Et puis le silence, plus un bruit, même pas un subtil chuchotement… Sourcil froncé, je fixe la porte, et mon cœur bat un peu trop fort à mon goût, mais je ne ressens pas de colère, ni de la peur, j’ai juste… cette certitude qui continue de grandir en moi. Sasha revient dans sa chambre quelques minutes plus tard. — Ça te dit toujours, cette balade à vélo ? Sa voix tente d’être légère, mais son ton la trahit : Elle est gênée, mais aussi stressée, et je sais que ce n’est pas seulement à cause de son père, c’est parce qu’elle sait que j’ai tout entendu, et ça , je le lis immédiatement dans son regard mais je le vois aussi à la manière dont elle pose ses yeux sur moi, et à ce demi-sourire mal assuré qu’elle me lance. Et moi, je ne fais rien pour cacher le fait que j’ai tout entendu, je la fixe droit dans les yeux, et clairement...Je compte lui toucher deux/trois mots sur le terme qu’a employé son père, mais pas tout de suite, je réglerai ça plus tard… À la place, je préfère lui répo
On continue de rouler sur plusieurs centaines de mètres, le paysage est magnifique , le soleil brille haut dans le ciel, c’est une très belle journée qui continue, et puis, beaucoup plus loin, le chemin se fait plus étroit. Ce qui nous force à ralentir. On pénètre finalement dans forêt , et les arbres se resserre immédiatement autour de nous, on grimpe un sentier escarpé, puis glisse entre des roches, ce qui est quand même assez dangereux par endroit , mais je suis toujours aussi déterminée à rejoindre le nord qu’à mon départ. Sasha elle , ouvre la marche , et progresse sans le moindre mal. — On va devoir poser les vélos ici, Mira. — Impossible d’aller plus loin avec eux. On s’arrête, elle me lance un petit sourire tout en retirant son casque. — D’accord. — Pas de souci. Il est temps d’aller plus loin et de s’enfoncer encore plus profondément dans la forêt, mais aussi d’atteindre le territoire du loup noir… Sasha enclenche la marche, on avance en silence et d’un pas
Il couine d’un petit bruit discret et presque inaudible, puis ses narines frémissent encore une fois parce qu’il continue de me renifler lentement, et pendant un très long moment… Pendant trop longtemps. Je ne bouge pas, je n’ose même plus respire, car d’un coup c’est lui qui bouge, ce qui fait que mon corps se crispe, un peu comme mon cœur aussi. Je ne le lâche pas des yeux, je le regarde avancer contre la clôture : Il la renifle encore et encore , puis lève l’une de ses pattes et urine contre… juste quelques gouttes. Alors , j’imagine que c’est pour marquer son territoire, et que c’est parce que je suis une étrangère pour lui, il se retourne ensuite à nouveau vers moi et ses yeux montent jusqu’aux miens. Ils sont toujours aussi rouges, toujours aussi intense, et je jure… qu’il me regarde vraiment, je veux dire… pas comme un animal regarde un humain, ni comme un loup observe une menace. Non, non… Il me regarde juste comme moi je le regarde, avec cette même insistance et cet
Et quand on atteint enfin le bas, haletantes et couvertes de poussière, il n’a toujours pas franchi le trou, il n’a pas encore sauté derrière nous. Il reste juste là, tout en haut des rochers, raide, droit, fier, et il nous fixe… Non, non ! Il me fixe moi. Ses yeux sont noirs… Enfin c’est son regard est noir , parce que ses yeux eux sont toujours de ce rouge vif qui me transperce : Durs, presque haineux, et il les garde carrément figé sur les miens. Il ne bouge pas, il attend, il jauge peut être même la distance qui nous sépare, alors on enfourche immédiatement nos vélos et on détale, mais malgré moi je ne peux pas m’empêcher de jeter un dernier regard en arrière, je ne peux pas m’empêcher de le regarder une dernière fois. Peut-être que c’est pour être certaine que je ne rêve pas, et que tout ceci est bien réel… Et ça l’est, je ne rêve pas, c’est bel et bien la réalité que j’ai en face de moi, alors je pédale à fond. Le souffle court, les jambes tremblantes, les arbres qui d
