CHAPITRE .06

                                    

                                          

     Alyssa

                      

«Tu es vraiment sûre qu'il est possible de choisir parmi tout ça ?» Lançais-je d'un ton hésitant, mon menton posé sur ma main.

                      

«Mais oui ce sera absolument parfait comme ça. Je suis sûre et certaine que celle-ci est la bonne. Tu n'es pas d'accord avec moi Nelly ?»

                      

Nous tournons toutes les deux notre regard en direction de la jeune sorcière assise sur son lit. Un faible sourire aux lèvres, celle nous observe attentivement. Son expression semble fatiguée tant ses yeux sont creusés par les cernes. J'ai beau essayé de faire comme si de rien n'était, la voir ainsi me fait toujours mal au cœur. 

                      

«Je pense que c'est une bonne idée oui. Celle-là te va à merveille.» Répond-t-elle simplement.

                      

Mélina ne tarde pas à sautiller vivement sur place tout en tournoyant sur elle-même. Visiblement ravie de la réponse. Une vraie enfant. L'observant d'un air amusé, je ne peux toutefois pas m'empêcher de me remémorer les événements de ces derniers jours. Difficile de faire table rase du passé.

                      

     FLASH-BACK

                      

Les pieds campés fermement dans le sol, je me tiens là. Devant cette porte à rester immobile comme la dernière des idiotes. Elle est enfin réveillée. C'est ce que l'on m'a annoncé tout à l'heure. A cette nouvelle, je n'ai même pas réfléchi deux secondes pour me diriger vers l'infirmerie. Les autres n'ont rien trouvé à me redire, sachant d'avance ma réaction. Toutefois, maintenant que j'y suis, un poids pèse dans mon estomac. Je ne sais plus comment agir, de peur de faire la moindre erreur. Nerveuse, j'inspire profondément avant de frapper à la porte. Un long silence s'en suit.

                      

«Entrez.»

                      

Sa simple voix suffit à me mettre en émotion. Je me retiens et pénètre dans la pièce. La voilà assise sur son lit, m'observant calmement. Un sourire naît sur son visage à la vision de mon visage alors qu'elle me fait rapidement signe de venir. Sans me faire prier, je prend place à côté d'elle.

                      

«Comment vas-tu depuis la dernière fois ?» Me demande-t-elle gentiment.

                      

«Ce serait plutôt à moi de te demander ça Nelly...»

                      

«Comme tu peux le voir, je vais mieux. Disons que les choses s'arrangent petit à petit heureusement. Ce n'était pas grand chose.»

                      

«Pas grand chose dis-tu ? Tu nous as fais une sacré frayeur lors de ton combat ! J'ai vraiment cru que tu gagnerais mais lorsque je t'ai vu tombé... Un peu plus et j'aurais été tabassée de moi-même ce foutu Alexandre !» Grognais-je.

                      

Mon corps se calme immédiatement de sa colère subite lorsque j'aperçois un sourire triste se former sur ses lèvres. Je n'aurais pas dû réagir au quart de tour. Inquiète et désolée, je joins mes mains aux siennes tout en pressant nos paumes ensembles. Je ne peux pas me permettre de la traiter ainsi. Pas après l'horreur qu'elle a vécu.

                      

«Je suis désolée. Je n'avais pas à m'emporter de la sorte contre toi.» M'excusais-je aussitôt, honteuse.

                      

«Je suis au courant Alyssa. Tu n'as pas à prendre des pincettes avec moi à ce sujet. Mélina m'a tout raconté au sujet de ce qui s'est passé pendant que j'étais inconsciente. Je ne veux pas que tu me prennes en pitié à cause de cette histoire.»

                      

Une douleur se fait sentir dans mon cœur au moment où je l'entend prononcer ces paroles. Seulement deux jours se sont écoulés depuis la découverte de son passé et je n'arrive toujours pas à m'en remettre. Du moins, pas lorsque je croise l'une des deux. Et encore moins lorsqu'il s'agit d'Alexandre. Ces dernières quarante-huit heures ont vraiment été difficiles à tenir pour moi. Entre mon désir constant d'étriper ce Sorcier ou encore la haine que me voue certains Démons pour mon affrontement contre Zack, la tension est à son comble.

                                  

              

                    

Mal à l'aise, je coince ma lèvre entre mes dents. Je ne sais quoi lui répondre désormais. La Sorcière se décide rapidement à prendre les devants.

