6: Un mensonge troublant
Enfin seule.
Après ce moment déroutant avec Alessandro dans la cuisine, j’avais besoin de retrouver mon calme. Heureusement, lorsqu’après quelques minutes je suis revenue pour dresser la table, il n’était plus là. Un profond soulagement m’a envahie.
Il est oppressant. Dominant. Chaque fois qu’il est près de moi, j’ai l’impression de suffoquer sous son regard perçant. Alors, travailler sans sentir son ombre peser sur moi… c’est une délivrance. Je prends le temps de bien aligner les assiettes, de plier les serviettes avec soin, et de m’assurer que tout soit parfait pour le dîner. Madame Isabella mangeait peu ces derniers temps, alors j’essayais toujours de rendre les repas plus agréables pour elle.
Quand tout est prêt, je retire mon tablier et monte à l’étage pour l’informer que le dîner est servi. Je traverse le couloir d’un pas rapide. J’ai hâte de terminer cette journée. Mais alors que j’arrive devant la chambre de Madame Isabella…
Je me fige.
Non… il est encore là. Un regard, un trouble. Alessandro est debout, près du lit de sa mère. Il est grand. Trop grand. Son charisme emplit la pièce, et malgré moi, mon cœur rate un battement.
Pourquoi faut-il toujours que je tombe sur lui ?
J’aimerais détourner les yeux, l’ignorer complètement, mais c’est impossible. Son regard sombre me capte aussitôt, et cette tension invisible entre nous revient comme une vague oppressante. Je m’éclaircis la gorge et m’adresse à ma patronne :
—Madame, le dîner est prêt.
Madame Isabella me sourit faiblement. Sa voix est douce, fragile.
— Merci, ma chère.
Puis, elle tourne son regard vers Alessandro.
— Alors ? Tu as fait connaissance avec Livia ?
Je me tends légèrement. Bien sûr qu’on s’est rencontrés. Et pourtant, avant même que je puisse répondre, Alessandro parle. D’un ton calme. Naturel. Comme si c’était la vérité la plus évidente au monde.
— Non. Pas encore.
Je cligne des yeux, choquée. Quoi ?
Mes doigts se crispent autour de mon tablier. Il est sérieux ?
Madame Isabella hoche la tête et sourit doucement.
— Dans ce cas, laissez-moi faire les présentations.
Elle lève une main tremblante vers moi.
— Alessandro, voici Livia. C’est une fille adorable, très appliquée et attentionnée. Elle m’aide depuis des années.
Puis elle se tourne vers lui avec tendresse.
— Livia, voici mon fils.
Mon regard glisse vers Alessandro. Il m’observe toujours. Impassible. Arrogant. Son mensonge est un défi silencieux. Mon cœur bat plus fort. Pourquoi a-t-il menti ? Pourquoi nier notre rencontre ? Ce moment dans sa chambre… cette tension dans la cuisine… rien de tout ça ne s’est passé ?
Je ne comprends pas son jeu. Je n’essaie même pas de cacher mon trouble.
— Euh… enchantée, Monsieur.
Il esquisse un sourire en coin, un sourire que je n’arrive pas à décrypter.
— Plaisir partagé… Livia.
Sa voix grave s’attarde sur mon prénom, comme une caresse.
Je déglutis difficilement. Je dois partir d’ici.
— Excusez-moi, Madame, je vais redescendre, dis-je précipitamment. Avant que quelqu’un ne réponde, je tourne les talons et quitte la chambre en vitesse.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que je descends les escaliers. Pourquoi a-t-il menti ? Pourquoi ce sourire en coin, comme s’il savourait mon trouble ? Je me rends compte que je serre toujours mon tablier entre mes doigts. Ce type est dangereux.
Pas seulement parce qu’il est intimidant, mais parce qu’il joue avec moi. Et le pire… C’est que je ne sais pas si je veux fuir ce jeu. Ou y succomber.
Je pensais pouvoir souffler en quittant la chambre de Madame Isabella. J’avais tort. Car à présent, je suis coincée à table avec lui. Alessandro.
Il est assis juste en face de moi, sa présence pesante, dominante, comme s’il contrôlait toute l’atmosphère de la pièce. Son regard sombre se pose sur moi à intervalles réguliers, et chaque fois que nos yeux se croisent, un frisson me parcourt. Mais je refuse de détourner les yeux la première.
