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CHAPITRE .02

                                    

                                          

     Alyssa

                      

Comprendre ? Je n'attends que ça depuis le début. Il y a bien trop de choses que j'ignore encore à leur sujet. Tant de choses qui m'aideraient sûrement à mieux pouvoir appréhender leurs réactions. Je suis encore sous le choc des révélations de Mélina. C'est vrai. Pourtant, ce n'est pas avec elle ou avec moi-même que je dois en parler. Non. Seules Nelly et moi sommes concernées. C'est un sujet qui ne nous concernent que nous.

                      

Avait-elle réellement conscience des conséquences de ses actes ? Si oui, ce sera alors à mon tour de la sauver des griffes de Mara. Je ne peux pas toujours me laisser sauver sans pouvoir en faire de même avec mes amis.

                      

Inspirant profondément, je me remets rapidement les idées en place tandis que mon visage bouge faiblement dans un signe positif.

                      

«Je suis prête à t'écouter Mélina.»

                      

«Bien. Quant à vous autres, je suppose que d'essayer de vous cacher la vérité ne résoudra rien.»

                      

Sans trop grand étonnement, je constate à mon tour que les visages des quatre autres présents affichent un air convaincu et sûr d'eux-mêmes. Après tout, qui ne voudrait pas entendre ce genre de vérité ? Certainement pas moi à leur place. Je suis curieuse et je le conçois depuis tout ce temps. Néanmoins, j'ignore s'il s'agit d'une bonne idée de nous laisser nous imprégner de ses souvenirs de la sorte.

                      

«Au fond, je ne suis pas tellement étonnée. Néanmoins, pour comprendre, j'ai besoin que vous voyez la scène de vos propres yeux. Il faut que vous puissiez comprendre réellement ce qui nous est arrivée avant d'être ici. Je ne pourrais tout vous montrer mais l'essentiel sera là.»

                      

«Et comment comptes-tu faire une telle chose ?» Demanda Benjamin à l'intention de la petite Sorcière.

                      

«Comme je vous l'ai dis, Nelly et moi possédons un passé commun mais ce n'est pas tout. Nous sommes comme reliées l'une à l'autre. C'est un sort que je ne peux pas généralement utiliser mais pour cette fois-ci, je pense qu'il est nécessaire. Approchez.»

                      

Silencieux comme des carpes, nous nous avançons doucement vers elle. Ses mains se tendent en notre direction et elle saisit fermement la mienne. Puis, après nous avoir fait signe de saisir la main de chacun, elle jette un bref regard à notre amie toujours profondément endormie. 

                      

«Tu comptes voyager dans ses souvenirs c'est ça ?» Lance Lucas après avoir saisit ma main.

                      

«Vous devinez bien cher délégué. C'est pourquoi, j'ai besoin que vous restiez calme et que vous n'essayiez pas de briser notre lien. C'est la première fois que j'utilise ce genre de magie et donc je ne garantie pas que tout se passera au mieux mais essayez de me faire confiance. Nous n'avons pas vraiment le choix. Prêts ?»

                      

Après s'être jeté brièvement un regard collectif, nous hochons doucement notre tête afin de lui faire comprendre que nous sommes d'accord. L'asiatique affiche un faible sourire satisfait puis joint finalement sa main libre à celle de Nelly. Ses paupières se ferment doucement et je l'entend inspirer profondément. Aucune parole ne s'échappe d'entre ses lèvres. Pourtant, je suis bien consciente du fait qu'à l'heure actuelle, son utilisation de magie est plus élevée que d'habitude. Elle qui a déjà combattu, voilà qu'elle se retrouve à nouveau à user de ses pouvoirs. Encore une chance qu'aucun de nous n'aient un match avant un bon moment.

                      

Nos paupières se ferment à leur tour et je sens peu à peu mes esprits voguer vers d'autres horizons.

                      

     FLASH-BACK NELLY

                      

«Dis dis Nelly, qu'est-ce que tu fais ?» Demanda curieusement la petite fille aux yeux bridés en penchant son visage.