«Crois-moi, j'aurais préféré que tu n'apprennes jamais cette histoire ou du moins, dans d'autres circonstances. Malheureusement, les choses sont ainsi.»

«Pourquoi Nelly ? Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?»

«Pourquoi le devrais-je ? Il me semble que tu portes déjà assez de choses sur tes épaules. Tu es forte et je le sais mais t'ajouter un poids supplémentaire par ma faute n'était pas mon souhait. Je ne voulais pas t'impliquer car je savais immédiatement que les choses changeraient à partir de ce moment. Et puis... Je voulais oublier toute cette histoire. Il ne sert à rien de rester constamment bloquée dans le passé.»

«Pas en sachant ce que Mara t'infligeait durant tout ce temps. Par ma faute.»

Ces mots s'échappent involontairement d'entre ma bouche et je les regrette aussitôt. Bien qu'au fond, tout ne soit que vérité. Tout est de ma faute. Elle n'aurait pas dû s'infliger ça juste pour moment. Dans un sens, je lui en veux d'avoir assumer ce cauchemar seule pendant tout ce temps.

J'hésite quelques instants à retirer mes mains des siennes mais la pression qu'elle me partage me fait vite renoncer à ce choix. Sa chaleur et la savoir vivante me rassure plus que je ne le devrais. Je ne veux pas la brusquer et pourtant je ne fais que le contraire depuis que je suis ici.

«Je n'ai aucun regret. Je savais très bien que Mara s'en prendrait à moi comme représailles. Mais malgré tout, je ne regrette rien, tu m'entends ? Rien. S'il le fallait, je recommencerais encore. Et tu sais pourquoi ? Parce que tu es mon amie Alyssa et que je sais que tu en aurais fais de même. Si je peux t'aider, ne serait-ce qu'un peu, je le ferais.»

Ma gorge se noue et contenir mes émotions me devient difficile. Mes yeux me piquent mais j'ignore ce détail. Je ne veux pas m'effondrer devant elle. A la place, je décide d'enrouler mes bras autour de son corps encore frêle tandis que ma tête se dépose sur son épaule. Automatiquement, je lui caresse les cheveux dans un geste réconfortant. Comment ai-je pu m'attacher autant à cette fille en seulement quelques mois ? Elle est comme une soeur pour moi.

«Merci Nelly... Je suis sûre que de là où ils sont, tes parents sont plus que fiers de la personne que tu es devenue aujourd'hui. Tu peux me croire. Promets-moi une chose. Ne m'abandonnes jamais, d'accord ?»

«Bien sûr. Je serais toujours là.»

     FIN FLASH-BACK

Un léger sourire plane sur mes lèvres tandis que j'observe Nelly. Son corps a reprit totalement de ses forces depuis son réveil. Elle est bien plus robuste désormais bien que je suppose qu'elle a encore besoin d'un peu de repos. Toutefois, comme à son habitude, elle préfère ne pas laisser apparaître ce point de détail.

«Bon. Et si on s'occupait de toi maintenant ?»

Perdue dans mes pensées, j'hausse un sourcil en voyant ma camarade de chambre se lever et se diriger vers moi. Nullement enthousiasmée par son idée, je recule de quelques pas en riant faussement.

«Oui très bonne idée ! Il faut que l'on s'occupe également de toi maintenant Alyssa.» S'exclame joyeusement la plus jeune.

«Moi ? Oh non ce n'est pas la peine. Il vaut mieux commencer par toi Nelly, tu ne penses pas ?» Lançais-je nerveusement.

«Je sais déjà quoi mettre pour l'occasion Alyssa. J'irais me préparer après. Ne fais pas l'enfant. On ne va pas te torturer non plus. Il faut que tu sois toi aussi prête pour le bal de ce soir.»

            

              

                    

Mes épaules s'affaissent alors qu'une faible moue s'affiche sur mes lèvres. Un faible soupire m'échappe par la même occasion. Normalement, le bal devait se dérouler le lendemain même des tournois. Toutefois, au vu des nombreux blessés, nos directeurs ont accordé un délais de cinq jours afin que chacun puisse reprendre en forces et en énergie. Mais surtout afin de préparer la salle. Il aurait bien été idiot que tout le monde ne puisse pas assister à un tel événement.

«Je n'ai pas de tenue de toute manière. Et en plus de ça, je risque d'être sûrement ridicule dans une grande robe comme la tienne Mélina.»

