MaximeLa nuit est lourde, oppressante. J’ai l’impression que l’air est plus épais, comme si le poids de la décision qui m’attend l’alourdissait.Je suis assis dans ma voiture, stationnée à quelques rues de mon appartement. Le dossier d’Anton De Luca repose sur le siège passager, comme une malédiction silencieuse.Ils veulent que je le tue.Je ne suis pas un saint. J’ai fait des choses dont je ne suis pas fier. J’ai volé, manipulé, menacé. Mais je n’ai jamais pris une vie de sang-froid.Et aujourd’hui, Moretti exige que je franchisse cette ligne.Je sors mon téléphone et compose un numéro.— Hugo.Sa voix est tendue, comme s’il devinait déjà ce que j’allais lui dire.— Ouais ?— On doit parler. Tout de suite.---Le Poids du SangHugo me rejoint dans un bar discret, un endroit où personne ne pose de questions. Il s’installe face à moi et commande un whisky.— Vas-y, crache le morceau.Je pousse le dossier vers lui. Il l’ouvre, parcourt rapidement les pages, et siffle entre ses dents.
MaximeLa Femme en Rouge22 h pile.Le club de Moretti est un joyau de luxe dissimulé derrière une façade anodine. Sélection stricte, clientèle triée sur le volet, champagne à flots et discussions dangereuses.Je franchis les portes et suis immédiatement accueilli par une ambiance feutrée, tamisée par des lumières rouges et dorées.Des hommes en costards impeccables échangent des regards complices, des alliances se forment dans l’ombre. Je ressens les regards sur moi.— Maxime.Luciano Moretti se lève d’un fauteuil en cuir, un verre de whisky à la main. Il est accompagné de plusieurs hommes influents, mais c’est la femme à sa droite qui attire mon attention.Rousse, robe fendue, lèvres écarlates.Son regard est un mélange de défi et d’amusement.— Je te présente Mila.Elle me tend une main délicate, que je serre avec précaution.— Enchantée, Maxime. J’ai beaucoup entendu parler de toi.Sa voix est une caresse dangereuse.Je ne réponds rien, me contentant d’un léger sourire.Moretti po
MilaElle hausse les épaules.— Je suis là depuis longtemps. J’ai appris à survivre.Elle se penche légèrement, ses lèvres à quelques centimètres des miennes.— Sois prudent demain.Puis elle recule et disparaît dans la nuit.Je reste immobile un instant, analysant ce qu’elle vient de faire.Une alliée ?Ou une manipulatrice de plus dans ce nid de vipères ?La Livraison2 h du matin.Le hangar 47 est plongé dans l’obscurité.Je m’avance, les sens en alerte.Marco Conti est là, accompagné de plusieurs hommes. Une dizaine de caisses sont alignées sur le sol.— Tu vérifies la marchandise.J’ouvre une caisse.Des armes.Je m’y attendais.Mais un détail attire mon attention : certaines sont marquées d’un sceau officiel.De la marchandise volée à la police ou à l’armée.Je referme lentement la caisse.— Tout est en ordre.Conti me fixe, cherchant une faille dans mon comportement.Puis il se tourne vers un de ses hommes.— Chargez tout.Les minutes s’écoulent, et bientôt les camions sont ple
MaximeLes ténèbres dissimulent les vérités les plus dangereuses. Je le sais. Je les ai vues de près, et elles me regardent en retour.Ce marché, cette jungle où règnent la peur et la trahison, ne laisse aucune place aux hésitations.Mila et moi, nous jouons un jeu mortel. Et ce soir, je vais faire mon premier mouvement.---Un Vol à Haut RisqueLa nuit est tombée depuis longtemps quand je me faufile dans le dépôt où Moretti reçoit son chargement. Mila est déjà sur place, postée près des conteneurs.— Tout est en place ? murmuré-je.Elle hoche la tête.— Deux gardes à l’entrée, trois à l’intérieur. Armés, mais distraits.Parfait.Nous devons prendre le camion contenant la marchandise avant que Moretti ne l’envoie à son contact. Si nous réussissons, nous aurons un atout majeur contre lui.J’ajuste mon silencieux. Mila fait de même.Nous avançons, l’un à gauche, l’autre à droite.Les deux premiers gardes sont éliminés en douceur. Deux tirs précis dans la nuque, aucun cri, aucun bruit.L
MaximeJe fais signe à Mila, qui ouvre l’arrière du camion.Il siffle en découvrant la marchandise.— Putain, t’as fait fort.— Je sais. Alors, on fait affaire ?Il hoche la tête et claque des doigts. Un de ses hommes lui tend une mallette remplie de billets.— 50 % maintenant, 50 % après la revente.Je prends la mallette et lui tends une clé USB.— Dedans, y’a toutes les infos sur les armes.Jonas sourit.— J’aime bosser avec toi, Maxime.Moi aussi, Jonas.Mais je sais aussi que dès que j’aurai le dos tourné, il essayera de me doubler.---Le Retour à l’EntrepôtNous laissons le camion à Jonas et rentrons à notre planque.Mila s’étire et s’affale sur le canapé.— Tout s’est passé comme prévu.Je hoche la tête, mais mon esprit est déjà ailleurs.Moretti va bientôt apprendre la disparition de son chargement.Il va paniquer.Et quand il paniquera, il commettra une erreur.— Qu’est-ce qui te tracasse ? demande Mila en me fixant.— Moretti est imprévisible. Il ne va pas juste enquêter. Il
