10 :LE POINT DE VUE DE LIVIA La nuit était tombée depuis un moment déjà, et le silence régnait dans la villa. J’étais seule dans la cuisine, en train de ranger les derniers ustensiles après le dîner, profitant du calme après cette journée épuisante. Isabella s’était retirée tôt dans sa chambre, et Alessandro… Je n’avais aucune idée d’où il était, mais au fond, je préférais ne pas croiser son regard perçant ce soir. Alors que je m’apprêtais à éteindre la lumière, tout s’est éteint d’un coup. Un noir total. Plus un seul bruit, à part ma propre respiration qui s’était accélérée sous l’effet de la surprise. — Merde… murmurai-je en cherchant mon téléphone dans la poche de mon tablier. Impossible de voir quoi que ce soit. Mon cœur battait un peu plus fort alors que je faisais quelques pas à l’aveugle. J’avais toujours détesté l’obscurité totale. Je tendais la main, avançant lentement dans l’espoir de ne pas heurter quelque chose, quand soudain, une voix grave et amusée s’éleva derri
11:LE POINT DE VUE DE LIVIAJe suis allongée sur mon lit, le regard perdu dans le plafond, les draps légèrement froissés sous mon corps encore fébrile. Mon cœur bat toujours un peu trop vite, et je peux encore sentir chaque frisson, chaque sensation qu'il m'a laissée. Alessandro… Je ferme les yeux, et aussitôt, l’image de son corps puissant contre le mien, de ses mains fermes, de sa bouche brûlante sur ma peau, me revient en tête. Mon ventre se serre, un mélange d’excitation et de gêne m’envahit. J’ai cédé. J’ai totalement perdu le contrôle. Là, dans cette cuisine, au beau milieu de la nuit, je me suis offerte à lui sans retenue, sans réfléchir. C’était sauvage, intense, brûlant. Comme si tout ce désir contenu depuis des jours, toutes ces tensions, s’étaient enfin libérées d’un coup. J’ai aimé chaque seconde. Je me pince les lèvres en me tournant sur le côté, serrant mon oreiller contre moi. Bon sang… Comment je vais faire maintenant ? Demain matin, je vais devoir me lever
12:LE POINT DE VUE DE ALESSANDROLa nuit est tombée depuis un moment, mais je n’ai pas cherché à rejoindre ma chambre. Au lieu de ça, je me suis retrouvé dehors, assis au bord de la piscine, les pieds plongés dans l’eau tiède. Une grosse cigarette italienne entre les doigts, je tire une longue bouffée, laissant la fumée s’échapper lentement dans l’air. La conversation avec ma mère tourne en boucle dans ma tête. Un enfant… Je secoue la tête, agacé. Non. Ce n’est pas pour moi. Avoir un foyer, une famille… Ce sont des choses que je ne peux pas me permettre. Je suis un homme de l’ombre, né dans un monde où l’amour et l’innocence n’ont pas leur place. Mon père est mort dans ce jeu, et si je ne suis pas prudent, moi aussi je finirai comme lui. Est-ce que je veux vraiment imposer ça à une femme ? À un enfant ? Je prends une autre bouffée, mes yeux fixés sur mon reflet dans l’eau. Mais au fond, je sais que ce n’est pas seulement ça. Ce n’est pas seulement une question de danger ou de
13 : LE POINT DE VUE D'ALESSANDRO Je ne sais pas pourquoi je suis là. Je devrais être dans ma chambre, à fumer une autre cigarette, à réfléchir à ce que ma mère m’a dit, à ignorer tout ce que je ressens. Mais au lieu de ça, je suis debout devant la porte de Livia. J’hésite. Une fraction de seconde. Puis je frappe. Une fois. Deux fois. Trois. Et la porte s’ouvre. Merde. Je n’étais pas prêt à ça. Livia est devant moi, une robe de nuit blanche qui épouse son corps comme une seconde peau. Fine, délicate, presque transparente sous la lumière tamisée de sa chambre. Ses cheveux tombent en cascade sur ses épaules, un peu en désordre. Son regard est encore embué de sommeil, mais dès qu’elle me voit, il s’agrandit, surpris. Putain… Je savais qu’elle était belle, mais là… Là, c’est autre chose. C’est de la tentation pure. Je ravale ma salive, sentant une chaleur familière me gagner. Mais ce n’est pas que du désir brut cette fois. C’est plus que ça. Elle me regarde, int
