Chapitre31Extrait du journal intime de GabrielaHier en fin d’après-midi, alors que je sortai de l’usine, je ne pensai plus qu’à la soirée qui m’attendait. Suite à mes confidences auprès d’Isabel, je décidai que le soir même, en rentrant, je mettrais ma jolie robe rouge pour le bal. Ce bal, nous l’espérions depuis des semaines toutes les deux, et nous avions convenu que je devais retrouver mon amie sur place. Avant de m’y rendre, je ne pouvais pas perdre de temps, car je devais aussi livrer un document reprenant les directives de mon chef de section à l’intention d’un autre groupe, puisque nous envisagions une opération commune de grande envergure. J’étais fière d’avoir été choisie, et j’avais l’impression de servir vraiment à quelque chose pour mon peuple et pour mon pays.Est-ce que j’ai été moins attentive, la tête pleine d’images à l’idée du bal à venir ? Est-ce que je me sentais invulnérable, ce qui a diminué ma vigilance ? Alors que j’éta
Chapitre32Gustave revient du réfectoire en se remémorant le contexte du repas. Augusto l’a hélé pour qu’il s’asseye près d’eux, et il a jeté immédiatement un regard vers Heinrich, qui a validé d’un signe de tête magnanime. Il s’est alors de nouveau senti inclus dans ce groupe, même si au départ il ne savait pas trop quoi dire ou comment réagir. Léa et Augusto, avec leurs gentillesses habituelles, lui ont facilité la tâche. Stella a affiché une moue narquoise, un brin amusée: il avait toujours l’impression que tout ce qui ne la concernait pas directement glissait sur elle.Ragaillardi, il envisage la suite de ses relations amicales. Pourtant, l’ambiance dans l’institut est de plus en plus tendue, et cela lui fait du bien de se dire qu’il n’est pas seul face à cette ultime épreuve à venir...L’adolescent, perdu dans ses pensées, pousse la porte de sa chambre avec l’intention d’observer l’entraînement physique type commando que les surveillants font suivre aux élèves intér
Chapitre33Sergio ne sait plus comment faire: depuis l’appel au secours de Gustave, il se débat avec les administrations. Il est allé trouver la police, mais la question du territoire a éliminé d’emblée leur action. Il s’est présenté à l’Ambassade d’Argentine en France,mais ils lui ont dit qu’il n’existait rien de tel sur leur zone, qu’il fallait qu’il arrête de prendre les sollicitations désespérées d’un pauvre petit gosse de riche pour argent comptant.Il a même écrit au président de la République, comme l’on peut faire en dernier recours, mais il a reçu une lettre bateau lui disant que le chef de l’État veillait sur eux.Même le rédacteur en chef du Nouvel Obs lui a déclaré que sa source n’était pas assez fiable pour publier quelque chose d’aussi casse-gueule ! Mais depuis qu’il sait que le père de Gustave fait partie des actionnaires du journal, Sergio ne se fait pas d’illusions...Il a également pensé téléphoner au père du jeune homme, mais il s’est ravisé&nb
Chapitre34Extrait du journal intime de Gabriela:À force de coups de poings et de pieds, les deux brutes m’ont amenée dans un bâtiment imposant, sombre, que j’ai reconnu tout de suite: j’étais restée des heures à contempler ses fenêtres alors que je cherchais mon frère, imaginant avec angoisse ce qu’il devait y vivre. Et maintenant, c’est moi qui devais y être détenue... Je tentai de mobiliser mon énergie et ma bravoure, mais la peur s’insinuait insidieusement dans mes pores et je sentis la chair de poule gagner mes bras, signe physique de ma détresse psychologique.Je ne devais pas me voiler la face. Esteban nous avait briffés sur ce que représentaient les interrogatoires, sans dissimuler l’horreur vécue, pour nous préparer à résister longuement sans divulguer des données compromettantes pour le groupe. Il nous avait expliqué que rares étaient les personnes qui ne craquaient pas, mais qu’il était important de tenir le plus durablement possible pour