                      

«Je lis Mélina. Tu devrais en faire de même et étudier tu sais.»

                                  

              

                    

«Étudier ? Allons ne racontes pas de bêtises et viens jouer avec moi ! J'ai appris un nouveau sort viens regarder !»

«Je ne peux pas et tu le sais. Maintenant laisses-moi s'il te plaît.»

«Arrêtes donc de faire ta rabat-joie deux secondes et suis-moi ! Je suis sûre que tu en meures d'envie en plus de ça. Tu es ici depuis des heures !»

Sans pouvoir contester d'avantage, la plus jeune saisit mon bras en rigolant joyeusement. Elle commence ainsi à courir en dehors ma maison. Premièrement surprise, je me laisse finalement entraîner avec un léger sourire aux lèvres. A quoi bon lutter ? Elle ne changera jamais. Mélina est très certainement la seule à pouvoir me laisser m'évader de la sorte sans aucun soucis. 

Nous traversons rapidement le village sous le regard bienveillant des autres habitants. Ceux-ci nous saluent poliment ou rigolent face à notre entrain et notre innocence tandis que nous rions de bon cœur toutes les deux. Après quelques minutes de courses, nous atteignons enfin un coin un peu plus isolé de la forêt.

«Pourquoi être allée aussi loin ?» Demandais-je en reprenant mon souffle. 

«Tais-toi et regardes !»

«Mais-»

Je n'ai nullement le temps d'ajouter quelque chose que je la vois se hisser sur un rocher voisin. Intriguée, je l'observe silencieusement avant de voir une flopée de feuilles tourbillonner autour de nous. Très rapidement, des fleurs s'y mêlent et le spectacle en devient d'autant plus beau et captivant. La petite rigole vivement en laissant la nature manifester sa beauté en laissant chaque couleur du pelage des arbres se refléter à travers le soleil.

Très vite, je suis happée vers d'autres pensées et me laisse ainsi succomber devant l'envie de participer à ce spectacle. Quelques instants plus tard, nous sommes toutes les deux entrain de jouer à travers la forêt.

«J'ignorais que les Sorcières étaient niaises à ce point par ici.»

Une voix, que je connais déjà, nous sort de notre amusement. Étendues au sol, je me redresse doucement sur mes coudes tandis que Mélina est déjà debout et dressée devant moi.

«Qu'est-ce que tu veux Alexandre ? Tu n'es pas censé approcher notre village et tu le sais.»

«Comme si les êtres de mon espèce étaient destinés à respecter vos stupides règles. Si nous le faisons, c'est simplement pour pouvoir assurer nos arrières mais ne rêvez pas trop. Un jour, nous viendrons. Et ce jour-là, je te prendrais tout petite princesse.»

Mes sourcils se froncent inconsciemment à l'entente de ses paroles. Alors que je suis prête à répondre à ses propos, je vois mon amie se tourner vers moi et me relever sans grand mal. Elle me regarde quelques instants avant de tourner son regard vers Alexandre.

«Allons-y Nelly. Tes parents ne veulent pas que tu sois en leur présence.»

«Encore toi. Tu peux toujours essayer de la protéger, tu ne seras pas toujours là pour elle.» Ricane le blond en enfouissant ses mains dans ses poches.

«Je serais toujours là. C'est mon rôle.»

«C'est ce que nous verrons. Je me demande bien combien de temps durera encore ce petit jeu.»

Sur ces paroles, nous nous évadons rapidement en direction de notre village tandis que je lance un dernier coup d'œil au Sorcier. Il me lance un petit sourire en coin avant de disparaître à son tour. Cette rencontre n'est pas la première et ne sera très certainement pas la dernière.

«Cet enfant est encore revenu ?» Déclare mon père après avoir relevé l'attention devant notre arrivée.

«Oui monsieur. Il n'a eu le temps de ne rien faire bien heureusement. Juste parler comme à leur habitude. J'ai emmené Nelly avant que les choses ne puissent dégénérer.»

