étendent sur le tapis, l’une légèrement repliée, offrant un aperçu de cuisses fermes et lisses qui brillent sous la lumière tamisée de la pièce.
Mon souffle se bloque. Son visage… Un ovale parfait, des lèvres pleines, légèrement entrouvertes dans son sommeil, comme une invitation silencieuse.
Ses longs cils effleurent le haut de ses pommettes, et une mèche de cheveux s’étale sur son front, contrastant avec la pureté de sa peau.
Elle a l’air fragile. Elle a l’air… putain de désirable. Une chaleur brute me traverse le ventre.
Merde. Je déglutis avec difficulté, essayant d’ignorer l’étrange tension qui me prend à la gorge. Je ne l’imaginais pas ainsi.
Pas aussi… belle.Mon regard se pose sur sa poitrine, sur ces courbes pleines qui se soulèvent à chaque respiration.
Si elle savait. Si elle savait ce qu’elle inspire à cet instant précis. Je passe une main sur mon visage, essayant de chasser l’adrénaline soudaine qui pulse dans mes veines.
"Reprends-toi, Alessandro".
Je devrais la réveiller.
Je devrais lui dire qu’elle n’a rien à foutre ici, dans ma chambre, sur mon tapis, à me tenter ainsi sans même s’en rendre compte. Mais une part de moi hésite. Juste une seconde de plus. Une seconde de plus à observer cette vision troublante qui réveille en moi quelque chose de sombre… et de dangereux.
4:Trouble et tentationLE Point de vue d’Alessandro Mon regard ne quitte pas son visage endormi. Livia. Ma servante.Je devrais la réveiller. Lui dire de dégager, de retourner dans sa chambre. Ce n’est pas sa place ici. Et pourtant… Je me baisse légèrement, approchant mon visage du sien. Sa respiration est calme, profonde. Ses lèvres pleines s’entrouvrent à chaque inspiration, et une étrange chaleur s’installe au creux de mon ventre. Putain. Je serre la mâchoire et tends une main vers son épaule. — Livia… murmuré-je doucement. Pas de réaction. J’appuie un peu plus mes doigts sur son bras. Sa peau est chaude sous mes doigts, douce. Trop douce. Elle ne bouge pas. Je la fixe, hésitant. Elle doit être épuisée. C’est elle qui a nettoyé ma chambre. C’est pour moi qu’elle s’est fatiguée jusqu’à s’endormir sur ce tapis. Un frisson me traverse. Une étrange culpabilité, mêlée à autre chose de plus sombre, plus primitif. Je devrais la réveiller. Mais au lieu de ça, je me redresse lenteme
5 : Sous son emprisePoint de vue d’AlessandroJe devrais l’ignorer. Ne pas penser à elle. Mais son image refuse de quitter mon esprit. Cette fille… ma servante… est un problème. Je passe une main dans mes cheveux encore humides en sortant de la douche. Mon corps est enfin détendu, mais mon esprit est en ébullition. Putain. J’attrape un t-shirt noir et un jogging avant de quitter ma chambre. Il est tard, et j’ai besoin de manger quelque chose. La maison est silencieuse alors que je descends l’escalier. L’ambiance est la même qu’à mon départ : trop grande, trop vide, trop pesante. Mais en m’approchant de la cuisine, un bruit discret attire mon attention. Un frémissement d’huile chaude. Le cliquetis léger d’un couteau sur une planche à découper. Et… une silhouette. Je m’arrête à l’entrée de la cuisine, sans bruit. Et je la vois. Livia est là, concentrée sur sa tâche, totalement inconsciente de ma présence. Elle porte toujours son uniforme de servante. Trop court. Trop serré.
