22:LE POINT DE VUE d'Alessandro Je rentre tard. Trop tard. Je le sais dès l’instant où je pousse la porte et que je trouve Livia assise dans le salon, les bras croisés, le regard fixé sur moi comme si elle attendait ce moment. — Belle soirée ? lance-t-elle d’un ton qui se veut détaché, mais je décèle immédiatement l’ironie derrière ses mots. Je referme la porte derrière moi et retire ma veste lentement, observant chaque nuance de son visage. Elle ne sait pas mentir. Son agacement transparaît dans chaque muscle crispé, chaque battement trop rapide de ses cils. — Très belle, en effet, dis-je, juste pour voir sa réaction. Et ça ne loupe pas. Sa mâchoire se serre, ses lèvres se pincent légèrement. — Tu as raccompagné Bianca ? demande-t-elle, faussement innocente. Je hausse un sourcil. — J’étais censé la laisser partir seule, en pleine nuit ? Elle lève les yeux au ciel et se lève brusquement du canapé. — Évidemment. Le grand Alessandro De Luca, toujours prêt à jouer le
23LE POINT DE VUE DE LIVIA Tout s’est passé en quelques secondes. Un bruit sourd dans le salon, suivi d’un cri étouffé. Quand je me retourne, Isabella est effondrée sur le canapé, une main crispée sur sa poitrine, le teint blême. — Madame ! lançai-je en me précipitant vers elle. Son souffle est court, irrégulier. Ses yeux papillonnent de douleur et elle tente de me parler, mais aucun son ne sort correctement de sa bouche. — Alessandro ! criai-je d’une voix paniquée. Il déboule dans la pièce à une vitesse folle. Dès qu’il voit sa mère, son expression change du tout au tout. Son visage se fige, son regard se remplit d’une peur brute, viscérale. — Maman ?! Il s’agenouille à côté d’elle, prend son visage entre ses mains. — Qu’est-ce qui se passe ? Respire, Maman. Parle-moi. Isabella ouvre la bouche avec difficulté. — Mon… cœur… Alessandro n’attend pas plus longtemps. Il glisse un bras sous ses jambes, l’autre dans son dos, et la soulève sans effort. — Livia, pre
24 : Le mensonge silencieuxJe referme doucement la porte de la chambre d’hôpital derrière moi, le cœur alourdi par une culpabilité que je n’arrive plus à ignorer. Isabella est allongée dans son lit, le teint pâle, les yeux fatigués, mais toujours aussi doux lorsqu’ils se posent sur moi. Un léger sourire étire ses lèvres, comme si ma simple présence suffisait à l’apaiser. — Assieds-toi, ma chérie, murmure-t-elle en tapotant le bord du lit. J’hésite un instant, puis je m’installe sur le fauteuil à côté d’elle. Ses doigts frêles viennent chercher ma main, et je ressens aussitôt la chaleur maternelle qu’elle dégage. Une chaleur qui me serre le cœur, car elle me traite comme sa belle-fille… alors que tout ceci n’est qu’un mensonge. — Comment ça se passe avec Alessandro ? demande-t-elle, sa voix à peine plus forte qu’un souffle. Je déglutis. Comment répondre à ça ? Dire que tout va bien ? Que son fils et moi sommes amoureux ? Que nous sommes un couple heureux et uni ? Le mensonge m
25: Une force fragileLE POINT DE VUE DE d'alessandro Je n’aurais jamais cru voir ma mère aussi faible. Allongée sur ce lit d’hôpital, entourée de machines qui bipent à intervalle régulier, elle me semble si petite. Elle qui a toujours été mon pilier, mon roc, me paraît aujourd’hui aussi fragile qu’une feuille prête à être balayée par le vent. Je serre la mâchoire, le cœur en vrac. L’idée de la perdre me consume de l’intérieur. Je devrais être fort, pour elle, pour moi. Mais comment fait-on pour se préparer à perdre la personne qu’on aime le plus au monde ? — Alessandro… Sa voix, douce mais ferme, me ramène à la réalité. Je lève les yeux vers elle. Elle me fixe avec ce regard déterminé que je connais si bien. — Ne fais pas cette tête. Je laisse échapper un rire amer. — Quelle tête ? — Celle d’un homme qui pense qu’il va perdre la bataille avant même de l’avoir livrée. Je baisse la tête, incapable de répondre. Elle soupire doucement, puis tend une main vers moi. Je l