            

              

                    

«Bien. C'est une bonne chose dans ce cas. Je peux compter sur toi Mélina. Ce n'est pas la première fois que ce garçon vient nous rendre visite. Il faut se méfier de lui. Ma fille, viens ici deux minutes.»

Hochant doucement mon visage, je délaisse la main de mon amie afin de m'approcher de mon père. Celui-ci me prend sur ses genoux et je laisse mon regard s'entrecroiser au sien. Un faible sourire naît sur ses lèvres tandis qu'il me caresse le front.

«Ma puce, tu ne dois pas écouter ces Démons. C'est compris ? Tout ce qu'ils désirent, c'est notre perte. Ils veulent nous effrayer pour mieux nous avoir. Heureusement pour nous, ta mère et ses camarades sont là pour nous protéger. Il n'y a donc rien à craindre, d'accord ? Tout ce que je te demande c'est de ne pas m'approcher d'eux. C'est compris ?»

«Oui papa. Je te le promet.»

«Parfait. Allez, retournez à la maison toutes les deux. On se rejoint ce soir ma chérie.»

Sans chercher à m'imposer d'avantage, je saute hors des genoux de mon père et rejoint la petite Sorcière qui s'était éclipsée entre temps. Elle m'adresse un faible signe de la tête avant que je ne lui rende et que nous nous rendions vers ma maison.

«Ah vous voilà rentrées toutes les deux !»

«Elizabeth, je meurs de faim, tu pourrais nous préparer quelque chose à manger ?» Demandais-je.

«Bien sûr mesdemoiselles. Prenez place.»

Elizabeth est plus ou moins reconnue comme étant ma nourrice attitrée. Mes parents étant tout deux très occupés par leurs fonctions, ce fut elle qui fut chargée de moi depuis ma plus tendre enfance aux côtés de Mélina. Dans notre village, l'organisation y est assez spéciale. Et pourtant, malgré mon jeune âge, j'en connais déjà son fonctionnement. C'est ainsi dans ma famille. On se transmet ce savoir.

Ma mère est plus ou moins considérée comme étant la Grande Prêtresse de notre village. Elle est celle qui veille sur le bon fonctionnement et la protection de nos terres. Elle est assistée de nombreuses autres Prêtresses qui lui donnent appuie. La mère de Mélina en fait d'ailleurs partie. Quant à mon père, il se charge de gouverner également le village mais d'une manière bien plus politique et économique. C'est à lui que revient la charge d'organiser notre vie.

Et dans cette grande lignée que possède ma famille, je suis destinée à reprendre le flambeau de ma mère. C'est ainsi que se déroule les choses dans notre famille depuis des générations. Je serais la prochaine Grande Prêtresse et Mélina sera l'une de mes Prêtresses également. Elle est ma protectrice. 

«Tenez.»

Je suis rapidement sortie de mes pensées en sentant une bonne odeur de chocolat se heurter à mes narines. Un faible sourire, je ne manque pas de remercier la femme tandis que je distingue clairement Mélina se jeter sur son goûter. Elle ne rate aucune miette, bien trop en appétit.

Amusée, je laisse ces sombres pensées de côté afin de me concentrer sur cette bonne nourriture. Avoir les idées noires ne me servira à rien. Tout ira bien. Nous sommes en sécurité.

[...]

«Nelly ! Mélina !»

La voix alertée de Elizabeth me glace le sang. Je suis immobile devant une telle scène. Comment ? Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ? Nous étions simplement entrain de nous amuser et d'un coup, ce bruit terrible à retentit. Il n'a pas fallu quelques secondes de plus pour que notre maison soit bombardé d'attaques. Tout comme le reste du village.

Blottie contre un meuble aux côtés de Mélina, je toussote faiblement sous les débris. Au dessus de moi, Elizabeth nous regarde d'un air attristé. Plusieurs larmes de sang s'écoule de son crâne tandis qu'elle peine à conserver ses forces. Je ne sais comment mais un morceau de bois du plafond vient de s'écrouler sur elle. Pétrifiée de peur, mon souffle se coupe tandis que je la regarde fixement.