6: Un mensonge troublantEnfin seule. Après ce moment déroutant avec Alessandro dans la cuisine, j’avais besoin de retrouver mon calme. Heureusement, lorsqu’après quelques minutes je suis revenue pour dresser la table, il n’était plus là. Un profond soulagement m’a envahie. Il est oppressant. Dominant. Chaque fois qu’il est près de moi, j’ai l’impression de suffoquer sous son regard perçant. Alors, travailler sans sentir son ombre peser sur moi… c’est une délivrance. Je prends le temps de bien aligner les assiettes, de plier les serviettes avec soin, et de m’assurer que tout soit parfait pour le dîner. Madame Isabella mangeait peu ces derniers temps, alors j’essayais toujours de rendre les repas plus agréables pour elle. Quand tout est prêt, je retire mon tablier et monte à l’étage pour l’informer que le dîner est servi. Je traverse le couloir d’un pas rapide. J’ai hâte de terminer cette journée. Mais alors que j’arrive devant la chambre de Madame Isabella… Je me fige. Non…
7: La peur ou l'envie LE POINT DE VUE DE livia Je suis encore assise dans le salon, les nerfs en vrac, tentant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Madame Isabella vient de monter dans sa chambre, nous laissant seuls. Seuls. Avec lui. Je sens sa présence avant même de le voir bouger. Un frisson me parcourt lorsque j’entends le bruit de sa chaise qui glisse sur le sol. Il se lève lentement, avec cette démarche calculée, presque féline. Mes doigts se crispent sur le tissu de ma robe lorsque je réalise qu’il vient droit vers moi. Je relève la tête, et son regard sombre et perçant se fixe sur le mien. — Tu es audacieuse, Livia. Sa voix est grave, posée, mais il y a une lueur dangereuse dans ses yeux. Je me redresse instinctivement, mais avant que je ne puisse faire un pas, il est déjà là. Tout va trop vite. Ses mains agrippent mes poignets, et en un seul mouvement, il me plaque contre le mur du salon. L’impact est doux, mais la tension est brutale. Son corps est s
8: Piéger Je suis piégée. Coincée entre son corps et le mur du couloir. Son regard sombre me transperce, et sa prise sur mon bras est toujours aussi ferme. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il peut l’entendre. Je devrais partir. Je devrais m’éloigner. Mais je suis incapable de bouger. Il incline légèrement la tête, son regard perçant cherchant à percer mes pensées. — Pourquoi tu hésites à partir, Livia ? Sa voix est grave, un murmure presque dangereux. Ma gorge se serre. Je détourne les yeux, mais il ne me laisse aucun répit. — À moins que… Son ton se fait plus lent, plus provocateur. Je fronce les sourcils, levant les yeux vers lui. — À moins que quoi ? Un sourire narquois effleure ses lèvres. — Ah… donc tu as une bouche pour parler ?Ma respiration se coupe une seconde. Il s’amuse. Il joue avec moi. Et je suis totalement sous son emprise. Soudain, il se penche. Ses lèvres s’approchent dangereusement des miennes, mais ce sont ses yeux qui me captivent. I
9 : C'est lui je voulais. LE POINT DE VUE d'ALESSANDRO Je referme la porte derrière moi et laisse échapper un léger rire en secouant la tête. Merde. Livia. Je l’ai laissée là, pantelante, tremblante, totalement à ma merci… et j’ai adoré chaque seconde. Je me jette sur mon lit, mon téléphone en main, mais l’image de son regard perdu, de sa bouche entrouverte, de son souffle erratique refuse de quitter mon esprit. Elle me voulait. Et j’aurais pu la prendre, là, contre ce mur, sans même lui laisser le temps de réfléchir. Mais où serait le plaisir ? Je souris en passant une main dans mes cheveux. Je préfère la voir lutter. Se battre contre son propre désir. C’est tellement plus excitant. Je l’ai sentie sous moi, frissonnante, humide , complètement soumise à mes caresses. Elle voulait crier qu’elle me voulait… je l’ai vu dans ses yeux, dans la façon dont son corps a répondu au mien. Et pourtant, elle n’a rien dit. Elle s’est contenue. Son putain d’orgueil. Je rallume mon écran, l