Si c’est un jeu, alors qu’il sache que je ne suis pas aussi faible qu’il semble le penser. Je sers du potage à Madame Isabella, lui offrant un sourire tendre. Elle semble fatiguée, mais son regard reste lumineux.
Puis, en me penchant légèrement pour lui tendre un morceau de pain, je sens un frisson me traverser.
Une main. Froide, ferme, effleurant à peine ma cuisse sous la table. Mon souffle se coupe net. Je redresse la tête, choquée. Alessandro. Il mange tranquillement, un air faussement innocent sur le visage.
Non… il n’a pas osé…
Un frisson descend le long de ma colonne vertébrale. Est-ce un test ? Une provocation ? Mon cœur bat plus fort, mon sang pulse dans mes tempes. Je n’ai pas le temps de réagir que la main disparaît, comme si de rien n’était.
Je m’éclaircis la gorge et fixe mon assiette, essayant d’ignorer la chaleur qui monte en moi.
Madame Isabella brise le silence en souriant :
— Alors, mon fils, comment se passe le travail en Italie ?
Un léger silence s’installe avant qu’il ne réponde d’un ton neutre :
— Bien. Très bien.
Son regard glisse à nouveau sur moi, comme s’il sentait que j’attendais plus de détails. Il ne dit rien de plus. Bien sûr qu’il ne va pas en parler.Son voyage en Italie après la mort de son père… la gestion de ses affaires… tout ça reste un mystère. Je n’ai jamais posé de questions à Madame Isabella, mais j’ai entendu quelques murmures des autres employés. Des rumeurs. Des histoires floues sur des affaires familiales compliquées. Je repose doucement ma cuillère et, sans vraiment réfléchir, je murmure :
— Je suppose que ce n’est pas un travail facile.
Il arque un sourcil, intrigué par mon ton.
— Que veux-tu dire ?
Son regard s’est légèrement durci. Mais je ne recule pas.
— Gérer un héritage si… intense, je dis en pesant mes mots.
Un silence s’abat sur la table. Madame Isabella observe la scène avec curiosité. Alessandro, lui, garde son calme en apparence. Mais ses yeux… Ils viennent de s’assombrir dangereusement.
J’ai touché un point sensible.
Son poing se serre légèrement sur la table avant qu’il ne le détende rapidement.
— Livia… murmure-t-il avec ce sourire en coin que je commence à trop bien connaître.
Je retiens mon souffle.
— Tu es bien curieuse.
— Ce n’est pas de la curiosité, je réponds sans réfléchir.
Il penche la tête, amusé.
— Ah oui ? Alors c’est quoi ?
Je sens le regard de Madame Isabella peser sur nous.
— Je voulais juste dire que ce ne doit pas être simple de revenir ici après tant de temps, je me rattrape rapidement.
Son sourire s’efface légèrement. Il me fixe. Longtemps. Comme s’il cherchait à voir à travers moi. Puis, lentement, il se redresse et prend une gorgée de vin.
— Effectivement.
Sa voix est plus basse. Presque… grave.
Madame Isabella brise le silence en posant sa main sur celle de son fils :
— Je suis sûre que ce retour te fera du bien, mon chéri. Cette maison est toujours la tienne.
Alessandro hoche la tête et détourne enfin son regard de moi.
Je relâche discrètement un souffle que je ne savais même pas retenir. Sous la table, mes mains tremblent légèrement.
Qu’est-ce que je viens de faire ? J’ai provoqué un homme qui ne laisse rien transparaître. Et pourtant, pendant une fraction de seconde, j’ai vu quelque chose. Une faille. Un malaise.
Peut-être même… une douleur. Mais il s’est repris trop vite.
