Chapitre28Extrait de journal de GabrielaJe me sens de plus en plus en plus proche d’Isabel, et elle fait tout pour gommer les inégalités entre nous. Elle me prête ou me donne des robes que je n’aurais jamais pu me payer, elle m’invite à des tea Time. Dernièrement, nous ne sommes plus seules: deux jeunes Allemands nous rejoignent assez souvent.Je suis contrariée par leur présence, d’une part parce que le dialogue avec mon amie est moins libre, et d’autre part, car je ne peux m’empêcher de me culpabiliser de pactiser avec l’ennemi, surtout en sachant qu’ils sont proches du gouvernement en place. Pourtant, ce sont deux jeunes gens polis, qui ne tentent rien envers nous: ils nous ont raconté facilement ce qui les lie: ils sont amis et sont mariés à deux sœurs qui habitent en Allemagne et vont venir les rejoindre en Argentine d’ici quelques semaines. Je perçois assez rapidement que Sebastian est le meneur, tandis que Klaus semble
Chapitre29Gustave reste planté devant la porte de Nada: il se rend compte qu’il ne connaît rien d’elle, de son quotidien: est-elle seule ou a-t-elle une camarade de chambre ? Il ne le sait même pas ! D’où vient-elle ? A-t-elle des frères et sœurs ? Qu’a-t-elle vécu ? Il devrait s’intéresser un peu à elle, les filles, elles aiment ça !Gustave frappe à la porte. La jeune femme ouvre brusquement, d’un air méfiant, qui cède la place à une expression d’étonnement en le voyant. Gustave ne lui laisse pas le temps de tergiverser:– Il faut qu’on parle !dit-il en franchissant le seuil, décidé.Nada ferme la porte et s’appuie contre le chambranle, les bras croisés sur la poitrine, en mode défensif. La chambre est sens dessus dessous; le sol et les meubles sont recouverts d’habits, de livres, de nourriture. Et même de choses indéfinissables !Gustave cherche une chaise, en repère une où un tas de vêtements s’amoncelle et, no
Chapitre30COURS DE MORALE:– Aujourd’hui les enfants, je voudrais évoquer l’importance de la loyauté ! Vos parents comptent sur vous, ne les décevez pas par des prises de pouvoir ou des positions fantaisistes ! Je vous illustrerai ces propos par l’exemple de ce fils impie: écoutez mon récit:– Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’un des plus grands médecins du Reich a utilisé des méthodes de pointe pour faire parler les suspects: il était très créatif, ce qui avait l’avantage d’occasionner un maximum de douleurs en un minimum de temps; nous aborderons et développerons plusieurs de ses techniques de base dans la deuxième partie de ce cours, car je vous réserve une jolie surprise: nous allons visiter notre petit musée !Mais d’abord, je reprends l’histoire de ce saint-homme, homme de science éclairé.Pendant la Seconde Guerre mondiale, son fils n’est qu’un nourrisson. Mais à l’adolescence, il a c
Chapitre31Extrait du journal intime de GabrielaHier en fin d’après-midi, alors que je sortai de l’usine, je ne pensai plus qu’à la soirée qui m’attendait. Suite à mes confidences auprès d’Isabel, je décidai que le soir même, en rentrant, je mettrais ma jolie robe rouge pour le bal. Ce bal, nous l’espérions depuis des semaines toutes les deux, et nous avions convenu que je devais retrouver mon amie sur place. Avant de m’y rendre, je ne pouvais pas perdre de temps, car je devais aussi livrer un document reprenant les directives de mon chef de section à l’intention d’un autre groupe, puisque nous envisagions une opération commune de grande envergure. J’étais fière d’avoir été choisie, et j’avais l’impression de servir vraiment à quelque chose pour mon peuple et pour mon pays.Est-ce que j’ai été moins attentive, la tête pleine d’images à l’idée du bal à venir ? Est-ce que je me sentais invulnérable, ce qui a diminué ma vigilance ? Alors que j’éta