Alors sans même pouvoir me retenir, je le crache: — Pourquoi ? — Pourquoi cette famille n’est pas fréquentable ? — Pourquoi est-elle à éviter ? Un malaise s’installe, presque immédiatement. Ils se regardent brièvement, comme pour chercher une réponse toute faite, une excuse, et comme pour le reste, mais aussi comme je m’en doute , ils restent vagues. Beaucoup trop vagues. — Disons… — Que le père n’aime pas trop qu’on traîne dans ses pattes. — Ni qu’on s’approche de trop près des limites de sa réserve. Mamie baisse les yeux, juste avant que papi n’ajoute : — C’est lui qui fait la loi ici, tu sais. — Tout ce qui touche à la réserve appartient à cette famille. — Il vaut mieux éviter de les côtoyer. — Voilà tout. Pas suffisant, trop flou, aucune vraie raison pour cette éviction. Je secoue la tête, un peu sans le vouloir, et je les fixe parce que c’est ce moment-là que je choisis pour lâcher une bombe. — J’ai vu le loup. — Le gros. — Le noir aux yeux rouges. Je les
Je tourne doucement la première page du carnet intime, les premières lignes sont remplies de souvenirs d’une époque que je n’ai pas connue. Tout d’abord une partie de sa quatorzième année , puis une de ses quinze ans, rien de fou, rien de bizarre ou ni même d’étrange. Je tourne les pages, je passe mon regard brièvement sur certaines des phrases, et enfin , cela devient un peu plus intéressant . Elle parle d’un garçon de la réserve, celui qu’elle a rencontré quand elle n’avait qu’à peine que 17 ans. Un jeune homme sans famille elle écrit, seul, mais pas étranger à l’île, il l’intrigue, il semble mystérieux à ses yeux. Elle le décrit peut-être même comme quelqu’un d’un peu sauvage, mais elle le décrit aussi comme quelqu’un qu’elle a immédiatement apprécié. Je me demande tout de suite quel genre de lien ils ont pu avoir, mais je n’ai pas de réponse dans les lignes qui suivent. Alors, je tourne la page. Les mots se font plus sombres à cet endroit : * Je le déteste, je le hais
Quand je pénètre dans la pièce, mes grands-parents sont déjà installés à table, ils attendent probablement que je prenne place pour commencer. Tout semble calme, mais je sens immédiatement la tension qui est déjà palpable dans l’air. C’est un peu comme si ils jouaient à faire semblant. À tenter de paraître le plus normal possible, je le remarque tout de suite, un peu comme le nez en plein milieu de la figure. Je m’assois sans rien dire, je préfère garder le silence pour le moment, mais…Leur regard est déjà fixé sur moi. Mamie serre les assiettes, et très rapidement le repas commence dans un calme froid. Chacun attend que l’autre parle, mais personne n’ose visiblement le faire en premier. Ils essaient de rester détendus, de sourire, mais je vois bien que leurs esprits sont ailleurs. Suspendus à mes lèvres, mais aussi aux prochaines questions que je pourrais éventuellement poser. Ils savent très bien que ce silence ne va pas durer. Je mange lentement, une bouchée après l’a
Très rapidement , je me perd dans mes pensées , et je raisonne, j’analyse la situation. Ce qu’il vient de dire ne colle pas, il y a trop d’incohérences… Ilaffirme que chaque personne ayant croisé ce loup disparaît peu de temps après. Mais… Sasha ? Son père ? Mais aussi les autres gardes forestiers ? Ils s’occupent tous de la réserve, des enclos, et ils sont tous là, eux…Bien vivants. Et puis, il a aussi dit qu’il ne vient que lorsque la lune est rouge, sauf que moi, je l’ai vu bien avant, et Sasha m’a dit qu’elle le voyait toute l’année, et puis nous avons aussi trouvé un petit cimetière d’ossement. Preuve qu’il sort beaucoup plus souvent qu’ils ne le pensaient. Je le fixe, car ça ne colle pas, et qu’il y a un problème dans ses explications. Mon cœur tape fort dans ma poitrine , mais ma voix reste tout de même calme quand je lui dis. — Mais papi ? — Les gardes forestiers… et Sasha aussi… eux, ils le voient tout le temps, ce loup. — Il vit sur la réserve à l’année. — Il n’es
Je me perds dans mes pensées… et mes yeux se posent un court instant sur Loan qui a l’air totalement guéri, ce qui arrive à me surprendre, mais il a aussi l’air de regretter profondément son geste.Je balaie ensuite l’endroit d’un regard lent, et autour de nous, les flammes sont toujours là, elles se nourrissent de la chaleur que dégage la grotte, mais aussi de toute la magie qui flotte dans l’air.Et même si les garçons se sont calmés d’un coup sec, ce n’est pas fini pour autant, car une agitation soudaine vient rompre le silence qui venait à peine de nous envahir : les Chartrux, qui étaient jusqu’à présent coincés de l’autre côté, tentent de franchir le mur de pierre qui nous sépare.Ils hurlent d’un cri strident, visiblement attirés par cette explosion de magie et de puissance que je viens de générer… Leur instinct est en feu, leur faim est réveillée… Ils deviennent carrément fous, et ils se retrouvent incapables de résister à l’appel de mon pouvoir.Ils foncent contre la paroi, il