14: Une proposition inattendue LE POINT DE VUE DE LIVIA Il me regarde, et je vois ce changement subtil dans ses yeux. Moins d’arrogance, moins de domination. Quelque chose de plus profond, de plus lourd. Je fronce les sourcils, intriguée, inquiète malgré moi. — Pourquoi tu étais seul dehors ce soir, assis au bord de la piscine ? Tu avais l’air… différent. Ma voix est douce, presque hésitante. J’ai peur de franchir une limite avec lui, peur qu’il se braque. Alessandro est un homme qui contrôle tout, et poser des questions sur son état d’esprit, c’est comme marcher sur un fil tendu au-dessus du vide. Il soupire. Longuement. Son regard se détourne, fixant un point invisible derrière moi. — Juste des pensées, murmure-t-il. Je déglutis et rassemble mon courage. — Des pensées sur nous ? Sur ce qui s’est passé hier soir dans la cuisine ? Ses yeux reviennent sur moi aussitôt, perçants, intenses. Mon cœur manque un battement. — Tu crois vraiment que si je regrettais, je sera
15: Les derniers vœux LE POINT DE VUE d'ALESSANDROJe quitte la chambre de Livia, et chaque pas dans le couloir résonne comme un écho de mes pensées confuses. L’idée que je viens de lui proposer me hante encore : devenir ma femme et porter mon enfant. Une proposition folle, impulsive, qui m’est venue presque sans prévenir, comme si le destin lui-même m’avait soufflé ces mots. Je ne sais pas d’où m’est venue cette envie, mais je dois l’avouer, elle m’a paru… séduisante. Peut-être est-ce la pression de ma mère, son ultime souhait avant que la maladie ne l’emporte, qui alimente ce désir de faire quelque chose de grand, quelque chose qui pourrait lui rendre enfin fière. Je me surprends à imaginer le jour où, malgré les ombres de mon monde, elle verrait un héritier naître de notre union, un symbole de continuité et de fierté familiale. Alors que je m’installe au bord de la piscine, les pieds immergés dans l’eau tiède, je tire une longue bouffée de ma grosse cigarette italienne. Le cré
16 :LE POINT DE VUE DE Livia Je prends une nouvelle tasse de café, bien chaude, et me dirige vers la chambre d’Alessandro. Mon cœur bat un peu plus vite à chaque pas. Après la nuit dernière, je ne sais pas comment me comporter avec lui. Est-ce que tout va changer entre nous ? Est-ce qu’il va faire comme si rien ne s’était passé ? Je souffle légèrement, comme pour me donner du courage, et frappe à sa porte. — Entre, dit sa voix grave et posée de l’autre côté. J’ouvre doucement et entre. Alessandro est debout près de la fenêtre, vêtu d’un simple pantalon de costume noir et torse nu. Le soleil du matin éclaire son dos musclé, et je peux voir les contours de son dragon tatoué qui semblent prendre vie sous la lumière. Je détourne le regard, essayant de me concentrer sur ma tâche. — Bonjour, dis-je en avançant avec la tasse. Il se tourne vers moi, un sourire en coin sur les lèvres. Son regard est perçant, comme s’il analysait chaque mouvement, chaque hésitation dans mon attitude.
17: LE POINT DE VUE DE Livia Trois jours s’étaient écoulés depuis cette nuit où Alessandro m’avait fait une proposition insensée. Trois jours où je n’avais toujours pas donné ma réponse. Trois jours où je faisais tout pour éviter de trop y penser. Alors, comme d’habitude, je me suis plongée dans mon travail, espérant que l’agitation de la cuisine m’empêche de trop cogiter. Ce matin, j’avais décidé de préparer un dîner spécial. Madame Isabella aimait particulièrement les plats traditionnels italiens, et je voulais lui faire plaisir avec une recette maison de lasagnes aux truffes et au parmesan. J’étais en plein dans la préparation de la béchamel, une main sur la casserole pendant que l’autre mélangeait doucement au fouet, quand un clac sonore retentit. D’un seul coup, le bruit du moteur du four électrique s’éteint. La cuisine plonge dans un silence perturbant. Je fronce les sourcils. — Non, non, non... Pas maintenant, merde !Je lâche le fouet et me dirige rapidement vers le