            

              

                    

«Liz...» Lançais-je d'une voix tremblante.

«Mon dieu Elizabeth ! Tu... Tu-» Commence Mélina d'une voix tremblante.

«Mélina, il faut que tu amènes Nelly le plus loin possible. Vite. Ils en ont après elle. Il faut la mettre à l'abri...»

«Mais, et toi ?...»

«Partez. Il est bien trop tard pour moi mes enfants... Fuyez tant qu'il en est encore temps. Je les retiendrais le temps que vous puissiez partir assez loin.»

«Il en est hors de question ! Tu m'entends ?! Jamais je ne te laisserais ici.» Vociférais-je.

Ma voix s'élève dans l'air tandis que je la regarde furieusement. Mes yeux me piquent et je ne maîtrise plus le flot de larmes qui s'échappent de mes lèvres. Je ne suis plus une enfant désormais. Je sais bien qu'au vu de son état, il est bien trop tard pour elle. Et pourtant, je ne peux me résoudre à cette idée. C'est impossible. Pas elle.

Sans que je n'ai le temps de réagir, le corps fébrile de la vieille femme vient nous englober toutes les deux. Sanglotante, j'écarquille quelque peu les yeux tandis que quelques reniflements me parviennent jusqu'aux oreilles. Pitié. Ne pleure pas Liz. Ne m'abandonne pas.

«Je suis tellement fière de vous deux... Vous avez tellement grandis. Je vous revois encore à cette époque, courant à travers ce village comme si le malheur n'existait plus. Vous êtes notre lumière et vous le resterez jusqu'à la fin. J'aurais aimé pouvoir vous voir grandir encore un peu... Si vous saviez... Pitié, c'est mon dernier souhait. Partez vous deux. Vous ne pouvez rester ici. Je vous protégerais jusqu'à la fin. Mes deux filles vivez pour moi.»

Mes sanglots redoublent à l'entente de ses paroles et je ne peux m'empêcher de resserrer mon emprise sur ses vêtements sanglants. Je sens peu à peu ses muscles se détendre tandis qu'elle se défait de notre emprise. Un sourire trône sur ses lèvres tandis qu'elle se redresse difficilement. Son regard se dépose sur Mélina et je devine ce qu'il va se passer. Je n'ai pas le temps de réagir d'avantage qu'une main me saisit fermement le poignet et me force à courir à toute allure. J'ai beau hurler et me débattre, rien n'y fait. Mélina persiste. L'image de Liz s'efface peu à peu au loin tandis que je perçois une larme rouler le long de sa joue et que je ne puisse lire sur ses lèvres.

«Je vous aime.»

Mon cœur se serre et je n'arrive bientôt à plus la voir. Courant encore, je ne peux m'empêcher de me tourner vers ma camarade. Bien qu'elle soit silencieuse, je devine qu'elle pleure tout autant que moi.

Notre course se poursuit et je ne peux m'empêcher d'être effrayée par la vision qui s'offre progressivement à nous. Sorciers et Sorcières se prêtent violemment combat. Je reconnais là bien nos assaillants. C'est foutus Sorciers des Ténèbres. De nombreuses victimes sont à l'appel mais je n'ose pas les affronter directement. Je ne veux pas y croire. Pas nous. 

Après plusieurs minutes qui me paraissent être des heures, il me croit apercevoir plusieurs silhouettes familières au loin. Ni une ni deux, je redouble d'effort pour pouvoir les rejoindre au plus vite. Je veux me convaincre que nous en sommes sécurité et que tout va bien.

«Papa ! Maman !»

Ma voix manque de se briser à tout moment tandis que je peine à retrouver mon souffle. Vifs, mes deux parents se retournent vers moi et une expression inquiète trône sur leur visage.

«Nelly ?! Pars d'ici sur le champs !» S'exclame ma mère, paniquée.

Je n'ai nullement le temps de réagir qu'une vibration résonne dans le sol. Brusquée, je manque de perdre équilibre mais bien heureusement Mélina me rattrape de justesse. Elle est tout autant en mauvais état.