7: La peur ou l'envie LE POINT DE VUE DE livia Je suis encore assise dans le salon, les nerfs en vrac, tentant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Madame Isabella vient de monter dans sa chambre, nous laissant seuls. Seuls. Avec lui. Je sens sa présence avant même de le voir bouger. Un frisson me parcourt lorsque j’entends le bruit de sa chaise qui glisse sur le sol. Il se lève lentement, avec cette démarche calculée, presque féline. Mes doigts se crispent sur le tissu de ma robe lorsque je réalise qu’il vient droit vers moi. Je relève la tête, et son regard sombre et perçant se fixe sur le mien. — Tu es audacieuse, Livia. Sa voix est grave, posée, mais il y a une lueur dangereuse dans ses yeux. Je me redresse instinctivement, mais avant que je ne puisse faire un pas, il est déjà là. Tout va trop vite. Ses mains agrippent mes poignets, et en un seul mouvement, il me plaque contre le mur du salon. L’impact est doux, mais la tension est brutale. Son corps est s
8: Piéger Je suis piégée. Coincée entre son corps et le mur du couloir. Son regard sombre me transperce, et sa prise sur mon bras est toujours aussi ferme. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il peut l’entendre. Je devrais partir. Je devrais m’éloigner. Mais je suis incapable de bouger. Il incline légèrement la tête, son regard perçant cherchant à percer mes pensées. — Pourquoi tu hésites à partir, Livia ? Sa voix est grave, un murmure presque dangereux. Ma gorge se serre. Je détourne les yeux, mais il ne me laisse aucun répit. — À moins que… Son ton se fait plus lent, plus provocateur. Je fronce les sourcils, levant les yeux vers lui. — À moins que quoi ? Un sourire narquois effleure ses lèvres. — Ah… donc tu as une bouche pour parler ?Ma respiration se coupe une seconde. Il s’amuse. Il joue avec moi. Et je suis totalement sous son emprise. Soudain, il se penche. Ses lèvres s’approchent dangereusement des miennes, mais ce sont ses yeux qui me captivent. I
9 : C'est lui je voulais. LE POINT DE VUE d'ALESSANDRO Je referme la porte derrière moi et laisse échapper un léger rire en secouant la tête. Merde. Livia. Je l’ai laissée là, pantelante, tremblante, totalement à ma merci… et j’ai adoré chaque seconde. Je me jette sur mon lit, mon téléphone en main, mais l’image de son regard perdu, de sa bouche entrouverte, de son souffle erratique refuse de quitter mon esprit. Elle me voulait. Et j’aurais pu la prendre, là, contre ce mur, sans même lui laisser le temps de réfléchir. Mais où serait le plaisir ? Je souris en passant une main dans mes cheveux. Je préfère la voir lutter. Se battre contre son propre désir. C’est tellement plus excitant. Je l’ai sentie sous moi, frissonnante, humide , complètement soumise à mes caresses. Elle voulait crier qu’elle me voulait… je l’ai vu dans ses yeux, dans la façon dont son corps a répondu au mien. Et pourtant, elle n’a rien dit. Elle s’est contenue. Son putain d’orgueil. Je rallume mon écran, l
10 :LE POINT DE VUE DE LIVIA La nuit était tombée depuis un moment déjà, et le silence régnait dans la villa. J’étais seule dans la cuisine, en train de ranger les derniers ustensiles après le dîner, profitant du calme après cette journée épuisante. Isabella s’était retirée tôt dans sa chambre, et Alessandro… Je n’avais aucune idée d’où il était, mais au fond, je préférais ne pas croiser son regard perçant ce soir. Alors que je m’apprêtais à éteindre la lumière, tout s’est éteint d’un coup. Un noir total. Plus un seul bruit, à part ma propre respiration qui s’était accélérée sous l’effet de la surprise. — Merde… murmurai-je en cherchant mon téléphone dans la poche de mon tablier. Impossible de voir quoi que ce soit. Mon cœur battait un peu plus fort alors que je faisais quelques pas à l’aveugle. J’avais toujours détesté l’obscurité totale. Je tendais la main, avançant lentement dans l’espoir de ne pas heurter quelque chose, quand soudain, une voix grave et amusée s’éleva derri