MaximeJe quitte enfin la planque, l’adrénaline encore vibrante dans mes veines, comme une dernière pulsation de cette vengeance qui m’a consumé tout entier. C’est terminé. Du moins, c’est ce que je tente de me convaincre. J’ai accompli ce que je m’étais promis, j’ai rendu justice à ma manière. Mais à quel prix ? En me contemplant dans un rétroviseur fissuré sur le bord de la route, je peine à reconnaître l’homme qui me fait face.Et puis, une image s’impose à mon esprit, nette et implacable : Léa. Son sourire espiègle, la lueur vive de ses prunelles lorsqu’elle me défiait, sa manière exaspérée de lever les yeux au ciel devant mes absurdités. Je l’ai abandonnée, reléguée au rang de simple parenthèse dans mon tumulte. Pourtant, la vérité est tout autre : elle est mon ancre, mon repère dans cette obscurité qui menace de m’engloutir.Je prends une profonde inspiration et me décide enfin. Il est temps de rentrer, cette fois pour de bon.Quelques heures plus tard, me voici devant sa porte.
MaximeJe quitte l'appartement de Léa sur des jambes lourdes, comme si chaque pas me menait plus loin d'elle, mais aussi un peu plus près de moi-même. Ce n'est pas une rupture, ce n'est pas une victoire. C'est un entre-deux, un espace suspendu entre le passé que je porte et l'avenir que j'aspire à construire. Elle m'a laissé une chance. Peut-être pas celle que j'espérais, mais une chance quand même.Les rues s'étendent devant moi, désertes, froides. La nuit est tombée, et je me retrouve à marcher sans but, simplement parce que l'idée de rentrer chez moi m'effraie. Ce silence est lourd, oppressant. Ma tête bourdonne encore des mots de Léa, de ses doutes et de sa réticence. Elle a raison de se méfier. Elle ne sait pas encore si elle peut me faire confiance. Moi-même, je ne suis pas sûr de pouvoir la convaincre que ce changement est réel.Je prends un tournant sans réfléchir, me laissant guider par le flot de mes pensées. Une brise glacée me frappe le visage, me tirant de mes réflexions.
MaximeLe silence de la pièce m’étouffe. Le bureau est trop grand, trop vide. Mes doigts tambourinent nerveusement sur le bureau, mes pensées tourbillonnent, se heurtent comme des vagues. Léa. Il n’y a qu’elle. J’ai tenté de me concentrer sur le travail, de faire face à mes responsabilités, mais l’image de son visage, de ses yeux perçants, de ses lèvres qui bougent sans bruit dans ma mémoire, m’empêche de respirer correctement. Elle me hante.Je n’ai jamais été aussi incertain. Je suis le leader d’une entreprise, un homme que beaucoup suivent, que certains redoutent. Mais face à elle… je suis juste un homme qui a tout foutu en l’air. Et je n’ai pas le droit de la perdre, pas après tout ce que j’ai vécu.Sans réfléchir, je prends mon téléphone. Le doigt hésite un instant, suspendu au-dessus de l'écran, avant d’effleurer le nom qui brûle mes entrailles. Léa. Le téléphone vibre dans ma main comme un signal d’alarme, un ultime appel à l’action. Je ferme les yeux un instant, juste une seco
LéaLe jardin était redevenu silencieux.Comme s’il reprenait son souffle après tant de cœurs battants, de mots chuchotés et de souvenirs réveillés.Camille était partie.Son ombre s’était effacée lentement dans le halo doré de la nuit, et son sourire tremblant restait encore dans l’air, comme une dernière note tenue.Elle m’avait serrée fort. Pas pour me dire adieu, non. Pour dire qu’elle comprenait. Qu’elle me rendait ma place.Qu’elle m’aimait.Mon père aussi.Il avait le regard un peu perdu, comme s’il cherchait la petite fille que j’étais encore quelques instants plus tôt. Il ne m’avait pas parlé — il n’en avait pas besoin. Ses bras autour de moi avaient suffi.Et j’avais senti son front contre mes cheveux, son souffle sur ma tempe, ce soupir qu’il n’avait pas retenu.Puis Maxime avait tout doucement éteint les guirlandes.Une à une, les lumières avaient cligné, vacillé, puis rendu l’âme, comme des lucioles fatiguées.Il avait soufflé les bougies sans bruit, ramassé les verres, l