Loan ne lâche pas, et les deux loups continuent de se battre, le souci c’est qu’un autre problème se présente aussi à nous, parce que je remarque très vite qu’à chaque impact la grotte vibre un peu plus, ce qui ne présage rien de bon pour la suite.Mado crie à nouveau sur eux pour tenter de les arrêter, mais sa voix est recouverte par le vacarme que font les garçons, elle se plaque contre une paroi, le dos contre la pierre, complètement terrorisée, et incapable de réagir elle aussi.Ils grognent, ils couinent sous les coups… Des éclaboussures de sang nous giclent même dessus par moments, et leurs corps massifs se projettent l’un contre l’autre sans relâche, sans pitié, et sans retenue.Je reste figée totalement incapable d’agir face à ce déferlement de colère, mon cœur bat à m’en exploser la poitrine, je sais pourtant que s’ils ne s’arrêtent pas… l’un d’eux va forcément mourir, c’est même sûr, et je sais aussi que le combat ne se stoppera jamais tant que l’un des deux ne tombera pas c
Je hurle de douleur quand je ressens ses dents qui me transpercent la chair ! Loan vient de me mordre assez profondément, et quand mes yeux passent sur Kalyus, il a l’air tout autant choqué que moi.— Mais ? Qu’as-tu osé faire, Bêta ?Sa voix le percute avant qu’il ne saisisse brusquement ma tête, et qu’il ne la tourne vers lui d’un geste brutal pour vérifier mon cou, et c’est là que ses yeux se posent sur la marque que Loan vient de me faire ! Et que son visage se crispe immédiatement, et puis que son corps se tend, et l’instant d’après nous sommes face à son Lycan qui est visiblement fou de rage !Il hurle sur Loan d’un rugissement sec et enragé, il est tellement en colère que les murs de la grotte se mettent à trembler sous les vibrations de son souffle, mon cœur se crispe instantanément, il se met à pulser violemment dans ma poitrine.Kalyus fait claquer ses crocs avec fureur, il tape violemment sur le sol avec ses pattes massives, ses deux yeux rouges feu sont braqués sur Loan, i
Alors immédiatement, je panique ! Malgré moi, et parce que j’ai peur qu’il meure entre mes bras.— Ka… Kalyus, il…Kalyus détourne la tête vers nous et instinctivement il hume l’air en secouant la tête.— Recule-toi, relâche-le, il pue le Chartrux à plein nez, il va muter Mira !Sa voix est sèche et elle sonne comme un ordre, mais je secoue la tête en détournant le regard vers Mado, qui nous fixe déjà tout en tordant la bouche, mais aussi avec les larmes aux yeux… Et dans son regard, je n’arrive qu’à y lire une peur et une inquiétude grandissante.Je baisse le regard sur Loan et mon cœur ne peut que se serrer : Il bave, une espèce de mousse noirâtre s’écoule de sa bouche, ce qui est assez impressionnant à voir.Le problème aussi c’est que sa chaleur continue de diminuer, et que ses convulsions ne s’arrêtent pas, elles sont même de plus en plus violentes.Je me perds un très court instant dans mes pensées, la peur et la panique prennent possession de moi, elles l’assaillent de toutes p
Kalyus lâche un grognement sec, et il n’attend pas que les bêtes nous tombent dessus, il se précipite vers un passage étroit qui est sur notre droite, un passage qui a dû s’ouvrir avec les éboulements, et il nous pousse presque de force à l’intérieur, en nous criant d’avancer.— Allez, dépêchez-vous ! Dans le tunnel.Je cours comme je peux, avec Mado qui m’agrippe la manche et qui me suit en trébuchant presque sous mes pas, et derrière nous : Loan lutte pour ne pas s’effondrer, il titube en fixant droit devant lui, il est essoufflé, son loup est déjà à bout de souffle, mais il ne s’arrête pas, il boite à cause de sa patte qui est blessée, mais il serre les dents et ne lâche pas… Et moi, je vois bien que son corps ne suit plus, je ne sais pas de quel mal il est atteint, mais je ressens au plus profond de moi que ça ne va que s’empirer.Parce que derrière nous, j’entends toujours les Chartrux ramper : des bruits de griffes qui raclent la roche, des souffles chauds, des grognements qui s