Mon regard détaille rapidement sa tenue. Bien qu'elle ne soit vêtue que de sa robe pour le moment, je ne peux m'empêcher d'être frappée par l'air bien plus mûr qu'elle lui donne. Sa couleur pastel et orangée s'accorde parfaitement à son teint pâle alors qu'elle lui colle de manière assez fluide à la peau. D'ailleurs, ses cheveux clairs ont pris en longueur depuis notre première rencontre. Le tissu descend le long de son corps pour toucher le sol. Elle est simple et pourtant magnifique. Je n'imagine même pas quel en sera le résultat tout à l'heure. 

Quant à moi... Non. C'est tout bonnement impossible. Pourtant, mes amies sont loin de cet avis.

«C'est bien pour cela que l'on a tout prévu pour toi.»

«Q-quoi ? Qu'est-ce vous voulez dire par-là toutes les deux ?» Demandais-je, intriguée.

«On se doutait bien que tu n'aurais pas prévu de robe pour l'occasion. Déjà lors de notre première soirée on avait dû se charger de ce détail. C'est pourquoi, nous en avons fait de même cette fois-ci. Encore une chance que l'Académie soit en contact avec de grands couturiers pour ce coup-là.»

Je n'ai même pas le temps d'ajouter quoi que ce soit que mes deux camarades échangent un regard complice. Puis, se dirigeant vers les nombreux sachets contenant des robes de tout style, je les vois en saisir deux en particuliers. Pourquoi deux ? L'idée ne me rassure pas tellement.

«Comme nous n'étions pas réellement sûres de ce que tu voulais, nous avons pris deux modèles. Je dois t'avouer qu'au début, on voulait quelque chose d'assez représentatif de notre camp mais au fond, cette soirée ne prend pas vraiment en compte ce détail. On fait seulement la fête. C'est pourquoi, la couleur de la robe importe peu.»

«Nous te laissons choisir selon tes préférences. Et pour la taille, ne t'en fait pas. Ce sont parfaitement tes mensurations.»

«Je suppose que je ne vais pas chercher à savoir comment vous les avez eu vous deux.»

Tandis qu'elles se mettent à rire toutes les deux, je décide de m'approcher. Elles ne tardent pas d'avantage et ouvrent le sachet qu'elles tiennent chacune afin de me laisser découvrir. Face à moi, deux robes se dessinent. En effet, les couleurs sont loin d'être celle de notre camp. L'une est noire comme la nuit tandis que l'autre affiche un rouge bordeaux flamboyant. Elles sont magnifiques l'une comme l'autre. C'est la première fois que j'en vois d'aussi belles. Si bien que j'ai encore dû mal à me dire qu'elles me sont réellement destinées.

«A voir ton regard, je vois qu'elles te plaisent l'une comme l'autre. C'est pour cela que nous avons eu autant de mal à choisir nous aussi.» Plaisante Nelly.

Je me contente de lui sourire en riant faiblement avant de me concentrer à nouveau. Les deux arborent plus ou moins le même style bien qu'elles savent aussi se distinguer. Le choix me paraît vraiment difficile. Alors que je m'approche doucement de la robe noire pour la voir plus en détail, un souvenir me revient brutalement en mémoire.

     FLASH-BACK

Cours. Encore et encore. Ne t'arrêtes surtout pas. Ils sont là. Ils sont proches...

            

              

                    

Sans me rendre compte du pourquoi et du comment, je me retrouve vêtue d'une longue robe noir et d'une paire de talons hauts assortie. Le haut semble familier à un corset tandis que le bas se défile en quelque chose de bien plus évasé et bouffant. Bordel. Qu'est-ce que je fais là-dedans ? Une lumière s'allume vivement, m'éblouissant au passage. Je suis obligée de me couvrir de mon bras pour apaiser l'effet désagréable qu'elle me produit.

Tout s'allume autour de moi et je me retrouve entourée d'une multitude de personnes dans des tenues similaires à la mienne. Les femmes en robe et les hommes en costume. Je les reconnais. Entre autre. Ce sont les élèves de l'Académie. Sommes-nous déjà à ce bal ? Impossible. Je ne me souviens de rien.