11:LE POINT DE VUE DE LIVIAJe suis allongée sur mon lit, le regard perdu dans le plafond, les draps légèrement froissés sous mon corps encore fébrile. Mon cœur bat toujours un peu trop vite, et je peux encore sentir chaque frisson, chaque sensation qu'il m'a laissée. Alessandro… Je ferme les yeux, et aussitôt, l’image de son corps puissant contre le mien, de ses mains fermes, de sa bouche brûlante sur ma peau, me revient en tête. Mon ventre se serre, un mélange d’excitation et de gêne m’envahit. J’ai cédé. J’ai totalement perdu le contrôle. Là, dans cette cuisine, au beau milieu de la nuit, je me suis offerte à lui sans retenue, sans réfléchir. C’était sauvage, intense, brûlant. Comme si tout ce désir contenu depuis des jours, toutes ces tensions, s’étaient enfin libérées d’un coup. J’ai aimé chaque seconde. Je me pince les lèvres en me tournant sur le côté, serrant mon oreiller contre moi. Bon sang… Comment je vais faire maintenant ? Demain matin, je vais devoir me lever
12:LE POINT DE VUE DE ALESSANDROLa nuit est tombée depuis un moment, mais je n’ai pas cherché à rejoindre ma chambre. Au lieu de ça, je me suis retrouvé dehors, assis au bord de la piscine, les pieds plongés dans l’eau tiède. Une grosse cigarette italienne entre les doigts, je tire une longue bouffée, laissant la fumée s’échapper lentement dans l’air. La conversation avec ma mère tourne en boucle dans ma tête. Un enfant… Je secoue la tête, agacé. Non. Ce n’est pas pour moi. Avoir un foyer, une famille… Ce sont des choses que je ne peux pas me permettre. Je suis un homme de l’ombre, né dans un monde où l’amour et l’innocence n’ont pas leur place. Mon père est mort dans ce jeu, et si je ne suis pas prudent, moi aussi je finirai comme lui. Est-ce que je veux vraiment imposer ça à une femme ? À un enfant ? Je prends une autre bouffée, mes yeux fixés sur mon reflet dans l’eau. Mais au fond, je sais que ce n’est pas seulement ça. Ce n’est pas seulement une question de danger ou de
13 : LE POINT DE VUE D'ALESSANDRO Je ne sais pas pourquoi je suis là. Je devrais être dans ma chambre, à fumer une autre cigarette, à réfléchir à ce que ma mère m’a dit, à ignorer tout ce que je ressens. Mais au lieu de ça, je suis debout devant la porte de Livia. J’hésite. Une fraction de seconde. Puis je frappe. Une fois. Deux fois. Trois. Et la porte s’ouvre. Merde. Je n’étais pas prêt à ça. Livia est devant moi, une robe de nuit blanche qui épouse son corps comme une seconde peau. Fine, délicate, presque transparente sous la lumière tamisée de sa chambre. Ses cheveux tombent en cascade sur ses épaules, un peu en désordre. Son regard est encore embué de sommeil, mais dès qu’elle me voit, il s’agrandit, surpris. Putain… Je savais qu’elle était belle, mais là… Là, c’est autre chose. C’est de la tentation pure. Je ravale ma salive, sentant une chaleur familière me gagner. Mais ce n’est pas que du désir brut cette fois. C’est plus que ça. Elle me regarde, int
14: Une proposition inattendue LE POINT DE VUE DE LIVIA Il me regarde, et je vois ce changement subtil dans ses yeux. Moins d’arrogance, moins de domination. Quelque chose de plus profond, de plus lourd. Je fronce les sourcils, intriguée, inquiète malgré moi. — Pourquoi tu étais seul dehors ce soir, assis au bord de la piscine ? Tu avais l’air… différent. Ma voix est douce, presque hésitante. J’ai peur de franchir une limite avec lui, peur qu’il se braque. Alessandro est un homme qui contrôle tout, et poser des questions sur son état d’esprit, c’est comme marcher sur un fil tendu au-dessus du vide. Il soupire. Longuement. Son regard se détourne, fixant un point invisible derrière moi. — Juste des pensées, murmure-t-il. Je déglutis et rassemble mon courage. — Des pensées sur nous ? Sur ce qui s’est passé hier soir dans la cuisine ? Ses yeux reviennent sur moi aussitôt, perçants, intenses. Mon cœur manque un battement. — Tu crois vraiment que si je regrettais, je sera