Chapitre35Gustave parcourt un bouquin, allongé sur son lit, quand la porte s’ouvre brusquement. Il sursaute et se retourne vivement afin de faire face à l’intrus et constate qu’il s’agit deStella. La blonde sulfureuse s’approche de lui et lui déclare:– Mon petit Gustave, tout ça, c’est de ta faute!Ahuri, il ne dit mot pendant qu’elle continue:– Maintenant, Augusto est dans la chambre d’Heinrich et sa présence me pose problème ! Comme tout cela est de ton fait, tu me dois donc un service: tu vas me laisser ta chambre ce soir, et pendant ce temps, tu te débrouilles pour aller ailleurs ! Quoi ? Pourquoi tu me regardes avec ces yeux de truite ? Ne t’inquiète pas, je ne vais pas me vautrer dans tes draps en m’imaginant faire l’amour avec toi ! Figure-toi que j’ai d’autres projets.Gustave est surpris par le ton de Stella et son air ingénu. Il réagit enfin:– Quoi ? Te laisser ma chambre ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?– C’
Chapitre36Sergio commence à s’agiter dans sa chambre. Il n’en peut plus d’attendre et décide de faire un footing pour se débarrasser de la pression au profit des endorphines. Il parcourt les grandes avenues de Buenos Aires d’une foulée rapide, mais il n’arrive pas à quitter la sourde inquiétude qui s’est emparée de lui. À son retour à l’hôtel, l’hôtesse d’accueil lui transmet le message suivant, portant le cachet de l’ambassade: le courrier est signé par le diplomate lui-même:Monsieur Luis,Je vous attends en personne demain à 18h dans mon bureau.Je vous accorde une demi-heure, que je vous saurais gré de mettre à profit, au vu de mon emploi du temps très chargé.Cordialement,Mr Sanchez Garcia,Ambassadeur de France en ArgentineSergio est assez surpris d’avoir décroché ce rendez-vous: est-ce une preuve de bonne foi, d’inquiétude sincère ? Il tente d’être positif. Pour patienter, ilprépare son intervention, note ce qu’il veut exp
Chapitre37Extrait du journal intime de GabrielaLe premier jour, je ne sus plus quoi faire: l’attente était terrible et en même temps, j’aurais voulu qu’elle dure toujours. J’avais tellement peur que je tremblais sans discontinuer. Je n’avais vu pratiquement personne de la journée, à part un homme assez âgé qui s’était approché pour me balancer une espèce de tunique en toile de jute et un quignon de pain. En raison de l’état loqueteux de mes habits, je passai le vêtement et me jetai ensuite sur cette infime nourriture, ce bout de mie à moitié rassis.Au bout de plusieurs heures de fébrilité, j’entendis la serrure claquer et mes deux bourreaux se dirigèrent vers moi. Leurs bras m’ont déséquilibrée et m’ont traînée jusqu’à une grande salle où de multiples instruments plus barbares les uns que les autres étaient disséminés.Le colonel m’attendait, dans son uniforme bardé de médailles. Combien de distinctions par personnes tuées ? pensai-je en le voyant. 
Chapitre38Sergio a déjà localisé le trajet sur la carte. Il suit maintenant une route cabossée et déserte qui semble le conduire au milieu de nulle part. Il persévère néanmoins sur ce chemin, et atteint bientôt le mur d’enceinte. Il inspecte les lieux, afin de s’imprégner du décor.Au-dessus du rempart de béton, le journaliste perçoit une clôture électrique: bizarre pour un institut lambda ! Sergio ne veut pas se faire repérer. Il cache alors son véhicule et continue à pied.Il longe la barrière jusqu’à ce qu’il rejoigne l’entrée principale, surmontée d’un immense portail. La barrière semble bardée de caméras, et le journaliste n’ose pas s’en approcher de peur que sa présence soit détectée.Il grimpe sur l’un des arbres les plus proches et choisit un poste d’observation, tant pour surveiller la résidence que pour être aux premières loges quand les forces de l’ordre viendront. De son perchoir, il a une belle vue sur l’immense bâtisse, son bâtiment principal et ses ailes