     FIN FLASH-BACK

Cette robe. Je l'ai déjà vu quelque part. Elle est loin de m'être inconnue. Dans mon cauchemar. Je me revois encore vêtue de celle-ci à essayer de fuir. Je suis immédiatement frappée par le fait qu'elle soit identique à celle que je portais cette nuit-là. Comment est-ce possible ? La suite des événements me revient à leur tour et je ne peux m'empêcher d'éprouver un certain malaise. C'est comme si une voix intérieure m'insufflait de ne pas la choisir. Plutôt idiot. En quoi un tissu peut-il changer le cours des choses ? Pourtant, ce détail ne me laisse pas insensible.

Ma main glisse le long du tissue pour retrouver mon corps tandis que je recule doucement. Mon regard se déporte rapidement sur l'autre tenue. Je ne veux pas avoir à paniquer d'avantage devant cette mystérieuse coïncidence. Mieux vaut-il que j'ai la conscience tranquille pour ce soir.

«Je vais prendre la rouge.» Lançais-je comme si de rien n'était.

«Parfait. Elle s'accordera à merveille avec ton teint et tes cheveux !»

Mes deux amies m'accordent un large sourire. Visiblement, j'ai su jouer assez de mes talents de comédienne pour ne pas qu'elle remarque ce problème. Je ne veux pas les inquiéter pour un petit détail. Nous avons déjà bien assez à gérer ces derniers temps.

«Je te laisse aller te changer de ton côté dans ce cas. Je vais aller en faire de même. Mélina, je suppose que tu vas finir de te préparer en attendant ?»

«Bien évidement !»

Ni une ni deux, la Sorcière s'empare de ma main pour me guider vers la salle de bain. Mélina a de quoi s'occuper dans la chambre avec le miroir et tout le maquillage mis en place. Je garde précieusement la robe dans mes bras tandis que Nelly fait rapidement une halte pour prendre également la sienne. Nous ne sommes pas réellement pudique l'une avec l'autre donc se changer ensemble ne sera pas vraiment un grand problème.

La porte simplement fermée, je commence peu à peu à retirer mes vêtements. Ma camarade en fait de même, dos à moi. Le silence est roi. Pourtant, il n'est nullement lourd ou gênant. Non. Tout simplement normal.

Une fois en sous-vêtement, je ne peux m'empêcher de contempler à nouveau la robe devant moi. C'est assez déroutant de se dire qu'une si belle chose puis être portée sur un corps comme le mien. Ce rouge. Il me rappelle à quel point le feu est ardent. Elle est parfaite. Elles seront mes flammes pour ce soir. J'ignore combien de temps je reste ainsi à l'admirer. Ce n'est que lorsque la voix de Nelly me sort de mes pensées que je cligne des yeux, l'air idiote.

«Tu comptes rester en sous-vêtements longtemps ?» Plaisante-t-elle.

Mimant à nouveau une moue boudeuse, je ne peux m'empêcher d'écarquiller mes yeux en me tournant vers elle. Son corps, habillée contrairement à moi, est couvert d'une longue robe verte. La couleur est émeraude, presque royale. Simple dans son ensemble si ce n'est qu'elle est assez resserrée sur le haut avant de descendre d'une manière bien plus fluide jusqu'en bas de ses jambes. Quelques pierres ornent son décolleté et je ne peux m'empêcher de la trouver superbe dans cette robe. C'est une couleur qui lui convient parfaitement.

            

              

                    

«Quelque chose ne va pas ?» Demande-t-elle en posant ses mains sur ses hanches.

«Hein ? Hum non. Je suis juste étonnée de vous voir toutes dans d'aussi belles tenues. C'est bien la première fois que je vois ça. Tu es magnifique dans tout les cas.»

«Alors crois-moi, tu n'as pas fini de t'émerveiller pour ce soir. Tout le monde sera vêtu de la sorte donc prépares-toi d'avance.»

Un faible rire m'échappe alors que je réalise un peu ma bêtise. Puis, me souvenant de ma tenue actuelle, je me décide à m'habiller également. A vrai dire, je ne sais pas vraiment comment l'enfiler. Elle me paraît tellement précieuse que je crains à tout moment de l'abîmer. Nelly ne tarde pas à venir à mon aide et je la laisse serrer les liens du nouage derrière la robe. Tenant mes cheveux sur le côté, je garde les yeux clos. Je n'ose pas vraiment me regarder dans le miroir pour le moment.

«Je ne comprend pas pourquoi nous sommes obligés de porter de telles tenues.»

«Hm ? C'est assez déroutant les premières fois c'est vrai mais on finit par s'y faire. Un peu comme tout d'ailleurs.»