Chapitre32Gustave revient du réfectoire en se remémorant le contexte du repas. Augusto l’a hélé pour qu’il s’asseye près d’eux, et il a jeté immédiatement un regard vers Heinrich, qui a validé d’un signe de tête magnanime. Il s’est alors de nouveau senti inclus dans ce groupe, même si au départ il ne savait pas trop quoi dire ou comment réagir. Léa et Augusto, avec leurs gentillesses habituelles, lui ont facilité la tâche. Stella a affiché une moue narquoise, un brin amusée: il avait toujours l’impression que tout ce qui ne la concernait pas directement glissait sur elle.Ragaillardi, il envisage la suite de ses relations amicales. Pourtant, l’ambiance dans l’institut est de plus en plus tendue, et cela lui fait du bien de se dire qu’il n’est pas seul face à cette ultime épreuve à venir...L’adolescent, perdu dans ses pensées, pousse la porte de sa chambre avec l’intention d’observer l’entraînement physique type commando que les surveillants font suivre aux élèves intér
Chapitre33Sergio ne sait plus comment faire: depuis l’appel au secours de Gustave, il se débat avec les administrations. Il est allé trouver la police, mais la question du territoire a éliminé d’emblée leur action. Il s’est présenté à l’Ambassade d’Argentine en France,mais ils lui ont dit qu’il n’existait rien de tel sur leur zone, qu’il fallait qu’il arrête de prendre les sollicitations désespérées d’un pauvre petit gosse de riche pour argent comptant.Il a même écrit au président de la République, comme l’on peut faire en dernier recours, mais il a reçu une lettre bateau lui disant que le chef de l’État veillait sur eux.Même le rédacteur en chef du Nouvel Obs lui a déclaré que sa source n’était pas assez fiable pour publier quelque chose d’aussi casse-gueule ! Mais depuis qu’il sait que le père de Gustave fait partie des actionnaires du journal, Sergio ne se fait pas d’illusions...Il a également pensé téléphoner au père du jeune homme, mais il s’est ravisé&nb
Chapitre34Extrait du journal intime de Gabriela:À force de coups de poings et de pieds, les deux brutes m’ont amenée dans un bâtiment imposant, sombre, que j’ai reconnu tout de suite: j’étais restée des heures à contempler ses fenêtres alors que je cherchais mon frère, imaginant avec angoisse ce qu’il devait y vivre. Et maintenant, c’est moi qui devais y être détenue... Je tentai de mobiliser mon énergie et ma bravoure, mais la peur s’insinuait insidieusement dans mes pores et je sentis la chair de poule gagner mes bras, signe physique de ma détresse psychologique.Je ne devais pas me voiler la face. Esteban nous avait briffés sur ce que représentaient les interrogatoires, sans dissimuler l’horreur vécue, pour nous préparer à résister longuement sans divulguer des données compromettantes pour le groupe. Il nous avait expliqué que rares étaient les personnes qui ne craquaient pas, mais qu’il était important de tenir le plus durablement possible pour
Chapitre35Gustave parcourt un bouquin, allongé sur son lit, quand la porte s’ouvre brusquement. Il sursaute et se retourne vivement afin de faire face à l’intrus et constate qu’il s’agit deStella. La blonde sulfureuse s’approche de lui et lui déclare:– Mon petit Gustave, tout ça, c’est de ta faute!Ahuri, il ne dit mot pendant qu’elle continue:– Maintenant, Augusto est dans la chambre d’Heinrich et sa présence me pose problème ! Comme tout cela est de ton fait, tu me dois donc un service: tu vas me laisser ta chambre ce soir, et pendant ce temps, tu te débrouilles pour aller ailleurs ! Quoi ? Pourquoi tu me regardes avec ces yeux de truite ? Ne t’inquiète pas, je ne vais pas me vautrer dans tes draps en m’imaginant faire l’amour avec toi ! Figure-toi que j’ai d’autres projets.Gustave est surpris par le ton de Stella et son air ingénu. Il réagit enfin:– Quoi ? Te laisser ma chambre ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?– C’