MaximeJe l’ai regardée s’éloigner vers la salle de bains, ses hanches ondulant avec cette aisance que j’avais vu revenir peu à peu, depuis qu’on était ici.Elle se reconstruisait.Et moi, je me reconstruisais avec elle.Quand j’ai entendu l’eau commencer à couler, longtemps, sans précipitation, j’ai pris mon téléphone.Deux appels. Pas plus.Mais deux essentiels.Son père.Et Camille.Je ne leur ai pas expliqué. Il n’y avait pas besoin.J’ai juste dit que j’avais besoin d’eux ce soir. Que c’était important. Que ça devait être simple. Vrai. Doux.Comme elle.Camille a eu mille réactions en une seconde.Elle a d’abord cru à une mauvaise nouvelle. Puis à une fête surprise. Puis à une demande en mariage.Et elle m’a balancé dans la même phrase : « T’as intérêt à pas faire ça à l’arrache, Maxime, je te jure. »Je lui ai dit de me faire confiance.Son père, lui, a été d’un calme qui m’a traversé comme un souffle.« Dis-moi l’heure. »Rien d’autre.Je crois qu’il savait.Ce type sent tout.
LéaLe matin est tombé sur la maison comme un voile de soie.Je me suis réveillée avant lui.Ou plutôt : je me suis laissée réveiller par la lumière.Elle entrait à flots, douce et dorée, comme si elle savait que c’était notre premier matin ici. Qu’il ne fallait rien brusquer. Rien forcer.Tout était encore en suspens.Des cartons posés contre les murs, des vêtements sans place, des objets silencieux sur les étagères vides.Mais dans le lit, ce matin-là, il y avait nous.Je suis restée allongée un moment, à l’écouter respirer derrière moi.Son torse effleurait mon dos.Son bras, en travers de mes hanches, me gardait là, ancrée.Ce n’était pas une étreinte possessive.Plutôt un fil invisible.Un attachement muet.J’avais envie de bouger, de me retourner. De le regarder dormir.Et puis non.Je voulais juste être là, dans cette lenteur neuve.Dans ce presque rien.Il y avait une paix dans ce lit qu’on avait déplacé la veille au soir, à la hâte, au milieu des rires fatigués et des draps f
LéaLe carton glisse entre mes doigts.Il n’est pas lourd. Pas vraiment. Mais mes bras tremblent un peu.Ce n’est pas la fatigue.C’est autre chose. Une onde invisible qui parcourt mon corps, entre la peur et l’excitation.Je suis debout au seuil de la maison.Notre maison.Maxime ouvre la porte devant moi, avec ce geste calme et précis qu’il a toujours eu, comme s’il savait exactement ce qu’il faisait — alors que je vois bien dans ses yeux qu’il est aussi bouleversé que moi.Le bois craque légèrement sous nos pas.L’air est un peu plus frais à l’intérieur. Et il y a cette odeur particulière — mélange de peinture, de poussière fine et de promesses.Il pose la main sur le chambranle, puis se tourne vers moi.« Bienvenue chez toi. »Je ne réponds pas.Je ne peux pas.Je regarde autour de moi, les murs nus, les fenêtres immenses, les éclats de lumière qui se posent déjà au sol comme des présences.C’est réel.Et irréel.Je pose le carton dans l’entrée.Et j’avance.---MaximeElle marche
LéaLa nuit avançait.À petits pas feutrés, comme si elle avait peur de troubler l’équilibre fragile qui s’était instauré entre nous.Je croyais que les émotions s’étaient déjà toutes exprimées.Que le cœur avait tout dit.Mais Maxime gardait encore quelque chose.Je le sentais dans sa respiration.Dans cette tension infime, nichée au creux de son silence.Il m’avait parlé d’amour.Il avait posé ses mains sur mon ventre, sur ce petit être à venir.Et moi, je m’étais laissée envelopper.Pas tout à fait rassurée.Mais un peu plus vivante.Et pourtant…Il y avait autre chose.Un éclat au fond de ses yeux.Une hésitation qui n’avait rien à voir avec le doute.Plutôt cette forme d’appréhension qu’on ressent juste avant de faire un pas important.Un saut.Il s’est redressé légèrement, sans me lâcher du regard.Comme s’il se préparait à me confier une vérité encore plus fragile.Et j’ai su.Qu’on allait franchir une autre frontière.« Il y a encore une chose que je dois te dire… »Sa voix ét
LéaIl était presque vingt-trois heures.La nuit avait recouvert la ville d’un silence dense, ponctué de quelques sirènes lointaines et du clapotis discret de la pluie contre les vitres.J’étais dans mon lit, mais pas vraiment là. Mon corps reposait, figé, alors que mon esprit flottait quelque part entre le regret, l’attente et la fatigue.Je ne pleurais plus.Je ne pensais plus pleurer.Mais chaque battement de cœur était une tension muette, un fil tendu à craquer.Je croyais qu’il ne viendrait pas.Je croyais que c’était fini.Qu’il n’y avait plus rien à dire.Et pourtant… quelque chose en moi résistait.Pas l’espoir — non. Plus ça.Mais un instinct, peut-être. Une mémoire.Et puis, la sonnette.Un son net, étrangement doux dans cette nuit suspendue.Mon cœur a cessé de battre pendant une seconde.Puis il est reparti, en désordre.Je suis restée figée.Quelques secondes à peine.Mais assez pour sentir ce qu’un simple « ding » pouvait réveiller.La peur. L’élan. La colère. Le manque.