26 LE POINT DE VUE DE LIVIA Aujourd’hui ne fait pas exception. Je suis dans la cuisine, en train d’organiser les courses avec le personnel, quand je sens une présence derrière moi. Avant même de me retourner, je sais que c’est lui.— Tu fais quoi, là ? Sa voix grave résonne tout près de mon oreille.Je lève les yeux au ciel avant de me tourner vers lui. Il a les bras croisés sur son torse puissant, une expression de mécontentement sur le visage.— Ça se voit, non ? Je travaille.— Tu es enceinte, Livia. Pas question que tu soulèves quoi que ce soit.Je soupire. Ça fait des jours qu’il agit comme ça. À croire que je vais accoucher demain.— Alessandro, je ne suis pas en sucre. Et je suis enceinte, pas invalide.— Tu as besoin de repos.Il s’approche de moi et sans me laisser le temps de reculer, il me soulève dans ses bras. Je pousse un cri surpris, mes bras s’agrippant instinctivement à son cou.— Alessandro ! Repose-moi tout de suite !— Pas avant que tu sois allongée. Son ton est
27: Une jalousie brûlanteLE POINT DE VUE DE LIVIA L’ambiance du restaurant est feutrée, tamisée par des lumières dorées qui caressent les visages des convives. Les couverts s’entrechoquent doucement, le murmure des conversations emplit l’espace, et je me sens étrangement bien. Alessandro a choisi un établissement raffiné, comme toujours, et l’attention qu’il me porte depuis que je suis enceinte est de plus en plus troublante.J’aime ce moment. J’aime l’idée d’être avec lui, même si tout cela repose sur un contrat.Mais tout change lorsque cet homme s’approche.Il est grand, bien habillé, sûr de lui. Dès qu’il me voit, son regard glisse sur moi avec une appréciation à peine dissimulée.— Vous êtes absolument radieuse. Son sourire est charmeur.Je ris nerveusement, jetant un coup d’œil à Alessandro qui s’est figé.— Merci, je réponds poliment, un peu mal à l’aise sous l’intensité de son regard.— Votre mari a beaucoup de chance. Il penche légèrement la tête. Ou peut-être n’est-ce pas
28: Un aveu irréversibleLes mots sont sortis avant même que je ne puisse les retenir. — Je t’aime trop pour ça. Le silence qui suit est assourdissant. Livia est dans mes bras, encore tremblante après sa chute, et je sens son souffle suspendu contre ma peau. J’ai envie de revenir en arrière, d’effacer ce que je viens de dire, mais c’est trop tard. Je me fige, mes bras toujours serrés autour d’elle, incapable de bouger, incapable de respirer. Je l’ai dit. Je l’ai vraiment dit. Un putain de "je t’aime". Moi. Je recule légèrement, juste assez pour voir son visage. Ses yeux sont grands ouverts, fixés sur moi avec une intensité qui me brûle de l’intérieur. Son expression est illisible, mais je perçois le trouble, le choc. Merde. Je détourne les yeux, mon cœur battant trop fort, trop vite. Depuis quand… ? Depuis quand est-ce que je ressens ça ? Je me repasse chaque instant, chaque regard volé, chaque frisson sur sa peau sous mes doigts. Sa présence est devenue une nécessité, so
29 : Loin de tout, proches de nous LE POINT DE VUE DE Alessandro L’appel vient de tomber. Inattendu. Pressant. L’Italie m’attend, et cette fois, je ne peux pas reporter. J’écoute mon interlocuteur exposer la situation avec un calme apparent, mais mon esprit tourne à toute vitesse. Je ne peux pas partir. Pas maintenant. Pas avec ma mère malade. Pas avec Livia enceinte de mon enfant. Je frotte ma mâchoire d’un geste nerveux, réfléchissant à toutes les solutions possibles. — Je comprends. J’arrive dès que possible, dis-je finalement avant de raccrocher. Je reste immobile un instant, fixant le vide, pesant mes options. — Un problème ? demande Livia derrière moi. Je me tourne vers elle. Elle est là, debout dans le salon, une main posée sur son ventre qui commence à s’arrondir légèrement. Cette simple vision me fait ressentir quelque chose d’inexplicable, un mélange de responsabilité et de possessivité. Je soupire. — Je dois aller en Italie. Son visage se fige un instan