            

              

                    

«Quelle bonne surprise. Nous te retrouvons enfin petite princesse.»

L'entente de cette voix et de ce surnom me font relever l'attention. Faible, je relève mon visage et aperçois au loin un homme à la chevelure blonde comme le blé. Deux billes brunes décorent son regard tandis qu'il m'observe avec perversité. Mon sang se refroidit immédiatement. Il ne me suffit pas d'une grande réflexion pour comprendre de qui il s'agit. Alexandre. Son père.

«Une belle famille de réunie. Comme c'est touchant. Depuis le temps que j'attends ce moment avec impatience. Ce jour est enfin venu. Je vais pouvoir enfin prendre revanche et supprimer votre lignée.»

«Comme si nous allions te laisser faire.» Grogne mon père.

«Tu connais d'avance l'issue de ce combat, à quoi bon lutter ?»

Tandis que mon père et l'homme se fixent avec une haine non dissimulée, j'aperçois ma mère accourir vers nous. Ni une ni deux, je me jette dans ses bras en sanglotant de plus belle.

«Maman... Liz est-»

«Je le sais. Je sais Nelly.» Me répondit-elle d'une petite voix.

«Qu'est-ce qui se passe à la fin ? Je ne comprend plus rien maman. Pourquoi ces Sorciers nous attaquent-ils ?»

«Là n'est pas la question. Nous sommes ennemis et ils ont malheureusement décidé de passer à l'étape supérieure. Il faut que vous fuyiez. Toutes les deux. Rester ici serait bien trop dangereux.»

«Maman. Ne me demandes pas de faire ça. Je ne peux pas. Si je te laisse, tu risques de subir le même sort qu'Elizabeth...»

«Nelly. Je t'en pris écoutes-moi. Vous ne pouvez pas rester ici. Ils en ont avant tout après nous. Fuyez tant qu'il en est encore possible. Tu m'as comprise ?»

«Pitié... Dis-moi que vous allez nous rejoindre après.»

Aucune réponse ne me parvient et je devine sa réponse. Un triste sourire se dessine sur ses lèvres. J'aperçois du coin de l'œil la mère de Mélina parler avec sa fille. Et au vue des larmes sur les joues de mon amie, je devine qu'elle lui tient le même discours. Néanmoins, à mon contraire, l'asiatique hoche faiblement son visage comme si elle comprenait. Comment le peut-elle ?

Le pouce de ma mère effleurant une de mes larmes me fait relever l'attention vers elle tandis qu'elle embrasse mon front.

«Je serais toujours là. Tu le sais. Quoi qu'il arrive, je demeurerais toujours ici.» Me souffle-t-elle en pointant un doigt sur mon cœur.

«Mais-»

«C'est ainsi depuis des générations. Nous, Prêtresses, sommes destinées à cet avenir. Nous devons protéger notre peuple quel qu'en soit le prix. Tu le sais Nelly. C'est pourquoi, fuis tant qu'il en est encore temps. Je t'en supplie. Tu es notre seule espoir. Lorsque je ne serais plus là, tu seras là pour pouvoir les guider à notre place.»

Les mots se bloquent dans ma gorge tant j'aimerais parler. Ce n'est que lorsqu'une explosion retentit que je me met à sursauter. Plusieurs Sorciers ennemis viennent d'arriver et bombardent désormais les derniers survivants de notre camp. Très rapidement, ma mère se redresse en m'embrassant le front. J'aimerais pouvoir la retenir mais elle s'élance vivement vers l'ennemi. Ses Prêtresses suivent le mouvement et bientôt c'est un affrontement entre les deux camps qui retentit. 

J'aimerais pouvoir agir mais mes pieds restent fermement ancrés dans ce sol. Des cris suivis de silences se succèdent. Les morts tombent peu à peu au sol et je continue d'observer la scène, paralysée. Ce n'est que lorsque j'entends Mélina prononcer une formule en empoignant mon bras que je comprends ce qu'elle essaye de faire.