Le souci, c’est qu’avant même qu’on puisse atteindre la sortie, l’un des Chartrux hurle en frappant ses énormes pattes sur le sol, ce qui crée une grosse vibration, mais aussi un autre éboulement ! La grotte se ferme sous nos yeux, les pierres tombent du plafond et s’écrasent presque sur nous ! Et c’est là que de plus gros problèmes nous tombent dessus… Nous sommes bloqués, ici, dans cette grotte avec eux !Des pierres s’effondrent encore, et cette fois l’entrée est complètement impraticable, il ne reste plus de lumière, plus d’échappatoire, nous n’avons pas le choix : On est forcés contre notre gré de descendre dans les profondeurs de la grotte, Kalyus ouvre la marche sans hésiter, lui il connaît la grotte sur le bout des doigts, il en connaît chaque détour, et aussi chaque passage.Mais l’autre souci qui nous tombe rapidement aussi dessus, c’est qu’avec les éboulements, beaucoup de chemins se sont fermés, et d’autres, complètement inconnus à Kalyus, se sont ouverts à leur place, tou
Je n’ai pas le temps de réellement réagir, que le sol gronde à nouveau, mais beaucoup plus fort cette fois-ci, d’une vibration beaucoup plus profonde, mais aussi plus violente à ressentir que la précédente…Un frisson me traverse le corps tout entier, il est brutal, presque instinctif, parce que mon corps sait avant moi que quelque chose ne va pas, et que ce qui va suivre va forcément nous mettre en danger, je le sais, je le ressens au plus profond de mon être, alors par réflexe, je recule d’un pas, Mado me serre la main et recule elle aussi, Loan grogne, et Kalyus commence à montrer les crocs.Et puis, plus rien, tout se stoppe un très court instant, il ne reste alors plus que nos regards inquiets et nos souffles coupés qui attendent avec appréhension que tout reprenne, et c’est exactement ce qui se produit… Un bruit sourd déchire rapidement le silence, et un énorme craquement sec se fait entendre juste après, un peu comme si la terre s’ouvrait en deux !Et puis, un autre, et encore
Je m’engouffre enfin dans la grotte, mon souffle est court, mes jambes lourdes, et mes poumons sont encore en feu après le violent étranglement qu’Ézelya m’a infligé juste avant… L’obscurité m’enveloppe aussitôt, l’atmosphère de l’endroit est froide, humide et presque étouffante, mais je continue, j’avance quand même, je pose l’une de mes mains contre la paroi rugueuse pour me guider, et je pose l’autre contre ma poitrine, là où mon cœur cogne avec une force brutale.Chaque pas résonne bruyamment autour de moi, un peu comme d’un écho venu d’un ailleurs… L’air ici est chargé, il est dense, et ça me laisse la sensation étrange que la grotte respire, ou je ne sais pas, mais c’est bizarre, c’est probablement peut-être moi qui commence à divaguer.Clairement, je progresse à l’aveugle et à tâtons pendant quelques très longues minutes, qui paraissent d’ailleurs durer une éternité, mais j’avance jusqu’à ce que j’aperçoive enfin une faible lueur, elle est diffuse, et elle émane du fin fond de
La Luna s’avance d’un pas lent vers nous tout en sentant l’air, ses yeux rose clair sont fixés sur moi : Ils sont magnifiques et je suis vraiment étonnée de ne pas m’en être rendu compte la première fois où je l’ai vue, puis elle se stoppe à une petite distance de nous, et elle respire à nouveau mon odeur, mais beaucoup plus profondément cette fois-là, un peu comme si elle tentait de savoir à qui elle avait vraiment affaire… Et c’est là que d’autres loups, qui sont visiblement de la même meute qu’elle, la rejoignent.Très rapidement, ils se regroupent tous derrière elle, et je ne sais pas si cette Luna pourra réellement faire quelque chose pour moi, ou bien si sa visite va marquer le début d’une nouvelle attaque… Mais tout ce que j’espère à ce moment précis, c’est que Kalyus ou Loan aient eux aussi entendu le hurlement d’Ézelya et qu’ils soient déjà en route pour me porter secours, car si ce n’est pas le cas, il me reste encore moins de chance de survie qu’à mon départ…Ils sont beauc