10 :LE POINT DE VUE DE LIVIA La nuit était tombée depuis un moment déjà, et le silence régnait dans la villa. J’étais seule dans la cuisine, en train de ranger les derniers ustensiles après le dîner, profitant du calme après cette journée épuisante. Isabella s’était retirée tôt dans sa chambre, et Alessandro… Je n’avais aucune idée d’où il était, mais au fond, je préférais ne pas croiser son regard perçant ce soir. Alors que je m’apprêtais à éteindre la lumière, tout s’est éteint d’un coup. Un noir total. Plus un seul bruit, à part ma propre respiration qui s’était accélérée sous l’effet de la surprise. — Merde… murmurai-je en cherchant mon téléphone dans la poche de mon tablier. Impossible de voir quoi que ce soit. Mon cœur battait un peu plus fort alors que je faisais quelques pas à l’aveugle. J’avais toujours détesté l’obscurité totale. Je tendais la main, avançant lentement dans l’espoir de ne pas heurter quelque chose, quand soudain, une voix grave et amusée s’éleva derri
11:LE POINT DE VUE DE LIVIAJe suis allongée sur mon lit, le regard perdu dans le plafond, les draps légèrement froissés sous mon corps encore fébrile. Mon cœur bat toujours un peu trop vite, et je peux encore sentir chaque frisson, chaque sensation qu'il m'a laissée. Alessandro… Je ferme les yeux, et aussitôt, l’image de son corps puissant contre le mien, de ses mains fermes, de sa bouche brûlante sur ma peau, me revient en tête. Mon ventre se serre, un mélange d’excitation et de gêne m’envahit. J’ai cédé. J’ai totalement perdu le contrôle. Là, dans cette cuisine, au beau milieu de la nuit, je me suis offerte à lui sans retenue, sans réfléchir. C’était sauvage, intense, brûlant. Comme si tout ce désir contenu depuis des jours, toutes ces tensions, s’étaient enfin libérées d’un coup. J’ai aimé chaque seconde. Je me pince les lèvres en me tournant sur le côté, serrant mon oreiller contre moi. Bon sang… Comment je vais faire maintenant ? Demain matin, je vais devoir me lever
25: Une force fragileLE POINT DE VUE DE d'alessandro Je n’aurais jamais cru voir ma mère aussi faible. Allongée sur ce lit d’hôpital, entourée de machines qui bipent à intervalle régulier, elle me semble si petite. Elle qui a toujours été mon pilier, mon roc, me paraît aujourd’hui aussi fragile qu’une feuille prête à être balayée par le vent. Je serre la mâchoire, le cœur en vrac. L’idée de la perdre me consume de l’intérieur. Je devrais être fort, pour elle, pour moi. Mais comment fait-on pour se préparer à perdre la personne qu’on aime le plus au monde ? — Alessandro… Sa voix, douce mais ferme, me ramène à la réalité. Je lève les yeux vers elle. Elle me fixe avec ce regard déterminé que je connais si bien. — Ne fais pas cette tête. Je laisse échapper un rire amer. — Quelle tête ? — Celle d’un homme qui pense qu’il va perdre la bataille avant même de l’avoir livrée. Je baisse la tête, incapable de répondre. Elle soupire doucement, puis tend une main vers moi. Je l