            

              

                    

«Mélina non !» Hurlais-je.

Trop tard. Ma vue se brouille et je sens que mon corps disparaît peu à peu de cet endroit. La dernière vision qui m'apparaît et celle de mes parents, luttant férocement contre l'ennemi. 

Un sol froid se heurte à mes fesses mais je n'en tiens pas rigueur. Cette douleur n'est que superficielle comparée à celle que mon cœur ressent. Perdue, je lance plusieurs coups d'œil autour de moi avant de comprendre que nous sommes dans une sorte de grotte. Ma camarade semble déjà être entrain de poser plusieurs sorts tout autour afin de nous garder en sécurité. Où sommes-nous au juste ?

«Où est-ce que tu m'as amené ?»

«Dans un lieu en sécurité. Ils ne nous auront pas ici. Nos mères avaient prévu ce lieu en cas d'attaque.»

«Pourquoi as-tu fais ça ?... Comment as-tu pu les abandonner ?!» 

Mes yeux s'écarquillent soudainement lorsque je sens une main se heurter violemment contre ma joue. Le contact est brûlant et je ne peux m'empêcher de détourner le visage sous l'impact. Immédiatement, ma main se porte à ma joue tandis que je reste bouleversée. Les petites mains de Mélina m'attrapent par les épaules avant qu'elle ne me force à la regarder.

«Tu crois que ça m'amuse peut-être tout ça ?! Ma mère est aussi sur le champs de bataille je te rappelle ! Nous sommes dans la même situation. Sauf que contrairement à toi, je sais pertinemment ce qui se passera. En restant là-bas, nous ne serions que des proies faciles et des fardeaux. Je sais que c'est dur mais... Nous n'avons pas le choix ! C'est le seul moyen de pouvoir survivre. Nous ne pouvons plus rien faire. Il faut juste attendre désormais.»

«Attendre ? Tu plaisantes j'espère ?»

«Nelly, ne me complique pas la tâche. Si ça ne tenait qu'à moi, je serais aussi restée là-bas et pourtant je suis là avec toi. Et tu sais pourquoi ? Parce que c'est mon rôle de te protéger. Tout comme c'est le rôle de ma mère de protéger la tienne. Tu sais ce qu'elle m'a dit tout à l'heure ? Tu vas rire... Elle m'a dit que peu importe ce qui pouvait nous arriver, notre mission était avant tout de vous protéger. C'est ainsi que sont les choses. Et que pour une telle tâche, la mort serait également incluse. Je ne suis pas idiote. Je sais que je ne la reverrais plus. C'était un adieu.»

Sa voix se brise à ces dernières paroles et je devine qu'elle pleure tout autant que moi. Sauf qu'à mon contraire, elle ne s'en dissimule pas. Honteuse, je baisse la tête et m'assoie au sol. Mes yeux se ferment et je serre les dents. Faites que tout ne soit qu'un cauchemar. Je vous en pris.

J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis que nous sommes ici. Plusieurs heures peut-être. Je ne sais pas. Pourtant, en apercevant mon amie se relever, je ne peux m'empêcher d'en faire de même. Ses yeux sont rougis par les larmes et sa mine est renfrognée. Elle ne pleure plus et pourtant je sens bien que son cœur reste brisé. 

«La bataille a dû se finir. Je n'entends plus rien désormais.» Conclue-t-elle en rouvrant ses paupières.

«Allons-y dans ce cas.» Lançais-je.

«Nelly, ce n'est pas une bonne idée. Ils pourraient encore nous trouver.»

«Je m'en fiche ils ne seront plus là de toutes évidence à cette heure-ci. Ils ont eu ce qu'ils voulaient. Mélina, allons les voir. Je veux voir cette scène de mes propres yeux. C'est un ordre.»

La petite demoiselle m'observe quelques instants, surprise par le ton que je viens d'employer avec elle. Pourtant, elle ne cherche nullement à discuter d'avantage et lâche un bref soupire. Après avoir levé les sorts posés autour de cette grotte, je la laisse nous transporter à nouveau vers notre village.