25: Une force fragileLE POINT DE VUE DE d'alessandro Je n’aurais jamais cru voir ma mère aussi faible. Allongée sur ce lit d’hôpital, entourée de machines qui bipent à intervalle régulier, elle me semble si petite. Elle qui a toujours été mon pilier, mon roc, me paraît aujourd’hui aussi fragile qu’une feuille prête à être balayée par le vent. Je serre la mâchoire, le cœur en vrac. L’idée de la perdre me consume de l’intérieur. Je devrais être fort, pour elle, pour moi. Mais comment fait-on pour se préparer à perdre la personne qu’on aime le plus au monde ? — Alessandro… Sa voix, douce mais ferme, me ramène à la réalité. Je lève les yeux vers elle. Elle me fixe avec ce regard déterminé que je connais si bien. — Ne fais pas cette tête. Je laisse échapper un rire amer. — Quelle tête ? — Celle d’un homme qui pense qu’il va perdre la bataille avant même de l’avoir livrée. Je baisse la tête, incapable de répondre. Elle soupire doucement, puis tend une main vers moi. Je l
24 : Le mensonge silencieuxJe referme doucement la porte de la chambre d’hôpital derrière moi, le cœur alourdi par une culpabilité que je n’arrive plus à ignorer. Isabella est allongée dans son lit, le teint pâle, les yeux fatigués, mais toujours aussi doux lorsqu’ils se posent sur moi. Un léger sourire étire ses lèvres, comme si ma simple présence suffisait à l’apaiser. — Assieds-toi, ma chérie, murmure-t-elle en tapotant le bord du lit. J’hésite un instant, puis je m’installe sur le fauteuil à côté d’elle. Ses doigts frêles viennent chercher ma main, et je ressens aussitôt la chaleur maternelle qu’elle dégage. Une chaleur qui me serre le cœur, car elle me traite comme sa belle-fille… alors que tout ceci n’est qu’un mensonge. — Comment ça se passe avec Alessandro ? demande-t-elle, sa voix à peine plus forte qu’un souffle. Je déglutis. Comment répondre à ça ? Dire que tout va bien ? Que son fils et moi sommes amoureux ? Que nous sommes un couple heureux et uni ? Le mensonge m
23LE POINT DE VUE DE LIVIA Tout s’est passé en quelques secondes. Un bruit sourd dans le salon, suivi d’un cri étouffé. Quand je me retourne, Isabella est effondrée sur le canapé, une main crispée sur sa poitrine, le teint blême. — Madame ! lançai-je en me précipitant vers elle. Son souffle est court, irrégulier. Ses yeux papillonnent de douleur et elle tente de me parler, mais aucun son ne sort correctement de sa bouche. — Alessandro ! criai-je d’une voix paniquée. Il déboule dans la pièce à une vitesse folle. Dès qu’il voit sa mère, son expression change du tout au tout. Son visage se fige, son regard se remplit d’une peur brute, viscérale. — Maman ?! Il s’agenouille à côté d’elle, prend son visage entre ses mains. — Qu’est-ce qui se passe ? Respire, Maman. Parle-moi. Isabella ouvre la bouche avec difficulté. — Mon… cœur… Alessandro n’attend pas plus longtemps. Il glisse un bras sous ses jambes, l’autre dans son dos, et la soulève sans effort. — Livia, pre
22:LE POINT DE VUE d'Alessandro Je rentre tard. Trop tard. Je le sais dès l’instant où je pousse la porte et que je trouve Livia assise dans le salon, les bras croisés, le regard fixé sur moi comme si elle attendait ce moment. — Belle soirée ? lance-t-elle d’un ton qui se veut détaché, mais je décèle immédiatement l’ironie derrière ses mots. Je referme la porte derrière moi et retire ma veste lentement, observant chaque nuance de son visage. Elle ne sait pas mentir. Son agacement transparaît dans chaque muscle crispé, chaque battement trop rapide de ses cils. — Très belle, en effet, dis-je, juste pour voir sa réaction. Et ça ne loupe pas. Sa mâchoire se serre, ses lèvres se pincent légèrement. — Tu as raccompagné Bianca ? demande-t-elle, faussement innocente. Je hausse un sourcil. — J’étais censé la laisser partir seule, en pleine nuit ? Elle lève les yeux au ciel et se lève brusquement du canapé. — Évidemment. Le grand Alessandro De Luca, toujours prêt à jouer le
21: LE POINT DE VUE DE LIVIA Le bruit des coups frappés à la porte me sort de mes pensées. Je pose le torchon sur le plan de travail et me dirige vers l’entrée, ajustant rapidement ma robe avant d’ouvrir. Devant moi, une femme. Élégante, sophistiquée, une beauté glaciale qui ne laisse aucun doute sur son assurance. Ses cheveux blonds sont parfaitement coiffés, sa robe moulante met en valeur un corps aux courbes parfaitement maîtrisées, et son parfum de luxe envahit immédiatement l’espace entre nous. Elle me regarde avec un air indéchiffrable avant de lâcher d’une voix suave : — Je voudrais voir Alessandro. Mon cœur rate un battement. Ce n’est pas une simple connaissance, ça se sent. Il y a quelque chose dans son ton, dans sa posture… une proximité évidente avec lui. Je n’ai pas le temps de répondre que des bruits de pas résonnent dans l’escalier. Alessandro descend lentement, ses traits fermés, son regard dur. Dès qu’il la voit, son corps se tend légèrement, mais c’est surt