24 : Le mensonge silencieuxJe referme doucement la porte de la chambre d’hôpital derrière moi, le cœur alourdi par une culpabilité que je n’arrive plus à ignorer. Isabella est allongée dans son lit, le teint pâle, les yeux fatigués, mais toujours aussi doux lorsqu’ils se posent sur moi. Un léger sourire étire ses lèvres, comme si ma simple présence suffisait à l’apaiser. — Assieds-toi, ma chérie, murmure-t-elle en tapotant le bord du lit. J’hésite un instant, puis je m’installe sur le fauteuil à côté d’elle. Ses doigts frêles viennent chercher ma main, et je ressens aussitôt la chaleur maternelle qu’elle dégage. Une chaleur qui me serre le cœur, car elle me traite comme sa belle-fille… alors que tout ceci n’est qu’un mensonge. — Comment ça se passe avec Alessandro ? demande-t-elle, sa voix à peine plus forte qu’un souffle. Je déglutis. Comment répondre à ça ? Dire que tout va bien ? Que son fils et moi sommes amoureux ? Que nous sommes un couple heureux et uni ? Le mensonge m
23LE POINT DE VUE DE LIVIA Tout s’est passé en quelques secondes. Un bruit sourd dans le salon, suivi d’un cri étouffé. Quand je me retourne, Isabella est effondrée sur le canapé, une main crispée sur sa poitrine, le teint blême. — Madame ! lançai-je en me précipitant vers elle. Son souffle est court, irrégulier. Ses yeux papillonnent de douleur et elle tente de me parler, mais aucun son ne sort correctement de sa bouche. — Alessandro ! criai-je d’une voix paniquée. Il déboule dans la pièce à une vitesse folle. Dès qu’il voit sa mère, son expression change du tout au tout. Son visage se fige, son regard se remplit d’une peur brute, viscérale. — Maman ?! Il s’agenouille à côté d’elle, prend son visage entre ses mains. — Qu’est-ce qui se passe ? Respire, Maman. Parle-moi. Isabella ouvre la bouche avec difficulté. — Mon… cœur… Alessandro n’attend pas plus longtemps. Il glisse un bras sous ses jambes, l’autre dans son dos, et la soulève sans effort. — Livia, pre
22:LE POINT DE VUE d'Alessandro Je rentre tard. Trop tard. Je le sais dès l’instant où je pousse la porte et que je trouve Livia assise dans le salon, les bras croisés, le regard fixé sur moi comme si elle attendait ce moment. — Belle soirée ? lance-t-elle d’un ton qui se veut détaché, mais je décèle immédiatement l’ironie derrière ses mots. Je referme la porte derrière moi et retire ma veste lentement, observant chaque nuance de son visage. Elle ne sait pas mentir. Son agacement transparaît dans chaque muscle crispé, chaque battement trop rapide de ses cils. — Très belle, en effet, dis-je, juste pour voir sa réaction. Et ça ne loupe pas. Sa mâchoire se serre, ses lèvres se pincent légèrement. — Tu as raccompagné Bianca ? demande-t-elle, faussement innocente. Je hausse un sourcil. — J’étais censé la laisser partir seule, en pleine nuit ? Elle lève les yeux au ciel et se lève brusquement du canapé. — Évidemment. Le grand Alessandro De Luca, toujours prêt à jouer le
21: LE POINT DE VUE DE LIVIA Le bruit des coups frappés à la porte me sort de mes pensées. Je pose le torchon sur le plan de travail et me dirige vers l’entrée, ajustant rapidement ma robe avant d’ouvrir. Devant moi, une femme. Élégante, sophistiquée, une beauté glaciale qui ne laisse aucun doute sur son assurance. Ses cheveux blonds sont parfaitement coiffés, sa robe moulante met en valeur un corps aux courbes parfaitement maîtrisées, et son parfum de luxe envahit immédiatement l’espace entre nous. Elle me regarde avec un air indéchiffrable avant de lâcher d’une voix suave : — Je voudrais voir Alessandro. Mon cœur rate un battement. Ce n’est pas une simple connaissance, ça se sent. Il y a quelque chose dans son ton, dans sa posture… une proximité évidente avec lui. Je n’ai pas le temps de répondre que des bruits de pas résonnent dans l’escalier. Alessandro descend lentement, ses traits fermés, son regard dur. Dès qu’il la voit, son corps se tend légèrement, mais c’est surt