            

              

                    

Mon souffle se coupe un bref instant face à cette vue. Des corps. Tous étendus au sol. Parmi eux, je reconnais les visages des habitants. L'odeur de la mort me parvient aux narines et je ne peux m'empêcher de porter ma main libre à ma bouche pour me retenir de vomir. A côté de moi, je sens la main de Mélina exercer une pression sur la mienne. Nous marchons ainsi à travers ce cimetière en silence. Je n'ose pas regarder tout ces visages que je connaissais encore souriants il y a de ça quelques heures. Tout. Ils ont tout détruits.

Puis, finalement, nous parvenons jusqu'au lieu même du grand combat. Mon cœur se serre lorsque je reconnais au loin les dépouilles des Prêtresses. Sans chercher à la stopper, je laisse Mélina se défaire de mon emprise et rejoindre le corps éteint de sa mère. Elle se penche au dessus de celle-ci en pleurant à chaudes larmes. Elle avait déjà perdu son père il y a de ça quelques années et voilà que sa mère vient de subir le même sort. Je ne peux pas supporter ce spectacle. Et pourtant, j'avance également jusqu'au corps inconscient de ma mère. Elle a beau avoir été touché par le combat, sa beauté en reste intact. Tremblante, je m'agenouille à son niveau et glisse une main sur son visage froid.

«Maman...» Soufflais-je en retenant des sanglots.

Aucune réponse. Suis-je bête. Mon regard parcoure rapidement l'ensemble de son visage avant que je ne dépose un baiser sur son front. Ses paupières glissent doucement sous mes doigts jusqu'à se fermer et je dépose ses mains contre son cœur tout en me redressant faiblement. 

«Je t'aime. Reposes en paix maintenant. Ton combat est fini.»

Une respiration difficile non loin de là attire mon attention. Cherchant le responsable, je ne peux m'empêcher d'accourir rapidement en reconnaissant mon père. Il n'est pas mort. Serais-je entrain de rêver ? Une fois arrivée à son niveau, je me laisse tomber au sol en laissant mes yeux se remplir à nouveau de larmes. Faux espoirs. Il est encore vivant mais au vu du trou béant dans son ventre, je doute qu'il ne puisse survivre encore bien longtemps.

Je décide de placer doucement sa tête sur mes genoux tandis que son souffle encore faible se heurte à mon visage. Je caresse doucement ses cheveux, me retenant de ne pas pleurer devant lui.

«Vous êtes en vie toutes les deux... Je suis tellement rassuré.» Murmure-t-il en toussotant.

«Papa, ne parles pas s'il te plaît. Tu es bien trop faible.»

«Ta mère est morte. Je suis tellement désolé Nelly... Pardonnes-moi.»

«Je sais. Ne t'excuses pas je t'en pris. Tu n'y es pour rien dans toute cette histoire. Tu as fais tout ce que tu as pu. C'est moi, j'aurais dû vous écouter.»

Des larmes se forment au coin de ses yeux tandis qu'il peine de plus en plus à respirer normalement. Ma main continue de caresser doucement ses cheveux sur son front. Je veux qu'il puisse vivre ses derniers instants paisiblement. Sans se préoccuper de cette douleur insurmontable qui doit l'envahir. Toutefois, je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils lorsqu'il se redresse. J'aimerais pouvoir contester son geste mais lorsque ses bras m'entourent, je me fige.

«Je t'aime Nelly. Ne l'oublie jamais. Reste pour toujours cette lumière que tu as su être depuis que tu es née. Nous sommes fiers de toi ma chérie. Je suis sûr que de là où nous serons, nous pourrons continuer à l'être.»

«Je t'en pris... Ne me dis pas ça.» Le suppliais-je en m'agrippant ferment à lui.