«Pourquoi lors des anciennes soirées les choses n'étaient pas pareilles dans ce cas ? Les gens semblaient tellement plus décontractés. Comme n'importe quels autres personnes de notre âge.»

«Il s'agit d'un bal cette fois. La tenue est exigée. C'est vrai que c'est un peu idiot dans un sens mais c'est ainsi. Les filles portent toutes de belles robes tandis que les garçons revêtissent leurs plus beaux costumes. On danse, on rit. Nous faisons simplement la fête sans partir dans des excès. Les directeurs racontent que dans nos mondes respectifs, il est normal de festoyer ainsi pour de telles occasions. C'est un peu l'occasion de contraster avec l'image plus rustre que nous donnons lors des combats.»

«Je vois. Mais pourquoi n'est-il pas question de cavalier et de cavalière alors ? Enfin, je pensais que cela se passait toujours ainsi lors de bal.»

«C'est vrai. Je te l'accorde. Néanmoins, nous préférons éviter cela. Les couples peuvent bien évidement venir ensemble mais ce n'est pas une obligation. Nous pouvons simplement venir avec nos amis sans en vouloir plus.»

«Vous ne craignez pas que les Anges et les Démons se mélangent ce soir-là ?» Lâchais-je soudainement.

Un silence plane pendant quelques secondes et j'hésite à jeter un regard derrière moi pour regarder Nelly. Ai-je encore dit quelque chose de mal ? Interrompue, la Sorcière se reprend en continuant à nouer le nœud dans mon dos.

«Cette soirée est une sorte de célébration mais nous en oublions pas pour autant notre haine commune. Toutefois, on essaye de faire en sorte que tout se passe au mieux. Les uns comme les autres. Il ne s'agit pas que de tenue mais aussi de manières.»

Je toussote légèrement en la sentant resserrer soudainement les cordages. Le tissu comprime quelque peu ma poitrine et je ne peux m'empêcher de grimacer faiblement. L'air circule à nouveau dans mes poumons tandis que Nelly termine enfin. Ses mains se posent calmement sur mes épaules. J'ai encore les yeux clos.

«Maintenant, il est temps que tu te découvres. Je savais qu'elle t'irait à la perfection. Je ne me suis pas trompée.»

J'inspire profondément afin de me donner un peu de courage. Les mains légèrement moites, j'ouvre petit à petit mes yeux. Je suis d'abord éblouie par la lumière puis par autre chose. Mon reflet. J'en ai le souffle coupé. Je ne veux pas paraître narcissique mais la vue me laisse sans voix. Est-ce vraiment moi dans ce reflet ? J'ai encore du mal à y croire.

Un sourire fier trône sur les lèvres de ma camarade qui m'observe tout autant. Ses doigts réajustent rapidement mes cheveux alors que je vois son regard se diriger au dessus de ma poitrine. Elle observe la pierre reposant au creux de celle-ci.

            

              

                    

«C'est comme si elle avait été faite pour toi. Ton collier s'accorde parfaitement avec.»

Je ne sais toujours pas quoi dire, bien trop bousculée. A bien y repenser, Nelly est loin d'avoir tort. La pierre et ma robe s'accordent ensemble. Dans un sens, je suis rassurée. Je suis tellement habituée à l'avoir sur moi que la retirer pour une question d'esthétique m'aurait embêté.

La porte s'ouvre derrière nous et je détourne en même temps que mon amie le regard. Mélina nous observe l'une l'autre, des étoiles pleins les yeux.

«Oh mon dieu ! Vous êtes superbes toutes les deux ! Surtout toi Alyssa. Je savais que nous avions fais le bon choix.»

«Je suppose que je ne vais pas faire de remarque sur ce point-là sachant que je suis d'accord avec toi.» Lâche Nelly.

Un faible rire m'échappe devant le visage de la petite asiatique. Elle semble déjà toute prête. Si ce n'est à l'exception de ses fameuses chaussures. Ses cheveux sont simplement détachés et d'une lisseur impeccable. Ses lèvres sont tintés d'un léger rosé alors que ses yeux sont décorés d'une touche de mascara et d'un fard aux aspects rose-orangée. Tout en simplicité mais efficace.

«J'ai fais du bon travail sur moi-même, n'est-ce pas ? Je sais je sais tu peux m'admirer encore quelques instants si tu veux.» Me taquine Mélina en prenant la pose.