20: LE POINT DE VUE DE Livia Je venais à peine de retirer mes chaussures après cette longue journée lorsque j’entendis sa voix grave résonner dans le couloir. — Livia, viens dans ma chambre.Un frisson me parcourut l’échine. Il n’y avait ni douceur ni hésitation dans son ton. Juste une évidence. Un ordre déguisé en invitation. Je me redressai et marchai jusqu’à sa porte, la gorge légèrement serrée. Je poussai lentement le battant et le trouvai là, appuyé contre le bord du lit, les bras croisés, le regard sombre et pénétrant. — À partir d’aujourd’hui, toutes tes nuits se passeront ici, déclara-t-il d’un ton neutre. Il ne souriait pas, mais il ne semblait pas non plus dur ou distant. C’était simplement un fait, un arrangement qu’il m’exposait sans me laisser le choix. Je restai un instant immobile, le cœur battant plus vite que je ne l’aurais voulu. Dormir avec lui… chaque nuit… Je savais que c’était inévitable, mais l’entendre ainsi, prononcé si clairement, me fit réaliser
19: le contrat LIVIAJe le regardai se lever du lit, son corps encore chaud de notre étreinte. Mon souffle était toujours court, ma peau encore marquée par ses caresses, mais Alessandro avait déjà repris son masque d’homme d’affaires, celui du milliardaire sûr de lui, froid et déterminé. Il marcha lentement vers une armoire, l’ouvrit et en sortit une mallette noire qu’il posa sur le bureau avec une précision calculée. Le clic métallique de l’ouverture résonna dans la chambre silencieuse. Il en sortit un dossier épais, puis un stylo argenté. — Voici le contrat, dit-il en revenant vers moi, le regard perçant, inébranlable. J’hésitai avant de tendre la main et prendre les documents. Il s’installa à côté de moi sur le lit, mais cette fois-ci, il n’y avait plus rien de sensuel dans sa posture. Il était sérieux, presque distant. Je déglutis et baissai les yeux sur les pages. "Contrat de mariage entre Alessandro Moretti et Livia Romano."Les lettres noires semblaient danser sous m
18: LE POINT DE VUE DE LIVIALa table était dressée avec une élégance raffinée, comme toujours. La lumière tamisée du lustre en cristal reflétait les dorures de la vaisselle, et l'odeur du vin rouge, délicatement choisi par Isabella, emplissait la salle à manger d’un arôme boisé. Je tenais ma fourchette entre mes doigts, jouant distraitement avec les légumes dans mon assiette, tentant d’ignorer le regard brûlant d’Alessandro posé sur moi. Ce dîner était censé être une simple formalité. Une annonce orchestrée, un jeu de rôle que nous avions convenu. Et pourtant, quelque chose était différent. — Maman, je voulais te parler d’une chose importante, déclara Alessandro d’un ton détendu, tout en attrapant mon poignet sur la table. Son contact me fit frissonner malgré moi. Il était chaud, sûr de lui. Il le faisait pour le spectacle, et pourtant, mon cœur rata un battement. — Livia et moi… Il marqua une pause, puis plongea son regard sombre dans le mien avant de continuer : Nous nous
17: LE POINT DE VUE DE Livia Trois jours s’étaient écoulés depuis cette nuit où Alessandro m’avait fait une proposition insensée. Trois jours où je n’avais toujours pas donné ma réponse. Trois jours où je faisais tout pour éviter de trop y penser. Alors, comme d’habitude, je me suis plongée dans mon travail, espérant que l’agitation de la cuisine m’empêche de trop cogiter. Ce matin, j’avais décidé de préparer un dîner spécial. Madame Isabella aimait particulièrement les plats traditionnels italiens, et je voulais lui faire plaisir avec une recette maison de lasagnes aux truffes et au parmesan. J’étais en plein dans la préparation de la béchamel, une main sur la casserole pendant que l’autre mélangeait doucement au fouet, quand un clac sonore retentit. D’un seul coup, le bruit du moteur du four électrique s’éteint. La cuisine plonge dans un silence perturbant. Je fronce les sourcils. — Non, non, non... Pas maintenant, merde !Je lâche le fouet et me dirige rapidement vers le