25: Une force fragileLE POINT DE VUE DE d'alessandro Je n’aurais jamais cru voir ma mère aussi faible. Allongée sur ce lit d’hôpital, entourée de machines qui bipent à intervalle régulier, elle me semble si petite. Elle qui a toujours été mon pilier, mon roc, me paraît aujourd’hui aussi fragile qu’une feuille prête à être balayée par le vent. Je serre la mâchoire, le cœur en vrac. L’idée de la perdre me consume de l’intérieur. Je devrais être fort, pour elle, pour moi. Mais comment fait-on pour se préparer à perdre la personne qu’on aime le plus au monde ? — Alessandro… Sa voix, douce mais ferme, me ramène à la réalité. Je lève les yeux vers elle. Elle me fixe avec ce regard déterminé que je connais si bien. — Ne fais pas cette tête. Je laisse échapper un rire amer. — Quelle tête ? — Celle d’un homme qui pense qu’il va perdre la bataille avant même de l’avoir livrée. Je baisse la tête, incapable de répondre. Elle soupire doucement, puis tend une main vers moi. Je l
24 : Le mensonge silencieuxJe referme doucement la porte de la chambre d’hôpital derrière moi, le cœur alourdi par une culpabilité que je n’arrive plus à ignorer. Isabella est allongée dans son lit, le teint pâle, les yeux fatigués, mais toujours aussi doux lorsqu’ils se posent sur moi. Un léger sourire étire ses lèvres, comme si ma simple présence suffisait à l’apaiser. — Assieds-toi, ma chérie, murmure-t-elle en tapotant le bord du lit. J’hésite un instant, puis je m’installe sur le fauteuil à côté d’elle. Ses doigts frêles viennent chercher ma main, et je ressens aussitôt la chaleur maternelle qu’elle dégage. Une chaleur qui me serre le cœur, car elle me traite comme sa belle-fille… alors que tout ceci n’est qu’un mensonge. — Comment ça se passe avec Alessandro ? demande-t-elle, sa voix à peine plus forte qu’un souffle. Je déglutis. Comment répondre à ça ? Dire que tout va bien ? Que son fils et moi sommes amoureux ? Que nous sommes un couple heureux et uni ? Le mensonge m
23LE POINT DE VUE DE LIVIA Tout s’est passé en quelques secondes. Un bruit sourd dans le salon, suivi d’un cri étouffé. Quand je me retourne, Isabella est effondrée sur le canapé, une main crispée sur sa poitrine, le teint blême. — Madame ! lançai-je en me précipitant vers elle. Son souffle est court, irrégulier. Ses yeux papillonnent de douleur et elle tente de me parler, mais aucun son ne sort correctement de sa bouche. — Alessandro ! criai-je d’une voix paniquée. Il déboule dans la pièce à une vitesse folle. Dès qu’il voit sa mère, son expression change du tout au tout. Son visage se fige, son regard se remplit d’une peur brute, viscérale. — Maman ?! Il s’agenouille à côté d’elle, prend son visage entre ses mains. — Qu’est-ce qui se passe ? Respire, Maman. Parle-moi. Isabella ouvre la bouche avec difficulté. — Mon… cœur… Alessandro n’attend pas plus longtemps. Il glisse un bras sous ses jambes, l’autre dans son dos, et la soulève sans effort. — Livia, pre
22:LE POINT DE VUE d'Alessandro Je rentre tard. Trop tard. Je le sais dès l’instant où je pousse la porte et que je trouve Livia assise dans le salon, les bras croisés, le regard fixé sur moi comme si elle attendait ce moment. — Belle soirée ? lance-t-elle d’un ton qui se veut détaché, mais je décèle immédiatement l’ironie derrière ses mots. Je referme la porte derrière moi et retire ma veste lentement, observant chaque nuance de son visage. Elle ne sait pas mentir. Son agacement transparaît dans chaque muscle crispé, chaque battement trop rapide de ses cils. — Très belle, en effet, dis-je, juste pour voir sa réaction. Et ça ne loupe pas. Sa mâchoire se serre, ses lèvres se pincent légèrement. — Tu as raccompagné Bianca ? demande-t-elle, faussement innocente. Je hausse un sourcil. — J’étais censé la laisser partir seule, en pleine nuit ? Elle lève les yeux au ciel et se lève brusquement du canapé. — Évidemment. Le grand Alessandro De Luca, toujours prêt à jouer le
21: LE POINT DE VUE DE LIVIA Le bruit des coups frappés à la porte me sort de mes pensées. Je pose le torchon sur le plan de travail et me dirige vers l’entrée, ajustant rapidement ma robe avant d’ouvrir. Devant moi, une femme. Élégante, sophistiquée, une beauté glaciale qui ne laisse aucun doute sur son assurance. Ses cheveux blonds sont parfaitement coiffés, sa robe moulante met en valeur un corps aux courbes parfaitement maîtrisées, et son parfum de luxe envahit immédiatement l’espace entre nous. Elle me regarde avec un air indéchiffrable avant de lâcher d’une voix suave : — Je voudrais voir Alessandro. Mon cœur rate un battement. Ce n’est pas une simple connaissance, ça se sent. Il y a quelque chose dans son ton, dans sa posture… une proximité évidente avec lui. Je n’ai pas le temps de répondre que des bruits de pas résonnent dans l’escalier. Alessandro descend lentement, ses traits fermés, son regard dur. Dès qu’il la voit, son corps se tend légèrement, mais c’est surt