30 : PRISONNIÈRE DANS UN PALAISLE POINT DE VUE DE LIVIA Je suis allongée sur le lit, le regard fixé sur le plafond voûté de cette immense chambre. Le silence est presque oppressant. Je devrais être fatiguée après le voyage, mais quelque chose m’empêche de trouver le sommeil. Alessandro n’est pas venu me voir. Pas un message, pas un signe. Je me redresse lentement, balayant la pièce du regard. Tout ici respire le luxe et l’histoire, du mobilier en bois massif aux draperies épaisses qui encadrent les fenêtres. Pourtant, je me sens… enfermée. Je me lève, décidée à sortir prendre l’air. Je n’ai jamais aimé rester enfermée quelque part, encore moins dans un lieu que je ne connais pas. Mais à peine ai-je ouvert la porte que je tombe sur un homme imposant, posté juste devant. Il se redresse légèrement en me voyant. — Signora, non potete uscire da sola.Je fronce les sourcils. — Pardon ? L’homme me regarde un instant, puis reprend en français avec un léger accent : — Je ne
29 : Loin de tout, proches de nous LE POINT DE VUE DE Alessandro L’appel vient de tomber. Inattendu. Pressant. L’Italie m’attend, et cette fois, je ne peux pas reporter. J’écoute mon interlocuteur exposer la situation avec un calme apparent, mais mon esprit tourne à toute vitesse. Je ne peux pas partir. Pas maintenant. Pas avec ma mère malade. Pas avec Livia enceinte de mon enfant. Je frotte ma mâchoire d’un geste nerveux, réfléchissant à toutes les solutions possibles. — Je comprends. J’arrive dès que possible, dis-je finalement avant de raccrocher. Je reste immobile un instant, fixant le vide, pesant mes options. — Un problème ? demande Livia derrière moi. Je me tourne vers elle. Elle est là, debout dans le salon, une main posée sur son ventre qui commence à s’arrondir légèrement. Cette simple vision me fait ressentir quelque chose d’inexplicable, un mélange de responsabilité et de possessivité. Je soupire. — Je dois aller en Italie. Son visage se fige un instan
28: Un aveu irréversibleLes mots sont sortis avant même que je ne puisse les retenir. — Je t’aime trop pour ça. Le silence qui suit est assourdissant. Livia est dans mes bras, encore tremblante après sa chute, et je sens son souffle suspendu contre ma peau. J’ai envie de revenir en arrière, d’effacer ce que je viens de dire, mais c’est trop tard. Je me fige, mes bras toujours serrés autour d’elle, incapable de bouger, incapable de respirer. Je l’ai dit. Je l’ai vraiment dit. Un putain de "je t’aime". Moi. Je recule légèrement, juste assez pour voir son visage. Ses yeux sont grands ouverts, fixés sur moi avec une intensité qui me brûle de l’intérieur. Son expression est illisible, mais je perçois le trouble, le choc. Merde. Je détourne les yeux, mon cœur battant trop fort, trop vite. Depuis quand… ? Depuis quand est-ce que je ressens ça ? Je me repasse chaque instant, chaque regard volé, chaque frisson sur sa peau sous mes doigts. Sa présence est devenue une nécessité, so
27: Une jalousie brûlanteLE POINT DE VUE DE LIVIA L’ambiance du restaurant est feutrée, tamisée par des lumières dorées qui caressent les visages des convives. Les couverts s’entrechoquent doucement, le murmure des conversations emplit l’espace, et je me sens étrangement bien. Alessandro a choisi un établissement raffiné, comme toujours, et l’attention qu’il me porte depuis que je suis enceinte est de plus en plus troublante.J’aime ce moment. J’aime l’idée d’être avec lui, même si tout cela repose sur un contrat.Mais tout change lorsque cet homme s’approche.Il est grand, bien habillé, sûr de lui. Dès qu’il me voit, son regard glisse sur moi avec une appréciation à peine dissimulée.— Vous êtes absolument radieuse. Son sourire est charmeur.Je ris nerveusement, jetant un coup d’œil à Alessandro qui s’est figé.— Merci, je réponds poliment, un peu mal à l’aise sous l’intensité de son regard.— Votre mari a beaucoup de chance. Il penche légèrement la tête. Ou peut-être n’est-ce pas
26 LE POINT DE VUE DE LIVIA Aujourd’hui ne fait pas exception. Je suis dans la cuisine, en train d’organiser les courses avec le personnel, quand je sens une présence derrière moi. Avant même de me retourner, je sais que c’est lui.— Tu fais quoi, là ? Sa voix grave résonne tout près de mon oreille.Je lève les yeux au ciel avant de me tourner vers lui. Il a les bras croisés sur son torse puissant, une expression de mécontentement sur le visage.— Ça se voit, non ? Je travaille.— Tu es enceinte, Livia. Pas question que tu soulèves quoi que ce soit.Je soupire. Ça fait des jours qu’il agit comme ça. À croire que je vais accoucher demain.— Alessandro, je ne suis pas en sucre. Et je suis enceinte, pas invalide.— Tu as besoin de repos.Il s’approche de moi et sans me laisser le temps de reculer, il me soulève dans ses bras. Je pousse un cri surpris, mes bras s’agrippant instinctivement à son cou.— Alessandro ! Repose-moi tout de suite !— Pas avant que tu sois allongée. Son ton est