20: LE POINT DE VUE DE Livia Je venais à peine de retirer mes chaussures après cette longue journée lorsque j’entendis sa voix grave résonner dans le couloir. — Livia, viens dans ma chambre.Un frisson me parcourut l’échine. Il n’y avait ni douceur ni hésitation dans son ton. Juste une évidence. Un ordre déguisé en invitation. Je me redressai et marchai jusqu’à sa porte, la gorge légèrement serrée. Je poussai lentement le battant et le trouvai là, appuyé contre le bord du lit, les bras croisés, le regard sombre et pénétrant. — À partir d’aujourd’hui, toutes tes nuits se passeront ici, déclara-t-il d’un ton neutre. Il ne souriait pas, mais il ne semblait pas non plus dur ou distant. C’était simplement un fait, un arrangement qu’il m’exposait sans me laisser le choix. Je restai un instant immobile, le cœur battant plus vite que je ne l’aurais voulu. Dormir avec lui… chaque nuit… Je savais que c’était inévitable, mais l’entendre ainsi, prononcé si clairement, me fit réaliser
19: le contrat LIVIAJe le regardai se lever du lit, son corps encore chaud de notre étreinte. Mon souffle était toujours court, ma peau encore marquée par ses caresses, mais Alessandro avait déjà repris son masque d’homme d’affaires, celui du milliardaire sûr de lui, froid et déterminé. Il marcha lentement vers une armoire, l’ouvrit et en sortit une mallette noire qu’il posa sur le bureau avec une précision calculée. Le clic métallique de l’ouverture résonna dans la chambre silencieuse. Il en sortit un dossier épais, puis un stylo argenté. — Voici le contrat, dit-il en revenant vers moi, le regard perçant, inébranlable. J’hésitai avant de tendre la main et prendre les documents. Il s’installa à côté de moi sur le lit, mais cette fois-ci, il n’y avait plus rien de sensuel dans sa posture. Il était sérieux, presque distant. Je déglutis et baissai les yeux sur les pages. "Contrat de mariage entre Alessandro Moretti et Livia Romano."Les lettres noires semblaient danser sous m
18: LE POINT DE VUE DE LIVIALa table était dressée avec une élégance raffinée, comme toujours. La lumière tamisée du lustre en cristal reflétait les dorures de la vaisselle, et l'odeur du vin rouge, délicatement choisi par Isabella, emplissait la salle à manger d’un arôme boisé. Je tenais ma fourchette entre mes doigts, jouant distraitement avec les légumes dans mon assiette, tentant d’ignorer le regard brûlant d’Alessandro posé sur moi. Ce dîner était censé être une simple formalité. Une annonce orchestrée, un jeu de rôle que nous avions convenu. Et pourtant, quelque chose était différent. — Maman, je voulais te parler d’une chose importante, déclara Alessandro d’un ton détendu, tout en attrapant mon poignet sur la table. Son contact me fit frissonner malgré moi. Il était chaud, sûr de lui. Il le faisait pour le spectacle, et pourtant, mon cœur rata un battement. — Livia et moi… Il marqua une pause, puis plongea son regard sombre dans le mien avant de continuer : Nous nous
17: LE POINT DE VUE DE Livia Trois jours s’étaient écoulés depuis cette nuit où Alessandro m’avait fait une proposition insensée. Trois jours où je n’avais toujours pas donné ma réponse. Trois jours où je faisais tout pour éviter de trop y penser. Alors, comme d’habitude, je me suis plongée dans mon travail, espérant que l’agitation de la cuisine m’empêche de trop cogiter. Ce matin, j’avais décidé de préparer un dîner spécial. Madame Isabella aimait particulièrement les plats traditionnels italiens, et je voulais lui faire plaisir avec une recette maison de lasagnes aux truffes et au parmesan. J’étais en plein dans la préparation de la béchamel, une main sur la casserole pendant que l’autre mélangeait doucement au fouet, quand un clac sonore retentit. D’un seul coup, le bruit du moteur du four électrique s’éteint. La cuisine plonge dans un silence perturbant. Je fronce les sourcils. — Non, non, non... Pas maintenant, merde !Je lâche le fouet et me dirige rapidement vers le