LéaLe soir est tombé sans que je m’en aperçoive.Je suis restée longtemps dehors, après le départ de Clara.Assise sur ce banc, les mains dans les poches, le regard perdu entre les branches nues d’un arbre et les fenêtres allumées des appartements.Je ne savais pas encore quoi faire de ce moment.Ce qu’il représentait.Cette paix silencieuse qu’elle m’avait offerte. Ce renoncement sans violence.Comme un cadeau involontaire.Ou un adieu muet.J’étais rentrée lentement. Les jambes lourdes, le cœur en apnée.L’appartement était resté tel que je l’avais laissé : vide, tiède, immobile.Et cette fois, ce n’était pas seulement le silence…C’était l’absence.---Je me suis glissée dans le lit sans allumer la lumière.Je voulais rester dans l’ombre, là où mes pensées pouvaient flotter sans être jugées.Je crois que c’est là que j’ai pleuré.Pas bruyamment. Pas comme dans les films.Mais ces larmes muettes, longues, chaudes, qui coulent sans même secouer les épaules.Celles qui lavent ce qu’o
LéaJe suis restée seule, assise sur le canapé, longtemps après son départ.Le silence s’était refermé comme une chape sur la pièce. Trop dense. Trop lourd. Trop vrai.Tout semblait suspendu. Comme si le temps lui-même retenait son souffle.Il n’y avait plus de cris, plus de battements furieux, plus d’illusions. Seulement cette vérité brute qui tenait encore dans l’air, comme un résidu amer sur la langue.J’ai posé une main sur mon ventre, par réflexe.Comme pour me rappeler ce que je portais.Comme pour lui dire, à ce petit être à peine perceptible : Je suis là. Je tiens. Je ne bouge pas. Même si tout autour vacille.Je ne savais pas si j’étais soulagée ou anéantie.C’était sans doute un mélange des deux.Un étrange vertige entre lucidité et douleur.Il avait été honnête. Brutalement honnête. Et ça faisait mal.Mais j’en avais besoin. Parce qu’il fallait ça, cette clarté, même tranchante.Je ne voulais plus être celle à qui l’on cache. Celle à qui l’on ment pour “la protéger”.J’étai
LéaEt je ne voulais pas qu’elle nous rattrape plus tard, comme un poison lent. Je ne voulais pas faire semblant. Plus maintenant. J’avais trop vécu dans les demi-mots, les silences chargés, les zones grises. J’avais trop laissé les autres écrire les lignes de ma vie.Alors je me suis reculée. Juste assez pour qu’il comprenne que ce que j’allais dire comptait. Que ce n’était pas un caprice. Que c’était important. Inévitable.« Et Clara ? »Il a figé.Un battement de paupières. Un silence dense. J’ai senti quelque chose se tendre sous sa peau, comme un fil qui menace de rompre.Je l’ai regardé droit dans les yeux. Sans colère. Sans hargne. Juste avec cette force calme qu’on apprend quand on n’a plus rien à perdre. Quand on a déjà tout perdu une fois.« Elle est aussi enceinte de toi. Qu’est-ce que tu comptes faire ? »---MaximeJ’aurais voulu qu’elle ne le sache pas. Mais bien sûr qu’elle savait.Léa a toujours su voir au-delà des mots. Au-delà des silences. Elle sent les failles, mê