Chapitre35Gustave parcourt un bouquin, allongé sur son lit, quand la porte s’ouvre brusquement. Il sursaute et se retourne vivement afin de faire face à l’intrus et constate qu’il s’agit deStella. La blonde sulfureuse s’approche de lui et lui déclare:– Mon petit Gustave, tout ça, c’est de ta faute!Ahuri, il ne dit mot pendant qu’elle continue:– Maintenant, Augusto est dans la chambre d’Heinrich et sa présence me pose problème ! Comme tout cela est de ton fait, tu me dois donc un service: tu vas me laisser ta chambre ce soir, et pendant ce temps, tu te débrouilles pour aller ailleurs ! Quoi ? Pourquoi tu me regardes avec ces yeux de truite ? Ne t’inquiète pas, je ne vais pas me vautrer dans tes draps en m’imaginant faire l’amour avec toi ! Figure-toi que j’ai d’autres projets.Gustave est surpris par le ton de Stella et son air ingénu. Il réagit enfin:– Quoi ? Te laisser ma chambre ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?– C’
Chapitre36Sergio commence à s’agiter dans sa chambre. Il n’en peut plus d’attendre et décide de faire un footing pour se débarrasser de la pression au profit des endorphines. Il parcourt les grandes avenues de Buenos Aires d’une foulée rapide, mais il n’arrive pas à quitter la sourde inquiétude qui s’est emparée de lui. À son retour à l’hôtel, l’hôtesse d’accueil lui transmet le message suivant, portant le cachet de l’ambassade: le courrier est signé par le diplomate lui-même:Monsieur Luis,Je vous attends en personne demain à 18h dans mon bureau.Je vous accorde une demi-heure, que je vous saurais gré de mettre à profit, au vu de mon emploi du temps très chargé.Cordialement,Mr Sanchez Garcia,Ambassadeur de France en ArgentineSergio est assez surpris d’avoir décroché ce rendez-vous: est-ce une preuve de bonne foi, d’inquiétude sincère ? Il tente d’être positif. Pour patienter, ilprépare son intervention, note ce qu’il veut exp
Chapitre37Extrait du journal intime de GabrielaLe premier jour, je ne sus plus quoi faire: l’attente était terrible et en même temps, j’aurais voulu qu’elle dure toujours. J’avais tellement peur que je tremblais sans discontinuer. Je n’avais vu pratiquement personne de la journée, à part un homme assez âgé qui s’était approché pour me balancer une espèce de tunique en toile de jute et un quignon de pain. En raison de l’état loqueteux de mes habits, je passai le vêtement et me jetai ensuite sur cette infime nourriture, ce bout de mie à moitié rassis.Au bout de plusieurs heures de fébrilité, j’entendis la serrure claquer et mes deux bourreaux se dirigèrent vers moi. Leurs bras m’ont déséquilibrée et m’ont traînée jusqu’à une grande salle où de multiples instruments plus barbares les uns que les autres étaient disséminés.Le colonel m’attendait, dans son uniforme bardé de médailles. Combien de distinctions par personnes tuées ? pensai-je en le voyant. 