«N'oublies jamais mes paroles Nelly. Promets-le moi. Tu deviendras à ton tour une Grande Prêtresse. Comme ta mère. Et lorsque ce jour viendra, reconstruit ce village. Donnes-lui une nouvelle vie. Je sais que tu surmonteras cette épreuve. Tu en deviendras plus forte. Je le sais parce que tu possèdes de notre sang. Tu es notre fille et nous t'avons toujours aimé.»

«Ne m'abandonnes pas...» Pleurais-je.

«Tu n'es pas seule Nelly. Tu as Mélina. Plus tard, tu feras la connaissance de tout un tas d'autres personnes. Ils seront tes amis. Tu verras. Et nous aussi, nous resterons tous avec toi. Je t'aime ma fille. Je t'aime tant.»

Ses dernières paroles ne ressemblent plus qu'à un murmure et son étreinte sur mon corps se défait peu à peu. Je comprend alors. Il est enfin parti. Aussi paisiblement que je le voulais. Après quelques minutes restée ainsi, je me décolle doucement de son emprise et le dépose au sol. Un sourire orne ses lèvres tandis que ses yeux sont clos. Les quelques reniflements derrière-moi me font comprendre qu'elle a également fini ses adieux.

«Aide-moi Mélina. J'aimerais faire quelque chose. Rendons leur hommage.»

La petite Sorcière hoche doucement son visage et nous nous mettons en œuvre. Les corps sont désormais disposés au sol, tous dans cette même position avec les mains sur le cœur et les yeux clos. Mes parents sont disposés les uns à côté des autres et j'observe cette foule de cadavres tout en gardant mon sang-froid. Je n'ai plus les forces de pleurer.

Nos mains se joignent et nous murmurons en cœur quelques paroles. Lorsque mes paupières se rouvrent, des milliers de fleurs virevoltent désormais dans les airs et viennent recouvrir peu à peu ces corps meurtris. Cette scène me rappelle tant de souvenirs. Lorsque nous étions toutes les deux enfants. Pourtant, les circonstances ne sont plus les mêmes. Tout a changé.

«Reposez en paix.»

[...]

«Nous sommes ravis de vous recevoir ici. Mélina et Nelly, j'espère que vous saurez vous plaire dans cette Académie jeunes filles. A partir d'aujourd'hui, vous suivrez votre formation et deviendrez nos futurs soldats.»

«Vous pouvez compter sur nous Monsieur Bright.»

Nous nous inclinons toutes les deux face à l'homme tandis qu'une broche décore désormais nos vêtements. Les Anges, voici ceux que nous devons désormais aider. C'est ainsi que sera guider notre futur. Toutefois, plus que tout, je ne désire qu'une chose. 

Monsieur Bright nous a recueilli peu de temps après que notre village soit dévasté. Selon ses sources, le village ennemi a subi le même sort. Il a été celui qui a pris soin de nous bien que la tâche au début ait été assez difficile. Je ne voulais plus avoir de lien avec personne. Cette crainte constante que tout ceux que j'aime meurt ne me quittait plus.

Ce n'est qu'après avoir la venue d'un élève en particuliers dans ce lieu que j'ai décidé d'intégrer cette Académie aux côtés de Mélina. J'aurais pensé ne plus jamais le revoir mais le destin en a décidé autrement. J'ai bien pensé que je mettrais un terme à sa vie en le voyant après tout ce temps mais les professeurs n'ont pas tardé à nous séparer. Je me souviens encore de ce sourire moqueur qu'il portait à ses lèvres ce jour-là. Lui non plus n'a pas oublié.

Nous ne pourrons jamais oublié. Ce drame nous a marqué comme un fer chaud. Ce souvenir reste toujours aussi douloureux et jamais je ne pourrais trouver cette paix intérieure. C'est pourquoi, il le faut.

«Tu sais ce qu'il nous reste à faire désormais ?» Lançais-je à ma voisine.

«Tu peux compter sur moi.»

Nous échangeons un bref regard tandis qu'elle me sourit largement. Restant plus sur la réserve, je me contente de l'inciter à me suivre. Pour notre vengeance, je ferais regretter à Alexandre d'avoir participé à ce massacre. Tu le paieras. De ta propre vie Démon.

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