25: Une force fragileLE POINT DE VUE DE d'alessandro Je n’aurais jamais cru voir ma mère aussi faible. Allongée sur ce lit d’hôpital, entourée de machines qui bipent à intervalle régulier, elle me semble si petite. Elle qui a toujours été mon pilier, mon roc, me paraît aujourd’hui aussi fragile qu’une feuille prête à être balayée par le vent. Je serre la mâchoire, le cœur en vrac. L’idée de la perdre me consume de l’intérieur. Je devrais être fort, pour elle, pour moi. Mais comment fait-on pour se préparer à perdre la personne qu’on aime le plus au monde ? — Alessandro… Sa voix, douce mais ferme, me ramène à la réalité. Je lève les yeux vers elle. Elle me fixe avec ce regard déterminé que je connais si bien. — Ne fais pas cette tête. Je laisse échapper un rire amer. — Quelle tête ? — Celle d’un homme qui pense qu’il va perdre la bataille avant même de l’avoir livrée. Je baisse la tête, incapable de répondre. Elle soupire doucement, puis tend une main vers moi. Je l
24 : Le mensonge silencieuxJe referme doucement la porte de la chambre d’hôpital derrière moi, le cœur alourdi par une culpabilité que je n’arrive plus à ignorer. Isabella est allongée dans son lit, le teint pâle, les yeux fatigués, mais toujours aussi doux lorsqu’ils se posent sur moi. Un léger sourire étire ses lèvres, comme si ma simple présence suffisait à l’apaiser. — Assieds-toi, ma chérie, murmure-t-elle en tapotant le bord du lit. J’hésite un instant, puis je m’installe sur le fauteuil à côté d’elle. Ses doigts frêles viennent chercher ma main, et je ressens aussitôt la chaleur maternelle qu’elle dégage. Une chaleur qui me serre le cœur, car elle me traite comme sa belle-fille… alors que tout ceci n’est qu’un mensonge. — Comment ça se passe avec Alessandro ? demande-t-elle, sa voix à peine plus forte qu’un souffle. Je déglutis. Comment répondre à ça ? Dire que tout va bien ? Que son fils et moi sommes amoureux ? Que nous sommes un couple heureux et uni ? Le mensonge m
23LE POINT DE VUE DE LIVIA Tout s’est passé en quelques secondes. Un bruit sourd dans le salon, suivi d’un cri étouffé. Quand je me retourne, Isabella est effondrée sur le canapé, une main crispée sur sa poitrine, le teint blême. — Madame ! lançai-je en me précipitant vers elle. Son souffle est court, irrégulier. Ses yeux papillonnent de douleur et elle tente de me parler, mais aucun son ne sort correctement de sa bouche. — Alessandro ! criai-je d’une voix paniquée. Il déboule dans la pièce à une vitesse folle. Dès qu’il voit sa mère, son expression change du tout au tout. Son visage se fige, son regard se remplit d’une peur brute, viscérale. — Maman ?! Il s’agenouille à côté d’elle, prend son visage entre ses mains. — Qu’est-ce qui se passe ? Respire, Maman. Parle-moi. Isabella ouvre la bouche avec difficulté. — Mon… cœur… Alessandro n’attend pas plus longtemps. Il glisse un bras sous ses jambes, l’autre dans son dos, et la soulève sans effort. — Livia, pre
22:LE POINT DE VUE d'Alessandro Je rentre tard. Trop tard. Je le sais dès l’instant où je pousse la porte et que je trouve Livia assise dans le salon, les bras croisés, le regard fixé sur moi comme si elle attendait ce moment. — Belle soirée ? lance-t-elle d’un ton qui se veut détaché, mais je décèle immédiatement l’ironie derrière ses mots. Je referme la porte derrière moi et retire ma veste lentement, observant chaque nuance de son visage. Elle ne sait pas mentir. Son agacement transparaît dans chaque muscle crispé, chaque battement trop rapide de ses cils. — Très belle, en effet, dis-je, juste pour voir sa réaction. Et ça ne loupe pas. Sa mâchoire se serre, ses lèvres se pincent légèrement. — Tu as raccompagné Bianca ? demande-t-elle, faussement innocente. Je hausse un sourcil. — J’étais censé la laisser partir seule, en pleine nuit ? Elle lève les yeux au ciel et se lève brusquement du canapé. — Évidemment. Le grand Alessandro De Luca, toujours prêt à jouer le