«J'ai déjà vu bien plus jolie comme mannequin...» Murmure Nelly histoire de la taquiner. 

La petite Sorcière affiche une faible grimace qui ne tarde pas à nous faire rire toutes les deux. Puis, jetant un bref regard à l'heure, celle-ci décide de presser le pas. Il est vrai qu'à force de discuter ainsi, nous n'avons nullement vu le temps passer. 

Une heure après, nous sommes entièrement prêtes. Toutes les trois. Pour l'occasion, j'ai décidé de me laisser entre les mains de mes deux fidèles amies. Les deux ont insisté pour que je garde mes cheveux lâchés. Selon elles, priver la vue sur mes boucles naturelles seraient du gâchis. Je n'ai pas cherché à insister sur le sujet, préférant leur faire confiance. Quant au maquillage, un léger ombré sur les yeux marron et doré, du mascara et une touche de rouge à lèvre nude. 

Nelly a quant à elle opté pour relever ses cheveux en un chignon assez sophistiqué et romantique. Deux petites mèches bouclés décorent son visage et son maquillage reste tout aussi simple que nous.

«Maintenant, dernière étape. La terrible épreuve des talons. Encore une bonne occasion pour pouvoir se choper des ampoules.» Grommelle Mélina en enfilant ses chaussures.

«Tu peux toujours opter pour tes pantoufles mais pas sûr que cela ne passe inaperçu si jamais il t'arrive un accident. Et te connaissant, cela arrivera forcément.»

«Ne dis pas de bêtises voyons !» Ronchonne la plus jeune.

«Ça ira de ton côté Alyssa ?»

Déjà debout, je pince chaque côté de ma robe afin qu'elle ne me gêne pas trop. Je n'ai jamais eu vraiment de difficulté à porter de talons. Disons plutôt que c'est une sorte d'habitude. Il m'arrivait assez souvent d'en porter lorsque je sortais en soirée avec Vanessa. Bien que notre dernière ne se soit pas vraiment bien passé d'ailleurs d'après mes souvenirs. J'en frissonne rien qu'en repensant à la main de cet inconnu sur moi.

D'ailleurs, j'espère que ma lettre aura su être envoyé à ma meilleure amie. Je l'ai confié aveuglément à Keith. Je sais que je peux lui faire confiance à ce sujet. Il ne me trompera pas aussi facilement sans en payer les conséquences autrement.

«Non ça va. Ce n'est pas la première fois que j'en porte. Je pense plutôt que la robe me posera soucis. Elle est tout de même assez imposante après tout.»

«Plus question de reculer maintenant que tu es entièrement prête. En plus de ça, il serait vraiment idiot de priver les autres de cette vue.»

L'air taquin sur les lèvres de Mélina ne m'inspire guère confiance. J'ignore ce qu'elle a en tête mais la connaissant, je peux m'attendre au meilleur comme au pire.

Finalement prête, nous nous décidons à sortir. Les couloirs sont plutôt calmes et pourtant j'entends déjà un semblant de musique au loin. Mon ouïe me fait sentir que le bal a déjà commencé. Les élèves doivent certainement affluer petit à petit.

Nous avançons ainsi toutes les trois jusqu'à sortir de notre bâtiment. La nuit commence à tomber peu à peu mais les lumières extérieures restent allumées, faisant ainsi comme un chemin. Je le suis calmement en prenant bien soin de ne pas trébucher ou encore de me prendre les pieds dans mon propre vêtement. La tâche semble moins compliqué du côté de mes deux compagnes. L'habitude sûrement comme elles disent.

Après quelques pas, nous parvenons finalement devant les grandes portes menant à la salle. A vrai dire, avant que je n'aide aux préparations, j'ignorais qu'une telle salle existait au sein de l'Académie. Et pourtant, au vu de sa grandeur, je me demande comment une telle chose est-elle possible. Une boule de nervosité se forme dans le creux de mon ventre tandis que j'essaye de paraître droite. 

«Prête à éblouir tout le monde ce soir ?»

Le sourire que me lance mes deux compères me rassurent immédiatement. Répondant premièrement par un hochement de tête, je me met à sourire grandement. Je dois profiter. Tant qu'il en est encore temps.

«Je suis prête.»

C'est donc avec un entrain dont je ne me connaissais pas que je franchis l'entrée. Une lumière m'éblouit et je découvre avec émerveillement ce qui m'attend pour ce soir.

- - - - - - - - - - - - - - - -