Chapitre38Sergio a déjà localisé le trajet sur la carte. Il suit maintenant une route cabossée et déserte qui semble le conduire au milieu de nulle part. Il persévère néanmoins sur ce chemin, et atteint bientôt le mur d’enceinte. Il inspecte les lieux, afin de s’imprégner du décor.Au-dessus du rempart de béton, le journaliste perçoit une clôture électrique: bizarre pour un institut lambda ! Sergio ne veut pas se faire repérer. Il cache alors son véhicule et continue à pied.Il longe la barrière jusqu’à ce qu’il rejoigne l’entrée principale, surmontée d’un immense portail. La barrière semble bardée de caméras, et le journaliste n’ose pas s’en approcher de peur que sa présence soit détectée.Il grimpe sur l’un des arbres les plus proches et choisit un poste d’observation, tant pour surveiller la résidence que pour être aux premières loges quand les forces de l’ordre viendront. De son perchoir, il a une belle vue sur l’immense bâtisse, son bâtiment principal et ses ailes
Chapitre39Le colonel Perez est resplendissant: il passe de groupe en groupe, et commente à voix haute:– Entrez mes amis, entrez... surtout, servez-vous ! Les rafraîchissements sont là !Dans la foule, une voix nostalgique s’exclame:– Je me rappelle encore quand on était à leur place !Puis se tournant vers un monsieur aux cheveux blancs:– Qu’est-ce qu’on s’était mis tous les deux !Une dame très distinguée, coiffure élaborée et robe de soirée Givenchy, ajoute d’un air pincé:– Oui... mais je ne sais pas ce que va apporter cette nouvelle génération… ce n’est pas le meilleur cru ! Rien que le mien, je ne me donne pas la peine de croire en lui ! D’un âne on ne fera pas un cheval de course...Des rires s’élèvent autour d’elle. Elle se joint à eux, fière de sa réflexion pleine de spiritualité. Un homme grand, blond et assez élancé, surplombe le groupe. Il déclare:– Quant à la mienne, à part chialer dans son coin, ell
Chapitre40Sergio marche très vite dans le parc. Il saisit son téléphone et est surpris de capter un réseau Wifi non sécurisé, au nom de l’institut Perón: il envoie son premier fichier au rédacteur en chef du Canard Enchaîné et, après réflexion, le partage aussi sur Youtube. Il démarre un nouveau film pour une publication en direct sur le même site et reprend sa route. Autour de lui se trouvent des enfants blessés, mutilés ou inanimés. Il s’arrête devant une jeune fille souffrant d’une fracture ouverte à la jambe. Ses yeux bleus sont imbibés de larmes. Il essaie de l’aider mais ne voit pas comment faire: il la cale contre un arbre et lui murmure de ne pas bouger:– Chut... ça va aller ! lui dit-il, sans le croire lui-même. Impuissant, il s’éloigne.Il s’arrête à chaque blessé, de plus en plus bouleversé. Certains sont surtout choqués, amorphes. Il a l’impression que des dizaines de personnes s’agitent dans tous les coins de la forêt, et ne pas arriver à les s
Chapitre41Extrait du journal de GabrielaLa journée avait été dure pour moi. J’avais dormi dans mes vêtements trempés, ce qui n’avait pas arrangé mon état: je tremblais sans discontinuer. Cette fois-ci, pas de nouvelle tunique: ils préféraient me laisser dans l’inconfort et devaient s’en délecter.La fièvre me gagnait et la séance de torture précédente m’avait plongée dans des moments d’inconscience inquiétants, mais malgré tout salvateurs. Les coups de fouet répétés sur toutes les parties de mon corps avaient laissé des traces sanglantes, et je n’osais pas enlever mes habits de peur que la peau, collée par le sang et le pus, ne se détache en même temps.Je ne voulais rien voir, rien ressentir. Je ne savais plus depuis combien de temps j’étais là, mais j’avais réussi à tenir, à ne pas parler d’Esteban et de mon réseau: un jour de plus de gagné pour assurer leur fuite.J’entendis des pas dans le couloir et je me recroquevillai à l’idée qu’ils vienne
Chapitre42Les étudiants eurent besoin d’un temps d’échange, comparant leurs lieux de naissance, les histoires qui leur ont été racontées, les difficultés relationnelles que la plupart d’entre eux rencontraient avec leurs parents. Ils ont tous, à un moment donné, entendu des récits sur leurs origines sans y apporter de regards critiques. Ils se rendent maintenant compte des incohérences ; là où ils pensaient leurs proches réservés ou maladroits, ils comprennent à présent que certains d’entre eux n’avaient pas été aimés, voire avaient même été les instruments de ces hommes et femmes. La colère enfle. Plusieurs d’entre eux poussent des cris de rage et extériorisent leur indignation.Medhi s’avance et demande:– Mais que peut-on faire maintenant ?– Les tuer !rugit Marga. Le leur faire payer, à la hauteur de ce qu’ils nous ont fait subir !– Non, je ne veux pas être comme eux, dit Léa.Surtout pas ! Et pourtant j’ai des motifs de les détester…Assass