20: LE POINT DE VUE DE Livia Je venais à peine de retirer mes chaussures après cette longue journée lorsque j’entendis sa voix grave résonner dans le couloir. — Livia, viens dans ma chambre.Un frisson me parcourut l’échine. Il n’y avait ni douceur ni hésitation dans son ton. Juste une évidence. Un ordre déguisé en invitation. Je me redressai et marchai jusqu’à sa porte, la gorge légèrement serrée. Je poussai lentement le battant et le trouvai là, appuyé contre le bord du lit, les bras croisés, le regard sombre et pénétrant. — À partir d’aujourd’hui, toutes tes nuits se passeront ici, déclara-t-il d’un ton neutre. Il ne souriait pas, mais il ne semblait pas non plus dur ou distant. C’était simplement un fait, un arrangement qu’il m’exposait sans me laisser le choix. Je restai un instant immobile, le cœur battant plus vite que je ne l’aurais voulu. Dormir avec lui… chaque nuit… Je savais que c’était inévitable, mais l’entendre ainsi, prononcé si clairement, me fit réaliser
19: le contrat LIVIAJe le regardai se lever du lit, son corps encore chaud de notre étreinte. Mon souffle était toujours court, ma peau encore marquée par ses caresses, mais Alessandro avait déjà repris son masque d’homme d’affaires, celui du milliardaire sûr de lui, froid et déterminé. Il marcha lentement vers une armoire, l’ouvrit et en sortit une mallette noire qu’il posa sur le bureau avec une précision calculée. Le clic métallique de l’ouverture résonna dans la chambre silencieuse. Il en sortit un dossier épais, puis un stylo argenté. — Voici le contrat, dit-il en revenant vers moi, le regard perçant, inébranlable. J’hésitai avant de tendre la main et prendre les documents. Il s’installa à côté de moi sur le lit, mais cette fois-ci, il n’y avait plus rien de sensuel dans sa posture. Il était sérieux, presque distant. Je déglutis et baissai les yeux sur les pages. "Contrat de mariage entre Alessandro Moretti et Livia Romano."Les lettres noires semblaient danser sous m
18: LE POINT DE VUE DE LIVIALa table était dressée avec une élégance raffinée, comme toujours. La lumière tamisée du lustre en cristal reflétait les dorures de la vaisselle, et l'odeur du vin rouge, délicatement choisi par Isabella, emplissait la salle à manger d’un arôme boisé. Je tenais ma fourchette entre mes doigts, jouant distraitement avec les légumes dans mon assiette, tentant d’ignorer le regard brûlant d’Alessandro posé sur moi. Ce dîner était censé être une simple formalité. Une annonce orchestrée, un jeu de rôle que nous avions convenu. Et pourtant, quelque chose était différent. — Maman, je voulais te parler d’une chose importante, déclara Alessandro d’un ton détendu, tout en attrapant mon poignet sur la table. Son contact me fit frissonner malgré moi. Il était chaud, sûr de lui. Il le faisait pour le spectacle, et pourtant, mon cœur rata un battement. — Livia et moi… Il marqua une pause, puis plongea son regard sombre dans le mien avant de continuer : Nous nous
17: LE POINT DE VUE DE Livia Trois jours s’étaient écoulés depuis cette nuit où Alessandro m’avait fait une proposition insensée. Trois jours où je n’avais toujours pas donné ma réponse. Trois jours où je faisais tout pour éviter de trop y penser. Alors, comme d’habitude, je me suis plongée dans mon travail, espérant que l’agitation de la cuisine m’empêche de trop cogiter. Ce matin, j’avais décidé de préparer un dîner spécial. Madame Isabella aimait particulièrement les plats traditionnels italiens, et je voulais lui faire plaisir avec une recette maison de lasagnes aux truffes et au parmesan. J’étais en plein dans la préparation de la béchamel, une main sur la casserole pendant que l’autre mélangeait doucement au fouet, quand un clac sonore retentit. D’un seul coup, le bruit du moteur du four électrique s’éteint. La cuisine plonge dans un silence perturbant. Je fronce les sourcils. — Non, non, non... Pas maintenant, merde !Je lâche le fouet et me dirige rapidement vers le